En cours au Siège de l'ONU

9733e séance – soir
CS/15834

Liban: à la réunion d’urgence du Conseil de sécurité, la France et les États-Unis évoquent une proposition de cessez-le-feu de 21 jours

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Cinq jours après une première séance consacrée au Liban, le Conseil de sécurité s’est réuni en urgence ce soir à l’initiative de la France, pour examiner à nouveau une situation décrite comme approchant un « point de non-retour ».  « C’est l’enfer sur Terre au Liban », s’est emporté le Secrétaire général, qui n’a pu que constater que les précédents appels à la désescalade entre Israël et le Hezbollah étaient restés lettre morte, avant de dresser un bilan alarmant de la situation sur le terrain. 

Le Secrétaire général a cité les chiffres du Ministère libanais de la santé publique: 569 personnes tuées lundi et mardi, dont 50 enfants et 94 femmes; plus de 1 800 personnes blessées. En un an, ce sont 1 247 personnes qui ont perdu la vie au Liban, a-t-il ajouté, déplorant la mort hier de deux collègues du Haut-Commissariat pour les réfugiés. Poursuivant sa description, M. Guterres a noté que les routes sont bloquées alors 90 000 Libanais ont fui le sud et l’est du pays, notamment en direction de Beyrouth, dont l’aéroport n’est pas épargné par le chaos.  Il faudrait, a-t-il évalué, au moins 170 millions de dollars pour répondre au nombre croissant de personnes déplacées et aux besoins humanitaires urgents. 

M. Guterres n’a pas non plus manqué d’évoquer les milliers de roquettes, missiles et drones qui se sont abattus sur le nord d’Israël et ont fait 49 morts, des centaines de blessés et 60 000 déplacés depuis octobre 2023.  Ces attaques de part et d’autre, en violation de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité, doivent cesser, a-t-il imploré. 

Abordant la situation de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), le Chef de l’ONU a réitéré sa gratitude pour le travail des soldats de la paix, dans des conditions dangereuses, les Casques bleus étant restés déployés le long de la « Ligne bleue » tandis que les personnels civils ont été redéployés au nord du fleuve Litani.  « Une guerre totale doit être évitée à tout prix, car ce serait assurément une catastrophe totale », a-t-il prévenu, ajoutant que le Liban ne devait pas devenir un nouveau Gaza. 

« Nous sommes au-delà de l’escalade », a affirmé la France, préoccupée par une situation qui menace d’atteindre « un point de non-retour » — une expression employée par plusieurs délégations, dont la présidence slovène.  « Déjà considérablement affaibli, le Liban ne se relèverait pas d’une telle guerre », a prédit le Ministre des affaires étrangères français.  Précisant qu’il se rendrait à Beyrouth dès la fin de la semaine prochaine, il a évoqué une « plateforme de cessez-le-feu temporaire de 21 jours », à laquelle il travaille avec ses partenaires américains et dont il a promis qu’elle serait rendue publique très rapidement.  « La guerre n’est pas inéluctable et une solution diplomatique est possible », a-t-il martelé.

Se donnant pour objectif d’éviter une guerre plus vaste qui ne serait ni dans l’intérêt du Liban, ni dans celui d’Israël, les États-Unis ont eux aussi évoqué une « proposition avec d’autres pays » afin de « restaurer le calme », sans donner plus de précisions.  Ils ont toutefois indiqué « très clairement » qu’Israël avait le droit de se défendre contre les attaques du Hezbollah, citant l’attaque menée avec un missile balistique qui a ciblé Tel-Aviv quelques heures auparavant. « Personne ici au Conseil ne souhaiterait qu’un groupe terroriste n’envoie des missiles balistiques contre son territoire », a justifié le délégué américain.

L’Union européenne s’est associée aux efforts diplomatiques déployés par la France et les États-Unis. La solution à ce conflit est connue depuis presque 20 ans, a affirmé le Haut Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité: il s’agit de la mise en œuvre complète et symétrique de la résolution 1701 (2006), ce qui signifie le retrait du Hezbollah au nord du fleuve Litani, le déploiement des Forces armées libanaises dans le sud du pays avec le soutien de la FINUL et le respect par Israël de la souveraineté du Liban.  Convaincue que les exemples « d’escalade pour la désescalade » ont, dans une perspective historique, rarement abouti à la paix, la République de Corée a, pour sa part, condamné toute rhétorique incendiaire prônant la destruction massive, la réoccupation ou la colonisation du Liban.

Le Liban a déploré que la communauté internationale « reste les bras croisés », alors qu’il est le théâtre d’une violation flagrante de sa souveraineté et qu’il est actuellement victime d’attaques cybernétiques et maritimes, préludes éventuels à une incursion au sol.  « Je ne suis pas venu là pour me plaindre », a ajouté le représentant libanais, « mais dans l’espoir que soient trouvées des solutions sérieuses visant à arrêter cette guerre et à faire pression sur Israël ».

Israël a entièrement rejeté la faute de la situation actuelle sur le Hezbollah et son parrain, l’Iran. Rappelant que le parti chiite libanais n’avait cessé, dès le lendemain des attentats du 7 octobre, de lancer des roquettes sur le sol israélien, son représentant a plaidé la légitime défense: « aucun pays ne resterait les bras croisés lorsque ses citoyens sont attaqués ».  Défendant la précision des frappes de l’armée israélienne contre les centres de commandement et les stocks d’armes du Hezbollah, qu’il a dit être souvent cachés dans des bâtiments civils et des maisons, il a accusé l’ONU de partialité, affirmant que les fonctionnaires de l’Organisation « parviennent à peine à mentionner le Hezbollah », qui ne cesse pourtant de « prendre en otage » le peuple libanais.  Dénonçant le rôle de l’Iran et de « ses nombreux supplétifs » dans toute la région —au Liban, mais aussi en Iraq, au Yémen, en Syrie et à Gaza— il a accusé ce pays d’être une « véritable araignée au cœur d’une toile de violence ».  Le représentant israélien s’est dit favorable à la mise en œuvre pleine et entière de la résolution 1701, mais a prévenu: « il n’y aura pas de paix dans la région tant que nous ne détruirons pas cette toile d’araignée ».

En réponse, l’Iran a accusé Israël de mener au Liban une « tactique délibérée » pour terroriser une population entière et la forcer à quitter sa patrie.  « Le monde nous regarde et l’histoire jugera ce Conseil en fonction des mesures qu’il prendra ou ne prendra pas aujourd’hui », a prévenu l’Iran.  L’Algérie, de même que l’Égypte ou encore la Syrie, a lié la détérioration de la situation au Liban à l’échec du Conseil de sécurité à mettre un terme à la guerre de Gaza et à « l’impunité » d’Israël, qui reste, accuse l’Algérie, « convaincu que sa sécurité à lui dépend de l’insécurité des autres pays de la région ».  « Élargir le cercle de feu en agressant un pays arabe souverain et en plongeant sa population dans la terreur n’est pas la solution », a martelé de son côté le représentant de la Ligue des États arabes, regrettant lui aussi l’impuissance du Conseil de sécurité.

Par la voix de son Vice-Ministre des affaires étrangères, la Fédération de Russie a jugé que, pour « stopper l’ombre grandissante de la guerre au Moyen-Orient, il fallait d’abord arrêter le bain de sang à Gaza ».  Mais pour cela, il faudrait parvenir à contrer l’inaction « injustifiable » du Conseil de sécurité, a poursuivi le dignitaire russe, qui a imputé cette inaction au compte d’un seul de ses membres permanents, accusé de tout bloquer au profit de ses intérêts géopolitiques et de tenir toute la région en otage.  « Cela est d’autant plus inacceptable que le Conseil dispose des moyens d’imposer la paix », s’est-il lamenté. 

Le Guyana a pour sa part fait observer que le peuple libanais, tout comme le peuple palestinien, est devenu « le spectateur innocent des jeux d’une poignée d’idéologues acharnés, essayant coûte que coûte de réaliser leurs objectifs politiques ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclaration

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a décrit une « situation d’enfer sur Terre » qui se déchaîne au Liban, se disant alarmé par cette escalade.  « Le Liban est au bord du gouffre! »  Le Hezbollah et d’autres groupes armés non étatiques au Liban et les Forces de défense israéliennes ont échangé des tirs presque quotidiennement, a-t-il constaté, notant que le Hezbollah a indiqué qu’il exigerait un cessez-le-feu à Gaza pour mettre fin aux hostilités.  Les échanges de tirs constituent une violation répétée de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité, a martelé M. Guterres.

Le Chef de l’ONU a insisté sur la nécessité de respecter la souveraineté libanaise.  Il a ajouté que l’État libanais doit avoir le contrôle total des armes sur tout le territoire libanais, indiquant soutenir tous les efforts visant à renforcer l’Armée libanaise.

Depuis octobre, près de 200 000 personnes au Liban et plus de 60 000 personnes dans le nord d’Israël ont fui leurs foyers, a-t-il documenté déplorant les nombreuses vies perdues.  Tout cela doit cesser, a-t-il décrété, souhaitant que les communautés du nord d’Israël et du sud du Liban puissent regagner leurs foyers et vivre en toute sécurité, sans crainte.

Depuis la séance d’urgence du Conseil sur le Liban, le 20 septembre, à la suite de l’explosion à distance de bipeurs et de radios portatives utilisées par le Hezbollah dans tout le Liban, les hostilités se sont considérablement intensifiées, s’est-il inquiété.  Le Secrétaire général a cité les chiffres du Ministère libanais de la santé publique: 569 personnes tuées lundi et mardi, dont 50 enfants et 94 femmes; plus de 1 800 personnes blessées.  Les autorités libanaises font état d’un total de 1 247 décès depuis octobre, a-t-il ajouté, déplorant la mort hier de deux collègues du Haut-Commissariat pour les réfugiés.

Poursuivant sa description, M. Guterres a noté que les routes sont bloquées alors que les familles recherchent désespérément la sécurité, et que beaucoup sont bloqués à l’aéroport de Beyrouth.  Citant le Ministère libanais de l’intérieur, il a indiqué que plus de 90 000 personnes ont fui le sud et l’est du Liban vers Beyrouth et vers le nord-ouest du pays, dont 30 000 personnes se sont retrouvées dans des abris.  Au moins 170 millions de dollars sont nécessaires pour répondre au nombre croissant de personnes déplacées et aux besoins humanitaires en augmentation, a évalué M. Guterres.

Le Secrétaire général a également parlé du peuple d’Israël, qui a subi des attaques répétées de la part du Hezbollah et d’autres, faisant 49 morts israéliens et des centaines de blessés.  Il a dit que les efforts diplomatiques se sont intensifiés pour parvenir à un cessez-le-feu temporaire et ouvrir la voie à la reprise d’une paix plus durable, assurant que l’ONU soutient pleinement ces efforts.  Il a indiqué, à cet égard, que plus tôt cette semaine, la Coordonnatrice spéciale pour le Liban, Mme Jeanine Hennis-Plasschaert, s’est rendue en Israël pour des consultations et pour prévenir que l’escalade militaire n’est dans l’intérêt de personne.  De même, le Chef de mission et commandant de la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL), le général Aroldo Lázaro Sáenz, a poursuivi son engagement étroit avec les parties, en facilitant autant que possible l’accès humanitaire et en continuant d’appeler à une désescalade immédiate.

« Malgré les conditions dangereuses, nos Casques bleus restent en position », a précisé le Secrétaire général, réitérant sa sincère gratitude au personnel de maintien de la paix –civils et militaires.

Le Chef de l’ONU a conclu en implorant le Conseil de travailler en étroite collaboration pour aider à « éteindre cet incendie ». « Arrêtez les massacres et les destructions.  Atténuez la rhétorique et les menaces et éloignez-vous du gouffre », a-t-il lancé, suppliant d’« éviter à tout prix une guerre totale qui serait une catastrophe totale ».  On ne peut permettre que le Liban devienne un autre Gaza, a-t-il conclu.

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