9676e séance – matin
CS/15755

Le Conseil de sécurité débat de la non-prolifération à l’aune de l’accord de partenariat stratégique signé récemment par la Russie et la RPDC

Plusieurs membres du Conseil de sécurité ont dénoncé, ce matin, le nouvel accord de partenariat stratégique signé le 19 juin dernier entre les dirigeants de la Fédération de Russie et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), y voyant un lien avec le veto russe qui a mis fin au mandat du Groupe d’experts qui soutenait le travail du Comité 1718 (2006) en rapport aux sanctions relatives à la RPDC.  Insistant sur les bonnes relations entre États, les deux États mis en cause ont nié tout échange sur le plan militaire. 

C’est à la demande de la France, du Japon, de la République de Corée, du Royaume-Uni et des États-Unis que la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement a fait un exposé sur le « transfert d’armes de la RPDC, en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ». 

Mme Izumi Nakamitsu a indiqué qu’avant l’expiration de son mandat, le 30 avril, le Groupe d’experts a examiné des rapports provenant de l’Ukraine sur des débris de missiles récupérés en Ukraine suite aux informations faisant état d’utilisation par la Russie de missiles balistiques fabriqués en RPDC.  Même si le mandat du Groupe d’experts a expiré, le Comité des sanctions poursuit ses travaux et continuera de superviser la mise en œuvre du régime de sanctions, a-t-elle précisé. 

En privant le Comité de ce précieux instrument, la Russie entend empêcher toute enquête indépendante sur ses violations des régimes de sanctions, ont déploré plusieurs délégations occidentales dont la France qui a indiqué que les transferts d’armes entre la RPDC et la Russie constituent autant de violations flagrantes de la résolution 1718 (2006) qui interdit à tous les États Membres de fournir des armes au pays ou d’en acquérir auprès de lui.  Le 2 janvier 2024, Kharkiv a été frappée par des missiles de fabrication nord-coréenne, a signalé l’Ukraine. 

C’est aussi l’avis du Directeur exécutif de Conflict Armament Research, une organisation qui assure la traçabilité des armes en déployant des équipes d’enquête à proximité des champs de bataille et qui se trouve en Ukraine depuis 2018.  M. Jonah Leff a expliqué, photos à l’appui, que le missile lancé le 2 janvier sur Kharkiv était soit un KN-23 ou un KN-24 fabriqué en RPDC en 2023. La République de Corée a indiqué en outre que la RPDC a, depuis septembre dernier, livré par voie maritime au moins 10 mille containers pouvant contenir près de 5 millions d’obus d’artillerie.  La délégation a également dénoncé l’accord de partenariat stratégique signé récemment par la Russie et la RPDC et a averti qu’elle répondra à toute action menaçant sa sécurité. 

L’Union européenne a pour sa part indiqué que les transferts d’armes de la RPDC vers la Russie mettent en danger la paix et la sécurité en Europe et dans la péninsule coréenne, tout en contribuant également à saper le régime mondial de non-prolifération.  « Soyons clairs, tous les États Membres, y compris la RPDC, et chacun siégeant dans cette salle doivent pleinement mettre en œuvre les résolutions existantes, peu importe les divergences de positions sur les enjeux géopolitiques ou les causes profondes de la situation dans la péninsule coréenne », a fait valoir le Japon.

Les États-Unis, qui ont aussi dénoncé l’accord, ont confirmé l’usage de missiles venant de la RPDC en Ukraine, avant d’accuser la Chine de soutenir les provocations de la RPDC.  « La Chine doit comprendre que si la situation continue ainsi, les États-Unis devront prendre des mesures pour assurer leur sécurité », a prévenu le représentant américain. 

« Aucun pays ne peut bâtir sa sécurité aux dépens de la sécurité des autres », a rétorqué la Chine qui a exhorté au calme et à la retenue.  « Les États-Unis devraient réfléchir à ses propres actions plutôt que de montrer du doigt les autres pays. »

Le représentant de la RPDC a argué que son pays a le droit légitime de s’engager dans des relations de bon voisinage, y compris avec la Russie.  Au contraire des relations américaines avec d’autres pays, les relations entre la RPDC et la Russie sont purement pacifiques et de nature défensive et ne ciblent pas un État tiers, mais promeuvent le progrès et le bien-être des peuples et des deux pays, a affirmé la délégation. 

Les actions obstinées et imprudentes du « bloc » anti-Pyongyang amènent la situation dans la région à un point dangereux, a mis en garde la Russie. Selon le représentant, la politique de « confinement prolongé » que les États-Unis ont mis en œuvre dans la région constitue une menace réelle non seulement pour la RPDC, mais aussi pour la Russie.  Selon la délégation russe, le traité conclu le 19 juin entre les deux pays est appelé à jouer un rôle stabilisateur en Asie du Nord-Est, dans un contexte d’escalade des tensions sans précédent, et réduire le risque de rechute dans la guerre de la péninsule coréenne, y compris avec l’utilisation d’armes nucléaires.  Ce traité respectueux de la Charte des Nations Unies prévoit la fourniture d’une assistance militaire mutuelle uniquement dans le cas où l’une des parties serait soumise à une attaque armée, a-t-elle souligné.

En début de séance, la Fédération de Russie s’est insurgée contre la présence de l’Ukraine et de l’Union européenne qui, de son avis, n’ont rien à voir avec la question en débat sur la non-prolifération.  Les États-Unis ont estimé au contraire que la participation de l’Ukraine et de l’Union européenne est importante du fait qu’il a été démontré que certains des missiles utilisés par la Fédération de Russie en Ukraine proviennent de la RPDC.  Leur sécurité est affectée par les missiles nord-coréens, a renchéri le Royaume-Uni, avant que la France ne confirme cette position.

 

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)


NON-PROLIFÉRATION: RÉPUBLIQUE POPULAIRE DÉMOCRATIQUE DE CORÉE

Exposés

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a précisé qu’il lui a été demandé de faire un exposé sur la non-prolifération/République populaire démocratique de Corée, afin de discuter du « transfert d’armes de la RPDC, en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies ».  Cette demande fut faite par la France, le Japon, la République de Corée, le Royaume-Uni et les États-Unis, a-t-elle précisé.

Elle a noté que dans son rapport final, daté du 7 mars 2024, le Groupe d’experts qui a soutenu le Comité 1718 (2006) du Conseil de sécurité indique enquêter sur des informations provenant d’États Membres concernant les approvisionnements par la RPDC d’armes et de munitions conventionnelles, en violation des sanctions. Avant l’expiration de son mandat, le 30 avril, le Groupe d’experts a examiné un rapport de l’Ukraine sur des débris de missiles récupérés en Ukraine suite aux informations faisant état d’utilisation par la Russie de missiles balistiques fabriqués en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  Même si le mandat du Groupe d’experts a expiré, le Comité des sanctions poursuit ses travaux et continuera de superviser la mise en œuvre du régime de sanctions, a-t-elle précisé. 

Elle a rappelé que les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité sont juridiquement contraignantes pour tous les États Membres de l’ONU.  De même, tout transfert d’armes et de munitions doit être conforme à la réglementation applicable, et toute relation entre un pays tiers -y compris la Russie- et la RPDC doit être conforme aux sanctions pertinentes du Conseil de sécurité.

Selon Mme Nakamitsu, la RPDC a procédé, depuis 2022, à plus de 100 lancements de missiles balistiques, notamment des missiles balistiques intercontinentaux à combustible solide et des lanceurs spatiaux utilisant la technologie des missiles balistiques, en violation de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité.  Plus récemment, le 26 juin, la RPDC a procédé à ce qui semble être un lancement utilisant la technologie d’un missile balistique, qui aurait explosé peu de temps après le lancement.  La RPDC a toutefois affirmé avoir procédé avec succès à un lancement test d’un nouveau type de missile à ogives multiples.

Concernant la poursuite du programme nucléaire de la RPDC, elle a rapporté que selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’évacuation de l’eau chaude du système de refroidissement du réacteur à eau légère de Yongbyon a été observé, signe que celui-ci a atteint un niveau critique.  L’AIEA a également constaté que l’installation d’enrichissement par centrifugation de Yongbyon était en cours d’exploitation et que l’on agrandissait une autre installation dans le complexe de Kangson. 

Elle a souligné que la poursuite par la RPDC de programmes d’armes nucléaires et de missiles balistiques, en violation des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, continue de saper le régime mondial de désarmement nucléaire et de non-prolifération, et le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui le sous-tend. 

La Haut-Représentante s’est également préoccupée des informations faisant état de cyberactivités malveillantes attribuées à des acteurs affiliés à la RPDC.  Elle a précisé que le rapport final du Groupe d’experts fait état d’un volume élevé de ces activités malveillantes, en particulier à travers le ciblage des sociétés liées aux cryptomonnaies et des chaînes d’approvisionnement.  De tels comportements ne sont pas conformes au cadre universellement approuvé par l’Assemblée générale pour un comportement responsable des États dans l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans le contexte de la sécurité internationale.

Elle a ensuite réitéré l’appel du Secrétaire général à la RPDC afin qu’elle se conforme pleinement à ses obligations internationales, y compris celles relevant du Conseil de sécurité.  Tous les États concernés doivent éviter de prendre des mesures susceptibles de conduire à une nouvelle escalade, non seulement dans la péninsule coréenne mais aussi dans d’autres régions, a-t-elle préconisé.  Selon elle, l’engagement diplomatique reste la seule voie vers une paix durable et une dénucléarisation complète et vérifiable de la péninsule coréenne.

M. JONAH LEFF, Directeur exécutif de Conflict Armament Research, a indiqué que le but de son organisation est d’assurer la traçabilité des armes en déployant des équipes d’enquête dans ou à proximité des champs de bataille, en précisant qu’elle est opérationnelle en Ukraine depuis 2018.  Cette année, a-t-il informé, nous avons identifié une nouvelle tendance dans le conflit: l’emploi d’armes conventionnelles fabriquées en République populaire démocratique de Corée (RPDC).  En janvier 2024, une de nos équipes a examiné physiquement les restes d’un missile balistique ayant frappé la ville de Kharkiv le 2 janvier 2024.  Nous avons conclu que ce missile était soit un KN-23 ou un KN-24, fabriqué en RPDC en 2023, a dit M. Leff, brandissant plusieurs photos. 

Il a expliqué que Conflict Armament Research est parvenu à la conclusion que le missile ayant frappé Kharkiv a été fabriqué par la RPDC sur la base d’éléments tels que le diamètre, les caractères en langue coréenne ou encore des motifs en gras sur le déclencheur.  « Nous pouvons établir de manière irréfutable que le missile ayant frappé Kharkiv est de fabrication nord-coréenne. »  Lors d’une mission organisée depuis, ses équipes ont également pu examiner des armes conventionnelles fabriquées en RPDC saisies à proximité du champ de bataille, y compris une roquette d’artillerie fabriquée en 1977.

L’expert a signalé que la découverte de composantes électroniques de fabrication récente et non domestique dans le missile démontre que la RPDC a pu fabriquer des armes perfectionnées à l’aide de telles composantes aussi récemment que 2023, malgré les sanctions du Conseil de sécurité interdisant la fabrication de missiles balistiques.  Il y a également vu le signe que la RPDC aurait élaboré un « robuste » réseau d’acquisition capable de contourner sans détection un régime de sanctions établi depuis 20 ans.  Aucune des composantes trouvées dans le missile n’a été fabriquée en RPDC, a-t-il précisé.  Et la dimension mondiale de l’industrie des semi-conducteurs et sa dépendance sur des canaux de distribution transitant par des pays tiers soulèvent également des questions quant au respect des sanctions et du contrôle des exportations par les États qui appliquent ces régimes.

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