En cours au Siège de l'ONU

9731e séance – après-midi
CS/15831

Conseil de sécurité: le Président Zelenskyy exalte les principes de la Charte et veut contraindre la Russie à faire la paix avec l’Ukraine

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

À l’initiative des États-Unis, de la France, du Japon, de Malte, de la République de Corée et du Royaume-Uni, le Conseil de sécurité s’est réuni cet après-midi au niveau ministériel pour examiner la situation en Ukraine.  Le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres et le Président ukrainien, M. Volodymyr Zelenskyy, ont été les premiers à prendre la parole pour demander le respect de la Charte des Nations Unies et le retour à la paix. 

Deux ans et demi après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie, plus de 11 000 civils ont été tués, a déclaré M. Guterres. Plus cette guerre tragique se prolonge, plus le risque d’escalade et de débordement est grand, a-t-il mis en garde, précisant que cela n’affecterait pas seulement la région, mais que cela aggraverait les tensions et les divisions mondiales à un moment où notre monde a désespérément besoin de davantage de coopération et d’action collective.  « Nous devons mettre fin aux souffrances et briser le cycle de la violence, dans l’intérêt du peuple ukrainien, du peuple russe, et du monde entier », a exhorté le Secrétaire général. 

M. Guterres s’est dit profondément préoccupé par la sécurité, y compris nucléaire, les besoins humanitaires et les droits humains des personnes qui résident dans les régions d’Ukraine occupées par la Russie.  Malgré d’immenses défis, l’ONU reste pleinement engagée, représentant la plus grande présence internationale en Ukraine, a-t-il assuré.  Évoquant l’Initiative de la mer Noire et les échanges de prisonniers de guerre, le Secrétaire général a toutefois tenu à rappeler que « lorsqu’il y a une volonté politique, la diplomatie peut réussir, même dans les heures les plus sombres ».  Bien que la paix puisse aujourd’hui paraître hors de portée, les nombreux appels au dialogue représentent une lueur d’espoir. 

« Un jour, on dira que la guerre en Ukraine a réellement pris fin, non pas grâce aux décisions de Putin, mais bien aux principes de la Charte qui finiront par l’emporter », a voulu croire à son tour le Président Zelenskyy. « Putin a violé tellement de normes internationales qu’il ne s’arrêtera pas tout seul », a-t-il averti. 

La Russie est bien incapable d’expliquer ce qu’elle fait à l’Ukraine, a fustigé M. Zelenskyy.  À l’approche de l’hiver, la Russie s’attèle, pour la troisième fois, à détruire notre système énergétique, a-t-il déploré.  « En quoi du pain est-il une menace? » s’est-il demandé, pointant du doigt les frappes de missiles russes sur des commerces et autres infrastructures civiles. 

« Dans son monde retors, Putin choisit d’investir dans la haine » et non dans la paix.  C’est pourquoi il faut le contraindre à faire la paix, sinon le « cynisme russe continuera à frapper ».  M. Zelenskyy a dit préparer avec toutes les régions du monde le second sommet pour la paix en Ukraine.  Chaque point du plan de paix est ancré dans la Charte des Nations Unies, a-t-il insisté. « Il n’existe qu’une Charte et celle-ci doit unir tout le monde. »  

De nombreuses délégations ont abondé en ce sens.  « Comment ne pas s’indigner face à la guerre d’agression brutale, illégale, injustifiable que mène la Russie contre l’Ukraine, devant cette violation massive et continue des principes les plus fondamentaux de la Charte des Nations Unies? » s’est exclamé le Ministre de l’Europe et des affaires étrangères de la France.  « La Russie veut détricoter la Charte », s’est agacé le Secrétaire d’État pour les affaires étrangères, du Commonwealth et du développement du Royaume-Uni.  « Lorsque vous tirez des missiles sur les hôpitaux ukrainiens, nous savons qui vous êtes », a-t-il pointé du doigt.  « De même lorsque vous envoyez des mercenaires dans les pays africains », a-t-il ajouté, accusant la Russie d’impérialisme.  Il est inacceptable qu’un membre permanent du Conseil continue de fouler au pied le droit international et de violer des résolutions qu’il a approuvées, a renchéri le Ministre adjoint des affaires étrangères du Japon. 

Après avoir rappelé que son pays a organisé le premier sommet sur la paix en Ukraine en juin dernier, le Conseiller fédéral suisse a reproché au Conseil de sécurité de n’avoir pas pleinement assumé ses responsabilités.  « Avons-nous perdu la grammaire commune de la paix? »

Le Secrétaire d’État américain a pour sa part accusé l’Iran et la Corée du Nord d’aider la Russie, de même que la Chine qui est le principal fournisseur d’électronique et d’outils utilisés par ce pays pour renforcer sa machine de guerre. Certains, a-t-il dit, se poseront la question suivante: comment les États-Unis, qui aident l’Ukraine à se défendre, peuvent-ils critiquer les pays qui aident la Russie?  Il y a une différence de taille, a-t-il justifié: « la Russie est l’agresseur, l’Ukraine, la victime.  Si ces pays arrêtent d’appuyer la Russie, la Russie arrêtera cette guerre. Si l’on arrête d’aider l’Ukraine, l’Ukraine cessera d’exister. »  Arrêter de soutenir l’Ukraine signifierait la destruction totale de l’Ukraine, a acquiescé son homologue allemande. 

Le Ministre chinois des affaires étrangères a rétorqué que son pays ne prend pas parti dans la guerre en Ukraine, ajoutant que la diplomatie était le seul moyen de résoudre la crise.  Tout comme l’Équateur, la Chine a par ailleurs souligné les conséquences économiques et énergétiques du conflit qui compromettent les efforts mondiaux pour le développement durable. 

Plusieurs délégations ont tour à tour exhorté la Russie à respecter ses obligations en matière de droit international humanitaire, condamnant les attaques indifférenciées sur les infrastructures critiques et les civils. La destruction délibérée d’infrastructures énergétiques, scolaires et hospitalières ont des conséquences graves à court et long termes sur les populations, ont-elles regretté.  Il en va de même pour les enlèvements d’enfants ukrainiens soumis à un « lavage de cerveau » en Russie, a condamné la Pologne. 

Les Ministres des affaires étrangères de la Sierra Leone et de Malte se sont inquiétés d’une escalade nucléaire potentielle du conflit, tandis que leur homologue de la République de Corée a dénoncé le recours par la Russie aux missiles balistiques nord-coréens, en violation flagrante de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité. 

C’est non sans ironie que le représentant de la Fédération de Russie s’est défendu des multiples accusions portées contre son pays en présentant sa vision du déroulement des événements de la dernière décennie.  La Russie ne lance pas de frappes contre des cibles civiles ukrainiennes, a-t-il affirmé, et l’armée ukrainienne est « au bord de la déroute ».  Il a regretté « le petit numéro de relations publiques du Président ukrainien » qui « joue le rôle du mec cool et de l’allié de l’Occident, nourri dès le berceau aux idées de suppôts d’Hitler ». 

Selon lui, le fond du problème n’est pas le non-respect de la Charte mais bien le non-respect des droits de la population russophone en Ukraine.  La Russie ne fait que défendre son droit à l’autodétermination, a-t-il martelé.  C’est à la suite de la guerre civile lancée contre les populations russophones par le régime de Kiev que la Russie a mené son opération dans la région du Donbass pour les défendre.  « En quoi est-ce en contradiction avec la Charte? »  

Si Zelenskyy n’a plus rien à perdre, ce n’est pas le cas des États-Unis et de ses alliés, a épilogué le délégué russe.  « L’Ukraine est devenue la dictature d’un seul homme, sacrifiant des jeunes qui ne veulent pas se battre ».  Tant que les considérations occidentales l’emporteront, la Russie continuera à avancer ses objectifs, sans autre voie pour parvenir à la paix, a-t-il d’ores et déjà prévenu. 

Outre les 15 membres du Conseil, 10 délégations ont participé à ce débat.  En début de séance, et à titre procédural, la Russie a cru bon de reprocher à la Slovénie, Présidente pour le mois de septembre, de leur avoir permis de venir « grossir les rangs d’un exercice antirusse sans ajouter aucune valeur aux discussions ». 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Déclaration

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que la Charte des Nations Unies est sans équivoque: tous les États doivent s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout autre État.  Et les différends internationaux doivent être réglés par des moyens pacifiques.  Selon lui, l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie en février 2022, après l’annexion illégale de la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol il y a 10 ans, constitue une violation manifeste de ces principes. Près de 10 millions de personnes ont fui leurs foyers.  Les attaques systématiques contre les hôpitaux, les écoles, les supermarchés ne font qu’amplifier la douleur et la détresse, a-t-il relevé.  De même, les coupures de courant et les dommages causés aux infrastructures ont plongé des millions de personnes dans l’obscurité. Il a condamné fermement toutes les attaques contre les civils et les installations civiles, où qu’elles se produisent.  Elles doivent cesser immédiatement, a-t-il assené. 

M. Guterres s’est dit profondément préoccupé par la sécurité, les besoins humanitaires et les droits humains des personnes qui résidant dans les régions d’Ukraine occupées par la Russie.  Malgré d’immenses défis, l’ONU reste pleinement engagée, représentant la plus grande présence internationale en Ukraine, a-t-il dit.  Rien que cette année, en coopération avec nos partenaires, nous avons apporté une aide vitale à plus de 6,2 millions de personnes, a-t-il rappelé, ajoutant que l’ONU a besoin du soutien de la communauté internationale.  En effet, 15 millions de personnes en Ukraine ont besoin d’une aide humanitaire, dont plus de la moitié sont des femmes et des jeunes filles.  À l’approche de l’hiver, moins de la moitié du Plan d’intervention humanitaire pour 2024 est financé.  « J’exhorte les donateurs à nous aider à poursuivre notre travail vital sur le terrain », a plaidé M. Guterres. 

Le Secrétaire général a déploré, ces dernières semaines, la recrudescence d’une « rhétorique incendiaire » et d’incidents autour des sites nucléaires, en particulier à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et, de façon inquiétante, à la centrale nucléaire de Koursk en Fédération de Russie.  Il a félicité l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), notamment pour sa présence essentielle sur les sites nucléaires ukrainiens et sa contribution à garantir la sûreté et la sécurité nucléaires. Il a appelé toutes les parties à agir de manière responsable et à éviter toute déclaration ou action susceptible de déstabiliser davantage une situation déjà incendiaire. 

Deux ans et demi après l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, plus de 11 000 civils ont été tués, a poursuivi M. Guterres.  Plus cette guerre tragique se prolonge, plus le risque d’escalade et de débordement est grand, a-t-il mis en garde, précisant que cela n’affecterait pas seulement la région, mais que cela aggraverait les tensions et les divisions mondiales à un moment où notre monde a désespérément besoin de davantage de coopération et d’action collective.  « Nous devons mettre fin aux souffrances et briser le cycle de la violence, dans l’intérêt du peuple ukrainien, du peuple russe, et du monde entier », a exhorté le Secrétaire général. 

L’Initiative de la mer Noire et les échanges de prisonniers de guerre nous le rappellent: « lorsqu’il y a une volonté politique, la diplomatie peut réussir, même dans les heures les plus sombres », a-t-il déclaré.  Bien que la paix puisse aujourd’hui paraître hors de portée, les nombreux appels au dialogue représentent une lueur d’espoir. Intensifions donc nos efforts pour aboutir à la paix en Ukraine – une paix juste, totale et durable; une paix conforme à la Charte des Nations Unies, au droit international et aux résolutions de l’Assemblée générale, a-t-il demandé.  L’ONU soutiendra tout effort en faveur de la paix en Ukraine, a-t-il conclu. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.