9759e séance – après-midi
CS/15861

Conseil de sécurité: l’escalade du conflit à Gaza et au Liban a un effet domino alarmant en Syrie

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

« La Syrie ne saurait se transformer en théâtre d’opérations où les acteurs pourraient régler leurs comptes ou attiser les flammes du conflit », a averti, cet après-midi au Conseil de sécurité, M. Geir Otto Pedersen, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, insistant pour que ce pays soit préservé du conflit qui sévit dans la région.

Sa mise en garde a été assortie de chiffres impressionnants sur le nombre de réfugiés se retrouvant depuis peu en Syrie, sachant que, depuis le 23 septembre, 425 000 personnes ont fui le Liban vers la Syrie, pays qui fait face lui-même à une escalade du conflit.  Parmi ces réfugiés, 72% sont des Syriens, les autres avant tout des Libanais, et près de 60% sont des enfants, selon les informations transmises par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) et présentées lors de l’examen mensuel de la situation politique et humanitaire en Syrie.

De fait, a expliqué M. Pedersen, le conflit à Gaza et au Liban se fait sentir en Syrie et « cette escalade sans précédent a des conséquences sur les civils syriens ».  Ses équipes ont constaté que, le mois dernier, Israël a mené la plus vaste campagne de frappes aériennes des 13 dernières années sur des localités syriennes, même au cœur de Damas, la capitale.  Au total, selon le Gouvernement syrien, Israël aurait frappé le territoire syrien plus de 116 fois depuis le 7 octobre 2023 et aurait ainsi tué plus d’une centaine de personnes.

En outre, les frappes israéliennes sur la route reliant Beyrouth à Damas ont entravé le passage de civils fuyant les conflits et étouffé les voies commerciales entre les deux pays, s’est encore inquiété l’Envoyé spécial.  Cette escalade complique par ailleurs la lutte contre les groupes terroristes tels que Daech, qui continue de poser une menace majeure. M. Pedersen a d’ailleurs signalé des raids terroristes dans des zones contrôlées par le Gouvernement.

« Tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe militaire, humanitaire et économique qui dévasterait la Syrie »

Ce sont les mots de M. Pedersen pour qui les conséquences d’une telle catastrophe seraient « imprévisibles pour les civils ainsi que pour la paix et la sécurité internationales ».

Face aux nombreuses informations faisant état de victimes civiles, de déplacements en masse et de dégâts sur des infrastructures civiles, une Syrienne de la société civile militant pour la paix a souligné le risque régional de glisser vers de nouveaux conflits.  Mme Abir Haj Ibrahim a redouté dans cette hypothèse un anéantissement de ce qu’il reste de la résilience de la société syrienne.  S’adressant au Conseil, elle lui a demandé d’assumer sa responsabilité de gardien de la paix, en apportant à tous « espoir, réconfort et dignité ».

Actuellement, environ 16,7 millions de personnes ont besoin d’assistance humanitaire dans le pays, ont relevé la Slovénie et la Suisse.  Ce sont des niveaux sans précédent, a renchéri Mme Su’ad Jarbawi, Vice-Présidente régionale du Comité international de secours (IRC).  Après s’être rendue à Edleb, dans le nord-ouest de la Syrie, elle a dit avoir constaté que le système humanitaire est tout simplement incapable de suivre le rythme.  Elle s’est en particulier inquiétée de la hausse alarmante du nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë, un problème qui « menace désormais le développement à long terme des milliers d’enfants qui en survivent ».

Des actions responsables pour protéger les réfugiés

Au cours de la séance, M. Pedersen s’est fait l’écho de deux préoccupations majeures évoquées par les réfugiés: l’une relève de la protection, suscitée par leur crainte d’être arrêtés arbitrairement ou de faire l’objet de conscription militaire forcée; l’autre est liée aux moyens de subsistance, découlant du manque de services de base et d’accès à l’eau, à l’électricité et au logement.  « Les parties prenantes doivent admettre que nous sommes à un moment critique et qu’il convient d’agir de manière responsable et constructive », a martelé l’Envoyé spécial.

Pour réagir à cette situation, le Gouvernement syrien a gardé ses frontières ouvertes aux arrivants et assoupli certaines procédures d’immigration, notamment l’autorisation d’un passage sûr à travers le pays, y compris vers les zones non contrôlées par le Gouvernement, s’est félicitée Mme Edem Wosornu, Directrice des opérations et de la communication du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA).  La Fédération de Russie a elle aussi salué ces efforts, notamment la mise en place par les autorités syriennes d’environ 20 centres d’accueil temporaires pour les réfugiés à la frontière libanaise.

Le Gouvernement syrien continue de tout mettre en œuvre pour accueillir les Libanais et les Syriens qui regagnent la Syrie depuis le Liban, a abondé le représentant de la République arabe syrienne.  Il a assuré que tous les services nécessaires leur sont fournis, en dépit des difficultés de taille que connaît la Syrie en raison du terrorisme, de l’agression, de « la présence illégale de forces militaires étrangères » et du « pillage » de ses richesses nationales.

Ce n’est pas l’avis du Royaume-Uni, qui a affirmé que la Syrie ne permet toujours pas des retours volontaires, sûrs et dignes.  Dans la même veine, les États-Unis se sont inquiétés des informations persistantes faisant état d’abus à l’encontre des migrants de retour dans leur pays, y compris la détention arbitraire de certains d’entre eux par le « régime ».

Les obstacles entravant les efforts du Gouvernement syrien

Pour la Chine, ce sont les sanctions unilatérales imposées à la Syrie qui constituent un obstacle majeur aux efforts pour améliorer la situation humanitaire.  La délégation a demandé leur levée immédiate, ce que la France s’est dite prête à faire, à condition que le processus politique enregistre des progrès tangibles et vérifiables.  Pour la Syrie, ces sanctions sont « inhumaines et constitutives d’un châtiment collectif pour la population syrienne ».  Même son de cloche du côté de la République islamique d’Iran qui a pointé les États-Unis et leurs alliés, au motif qu’ils poursuivent leur « politique ratée de sanctions inhumaines et unilatérales » en utilisant ces outils pour infliger une punition collective au peuple syrien.

La Fédération de Russie a également tenu les « politiques destructrices menées par les États-Unis et leurs alliés, qui persécutent Damas », pour responsables de la dégradation de la situation en Syrie, « exacerbée par les provocations d’Israël ».  Plus généralement, l’occupation israélienne et les politiques des pays qui appuient Israël sont la première cause d’instabilité dans la région, selon la Syrie. Après avoir accusé Israël de continuer « son œuvre de génocide en Palestine », « son agression brutale » contre le Liban et ses attaques « répétées et hystériques » ciblant la Syrie, le représentant syrien s’en est pris directement aux États-Unis: « l’appui complexe et sans limite du Gouvernement américain a permis aux autorités d’occupation d’aller plus loin encore dans leurs actes d’agression et dans les attaques » contre la Syrie.

« Cette escalade pourrait réduire à néant les accords de cessez-le-feu, qui sont certes imparfaits, mais qui ont permis le gel des lignes de confrontation en Syrie depuis presque quatre ans », a prévenu M. Pedersen.  Il a dit craindre que la Syrie continue à être frappée indéfiniment par des crises si le processus mené par et pour les Syriens sous les auspices des Nations Unies ne reprenait pas.

À l’instar de plusieurs délégations, il a demandé de redoubler d’efforts pour faire respecter le cessez-le-feu conformément à la résolution 2254 (2015) et appelé à reprendre le processus de négociation pour une solution politique durable.  Un processus politique crédible qui réponde aux aspirations des Syriens reste la seule manière de parvenir à une paix juste et durable, a renchéri la France.  Pour revitaliser le processus, la Türkiye a préconisé une relance des réunions de la Commission constitutionnelle.  Il s’agit d’un mécanisme efficace, a assuré la République islamique d’Iran, estimant que Bagdad constitue la meilleure option comme lieu de réunion.

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LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Exposé

M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a souligné que le conflit à Gaza et au Liban se fait sentir en Syrie et que « cette escalade sans précédent a des conséquences sur les civils syriens ». L’effet domino alarmant en Syrie pourrait encore s’aggraver, a-t-il mis en garde. 

M. Pedersen a expliqué que des centaines de milliers de Syriens et de Libanais ont fui le Liban vers la Syrie, pays qui fait face lui-même à une escalade du conflit. Le mois dernier, la plus vaste campagne de frappes aériennes israéliennes des 13 dernières années sur des localités en Syrie, même au cœur de Damas, a été constatée.  Au total, selon le Gouvernement syrien, Israël aurait frappé le territoire syrien plus de 116 fois depuis le 7 octobre 2023, ce qui aurait entraîné le décès de plus d’une centaine de personnes. 

Dans le Golan, certaines activités de construction sont menées par les Forces de défense israéliennes à proximité de la zone de séparation, a encore relaté M. Pedersen. Or, conformément à l’Accord sur le dégagement des forces de 1974, aucune force militaire, aucun équipement ou aucune activité par Israël ou la Syrie ne sont autorisés dans la zone de séparation. Par ailleurs, a ajouté l’Envoyé spécial, des attaques à la roquette depuis le territoire syrien sur le Golan occupé ont été constatées fin septembre. 

Les frappes israéliennes sur la route reliant Beyrouth à Damas ont entravé le passage de civils fuyant les conflits et étouffé les voies commerciales entre les deux pays, s’est encore inquiété M. Pedersen.

Il a prévenu que cette escalade régionale semble attiser dangereusement le conflit dans le nord-ouest de la Syrie.  Des raids par des groupes terroristes dans des zones contrôlées par le Gouvernement ont été constatés.  La Russie a, quant elle, repris des frappes aériennes pour la première fois depuis des mois et les forces progouvernementales ont accéléré les frappes avec des drones et des bombardements, a indiqué l’Envoyé spécial. 

Il a cité de nombreuses informations qui font état de victimes civiles et de déplacements en masse, ainsi que de dégâts sur des infrastructures civiles.  Des informations font aussi état de la reprise d’attaques contre des bases américaines dans le nord-ouest, poussant les États-Unis à procéder à des tirs d’artillerie.  Cela exacerbe les tensions dans une région où les hostilités font rage entre les forces gouvernementales et les forces d’opposition, tandis qu’on note aussi des frappes par drone turques, selon les informations recueillies par l’Envoyé spécial. 

Cette escalade complique la lutte menée contre les groupes terroristes tels que Daech, qui continue de poser une menace majeure.  En bref, a résumé M. Pedersen, « tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe militaire, humanitaire et économique qui dévasterait la Syrie, et dont les conséquences sont imprévisibles pour les civils ainsi que pour la paix et la sécurité internationales ».

M. Pedersen a rappelé que la Syrie doit être préservée du conflit dans la région. « Elle ne saurait se transformer en théâtre d’opérations où les acteurs pourraient régler leurs comptes ou attiser les flammes du conflit. »  Il s’est fait l’écho du Secrétaire général en appelant à un cessez-le-feu immédiat à Gaza et au Liban.  En outre, il s’est dit très préoccupé par le risque d’une escalade entre Israël et l’Iran et des conséquences qu’elle pourrait avoir pour la Syrie.

« Cette escalade pourrait en outre réduire à néant les accords de cessez-le-feu, qui sont certes imparfaits, mais qui ont permis le gel des lignes de confrontation en Syrie depuis presque quatre ans. »  L’Envoyé spécial a demandé de redoubler d’efforts pour faire respecter le cessez-le-feu conformément à la résolution 2254 (2015).  Tous les acteurs, syriens et internationaux, y compris Israël, doivent respecter le droit international humanitaire, notamment les principes de distinction, de proportionnalité et de précaution. 

Enfin, M. Pedersen a insisté sur l’importance de la présence de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) et du respect de l’Accord de dégagement.

Par ailleurs, M. Pedersen a transmis au Conseil de sécurité des informations émanant du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR).  Le HCR indique que, dans ce contexte dynamique et dangereux, près de 425 000 personnes se sont rendues en Syrie ces dernières semaines, pour fuir les frappes israéliennes et les violences.  Près de 72% d’entre elles sont syriennes, les autres sont avant tout des Libanais. 

Les Syriens doivent être protégés où qu’ils se trouvent, a-t-il insisté, se faisant l’écho de deux préoccupations majeures des réfugiés: l’une est liée à la protection, suscitée par la crainte d’être arrêtés arbitrairement ou de faire l’objet de conscription militaire forcée; l’autre est liée aux moyens de subsistance, découlant du manque de services de base et d’accès à l’eau, à l’électricité et au logement.  « Les parties prenantes doivent admettre que nous sommes à un moment critique et qu’il convient d’agir de manière responsable et constructive », a martelé M. Pedersen. 

Il a aussi appelé les bailleurs de fonds à faire preuve de générosité.  L’assistance humanitaire d’urgence et les activités de relèvement doivent en effet être financées, pour les nouveaux arrivants et pour aider les millions de Syriens qui souffrent.  Par ailleurs, il a souligné qu’il convient d’atténuer et d’éviter les effets néfastes des sanctions.

« La Syrie est un État victime d’un conflit majeur et il n’existe pas de solution facile à tous les problèmes » auxquels les Syriens sont confrontés, a averti l’Envoyé spécial.  Sans reprise d’un processus mené par et pour les Syriens sous les auspices des Nations Unies, il a dit craindre que la Syrie continue à être frappée indéfiniment par des crises. 

Il faudrait que les Syriens s’unissent autour de la Commission constitutionnelle, a-t-il proposé.  Il convient également de prendre au sérieux la promesse de mise en œuvre de mesures pour renouer la confiance parmi les Syriens, étape par étape, et avec les parties prenantes internationales. 

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