Nouvel échec du Comité spécial de la Charte à adopter l'intégralité de son rapport annuel, au terme d’une session 2024 marquée par les dissensions
Pour une troisième année consécutive, le Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation a achevé, aujourd’hui, les travaux de sa session de 2024 sans parvenir à adopter l’intégralité de son rapport annuel. Devant cette nouvelle impasse, certaines délégations ont demandé au Comité spécial de revoir ses méthodes de travail afin de parvenir à un consensus.
Au terme de longues consultations entre les délégations, le Président du Comité spécial, M. Michael Hasenau, de l’Allemagne, a annoncé que, conformément à la pratique des deux dernières années, le Comité spécial adopterait le chapitre I en tant que rapport du Comité spécial pour sa session de 2024. Si la Fédération de Russie, le Costa Rica et l’Australie ont demandé que le rapport soit adopté en dépit des paragraphes qui n’ont pas fait l’objet d’un consensus parmi les délégations, la Tunisie a qualifié une telle mesure « d’injuste ».
Présenté par la Rapporteuse, Mme Gloria Dakwak, du Nigéria, le rapport de la session de 2024 du Comité spécial fait suite à la tenue de deux séances plénières et de trois réunions de son groupe de travail plénier. Il est composé de cinq chapitres couvrant l’ensemble des points à son ordre du jour.
L’examen du chapitre II du rapport, consacré au maintien de la paix et de la sécurité internationales, a exposé les profondes divisions qui subsistent entre les délégations. Au paragraphe 4, l’État de Palestine a proposé un amendement visant à inclure le nombre des victimes de la guerre en cours dans la bande de Gaza, une proposition rejetée par Israël. L’Afrique du Sud s’est opposée, au paragraphe 5, à la désignation de l’attentat mené le 7 octobre par le Hamas comme une « attaque terroriste », ce « point de vue » ne reflétant pas, selon elle, l’avis du Comité spécial, mais plutôt celui de quelques États.
« Si l’attentat du 7 octobre n’est pas une attaque terroriste, de quoi s’agit-il? » a demandé Israël, jugeant de tels propos « ahurissants ». Pourtant, a fait valoir l’État de Palestine, seuls deux ou trois États ont exprimé une opinion contraire lors des délibérations du Comité spécial. Afin de laisser de côté les « considérations politiques », la délégation israélienne a suggéré soit de garder les paragraphes 4 et 5 en l’état, soit de les supprimer dans leur intégralité.
Au paragraphe 6, la Fédération de Russie a dénoncé l’inclusion d’énoncés ne relevant pas de la compétence du Comité spécial, certaines délégations n’hésitant pas selon elle à répéter leur « propagande antirusse ». Dans ce même paragraphe, la délégation ukrainienne a proposé de remplacer le mot « invasion » de l’Ukraine par « agression », par soucis de cohérence avec la terminologie employée par l’Assemblée générale dans ses résolutions sur la question.
S’agissant de la section B du chapitre II, intitulée « Adoption et application des sanctions imposées par l’Organisation des Nations Unies », la Syrie a proposé de supprimer la dernière partie du paragraphe 3, concernant la résolution 2664 (2022) du Conseil de sécurité relative à une dérogation aux mesures de gel des avoirs pour motif humanitaire, arguant que le Comité n’est pas le lieu pour promouvoir une résolution aussi controversée. Une demande à laquelle s’est opposée l’Union européenne.
Au paragraphe 5, l’Iran a rappelé qu’une majorité de délégations avaient exprimé des réserves concernant le recours aux mesures coercitives unilatérales par des États et des groupes d’États, en violation du droit international, en faisant valoir que de nombreuses résolutions de l’ONU reconnaissent que de telles sanctions portent atteinte aux droits des États visés. Une proposition qui a rencontré l’aval de l’Érythrée, la Guinée équatoriale, le Zimbabwe, le Bélarus et l’Ouganda, mais que l’Australie a jugée « incohérente ».
Au paragraphe 6, la Syrie a tenu à établir une distinction entre les sanctions de l’ONU et les sanctions unilatérales, ces dernières ne constituant pas, à ses yeux, un « instrument important pour assurer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». Comme l’Algérie et la Chine, le Brésil a appuyé cette proposition, affirmant que peu d’États Membres sont d’avis que les sanctions unilatérales sont légitimes. Or, le fait est que de nombreuses délégations sont d’un tel avis, a rappelé l’Union européenne, en ajoutant néanmoins que les sanctions ne relevant pas de l’ONU ne devraient pas être traitées par le Comité.
Devant cette nouvelle impasse, l’Australie a proposé que le Comité spécial revoit ses méthodes de travail en partageant les propositions de textes en amont de ses séances, afin que les délégations soient en mesure de poursuivre leurs consultations et, à terme, d’adopter le rapport.
Toujours au chapitre II, à la section « Examen de la version révisée du document de travail présenté par le Bélarus et la Fédération de Russie », ces deux pays ont demandé la suppression du paragraphe 4 concernant la possibilité de solliciter « un avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur la licéité de l’emploi de la force par la Fédération de Russie contre l’Ukraine ». Pour l’Ukraine, au contraire, ce libellé est le reflet des discussions menées sur cette question.
Au chapitre V, intitulé « Méthodes de travail du Comité spécial et définition de nouveaux sujets », la délégation mexicaine a proposé l’ajout d’un paragraphe 12 bis reflétant le « vaste appui » dont a bénéficié son document de travail révisé concernant le nouveau sujet proposé par son pays à la session de 2023, intitulé « Examen de l’application de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, au regard du paragraphe 4 de l’Article 2 du même instrument ».
Comme les Philippines, El Salvador ou encore le Chili, l’Ouganda a fait valoir que cette proposition a bénéficié du soutien de nombreuses régions du monde, et que ce travail devrait être reflété dans le rapport. En l’absence de consensus, le Costa Rica a fait valoir à son tour que les travaux du Comité ne pouvaient continuer d’être menés de la sorte, et que ses documents de travail devaient être inclus sur son site Web.
Après une nouvelle série de propositions d’amendement présentées par l’Iran, au paragraphe 14, avec l’appui du Kenya, du Zimbabwe et de l’Ouganda, le Canada et l’Australie ont mis en garde contre les délais nécessaires pour étudier comme il se doit ces nouveaux libellés « politiques ». Qui plus est, a ajouté l’Union européenne, ces propositions menacent de rompre l’équilibre entre ces paragraphes ainsi que l’esprit de compromis nécessaire pour mener à bien les travaux du Comité spécial.
La prochaine séance plénière du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation sera annoncée dans le Journal des Nations Unies.