Conseil de sécurité: l’Envoyé spécial pour la Syrie en appelle au pragmatisme, au réalisme et au compromis pour sortir de l’impasse politique
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L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie en a appelé, ce matin devant le Conseil de sécurité, « au pragmatisme, au réalisme, à la franchise et au compromis » afin de faire avancer le processus politique conformément à la résolution 2254 (2015). Les préoccupations légitimes des acteurs internationaux doivent être réglées dans le cadre d’une approche globale en vue de la mise en œuvre de cette résolution, a précisé l’Envoyé spécial Geir Pedersen, lors de cette réunion consacrée également à la situation humanitaire, toujours critique, en Syrie.
D’emblée, M. Pedersen a indiqué que la Syrie est confrontée à la menace d’un conflit régional, avec notamment la recrudescence des frappes israéliennes sur son territoire, et à la menace d’une escalade au sein de ses propres frontières. Les hostilités se poursuivent au travers des lignes de front dans tout le nord du pays, a-t-il en effet déclaré, avant de rappeler la nécessité d’un processus dirigé et emmené par les Syriens avec l’appui de l’ONU.
« Au bout du compte, le conflit est de nature politique et ne pourra être réglé que lorsque les parties syriennes auront concrétisé leurs aspirations légitimes et que la souveraineté de la Syrie aura été restaurée. » L’Envoyé spécial a également souligné la nécessité d’une implication des acteurs majeurs internationaux, en évoquant les récentes déclarations de la Türkiye et de la Syrie en vue de « contacts diplomatiques renouvelés » et l’intention de la Russie et de l’Iraq de les soutenir.
L’Envoyé spécial a exhorté tous les acteurs à contribuer à sortir de l’impasse s’agissant de l’application de la résolution 2254 (2015) et à faire avancer le processus politique en Syrie. Une position partagée par de nombreuses délégations, dont la France qui a rappelé que seule une solution politique fondée sur la mise en œuvre de cette résolution, « dans tous ses aspects », permettra de parvenir à une paix juste et durable en Syrie.
« La communauté internationale se tient prête à explorer avec le régime syrien toutes les perspectives susceptibles de ramener la stabilité en Syrie », a également déclaré la France. Pour Malte également, il n’existe pas d’autre voie que la feuille de route de la résolution 2254 pour pouvoir progresser de manière concrète. Il faut une solution politique réelle et pérenne, ont renchéri les États-Unis en indiquant qu’en l’absence d’une telle solution, ils ne normaliseront pas leur relation avec le « régime syrien » et ne lèveront pas les sanctions.
Or selon les États-Unis, la Russie et le « régime syrien » font obstacle aux efforts politiques, en raison notamment de leur « incessante obstruction » aux travaux de la Commission constitutionnelle. Faisant observer que les élections législatives de ce mois-ci n’ont visé qu’à maintenir la « dictature d’Al-Assad », le Royaume-Uni a rappelé que des élections ne peuvent être que le fruit de la résolution 2254, avec la participation de tous les Syriens.
Pour la Fédération de Russie, c’est uniquement la fin de la présence militaire étrangère et la cessation des frappes aériennes israéliennes contre le territoire syrien qui permettront une stabilisation durable de la Syrie. Même son de cloche du côté de la Syrie, qui a souligné que toute initiative de règlement du conflit devra reposer sur des paramètres clairs, notamment sur le retrait des forces illégalement présentes en Syrie, la lutte contre les groupes terroristes et la fin de l’occupation israélienne.
La Chine a, elle aussi, exhorté Israël à cesser ses frappes sur le territoire syrien et enjoint aux forces étrangères illégalement présentes en Syrie de s’en retirer sans délai. Si l’Iran a appuyé la reprise du dialogue entre la Türkiye et la Syrie, cette délégation a estimé que la présence illégale des forces d’occupation des États-Unis est la principale source d’instabilité en Syrie. De leur côté, les États-Unis ont dénoncé l’Iran et ses intermédiaires qui utilisent le territoire syrien pour conduire des actes malveillants constituant une menace à la sécurité régionale.
Sur le plan humanitaire, M. Ramesh Rajasingham, Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a informé que 16 millions de personnes en Syrie ont besoin d’aide humanitaire et que 7,2 millions de personnes déplacées ne peuvent accéder aux services essentiels à cause des hostilités. M. Rajasingham a ensuite déploré que le Plan de réponse humanitaire de cette année ne soit encore financé qu’à hauteur d’à peine 20%.
Compte tenu des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, il a exhorté les donateurs à fournir le financement dont l’OCHA a besoin pour soutenir le peuple syrien. Pour des millions de personnes vivant dans le nord-ouest de la Syrie, l’opération transfrontalière depuis la Türkiye reste une « bouée de sauvetage » essentielle, a-t-il fait valoir. À ce titre, il a salué la décision du Gouvernement syrien de prolonger de six mois, jusqu’au 13 janvier 2025, l’autorisation accordée à l’ONU d’utiliser le point de passage de Bab el-Haoua pour acheminer l’aide humanitaire.
Les pays ont été nombreux à demander des fonds supplémentaires pour remédier à la situation humanitaire en Syrie. La situation est en effet « catastrophique », a déclaré la Türkiye, en pointant les dangers de « flux migratoires incontrôlés. » Dans son intervention, M. Pedersen a dénoncé les attaques alarmantes contre les réfugiés syriens. Tout en reconnaissant les difficultés que doivent surmonter les pays hôtes, l’Envoyé spécial a appelé à mettre un terme à la rhétorique antiréfugiés. « Les Syriens doivent être protégés partout où ils se trouvent. »
Enfin, plusieurs pays, dont la Chine ou encore la Russie, ont demandé la levée des sanctions frappant la Syrie. Ces sanctions relèvent du « châtiment collectif », a dénoncé le délégué syrien, estimant que cette politique entrave la réponse de l’ONU et empêche le retour des réfugiés sur leur terre. « Nous avons pris des mesures claires pour que ces sanctions n’aient pas d’impact sur la population syrienne ou sur l’aide humanitaire », a rétorqué le Royaume-Uni, appuyé par les États-Unis.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Exposés
M. GEIR OTTO PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a délivré quatre messages essentiels au Conseil de sécurité, en rappelant, avec le premier d’entre eux, la complexité, les divisions et le conflit enraciné que connaît la Syrie. L’avalanche de menaces d’un conflit régional n’a pas diminué, a observé l’Envoyé spécial, en citant la recrudescence des frappes israéliennes en Syrie. « Un risque réel existe de voir cette dynamique s’aggraver, en particulier si la situation au Liban vient à se dégrader. » Il a dès lors prévenu que la menace d’une escalade au sein des frontières syriennes demeure inchangée, les hostilités se poursuivant sur les lignes de front dans le nord du pays.
Passant à son deuxième message, il a détaillé les développements préoccupants concernant les Syriens qui se trouvent hors de Syrie, notamment les tensions qui se sont accrues dans les pays hôtes. Il a mentionné les informations faisant état de graves attaques contre des réfugiés syriens. Tout en reconnaissant les difficultés que doivent surmonter les pays hôtes, l’Envoyé spécial a appelé à mettre un terme à la rhétorique antiréfugiés. « Les Syriens doivent être protégés partout où ils se trouvent. »
Il a indiqué que le chemin de la paix en Syrie reste « long et ardu », tant il n’existe pas de « solution facile ». Il a ajouté qu’il continue d’œuvrer à une désescalade et à un cessez-le-feu à l’échelle nationale, tout en essayant de sortir de l’impasse en ce qui concerne la Commission constitutionnelle. L’Envoyé spécial a ensuite évoqué son troisième message, qui est la nécessité d’un processus dirigé et emmené par les Syriens avec l’appui de l’ONU. Au bout du compte, le conflit est de nature politique et ne pourra être réglé que lorsque les parties syriennes auront concrétisé leurs aspirations légitimes et que la souveraineté de la Syrie aura été restaurée, a dit M. Pedersen.
« Tous les acteurs internationaux majeurs doivent être impliqués et leurs préoccupations légitimes devraient être réglées dans le cadre d’une approche globale en vue de la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) », a tranché l’Envoyé spécial au titre de son quatrième message. Il a évoqué les récentes déclarations de la Türkiye et de la Syrie en vue de contacts diplomatiques renouvelés et l’intention de la Russie et de l’Iraq de les soutenir. Enfin, il a exhorté tous les acteurs, en contact ou non avec les parties syriennes, à contribuer à sortir de l’impasse s’agissant de l’application de la résolution précitée. Le pragmatisme, le réalisme, la franchise et le compromis doivent être de mise pour faire avancer le processus politique conformément à la résolution 2254 (2015), a conclu l’Envoyé spécial.
M. RAMESH RAJASINGHAM, Directeur de la Division de la coordination du Bureau de la coordination des affaires humanitaire (OCHA), a constaté que la Syrie continue de souffrir de sa pire crise humanitaire depuis le début du conflit il y a plus de 13 ans. Il a dénombré dans le pays plus de 16 millions de personnes ayant besoin d’aide humanitaire, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, et quelque 7,2 millions de personnes déplacées ne pouvant accéder aux services essentiels à cause des hostilités. Alertant sur le fait que l’impact du conflit, ainsi que les difficultés qui y sont associées, les pressions liées aux changements climatiques et la forte réduction du financement humanitaire ne sont jamais aussi graves que pendant ces mois les plus chauds, il a rappelé que l’accès des populations à l’eau a été réduit en raison de la diminution des précipitations, aggravée par les effets du conflit et de la crise économique sur les infrastructures d’eau et d’électricité. Associée au surpeuplement et au manque d’intimité, la pénurie d’eau a un impact direct sur la capacité des femmes à gérer en toute sécurité leur hygiène, y compris leur hygiène menstruelle, augmentant ainsi les risques de contracter des maladies d’origine hydrique, a-t-il signalé.
Pour aider ces populations à répondre à leurs besoins élémentaires en eau, l’ONU et ses partenaires s’activent. Dans la province de Hassaké, des organisations partenaires ont ainsi installé 16 stations de traitement d’eau, tandis que la planification se poursuit pour la réparation de la station d’eau d’Alouk, qui dessert plus de 600 000 personnes, a indiqué le haut fonctionnaire. De plus, avec le soutien du Fonds humanitaire pour la Syrie, des travaux sont en cours pour réparer la station d’eau d’Aïn el-Beïda, qui alimente le quartier d’Al Bab à Alep, tandis qu’à Quneitra, le Programme alimentaire mondial (PAM) a réhabilité les systèmes d’irrigation pour soutenir l’agriculture locale. Dans tout le pays, plus de 3,5 millions de personnes ont reçu une assistance en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène au premier trimestre de cette année, a précisé M. Rajasingham, avant de déplorer que le Plan de réponse humanitaire de cette année ne soit encore financé qu’à hauteur d’à peine 20%. Compte tenu des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, il a exhorté les donateurs à fournir le financement dont l’OCHA a besoin pour soutenir le peuple syrien.
Il a ensuite souligné que pour les millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie qui subissent aujourd’hui une chaleur extrême en plus d’années de conflit et de déplacements, l’opération transfrontalière depuis la Türkiye reste une « bouée de sauvetage » essentielle. Il a salué la décision du Gouvernement syrien de prolonger de six mois supplémentaires, jusqu’au 13 janvier 2025, l’autorisation accordée à l’ONU d’utiliser le point de passage de Bab el-Haoua pour acheminer l’aide humanitaire, notant qu’il s’agit de la deuxième prolongation depuis février 2023. Au cours de l’année écoulée, près de 2 000 camions ont transporté l’aide de l’ONU depuis la Türkiye vers le nord-ouest de la Syrie en passant par les points de passage de Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï, a-t-il rappelé, avant d’appeler à accroître le recours à cette assistance transfrontalière. Il s’est cependant dit préoccupé par les retards persistants dans les missions prévues dans le nord-ouest et le nord-est, « un rappel des défis que les conflits non résolus posent au flux prévisible de l’aide ». Il a enfin relevé qu’outre le besoin en aide et en protection, ces vulnérabilités démontrent la nécessité d’augmenter les investissements dans les efforts de relèvement rapide à travers le pays. Sans amélioration de la situation globale, de nombreux Syriens pourraient choisir de partir, venant ainsi s’ajouter aux millions de réfugiés dans la région et au-delà, a-t-il prévenu, appelant à progresser de toute urgence vers une solution politique pour mettre fin au conflit.