En cours au Siège de l'ONU

9691e séance – après-midi    
CS/15773

Conseil de sécurité: l’attaque houthiste sur Tel-Aviv et les représailles d’Israël au Yémen font craindre une escalade régionale

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.

Le Conseil de sécurité s’est réuni, cet après-midi, à la demande des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni qui réagissaient à l’attaque au drone menée par les houthistes, le 19 juillet, contre Tel-Aviv.  Les membres du Conseil ont généralement condamné cette attaque en exprimant leurs craintes d’escalade régionale après les tirs israéliens de représailles au Yémen, qui ont touché le port de Hodeïda et qu’Israël a justifiés par son droit à la légitime défense.  Plusieurs ont pointé du doigt la République islamique d’Iran, qui finance et arme les rebelles houthistes opérant au Yémen, tandis que d’autres ont souligné le besoin d’un cessez-le-feu à Gaza, la clef pour la paix au Moyen-Orient.  La Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, Mme Rosemary DiCarlo, s’est désolée de voir les fragiles acquis de la trêve de 2022 au Yémen éclipsés par cette escalade.

Après avoir donné les détails de l’attaque au drone contre Tel-Aviv revendiquée par les houthistes, Mme DiCarlo a fait de même pour les frappes israéliennes qui ont visé le lendemain des cibles militaires houthistes dans le port de Hodeïda et aux alentours.  Le Secrétaire général, a-t-elle rappelé, a condamné l’attaque meurtrière des houthistes et est profondément préoccupé par le risque de tensions accrues dans la région que de tels actes dangereux entraînent.

En effet, les houthistes, qui voient ces frappes comme une « agression brutale contre le Yémen », ont promis d’y répondre.  Ils ont menacé de frapper les cibles vitales de « l’ennemi israélien », a fait savoir la Secrétaire générale adjointe.  Il est vrai que le 21 juillet, comme elle l’a relaté, l’armée israélienne a affirmé « avoir intercepté un missile sol-sol qui s’approchait du territoire israélien depuis le Yémen ».  Qui plus est, les houthistes continuent d’attaquer les navires commerciaux en mer Rouge, en violation des résolutions 2722 (2024) et 2739 (2024) du Conseil de sécurité, a-t-elle déploré en citant l’Organisation maritime internationale qui a vérifié 42 de ces attaques. 

« Le risque d’élargissement du conflit au Moyen-Orient est réel et doit être évité. »  C’est ce qu’a dit lui-même le Secrétaire général, a-t-elle rappelé en soulignant que les attaques contre la navigation internationale dans la région de la mer Rouge mettent en danger la sûreté et la sécurité des chaînes d’approvisionnement mondiales et entraînent des conséquences négatives sur la situation économique et humanitaire dans le monde entier.

Si Mme DiCarlo a jugé « essentiel » que le port de Hodeïda soit ouvert et opérationnel, le général Michael Beary, Chef de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), a rappelé que la Mission est là pour soutenir la mise en œuvre des engagements pris par les parties pour faire respecter le cessez-le-feu à Hodeïda.  Ainsi, la Mission mène régulièrement des patrouilles pour préserver la nature civile du port.  Elle est néanmoins limitée du fait des restrictions imposées par les autorités de facto, a signalé M. Beary demandant au Conseil de prendre conscience des difficultés auxquelles elle fait face pour accéder au port.

S’adressant aux parties, le Chef de la MINUAAH leur a demandé de s’abstenir de prendre des mesures pouvant nuire aux civils et aux infrastructures civiles. « Nous continuerons d’opérer conformément au mandat que nous a confié le Conseil et nous appuierons les efforts de désescalade pour promouvoir la paix dans tout le Yémen », a-t-il promis. 

Le délégué d’Israël a ensuite fait le bilan des attaques visant son pays, « sur sept fronts » différents, à commencer par les attaques du Hezbollah soutenu par l’Iran depuis 1979 jusqu’à celles du Hamas et des houthistes depuis le début de la guerre de Gaza.  Depuis le 7 octobre, ces derniers ont lancé 220 drones sur Israël et l’attaque de Tel-Aviv a tué un père de famille et fait 10 blessés, a-t-il déploré en relevant que « ce petit frère du Hezbollah tente de devenir plus important que son grand frère » en utilisant des drones explosifs et des missiles balistiques ayant une plus grande autonomie.

Israël a accusé l’Iran de financer et d’entraîner tous ses supplétifs, affirmant que le drone tiré sur Tel-Aviv avait été fourni par ce pays.  Il est essentiel de se pencher sur le rôle de l’Iran dans ces attaques et de faire en sorte qu’il rende des comptes, ont plaidé à ce sujet les États-Unis.  Revendiquant son droit à la légitime défense, Israël a dit « ne pas être en conflit avec le Yémen ou sa population ».  Il a lancé la balle au Conseil en lui demandant d’accroître les sanctions, arguant que celles pesant déjà sur les houthistes ne suffisent pas. 

Les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et d’autres délégations ont souligné le droit d’Israël à la légitime défense avant de condamner l’attaque des houtistes ou de demander au Conseil de sécurité de la condamner.  La France a appelé les houthistes à cesser ces agissements et à s’engager de bonne foi dans le processus de paix avec le Gouvernement yéménite légitime, sous l’égide de l’Envoyé spécial du Secrétaire général. 

Plusieurs membres ont également demandé aux houthistes de cesser leurs attaques contre la navigation internationale et de libérer sans condition le navire Galaxy Leader et son équipage.  Le Japon a exhorté tous les États Membres à respecter leurs obligations concernant l’embargo sur les armes conformément à la résolution 2216 (2015).  La Slovénie a prié les parties de faire baisser les tensions et de s’abstenir de représailles.  Appelant au dialogue et à la diplomatie, elle s’est dite préoccupée par les conséquences humanitaires de ces tensions au Yémen, le long de la Ligne bleue et en mer Rouge. 

Soucieux également du sort de la population civile, l’Équateur a tenu à rappeler à Israël qu’il doit mener ses actions conformément au droit international, dans le respect des critères de nécessité, de distinction, de proportionnalité et de précaution, afin de protéger les civils et les infrastructures essentielles. 

Pour sa part, tout en assurant ne pas vouloir minimiser la gravité de l’incident ayant provoqué cette réunion, la Fédération de Russie a attiré l’attention sur « une escalade d’une toute autre ampleur », à moins d’une centaine de kilomètres au sud de Tel-Aviv.  L’Algérie a souligné, à cet égard, le besoin crucial d’un cessez-le-feu à Gaza, qui est selon elle « la clef pour la paix au Moyen-Orient ».  Elle a également souhaité la convocation d’une séance du Conseil sur la situation humanitaire à Gaza.

La Chine a, à son tour, demandé à Israël de cesser toutes activités militaires à Gaza et d’œuvrer à la solution des deux États.  La Chine a réitéré son appel à la tenue d’une conférence de paix internationale pour formuler une feuille de route de mise en œuvre de la solution des deux États.  « Une fois que la violence à Gaza cessera, la région entière pourra respirer », a conclu la Fédération de Russie. 

MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Exposés

Mme ROSEMARY DICARLO, Secrétaire générale adjointe aux affaires politiques et à la consolidation de la paix, a déclaré que le 19 juillet, un drone a touché un immeuble résidentiel dans un centre de Tel-Aviv faisant un mort et des blessés.  Les houthistes ont revendiqué la responsabilité de l’attaque affirmant qu’il s’agissait de « représailles » à la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza. Ils ont annoncé qu’ils avaient lancé un nouveau drone appelé « Yafa » et ont en outre déclaré que Tel-Aviv serait désormais une cible principale.  Les Forces de défense israéliennes ont dit que le drone était d’origine iranienne et appelé « Samad-3 », affirmant avoir intercepté un autre drone dans la foulée.  Le Secrétaire général a condamné cette attaque meurtrière des houthistes.  Il est profondément préoccupé par le risque posé par de tels actes dangereux, un risque de nouvelle escalade dans la région, a cité Mme DiCarlo qui a observé de nouveaux échanges rendant ainsi la situation plus précaire.

Le 20 juillet, a-t-elle poursuivi, Israël a mené plusieurs frappes aériennes sur le port de Hodeïda et aux alentours contre des cibles militaires houthistes.  Les frappes étaient une réponse aux précédentes « attaques terroristes » des houthistes contre Israël, les 200 attaques aériennes menées par les houthistes au cours des neuf derniers mois.  Les Forces de défenses israéliennes, qui affirment avoir agi seules, ont déclaré que c’était la première fois qu’elles frappaient le Yémen. Le Ministre de la défense Yoav Gallant a déclaré que « le feu qui brûle actuellement à Hodeïda est visible à travers le Moyen-Orient et sa signification est claire », a encore cité Mme DiCarlo. 

Les houthistes ont qualifié les frappes d’« agression brutale contre le Yémen ».  Ils ont promis de répondre à « cette agression flagrante » et ont menacé de frapper les « cibles vitales de l’ennemi israélien ».  Ils ont dénombré 9 morts, plus de 80 victimes dues aux frappes, ainsi que des dommages considérables aux infrastructures civiles.  Il n’y a pas de chiffres vérifiés actuellement disponibles, a précisé Mme DiCarlo se réjouissant que le personnel de l’ONU à Hodeïda soit sain et sauf, et qu’il n’y a pas eu de dommages aux locaux de l’ONU à Hodeïda. 

La Secrétaire générale adjointe a indiqué que des déplacements mineurs ont également été signalés dans des quartiers proches du port de Hodeïda.  L’étendue des dommages causés au port reste incertaine et les incendies continuent.  Les autorités locales ont dit que le port fonctionnait à une capacité limitée.  Il est essentiel que le port soit ouvert et opérationnel, a exhorté Mme DiCarlo.  Le Secrétaire général a exhorté « toutes les parties concernées à éviter les attaques qui pourraient nuire aux civils et endommager les infrastructures civiles », a-t-elle rappelé en se disant préoccupée par le risque d’une nouvelle escalade dans la région.  « Il faut faire preuve de la plus grande retenue. »

Poursuivant son compte-rendu, Mme DiCarlo a indiqué que le 21 juillet, l’armée israélienne a affirmé « avoir intercepté un missile sol-sol qui s’approchait du territoire israélien depuis le Yémen ».  En outre, les échanges de tirs de part et d’autre de la Ligne bleue continuent et risquent de provoquer un nouvel embrasement régional, a-t-elle mis en garde.  Le 20 juillet, les Forces de défense israéliennes ont déclaré que 40 roquettes, ainsi que des drones, avaient été tirés au-dessus de la Ligne bleue, blessant deux soldats et provoquant des incendies.  Selon la presse libanaise, les Forces de défense israéliennes ont frappé un dépôt de munitions du Hezbollah et un véhicule faisant des blessés et des dégâts aux infrastructures civiles. 

Il existe un risque réel d’escalade régionale, a insisté Mme DiCarlo avant d’évoquer les frappes israéliennes qui, selon le Gouvernement syrien, ont touché des sites militaires dans le sud du pays et à Damas.  Israël a déclaré qu’il s’agissait d’une réponse au lancement de deux drones depuis la Syrie.  Au Yémen, les fragiles acquis résultant de la trêve de 2022 sous l’égide de l’ONU sont éclipsés par l’escalade de la violence dans la région, a déploré la haute fonctionnaire.  Les houthistes continuent de lancer des attaques contre des navires commerciaux en mer Rouge, en violation des résolutions 2722 (2024) et 2739 (2024) du Conseil de sécurité.  L’Organisation maritime internationale a vérifié 42 attaques houthistes, a-t-elle précisé. 

Les opérations militaires israéliennes se sont intensifiées à Gaza ces dernières semaines, entraînant de nouvelles victimes civiles, des déplacements et la destruction d’infrastructures civiles.  Les groupes armés palestiniens à Gaza ont continué de tirer des roquettes contre Israël, a-t-elle dit en voyant dans ces derniers développements la preuve du danger réel d’une escalade dévastatrice à l’échelle de la région.  Mme DiCarlo a rappelé que, conscient de ce risque, le Secrétaire général avait, le 21 juin, demandé un cessez-le-feu immédiat et durable et la libération inconditionnelle des otages.  Les parties doivent s’engager à nouveau en faveur d’un horizon politique en faveur de la solution des deux États, a tranché Mme DiCarlo.

En ce qui concerne la Ligne bleue, elle a rappelé que le Secrétaire général avait appelé les parties « à s’engager de nouveau d’urgence à appliquer pleinement la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité et à reprendre immédiatement la cessation des hostilités ».  « Les attaques contre la navigation internationale dans la région de la mer Rouge ne sont pas acceptables car elles mettent en danger la sûreté et la sécurité des chaînes d’approvisionnement mondiales et ont un impact négatif sur la situation économique et humanitaire dans le monde entier », a-t-elle cité. 

Enfin, Mme DiCarlo a dit être préoccupée par le bien-être du personnel yéménite des Nations Unies, des organisations non gouvernementales nationales et internationales, des missions diplomatiques et de la société civile, qui sont détenus arbitrairement par les houthistes.  Elle a demandé leur libération immédiate et sans condition.  Ils doivent être traités dans le plein respect de leurs droits humains et avoir la possibilité de contacter leurs familles et leurs avocats, a-t-elle plaidé.

Le général de division à la retraite MICHAEL BEARY, Président du Comité de coordination du redéploiement et Chef de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH), a rappelé que, conformément à l’Accord de Stockholm de 2018 et à la résolution 2742 (2024) du Conseil de sécurité, la MINUAAH appuie les parties dans la mise en œuvre des engagements pris pour faire respecter le cessez-le-feu à Hodeïda.  À cette fin, a-t-il indiqué, la Mission mène régulièrement des patrouilles pour préserver la nature civile du port.  S’agissant des derniers événements, il a précisé que, le 20 juillet à 18 h 05 heure locale, de fortes explosions se sont fait entendre dans le port de Hodeïda et ont duré une dizaine de minutes.  Des entrepôts et des grues ont été touchés, ainsi qu’une centrale électrique située à quelques kilomètres du siège de la MINUAAH.  Peu après, les forces israéliennes ont annoncé avoir mené des frappes aériennes. 

Selon le général, des incendies sont toujours en cours aujourd’hui, notamment dans des dépôts de carburant.  Des navires sont endommagés, dont un navire du Programme alimentaire mondial (PAM).  Rappelant que la Mission opère dans un milieu extrêmement contraint, compte tenu des restrictions imposées par les autorités de facto, il a souhaité que le Conseil prenne la mesure des difficultés auxquelles elle fait face pour accéder au port.  En écho à l’appel lancé par le Secrétaire général, qui a exprimé sa vive préoccupation face à une possible escalade, le Chef de la MINUAAH a appelé les parties à s’abstenir de prendre des mesures qui pourraient nuire aux civils et aux infrastructures civiles.  Nous continuerons d’opérer conformément au mandat que nous a confié le Conseil et nous appuierons les efforts de désescalade pour promouvoir la paix dans tout le Yémen, a-t-il conclu. 

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