Soudan: le Conseil de sécurité exige que les Forces d’appui rapide mettent fin au siège d’El-Fasher
Le Conseil de sécurité a adopté cet après-midi, la résolution 2736 (2024) par laquelle il exige que les Forces d’appui rapide mettent fin au siège d’El-Fasher et demande l’arrêt immédiat des combats et la désescalade à l’intérieur et autour de la ville.
Adopté par 14 voix pour et l’abstention de la Fédération de Russie, ce texte exige également que toutes les parties au conflit assurent la protection des civils, notamment en permettant à ceux qui le souhaitent de se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur d’El-Fasher vers des zones plus sûres.
De même, il demande que les parties au conflit autorisent et facilitent l’acheminement rapide, sûr, durable et sans entrave de l’aide humanitaire.
Les parties au conflit sont également appelées à œuvrer à la cessation immédiate des hostilités, pour parvenir à un règlement durable du conflit, par le dialogue, avec l’appui constant de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, Ramtane Lamamra, et du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Soudan.
Cette résolution a été présentée par le Royaume-Uni qui a salué son adoption. Il en a été de même pour les États-Unis qui ont estimé que ce texte arrive à point nommé, alors que la population d’El Fasher est prise au piège et que la famine se profile à l’horizon. Dans ce contexte, la délégation américaine a prévenu que si les belligérants ne facilitent pas l’accès de l’aide, le Conseil devra prendre de nouvelles mesures afin de s’assurer de sa distribution effective, notant que la crise humanitaire que connaît le Soudan est l’une des pires au monde.
Le Conseil ne pouvait rester silencieux face à la situation à El-Fasher et au Soudan en général, a estimé le représentant de la Slovénie. La Suisse a exhorté les deux parties à mettre un terme immédiat à la guerre et prendre le chemin des négociations, tandis que Malte a salué le message fort sur les transferts d’armes illicites au Darfour et la nécessité de respecter l’embargo sur les armes, notant que la prolifération des armes au Soudan du fait d’acteurs extérieurs ne fait que perpétuer le conflit et alourdir les pertes en vies humaines.
Émettant à son tour l’espoir que cette résolution contribuera à désamorcer les tensions et à ramener les parties à la table des négociations, le représentant de la Sierra Leone, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a insisté sur la demande faite aux États Membres de s’abstenir de toute ingérence extérieure dans le conflit au Soudan. « Le peuple soudanais n’a pas besoin de plus d’armes. Il a besoin de paix. » Sur la question humanitaire, il a demandé aux parties de garantir un accès sans entrave à l’aide tout en saluant l’ouverture de certains points de passage et l’octroi de visas par le Gouvernement soudanais.
Soulignant que l’avenir du Soudan est entre les mains de son peuple, la Chine a appelé la communauté internationale à aider les parties à trouver une solution politique au conflit afin de parvenir à un règlement durable. Regrettant par ailleurs que le Plan d’aide humanitaire de cette année pour le Soudan ne soit financé qu’à hauteur de 16%, la délégation a exhorté les donateurs traditionnels à fournir une aide dans des proportions nécessaires et à veiller à ce que les opérations humanitaires atteignent toutes les personnes dans le besoin. Les efforts du Gouvernement soudanais vont dans ce sens, a-t-elle observé, appelant à éviter de politiser les opérations d’aide.
Expliquant son abstention, la Fédération de Russie a indiqué que la résolution n’a pas pris en compte les observations de principe des Soudanais qu’avaient transmis les A3+. Elle a également exprimé son désaccord avec l’appel à garantir l’acheminement de l’aide humanitaire à travers les frontières « sans l’assentiment des autorités soudanaises ». Le contrôle des frontières est une question souveraine. Toute tentative de présenter des dérogations artificielles à ce principe est une violation criante de l’intégrité territoriale du pays, a dénoncé la délégation qui a estimé que Port-Soudan doit pouvoir présenter son point de vue sur l’élargissement des modules d’acheminement de l’aide. La livraison d’aide humanitaire au Soudan est tout à fait possible et se fait déjà en coopération avec les autorités soudanaises, a-t-elle ajouté, récusant toute instrumentalisation artificielle de la faim.
Elle a également jugé difficile de se faire une idée précise de la situation sur le terrain en l’absence de personnel onusien sur place. La priorité doit aller à la préservation des institutions publiques, à l’unité et à l’intégrité territoriale du pays en permettant aux Soudanais eux-mêmes de trouver un règlement politique.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Texte du projet de résolution (S/2024/464)
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant toutes ses résolutions antérieures, les déclarations de sa présidence et les communiqués de presse concernant la situation au Soudan, et redisant son ferme attachement à la souveraineté, à l’unité, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale du Soudan,
Se déclarant profondément préoccupé par la reprise des combats à El-Fasher, qui pourrait entraîner une nouvelle escalade et mettre en danger les civils, dont la plupart ont besoin d’une assistance et d’une protection humanitaires urgentes,
Se déclarant vivement préoccupé par la propagation de la violence, et en particulier par les informations crédibles faisant état de violences ethniques, notamment les violences perpétrées par les Forces d’appui rapide à l’intérieur et autour d’El-Fasher et à Geneina, dans le Darfour occidental, entre le 24 avril et le 19 juin 2023, condamnant l’emploi de toute force exercée dans des zones peuplées contre des civils et des infrastructures civiles essentielles, notamment contre des installations médicales et humanitaires, réaffirmant que toutes les parties au conflit doivent s’acquitter des obligations que leur impose le droit international humanitaire, notamment pour ce qui est de respecter et de protéger les civils et de prendre toutes les précautions possibles pour épargner les biens de caractère civil, en particulier les biens cruciaux à la prestation de services essentiels à la population civile, de s’abstenir d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage des biens indispensables à la survie de la population civile, et de respecter et de protéger le personnel humanitaire ainsi que les articles destinés aux opérations de secours humanitaire, et demandant instamment à toutes les parties au conflit armé de protéger les infrastructures civiles qui sont cruciales à l’acheminement de l’aide humanitaire, notamment en vue de la prestation de services essentiels conformément à la résolution 2573 (2021),
Se déclarant alarmé par les informations qui continuent de faire état de violations du droit international humanitaire ainsi que de violations des droits humains et d’atteintes à ces droits, y compris des cas de violence sexuelle et fondée sur le genre, et appelant à la justice et à l’établissement des responsabilités pour ces violations,
Se déclarant préoccupé par la détérioration de la situation humanitaire déjà catastrophique, notamment par les niveaux critiques ou pires d’insécurité alimentaire aiguë qui sont atteints, et par le risque imminent de famine, en particulier au Darfour,
Notant qu’il est indispensable de permettre l’accès total, rapide, sûr, durable et sans entrave de l’aide humanitaire au Darfour et à d’autres zones touchées par le conflit à travers les frontières et les lignes de front, demandant instamment aux autorités soudanaises d’autoriser et de faciliter l’accès humanitaire pour les organismes des Nations Unies et d’autres acteurs humanitaires, exhortant les parties au conflit à faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne en toute sécurité à ceux qui en ont besoin, et se félicitant à cet égard de l’engagement pris récemment par les autorités soudanaises de faciliter cet accès, y compris l’octroi de visas et d’autorisations de voyage,
Condamnant le pillage des stocks humanitaires, se déclarant préoccupé par la mobilisation croissante des groupes armés ou des milices et appelant toutes les parties à exercer un commandement et un contrôle stricts sur leurs forces,
Conscient de l’importance des mesures de désescalade et du rôle des efforts déployés à l’échelle local pour résoudre le conflit et obtenir un cessez-le-feu au Darfour, conformément aux efforts de consolidation et de rétablissement de la paix menés et contrôlés par le Soudan, et encourageant les parties au conflit à donner aux anciens et aux dirigeants communautaires soudanais les moyens de mettre en place des dispositifs locaux d’atténuation du conflit et de cessez-le-feu, y compris des mécanismes de surveillance, de coordination et de liaison,
1. Exige que les Forces d’appui rapide mettent fin au siège d’El-Fasher, demande l’arrêt immédiat des combats et la désescalade à l’intérieur et autour d’El-Fasher et demande également le retrait de tous les combattants qui menacent la sûreté et la sécurité des civils, avec le soutien des mécanismes de médiation locaux, le cas échéant;
2. Exige que toutes les parties au conflit assurent la protection des civils, notamment en permettant à ceux qui le souhaitent de se déplacer à l’intérieur et à l’extérieur d’El-Fasher vers des zones plus sûres, rappelle que tous les civils doivent être protégés conformément au droit international et demande au Secrétaire général, en consultation avec les autorités soudanaises et les parties prenantes régionales, de formuler des recommandations supplémentaires en faveur de la protection des civils au Soudan, en s’appuyant sur les mécanismes de médiation et de bons offices existants;
3. Appelle à la mise en œuvre intégrale de la Déclaration d’engagement de Djedda en faveur de la protection des civils du Soudan, demande que les parties au conflit autorisent et facilitent l’acheminement rapide, sûr, durable et sans entrave de l’aide humanitaire destinée aux civils qui en ont besoin, y compris en levant les obstacles bureaucratiques et autres, en délivrant rapidement les visas et les autorisations nécessaires pour les voyages du personnel humanitaire et l’acheminement des fournitures essentielles, prend note des mesures adoptées par les autorités soudanaises à cet égard et invite celles-ci à poursuivre leur coopération, réitère ses appels à toutes les parties pour qu’elles travaillent en étroite collaboration avec les organismes des Nations Unies et les autres acteurs humanitaires pour faire en sorte que l’aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin et, avec l’accord préalable des autorités soudanaises et en coordination avec elles, leur demande de rouvrir la frontière au point de passage d’Adré et leur demande également de retirer les combattants s’il y a lieu pour permettre les activités agricoles tout au long de la saison des semailles afin d’éviter d’aggraver le risque de famine;
4. Souligne qu’il est urgent de remédier au déficit de financement du Plan d’aide humanitaire et du plan régional d’intervention en faveur des réfugiés, et encourage les États Membres et les donateurs et partenaires internationaux à veiller à ce que tous les engagements pris soient pleinement honorés dans les délais prescrits et à augmenter les contributions pour permettre l’intensification de l’aide humanitaire nécessaire de façon à éviter une nouvelle détérioration de la situation humanitaire;
5. Exige que toutes les parties au conflit respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, y compris le droit international des droits humains, le cas échéant, et le droit international humanitaire notamment en ce qui concerne la conduite des hostilités et la protection des civils et des biens de caractère civil, en rappelant que les installations civiles, en particulier les hôpitaux, les installations médicales, les écoles, les lieux de culte et les installations des Nations Unies, ainsi que le personnel humanitaire, le personnel des Nations Unies et le personnel associé, notamment le personnel recruté sur les plans national et local, ainsi que le personnel médical, et leurs moyens de transport, doivent être respectés et protégés, conformément au droit international humanitaire;
6. Demande à tous les États Membres de s’abstenir de toute ingérence extérieure qui viserait à attiser le conflit et à aggraver l’instabilité et d’appuyer au contraire l’action en faveur d’une paix durable, rappelle à toutes les parties au conflit et aux États Membres qui facilitent les transferts d’armes et de matériel militaire au Darfour leurs obligations de respecter les mesures d’embargo sur les armes énoncées aux paragraphes 7 et 8 de la résolution 1556 (2004), et réitère que ceux qui contreviennent à l’embargo sur les armes pourraient faire l’objet de mesures ciblées conformément à l’alinéa c) du paragraphe 3 de la résolution 1591 (2005);
7. Demande aux parties au conflit d’œuvrer à la cessation immédiate des hostilités, pour parvenir à un règlement durable du conflit, par le dialogue, avec l’appui constant de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, Ramtane Lamamra, et du Groupe de haut niveau de l’Union africaine sur le Soudan;
8. Encourage l’action coordonnée menée par l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Soudan, Ramtane Lamamra, avec l’Union africaine, la Ligue des États arabes et d’autres acteurs régionaux clés, afin de contribuer à la promotion de la paix et d’un processus politique inclusif et global mené par les Soudanais, avec la participation pleine, égale, sûre et véritable des femmes, qui reflète les aspirations du peuple soudanais;
9. Prie le Secrétaire général de lui rendre compte de la mise en œuvre de tous les éléments de la présente résolution dans le cadre des exposés qu’il lui fait régulièrement conformément à la résolution 2715 (2023);
10. Décide de rester activement saisi de la question.