En cours au Siège de l'ONU

9709e séance – matin
CS/15795

Libye: « un statu quo intenable », met en garde la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général devant le Conseil de sécurité

Au cours des deux derniers mois, la situation en Libye s’est rapidement détériorée sur les plans politique, économique et sécuritaire, a constaté, ce matin au Conseil de sécurité, la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée des affaires politiques pour la Libye et responsable de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).  « Le statu quo est intenable », s’est alarmée Mme Stephanie Koury, en faisant état de « mesures unilatérales » prises par des acteurs libyens de tous bords, qui creusent encore davantage les « divisions institutionnelles et politiques » paralysant l’État libyen depuis des années. 

Au nombre des incidents survenus au cours de la période à l’examen, la haute fonctionnaire a cité l’incursion, le 9 août dernier, de l’Armée nationale libyenne (ANL) dans le sud-ouest du pays, déclenchant une mobilisation immédiate des forces et groupes armés adverses basés dans cette région. « Si l’ANL a par la suite justifié cette incursion par la nécessité de sécuriser la frontière sud-ouest, cette action unilatérale a suscité des inquiétudes chez l’Algérie voisine », a-t-elle relevé.  Des mouvements de troupes qui se produisent également entre forces et groupes armés basés dans la partie occidentale du pays. 

Et le 9 août également, a précisé Mme Koury, de violents affrontements armés ont éclaté à Tajoura, à l’est de Tripoli, entre deux groupes armés, faisant des morts et des blessés parmi les civils.  Des efforts de médiation menés localement ont ensuite permis de désamorcer la situation, a-t-elle précisé, ce dont plusieurs membres du Conseil, dont l’Équateur, se sont félicités. 

Or, cette instabilité, a poursuivi la Représentante spéciale adjointe, est aggravée par des actions condamnables dans le champ politique.  Elle en a voulu pour preuve les tentatives unilatérales de destituer le Gouverneur de la Banque centrale et des manœuvres similaires concernant le Premier Ministre Dbaibah et son gouvernement.  De plus, a-t-elle aussi mentionné, les tensions se sont intensifiées le 14 août, à la suite d’informations faisant état de mouvements armés pour prendre le contrôle de la Banque centrale, et des groupes armés se sont mobilisés à Souk el-Joumaa, à Tripoli.  Si le calme est revenu dès le lendemain, Mme Koury a déploré que les efforts déployés pour changer le Gouverneur nourrissent la perception des habitants de l’ouest, et de leurs dirigeants, qu’ils sont lésés par la Banque centrale. 

Dans ce contexte difficile, a relaté la Représentante spéciale adjointe les Libyens ordinaires tentent d’avancer, notamment grâce à des processus démocratiques inclusifs, salués aujourd’hui par le Royaume-Uni, la Suisse, Malte, la République de Corée et l’Équateur.  Mme Koury a en effet constaté un regain d’engagement des partis politiques, des syndicats, de la société civile, des personnalités indépendantes et d’autres acteurs avec lesquels la MANUL a engagé un dialogue pour coordonner et promouvoir des idées constructives. 

Mais le nombre de sièges réservés aux femmes pour les élections municipales doit encore augmenter, a souligné la haute fonctionnaire, en recommandant des mesures proactives à cet égard, alors que les femmes sont confrontées à de nombreux obstacles, notamment l’intimidation, la violence en ligne, les attaques verbales et d’autres obstacles qui les découragent de se porter candidates.  Le Guyana, au nom des A3+, un groupe constitué avec l’Algérie, le Mozambique et la Sierra Leone, a exprimé sa préoccupation face à cette hostilité.  La Slovénie a considéré que les élections municipales seraient un « test », le Secrétaire général affirmant dans son rapport qu’elles sont « essentielles à une gouvernance efficace et représentative au niveau local » et qu’elles « peuvent servir de tremplin vers des processus électoraux au niveau national ». 

Encore faudrait-il que les liens entre organisations extrémistes et criminalité organisée locale et transnationale soient rompus, a noté Mme Koury, en s’alarmant des violations de l’embargo sur les armes. La délégation britannique a d’ailleurs regretté « l’inefficacité persistante » de cet embargo, rappelant que le Groupe d’experts qui est associé au comité des sanctions continue de souligner des manquements « flagrants et malveillants », notamment la fourniture d’un soutien militaire à des acteurs libyens, « y compris par certains membres du Conseil ». 

Pour la Fédération de Russie, aucune solution ne saurait être imposéee de l’extérieur à la Libye, la délégation plaidant pour un retrait graduel de toutes les forces étrangères du pays, « sans exception », avant de dénoncer le gel des avoirs libyens.  Ce sont les pays occidentaux qui ont détruit la Libye, a-t-elle tranché, en dénonçant le vol, par des « banquiers occidentaux », de 2 milliards d’euros appartenant à la population libyenne. 

Le représentant de la Libye s’est montré dubitatif devant les initiatives de pourparlers qui fleurissent, « les unes sincères et d’autres moins ».  Pour lui, la communauté internationale n’a jamais permis au peuple libyen de conduire son propre processus de paix, le problème du pays étant de nature politique et non juridique.  Aussi le délégué a-t-il appelé les États à s’abstenir de toute ingérence dans les affaires de son pays, affirmant que la seule issue est la tenue d’élections. Selon lui, le processus politique à venir doit s’appuyer sur ce qui a déjà été fait tout en évitant les divisions. 

Pour la Cheffe de la MANUL, en l’absence de nouveaux pourparlers politiques menant à un gouvernement unifié et à des élections, nous assisterons à une plus grande instabilité politique, financière et sécuritaire, à des divisions politiques et territoriales profondément ancrées, et à une plus grande instabilité nationale et régionale.  Aussi la Mission concentre-t-elle désormais ses bons offices sur l’aide à la désescalade des tensions, la préservation de la stabilité et la promotion de mesures de confiance entre les principales parties prenantes, ainsi que la préparation de la convocation de pourparlers politiques « dirigés par les Libyens eux-mêmes », a assuré Mme Koury. 

Le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, M. Yamazaki Kazuyuki (Japon), a également participé à cette séance pour faire le compte rendu des travaux du Comité entre le 19 juin et le 20 août 2024. 

LA SITUATION EN LIBYE (S/2024/598)

Exposés

Mme STEPHANIE KOURY, Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée des affaires politiques pour la Libye et responsable de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a décrit la détérioration rapide de la situation dans le pays au cours des deux derniers mois en termes de stabilité politique, économique et sécuritaire.  Elle a expliqué que les actes unilatéraux des acteurs libyens de la politique, de l’armée et de la sécurité avaient accru les tensions, creusé davantage les divisions institutionnelles et politiques et compliqué les efforts pour parvenir à une solution politique négociée.  Au nombre des incidents récents, elle a cité l’incursion, le 9 août, de l’Armée nationale libyenne (ANL) dans le sud-ouest de la Libye, qui a incité les forces et groupes basés dans cette région à se mobiliser et à affirmer leur volonté de répondre à toute attaque.  Si l’ANL a par la suite justifié cette incursion par la nécessité de sécuriser la frontière sud-ouest, cette action unilatérale a suscité des inquiétudes chez l’Algérie voisine, a relevé la Représentante spéciale adjointe.  Elle a aussi noté que ce type de mouvements sécuritaires unilatéraux ne se limitent pas aux mouvements des forces d’est en ouest, mais se produisent également entre les forces et groupes armés regroupés dans la partie occidentale du pays. 

Le 23 juillet, a-t-elle poursuivi, les forces affiliées au Gouvernement d’unité nationale se sont déplacées vers l’ouest, déclenchant une mobilisation de l’ANL et des groupes armés contrôlant cette zone.  Et le 9 août, de violents affrontements armés ont éclaté à Tajoura, à l’est de Tripoli, entre deux groupes armés, faisant des morts et des blessés parmi les civils.  Des efforts de médiation locaux ont permis de désamorcer la situation, a précisé la Représentante spéciale adjointe. 

Les actions unilatérales des responsables politiques et sécuritaires compromettent également la stabilité, a-t-elle regretté.  Les tentatives unilatérales de destituer le Gouverneur de la Banque centrale se heurtent à celles de le maintenir en place, de même que les tentatives de destituer le Premier Ministre Dbaibah et son gouvernement. Le 14 août, les tensions se sont intensifiées et des groupes armés se sont mobilisés à Souk el-Joumaa, à Tripoli, en raison d’informations faisant état de mouvements armés cherchant à prendre le contrôle de la Banque centrale.  La situation s’est apaisée le matin du 15 août, a annoncé Mme Koury. 

Elle a ensuite rendu compte d’une élection « très serrée » tenue le 7 août: potentiellement avec une voix d’écart, les résultats du vote pour élire le président du Haut Conseil d’État restent contestés et les votes pour les sièges de Vice-Président et de rapporteur sont suspendus.  Elle a également signalé que le 13 août, des membres de la Chambre des députés se sont réunis à Benghazi, votant pour mettre fin au mandat du Gouvernement d’unité nationale et du Conseil présidentiel et transférer le rôle de Commandant suprême des forces armées au Président de la Chambre.  Ces membres ont également approuvé le Gouvernement désigné par la Chambre des députés à l’est comme seul pouvoir exécutif légitime, une décision rejetée par les dirigeants de l’ouest. 

Les actions unilatérales dans le domaine économique sont également un facteur d’instabilité, a relevé la haute fonctionnaire.  Après des mois d’efforts pour élaborer un budget unifié avec la participation des représentants de l’est et de l’ouest, le 10 juillet, la Chambre des députés a adopté une allocation budgétaire supplémentaire soumise unilatéralement par le gouvernement désigné par ladite Chambre. Une mesure dénoncée par les dirigeants de l’ouest, a précisé Mme Koury en ajoutant que les efforts visant à changer le Gouverneur de la Banque centrale sont alimentés par la perception qu’ont les dirigeants politiques et sécuritaires, ainsi que les Libyens ordinaires de l’ouest, que la Banque centrale de Libye facilite les dépenses dans l’est mais pas dans l’ouest. 

Dans ce contexte difficile, les Libyens ordinaires tentent d’avancer, notamment grâce à des processus démocratiques inclusifs, a relaté la Représentante spéciale adjointe.  Elle a en effet constaté un regain d’engagement des partis politiques, des syndicats, de la société civile, des personnalités indépendantes et d’autres acteurs avec lesquels la MANUL a engagé un dialogue pour coordonner et promouvoir des idées constructives.  Les élections locales se déroulent bien, mais l’augmentation du nombre de sièges réservés aux femmes pour les élections municipales doit encore être réalisée. Mme Koury a recommandé de prendre des mesures plus proactives étant donné que les femmes sont confrontées à de nombreux obstacles, notamment l’intimidation, la violence en ligne, les attaques verbales et d’autres obstacles pour les décourager de s’inscrire comme candidates. 

Quant aux organisations extrémistes, elles maintiennent leur présence en Libye en tirant parti de leurs liens avec la criminalité organisée locale et transnationale, a déploré Mme Koury, en s’alarmant que des armes soient potentiellement entrées en Libye, en violation de l’embargo en place.  Elle a également rapporté que des restrictions de l’espace civique, des détentions arbitraires, notamment de femmes et d’enfants, des enlèvements, des disparitions forcées, des actes de torture, des décès en détention et des « aveux » extorqués continuent d’être signalés à travers tout le pays.  Sans compter une crise humanitaire désastreuse, aggravée par d’énormes inondations le 16 août dans le sud-ouest, et l’arrivée de près de 100 000 réfugiés soudanais fuyant les hostilités dans leur pays, a ajouté la haute fonctionnaire.

Le statu quo n’est pas tenable, a tranché la Cheffe de la MANUL.  « En l’absence de nouveaux pourparlers politiques menant à un gouvernement unifié et à des élections, nous assisterons à une plus grande instabilité politique, financière et sécuritaire, à des divisions politiques et territoriales profondément ancrées et à une plus grande instabilité nationale et régionale », a-t-elle prédit.  Aussi la Mission concentre-t-elle désormais ses bons offices sur l’aide à la désescalade des tensions, la préservation de la stabilité et la promotion de mesures de confiance entre les principales parties prenantes, ainsi que la préparation de la convocation de pourparlers politiques dirigés par les Libyens eux-mêmes, a assuré Mme Koury. 

M. YAMAZAKI KAZUYUKI (Japon), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a rendu compte au Conseil des travaux du Comité pendant la période allant du 19 juin au 20 août 2024.  Le Comité, a-t-il tout d’abord indiqué, a mené ses travaux en utilisant la procédure d’approbation tacite, dans le but de faciliter la mise en œuvre des mesures de sanctions.  En ce qui concerne l’embargo sur les armes, il a dit que le Comité prépare actuellement une réponse à la suite d’informations supplémentaires données par l’Espagne. 

S’agissant du gel des avoirs libyens, le Président du Comité a indiqué qu’aucune décision négative n’a été prise par rapport aux sept notifications reçues, dont six soumises par Bahreïn et une par le Royaume-Uni.  Le Comité a répondu à une lettre d’Oman sur une question liée au gel des avoirs et il est en train d’examiner une notification de Bahreïn.  De plus, le Comité examine actuellement deux questions dans le cadre des consultations informelles tenues début juin pour examiner le rapport intérimaire du Groupe d’experts. 

Pour ce qui est de la liste des sanctions, le Président du Comité a signalé que celui-ci avait reçu une communication du point focal en vue de radier un individu de ladite liste.  Le processus d’examen de cette demande est toujours en cours, a-t-il précisé.  En conclusion, il a réitéré l’engagement du Comité à contribuer à la promotion de la paix et de la stabilité en Libye. 

Déclarations

Le représentant du Royaume-Uni a estimé que les Libyens méritent la stabilité et la prospérité.  Malheureusement, un règlement politique permettant cela reste lointain, a-t-il déploré. Il a pris note des initiatives politiques qui se déroulent en dehors des auspices de l’ONU, y compris la récente réunion des membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État.  Il a souligné que le dialogue politique doit être inclusif pour être efficace, et il doit reconnaître le rôle central de la MANUL mandatée par le Conseil. 

Il a ensuite dit partager l’inquiétude croissante exprimée par le Groupe d’experts concernant l’augmentation des violations et des abus des droits humains. Cela comprend les rapports récents d’arrestations illégales et de mauvais traitements infligés aux journalistes. Il existe également un manque persistant de protection des femmes, ce qui restreint leur capacité à participer à tous les aspects de l’espace civil, social et politique de la Libye, a-t-il déploré.  Le délégué a en outre regretté l’inefficacité persistante de l’embargo sur les armes, rappelant que le Groupe d’experts continue de souligner des manquements flagrants et malveillants, notamment la fourniture d’un soutien militaire, y compris par les membres du Conseil.  Le Secrétaire général de l’ONU a notre plein soutien dans ses efforts pour nommer un nouveau Représentant spécial dès que possible, a-t-il également affirmé. 

La représentante du Guyana, au nom des A3+ (Algérie, Mozambique, Sierra Leone et Guyana), a noté que la situation en Libye ne fait que de se détériorer, exigeant une attention croissante du Conseil.  Elle a plaidé pour un dialogue national dirigé et contrôlé par les Libyens.  Les récentes actions unilatérales de membres de la Chambre des députés, en violation des résolutions du Conseil, ne font qu’accroître les tensions entre les Libyens.  Elle a souligné la nécessité d’une bonne préparation des élections nationales tout en préservant le cessez-le-feu et en promouvant le dialogue politique.  « Ce Conseil devrait à nouveau concentrer toute son attention à préserver les efforts en vue de la tenue de ces élections. »  Elle a plaidé pour le renforcement du mandat de la MANUL afin de relever les défis de la paix et de la stabilité.  Elle s’est dite préoccupée par le manque de participation des femmes à l’édification de l’avenir du pays.  Préoccupée par la récente mobilisation de forces en divers endroits du pays, elle a appelé toutes les parties prenantes à s’abstenir de toute action provocatrice susceptible de fragiliser davantage encore la Libye.  Toutes les forces étrangères doivent se retirer du pays, a dit la déléguée. 

Au vu de la détérioration de la situation sur le terrain, la représentante de la Slovénie a exhorté tous les acteurs libyens à faire preuve de la plus grande retenue et à respecter le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme.  Préoccupée par la mobilisation et les mouvements militaires dans le sud-ouest du pays, elle a appelé à la pleine mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020, et au renforcement de la coordination entre les acteurs militaires et sécuritaires de l’est et de l’ouest en vue de leur unification.  Le retrait de toutes les forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen est également essentiel, a exigé la déléguée.  Elle a noté que la précarité de la situation sécuritaire est due à l’impasse politique qui s’est enracinée en Libye.  Mais une transition politique et une réconciliation nationale en Libye ne seront réussies que si les femmes sont habilitées à participer pleinement, de manière égale, significative et en toute sécurité à tous les processus liés à l’avenir de leur pays, a mis en garde la représentante, en soulignant qu’à cet égard, les prochaines élections municipales seraient un test. 

Le représentant de la Chine a estimé que pour promouvoir la réconciliation nationale et le processus politique en Libye, il faut s’appuyer sur le dialogue, la consultation et la communication, en notant que les parties libyennes ont toujours des vues différentes quant aux élections et aux organes nationaux.  Il a salué l’annonce de la République démocratique du Congo qui va organiser une conférence en octobre prochain en vue de promouvoir la réconciliation intralibyenne et donner un nouvel élan à la transition politique en Libye.  Préoccupé par la situation sécuritaire dans le pays, le représentant a demandé aux parties d’éviter les frictions et les affrontements en renforçant la communication dans le cadre de la Commission militaire conjointe 5+5.  Il a appelé la communauté internationale à soutenir le développement du pays, et demandé le retrait des forces étagères et mercenaires du pays.  La Chine appelle aussi toutes les parties à régler les différends économiques par le dialogue, a-t-il poursuivi avant de souligner que les avoirs gelés de la Libye appartiennent au pays et que la résolution 2701 (2023) doit être appliquée.  Avant de conclure, le représentant a soutenu tous les efforts en vue de renforcer le cessez-le-feu dans le pays.

Le représentant de la République de Corée a relevé que la récente fermeture par une milice du champ pétrolifère de Charara, lequel produisait 40% de la production nationale de pétrole, met en évidence les risques économiques découlant de la fragilité de la situation sécuritaire et du manque de gouvernance nationale en Libye.  Il a exhorté tous les dirigeants libyens à dialoguer et à donner la priorité aux intérêts du peuple libyen et non à leurs intérêts personnels.  Dans le contexte du processus électoral, il a jugé particulièrement important de protéger les femmes libyennes du harcèlement et de la violence sexiste, et de renforcer leur participation à toutes les étapes des processus politiques. 

Rappelant l’observation du Secrétaire général de l’ONU selon laquelle la Libye est devenue un terrain de rivalité entre pays étrangers motivés par des intérêts géopolitiques et économiques, le délégué a prédit que l’influence extérieure sur les acteurs nationaux individuels va probablement approfondir et prolonger les divisions entre les Libyens.  Nous attendons du Secrétaire général la nomination rapide d’un Représentant spécial compétent pour la Libye qui dirigera les efforts de médiation de l’ONU, a-t-il souhaité.  Il a par ailleurs exhorté vivement les parties libyennes et étrangères à respecter pleinement l’embargo sur les armes du Conseil de sécurité.  Il a également appelé la communauté internationale à intensifier ses efforts pour répondre aux conditions désastreuses auxquelles sont confrontés les migrants de toute l’Afrique qui tentent de traverser la Méditerranée, ainsi que les réfugiés de pays voisins.  Il a enfin estimé que le plus urgent et le plus impératif pour l’amélioration de la situation libyenne est la tenue d’élections présidentielles et parlementaires libres, équitables et inclusives le plus rapidement possible. 

La représentante de la Suisse a dit suivre avec préoccupation les développements politiques et militaires de ces dernières semaines en Libye.  Elle a exhorté l’ensemble des parties à faire preuve de retenue afin d’éviter une escalade qui aurait des conséquences désastreuses en Libye et dans la région, y compris sur la vie des femmes et des filles. « Au niveau sécuritaire, nous nous faisons l’écho des appels de la MANUL déplorant l’utilisation de projectiles lourds et de roquettes par les groupes combattants dans des zones densément peuplées et rappelons à toutes les parties leur obligation de protéger les civils à tout moment. »  Les actes susceptibles d’accroître les tensions, de saper la confiance et d’enraciner davantage les divisions institutionnelles et la discorde entre les Libyens doivent cesser, a tranché la déléguée.  Elle a jugé crucial d’organiser des élections libres, transparentes et inclusives.  « Un gouvernement élu et des institutions unifiées sont des prérequis à la consolidation de la stabilité et à l’essor économique. »  Enfin, elle a dénoncé le ciblage des femmes actives en politique en Libye. 

La représentante de la France s’est déclarée préoccupée par la situation sécuritaire en Libye, réitérant l’impératif de pleinement respecter l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  La déléguée a ensuite encouragé la reprise d’un processus politique seul à même de mettre fin au cycle de tensions entre groupes armés.  Ce processus doit mener à la formation d’un nouveau gouvernement unifié et à l’organisation d’élections présidentielle et législatives sans plus attendre, a-t-elle exhorté.  Pour que le pays sorte de l’impasse, la représentante a appelé les acteurs libyens à respecter leurs engagements et à s’engager dans le dialogue. Elle a favorablement accueilli la réunion tenue au Caire entre des parlementaires de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, le 18 juillet dernier, appelant à la poursuite des efforts en ce sens. 

La déléguée a ensuite souhaité qu’un représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye soit prochainement désigné.  Pour elle, l’actuelle période de transition doit être l’occasion de mener une réflexion approfondie sur les objectifs stratégiques de la MANUL, afin qu’elle remplisse au mieux son rôle de facilitation du dialogue interlibyen et qu’elle accompagne le processus sécuritaire pour mener à la réunification des forces armées libyennes.  La déléguée a enfin appelé à ce que tout soit mis en œuvre pour garantir la libre expression des électeurs lors des prochaines élections municipales, qui représenteront une étape importante dans la vie démocratique du pays. 

Le représentant des États-Unis s’est dit préoccupé par les divisions qui perdurent et qui sèment un risque de conflit en Libye, notant que les conditions ne sont pas propices au dialogue pour réunifier le pays.  Il a jugé impératif que les parties négocient dans l’intérêt de l’unité du pays, souhaitant voir des efforts en ce sens. Le délégué a appelé tous les acteurs, qu’ils soient au sein ou à l’extérieur de la Libye, à soutenir les efforts du Secrétaire général pour définir une feuille de route devant guider le processus d’élections nationales « justes et libres », afin de parvenir à constituer un gouvernement responsable et représentatif, tel que le peuple libyen le mérite.  Le représentant a également insisté sur l’importance de la réunification militaire du pays, avant de faire part de ses préoccupations relatives à la division de la Banque centrale et aux tentatives de remplacer son gouverneur.  Il a appelé à y renoncer au nom du bon fonctionnement de la Banque et a plaidé en faveur d’une répartition juste et équitable des ressources du pays. 

S’agissant des sanctions imposées au pays, le représentant a fait état de la présence de navires russes non loin de côtes libyennes qui déchargent équipements et personnels militaires.  Il a craint que cela ne déstabilise la Libye et la région.  Il est vital que les États Membres respectent les exigences de notification concernant les livraisons d’armes, a-t-il martelé à cette occasion, en encourageant le Groupe d’experts à continuer à faire rapport sur toutes les infractions à l’embargo sur les armes.  Le Conseil doit en rester saisi, a-t-il demandé. 

La représentante de Malte a estimé qu’un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens reste le seul moyen par lequel le pays pourra prospérer. De même, le rôle de médiation des Nations Unies dans tout processus politique est crucial.  Toute proposition visant à soutenir le processus politique doit être inclusive, motivée par la bonne foi et complémentaire au rôle et aux efforts de l’ONU, a-t-elle souligné.  De même, elle a insisté sur la nécessité de combler l’absence de leadership actuel au sein de la MANUL, craignant qu’une absence prolongée solidifie le statu quo. 

La présence continue de combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires ainsi que la prolifération d’armes sous le contrôle de divers acteurs étatiques et non étatiques sont des facteurs tout aussi déstabilisateurs, a poursuivi la déléguée.  Selon elle, le respect total du cadre plus large des sanctions reste tout aussi essentiel. Du point de vue régional, nous soulignons que le territoire libyen ne doit pas être utilisé pour la compétition entre les acteurs, a-t-elle plaidé.  Les restrictions à l’engagement politique des femmes et leur représentation limitée dans les structures nationales sont profondément regrettables et incompatibles avec la feuille de route politique de la Libye, a indiqué la représentante. 

Le représentant du Japon s’est dit profondément préoccupé par l’impasse politique qui se prolonge en Libye.  Estimant que des élections nationales sont une condition préalable pour restaurer la légitimité des institutions de l’État, il a noté l’absence de progrès vers la résolution des questions contestées dans les lois électorales, avant d’exhorter « une nouvelle fois » toutes les parties prenantes libyennes à placer les aspirations du peuple au-dessus de leurs propres intérêts.  « La Libye a besoin d’une distribution équitable et transparente de ses revenus plutôt que de groupes politiques et armés qui se disputent le pouvoir sur les ressources. »  Le représentant a mis en exergue les risques pour la sécurité qui découlent de la division politique structurelle actuelle en Libye, réaffirmant la nécessité d’un dialogue et d’un renforcement de la confiance entre les parties.  Il a également encouragé la MANUL à poursuivre son soutien aux efforts de la Commission militaire conjointe 5+5 afin de faire respecter l’accord de cessez-le-feu, y compris le retrait des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires, et de faciliter le dialogue en vue d’établir des institutions militaires et sécuritaires unifiées, responsables et professionnelles.

Alors que la situation humanitaire des migrants et des réfugiés qui entrent et transitent par la Libye reste très préoccupante, le délégué a mis en garde contre l’intensification du conflit au Soudan qui a déjà ajouté plus de 20 000 réfugiés aux frontières libyennes.  Bien que la réponse humanitaire apportée par les agences onusiennes et les autorités locales soit louable à ses yeux, il a appelé la communauté internationale à mettre davantage en lumière ces personnes en situation de vulnérabilité.  Le Japon est également alarmé par les rapports faisant état de violations systématiques du droit international en matière de droits de l’homme, de même que de restrictions excessives imposées à la société civile, aux femmes, aux jeunes, aux journalistes, aux défenseurs des droits humains et à d’autres personnes, a-t-il indiqué.

La représentante de l’Équateur a constaté que la stagnation du processus politique libyen continue de retarder la tenue d’élections présidentielle et législatives libres, inclusives et transparentes.  Dans cette perspective, il est essentiel que la Haute Commission électorale nationale garantisse la participation pleine, significative et sûre des femmes, des minorités et des jeunes à ce processus.  Mais la persistance de divisions et l’existence d’institutions parallèles compromettent la sécurité et la stabilité économique du pays, ainsi que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye dans un contexte régional de plus en plus complexe, a-t-elle mis en garde.  Notant que des affrontements armés ont été signalés ces derniers mois dans différentes régions du pays, la déléguée a toutefois salué la désescalade des hostilités à Tajoura.  Elle a apporté son soutien aux efforts de la Commission militaire conjointe 5+5 pour mettre en œuvre l’accord de cessez-le-feu de 2020.  « Ces affrontements soulignent la nécessité d’unifier l’appareil militaire et sécuritaire libyen. »  La représentante a ainsi salué la réunion des membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État tenue au Caire le 18 juillet, qui avait pour objectif de faciliter un processus politique dirigé et assumé par les Libyens.  Elle doit maintenant se traduire par des actions concrètes, a-t-elle ajouté. 

Le représentant de la Fédération de Russie a noté que le processus politique libyen est dans l’impasse.  La situation critique exige une action internationale, a-t-il recommandé.  Il a plaidé pour un dialogue national « dirigé et contrôlé par les Libyens », avant de demander que la priorité soit donnée aux aspirations de la population libyenne.  Aucune solution ne doit être imposée de l’extérieur, a-t-il réclamé.  Le délégué a espéré que « l’abîme de défiance entre les Libyens depuis l’agression de l’OTAN » pourra être surmonté et l’unité restaurée.  Il a plaidé pour un retrait graduel de toutes les forces étrangères du pays, « sans exceptions », avant de dénoncer le gel des avoirs libyens.  Ce sont les pays occidentaux qui ont détruit la Libye, a tranché le délégué, en dénonçant le vol, par des banquiers occidentaux, de 2 milliards d’euros appartenant à la population libyenne.  Le délégué a demandé la nomination d’un nouveau représentant spécial du Secrétaire général, qui soit doté d’une autorité forte et qui sache établir un dialogue avec toutes les parties prenantes.  Enfin, il a rappelé que la coopération amicale russo-libyenne est conforme aux résolutions onusiennes. 

Le représentant de la Libye s’est dit surpris des divers discours entendus ce jour.  Il a fait remarquer que ces exposés rendent compte de faits sans faire de proposition pour sortir le pays de l’impasse.  Le Conseil n’arrive même pas à s’entendre sur la nomination d’un représentant spécial, et ce, depuis des mois, a-t-il ironisé.  Il a fait état d’initiatives de pourparlers qui naissent malgré tout, « les unes sincères et d’autres moins ».  Mais la communauté internationale n’a jamais permis au peuple libyen de conduire son propre processus de paix, a déploré le représentant avant d’affirmer que « le problème libyen est politique et non pas juridique ». 

Le délégué a appelé les États à s’abstenir de toute pratique pouvant aggraver la situation en Libye.  Il a affirmé que la seule issue est la tenue d’élections.  Selon lui, le processus politique à venir doit s’appuyer sur ce qui a déjà été fait tout en évitant les divisions.  Le peuple libyen veut faire entendre sa voix, a-t-il assuré, tout en rejetant les ingérences étrangères.  De son avis, les parties doivent agir par le biais de la Commission militaire conjointe 5+5. 

En ce qui concerne la situation économique, le représentant libyen a évoqué la diffusion de fausses monnaies sur le marché, en soulignant le besoin d’assainir le secteur des hydrocarbures.  Il a appelé à ne pas sous-estimer la résilience du peuple libyen qui est, a-t-il assuré, déterminé à contrer les ingérences étrangères.  Tôt ou tard, le territoire national sera épuré de cette présence, a-t-il prédit, en rappelant que la stabilité de la Libye aura un impact positif sur la région.  « Il est temps de mettre un terme à ces ingérences de parties qui ne veulent pas le bien du pays.  Il est temps de se consacrer à la reconstruction du pays. » 

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