En cours au Siège de l'ONU

9727e séance – après-midi
CS/15825

Conseil de sécurité: des millions de vies sont en danger au Soudan, en particulier à El-Fasher, ont alerté deux hautes responsables de l’ONU

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Cet après-midi, deux hautes responsables de l’ONU ont alerté les membres du Conseil de sécurité que « des millions de vies sont en danger au Soudan ».  Si Mme Ama Akyaa Pobee, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, a pointé les effets dévastateurs de la nouvelle escalade des combats à El-Fasher, Mme Joyce Msuya, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a présenté trois « recommandations décisives » dont la nécessité d’augmenter l’aide humanitaire.  « L’ONU reste déterminée à travailler avec toutes les parties prenantes concernées pour aider à mettre fin au conflit, en commençant par une cessation immédiate des hostilités », a assuré Mme Pobee.

Toutes les deux ont décrit une vague de violence à El-Fasher où les centaines de milliers de civils pris au piège risquent désormais de subir les conséquences de violences de masse au moment où les combats engloutissent la ville et atteignent les établissements sanitaires.  Mme Pobee a fait part de l’extrême vulnérabilité de la population, notamment les personnes déplacées vivant dans des camps très vastes, notamment près d’El-Fasher. 

En premier lieu, Mme Pobee a regretté l’échec des efforts des partenaires internationaux pour tenter d’obtenir une désescalade de la situation et éviter de nouvelles souffrances à El-Fasher, après l’adoption de la résolution 2736 (2024) qui demandait aux Forces d’appui rapide de mettre fin au siège de la ville et de cesser immédiatement les combats. 

Elle a dit craindre que la poursuite des combats ne dégénère en conflit ethnique et ne gagne l’ensemble de la région.  Mme Pobee a donc jugé essentiel de réitérer l’appel du Secrétaire général aux parties afin qu’elles désamorcent la situation et épargnent aux civils de nouvelles souffrances.  Elle s’est appesantie sur le travail de l’Envoyé personnel du Secrétaire général, M. Ramtane Lamamra, qui de concert avec les médiateurs régionaux et internationaux, continuera de coordonner les efforts de médiation internationale au Soudan afin de promouvoir le dialogue visant la fin de la guerre, la cessation des hostilités, la protection des civils et l’accès humanitaire.

Pour Mme Joyce Msuya, qui est la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, la « guerre brutale », qui dure depuis 17 mois, n’a pas de fin en vue.  Au contraire, l’arrivée des déplacés à El-Fasher, ville d’un million d’habitants, a fait gonfler le nombre d’habitants, sachant que des centaines de milliers de personnes y cherchent refuge après avoir fui la violence ailleurs.  Mme Msuya a regretté elle aussi que les appels à l’arrêt immédiat des combats et à la désescalade à El-Fasher et dans les environs n’aient pas été entendus.  Et elle en a déploré la conséquence: la situation humanitaire ne cesse de se détériorer. 

Concrètement, elle a fait savoir que les bombardements aériens ont touché les civils, endommagé les infrastructures civiles, notamment des hôpitaux et des camps de personnes déplacées, mettant en danger des centaines de milliers de personnes, dont plus de 700 000 de personnes déplacées à El-Fasher et dans les environs. Elle s’est désolée de voir que les parties au conflit ne font aucun effort pour protéger les établissements de santé et les civils.  Ainsi, sur les trois principaux hôpitaux de la ville, un seul est en activité, tandis que le seul centre de dialyse de la ville et des installations vitales pour la chaîne du froid des vaccins ont également été attaqués. 

La situation est telle que près de 1,7 million de personnes dans le Darfour septentrional sont confrontées à une insécurité alimentaire aiguë, s’est alarmée la haute responsable.  Dans le camp de Zamzam, qui abrite environ un demi-million de personnes, la famine s’installe et la situation ne fait que s’aggraver selon les dernières évaluations effectuées par Médecins Sans Frontières (MSF) et le Ministère de la santé entre le 1er et le 5 septembre.  Environ 34% des enfants souffrent de malnutrition, dont 10% de malnutrition sévère. Par ailleurs, la situation est aggravée par des obstacles presque infranchissables à l’acheminement de l’aide humanitaire, ce qui limite énormément la présence des travailleurs humanitaires à El-Fasher.  Seuls les humanitaires locaux sont restés sur place pour s’occuper de leurs familles.  L’aide aux personnes nouvellement déplacées dans le camp est donc très limitée. 

Pour résoudre les problèmes d’accès, le Programme alimentaire mondial (PAM) a lancé une opération de distribution de nourriture dans le camp de Zamzam, a informé Mme Msuya.  Le PAM compte aider 179 000 personnes ce mois-ci.  Cette grave situation humanitaire exige une désescalade rapide du conflit, a insisté la haute fonctionnaire préoccupée par les signes indiquant que les combats vont s’intensifier à mesure que la saison des pluies touche à sa fin, dans les mois à venir. 

Notant que la réouverture du point de passage d’Adré depuis le Tchad a été une étape importante, elle a martelé qu’une opération humanitaire à grande échelle et sans entrave est nécessaire pour sauver des vies.  Il s’agit d’une situation « de vie ou de mort ». Pour cela, il est essentiel d’accorder un accès transfrontalier supplémentaire, notamment par les routes de Aweil et Panakuach.  Il faut également un accès immédiat et sûr à travers les lignes de front de Port-Soudan vers les États de Gazira, de Sannar, de Khartoum, du Darfour et du Kordofan. 

Trop de personnes ont déjà perdu la vie dans ce conflit insensé, a regretté Mme Msuya.  Beaucoup d’autres le seront si le Conseil et la communauté internationale dans son ensemble ne prennent pas de mesures décisives, a-t-elle mis en garde.  Elle a aussi exigé des parties qu’elles respectent leurs obligations en droit international humanitaire ainsi que les résolutions du Conseil de sécurité.  « Le Conseil doit y veiller. »  Les parties doivent s’abstenir de prendre pour cible les civils, les biens civils et les installations essentielles telles que les hôpitaux, a-t-elle supplié.  Elle a encore demandé aux parties de permettre l’acheminement sans entrave de l’aide humanitaire par toutes les voies transfrontalières possibles, et de faciliter le passage en toute sécurité à ceux qui fuient les violences. 

En conclusion, la Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence a prié les États Membres de faire pression sur les parties afin qu’elles acceptent une pause humanitaire permettant de sauver des vies, de donner un répit aux civils et de permettre l’acheminement de l’aide.  Elle a demandé aux donateurs de fournir les ressources nécessaires pour faire face à cette crise sans précédent.  Au 17 septembre, a-t-elle rappelé, le financement de l’appel humanitaire s’élevait à 1,3 milliard de dollars, soit moins de 50% des 2,7 milliards de dollars nécessaires. 

L’arrivée des dirigeants mondiaux, la semaine prochaine, à New York pour l’ouverture de l’Assemblée générale, devrait être l’occasion de mettre fin à ce conflit et de démontrer notre solidarité avec le peuple soudanais, a espéré la Coordonnatrice.  « Des millions de vies dépendent de nous.  Il est temps d’agir », a-t-elle lancé aux membres du Conseil, dont 12 se sont exprimés sur cette situation, ainsi que le Soudan.

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