Conseil de sécurité: la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement fait état de transferts d’armes tant à l’Ukraine qu’à la Fédération de Russie
À la demande de la Fédération de Russie, le Conseil de sécurité a tenu cet après-midi une séance d’information sur les menaces à la paix et à la sécurité internationales causées, selon Moscou, « par le feu vert des États occidentaux à Kiev pour utiliser les armes fournies par l’Occident contre le territoire russe ». La Haute-Représentante pour les affaires de désarmement a confirmé la poursuite des transferts d’armes et de munitions aux forces armées ukrainiennes, tout en signalant que des armes et des munitions ont aussi été transférées aux forces armées russes.
Sur la base des informations gouvernementales accessibles en sources ouvertes, Mme Izumi Nakamitsu a précisé que les transferts à l’Ukraine concernent des armes conventionnelles lourdes telles que des chars et des avions de combat, des systèmes de missiles et des drones ainsi que des munitions télécommandées, entre autres. Dans le même temps, a-t-elle ajouté, il a été signalé que des États « transfèrent ou prévoient de transférer » des armes telles que des drones, des missiles balistiques et des munitions aux forces armées russes et que ces armes auraient été utilisées en Ukraine.
La haute fonctionnaire s’est alarmée de l’intensification de l’offensive militaire russe à Kharkiv et dans d’autres régions de l’Ukraine, laquelle a entraîné un nombre élevé de victimes civiles et une destruction massive de biens et d’infrastructures civils. Constatant que l’utilisation de drones et de missiles continue de causer des morts et des blessés parmi la population civile ukrainienne, elle a aussi fait état d’un nombre croissant de frappes utilisant ces armes à l’intérieur de la Fédération de Russie, avec également des victimes civiles et des dommages aux infrastructures civiles. Les armes ne doivent pas être utilisées d’une manière incompatible avec le droit international humanitaire, a-t-elle fait valoir, exhortant les parties à éviter toute utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.
Face au risque de détournement d’armes et de munitions vers des utilisateurs finaux non autorisés, Mme Nakamitsu a une nouvelle fois préconisé des pratiques de marquage, d’enregistrement et de traçabilité, des évaluations complètes avant le transfert, des certificats d’utilisateur final comprenant des clauses de non-transfert, des vérifications après expédition et une surveillance de toute la filière. Une sécurité physique, une gestion des stocks et des mesures de contrôle des douanes et des frontières sont également essentielles, a-t-elle poursuivi, enjoignant aux États de tout faire pour éviter une nouvelle escalade et d’éventuelles erreurs de calcul.
Plus alarmiste, le militant pour la paix Daniel Kovalik, invité par la Fédération de Russie, a appelé à « éviter à tout prix une troisième guerre mondiale », qui, a-t-il dit, impliquerait certainement des armes nucléaires. Selon lui, les États-Unis ont imposé à la Russie une « crise des missiles de Cuba inversée » en stationnant des missiles nucléaires en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Türkiye. Parallèlement, l’Ukraine a utilisé des drones américains pour attaquer des stations radar russes conçues pour détecter les missiles balistiques intercontinentaux. La Russie pourrait donc raisonnablement considérer que ces attaques visent à ouvrir la voie à une frappe nucléaire américaine contre elle, a-t-il analysé, regrettant que les États-Unis n’aient pas à leur tête un dirigeant « de la trempe du Président Kennedy », qui avait réglé la crise de 1962 en 13 jours.
Dans la même veine, la Fédération de Russie a accusé les États-Unis de prendre prétexte de l’assistance à l’Ukraine pour accorder des prêts de plusieurs milliards de dollars à leur complexe militaro-industriel et l’aider à faire des superprofits. Elle a également reproché à l’Europe d’avoir perdu toute indépendance géopolitique et de suivre aveuglément la voie que Washington lui dicte, à savoir « la confrontation directe avec la Russie ». D’après la délégation russe, le camp occidental gère directement l’utilisation par le régime ukrainien d’armes de haute précision à longue portée, qu’il s’agisse du Storm 4 Shadow britannique, de l’ATACMS américain ou des missiles français, le personnel militaire local étant « technologiquement incapable » d’un tel contrôle.
Chacun sait depuis longtemps que les pays de l’OTAN sont profondément impliqués dans les opérations militaires en Ukraine, ce qui fait d’eux des complices des crimes de guerre du régime de Kiev, a soutenu la Fédération de Russie. « Nous donnerons une réponse appropriée à toutes ces actions agressives et tous ceux impliqués dans ces crimes seront punis », a-t-elle lancé, avant de dénoncer la « frénésie antirusse » des dirigeants européens, en particulier ceux de la France et de l’Allemagne, dont elle a constaté qu’ils « perdent rapidement la confiance de leurs propres citoyens ».
« Face à l’évidence du désastre humanitaire causé par la guerre d’agression qu’elle a déclenchée, la Russie n’a d’autre réponse à apporter qu’une nouvelle tentative d’inversion des responsabilités », a rétorqué la France, non sans rappeler que « ce ne sont pas les armes occidentales qui ont commencé cette guerre ». Ce ne sont pas non plus les livraisons d’armes occidentales qui fragilisent le régime international de non-prolifération et la sécurité collective, mais le choix fait par la Russie de s’approvisionner en armes et en munitions auprès de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et de l’Iran, a renchéri la délégation française, pour qui aider l’Ukraine à se défendre, c’est créer les conditions d’une paix juste et durable, « car la paix ne peut être la capitulation de l’agressé ». Un avis partagé par l’Ukraine, qui a dénoncé le fait que la Russie se fournisse auprès d’« États voyous », tout en répandant l’idée selon laquelle que « la possession d’armes par la partie qui se défend rendrait la paix insaisissable ».
À propos de ces fournitures militaires, les États-Unis ont indiqué que la RPDC a transféré de manière illicite des dizaines de missiles balistiques à la Russie dans plus de 11 000 conteneurs pour alimenter la guerre en Ukraine. Outre ces transferts, qui sont autant de violations des résolutions du Conseil, la Russie a aussi approfondi ses relations avec l’Iran via l’acquisition de drones utilisés pour cibler des civils ukrainiens. Laissant entendre que Moscou s’efforce à présent d’obtenir des missiles balistiques de Téhéran, la délégation américaine a aussi accusé la Chine de soutenir l’effort de guerre de la Russie en lui vendant des microcomposants électroniques, des appareils optiques, des drones et des technologies de missile de croisière. Des accusations énergiquement réfutées par la Chine, qui a assuré ne pas fournir d’armes à la Russie et rappelé qu’elle n’est pas partie au conflit ukrainien. « Les États-Unis ont, à bien des reprises, remis en cause les relations commerciales habituelles entre la Chine et la Fédération de Russie; nous leur demandons d’arrêter d’utiliser l’Ukraine dans leurs campagnes de diffamation contre la Chine ».
Si le soutien occidental à l’Ukraine est conforme aux cadres juridiques internationaux et nationaux applicables, de nombreuses preuves suggèrent que la Russie achète illégalement des armes à la RPDC, ce qui pourrait avoir un effet déstabilisateur dans le monde entier, se sont inquiétées à leur tour Malte et la Slovénie. De fait, « cette réunion du Conseil devrait avoir pour thème la coopération militaire illégale entre Moscou et Pyongyang plutôt que l’assistance à l’Ukraine », a grincé la République de Corée, tandis que le Japon jugeait regrettable que la Russie et la RPDC échappent plus facilement aux sanctions de l’ONU depuis le veto russe qui a bloqué le renouvellement du mandat du Groupe d’experts chargé d’assister le Comité 1718.
Sur une ligne plus neutre, le Guyana et le Mozambique ont regretté que le conflit ukrainien alimente la course aux armements, l’Algérie se déclarant elle aussi préoccupée par l’afflux d’armes « de plus en plus destructrices et mortelles » en Ukraine, affirmant redouter qu’elles tombent aux mains de terroristes. Les États doivent éviter le détournement, le trafic illicite et l’utilisation abusive de ces armes lors de leur importation, de leur transit, de leur production et de leur exportation, a rappelé l’Équateur. Tout en reconnaissant le droit des nations à l’autodéfense, la Sierra Leone a, elle, jugé impératif que toutes les parties fassent preuve de retenue et privilégient le dialogue afin d’éviter de mettre en péril la paix et la sécurité dans la région.
Dans ce contexte tendu, bon nombre des délégations occidentales, États-Unis, France et Royaume-Uni en tête, ont émis l’espoir que le Sommet sur la paix en Ukraine, qui se tiendra ce week-end en Suisse, serve de tremplin à la création d’un cadre de négociations prospectives, sur la base de la Charte des Nations Unies et du droit international. Alors que la Suisse disait attendre une centaine de délégations à ce sommet, la Fédération de Russie a exhorté les pays du Sud et tous les États suivant une « voie raisonnable » à ne pas prendre part au « rassemblement de Bürgenstock », qui, selon elle, n’a d’autre objectif que de lui « lancer un ultimatum ».
Enfin, en écho aux appels au dialogue et à la négociation lancés par plusieurs membres du Conseil, la délégation russe a fait part de la « proposition de paix concrète » formulée aujourd’hui par le Président Putin. Un ensemble de conditions reposant sur la « position de principe » de la Russie: le statut neutre et dénucléarisé de l’Ukraine, sa démilitarisation et sa « dénazification »; la pleine garantie des droits, libertés et intérêts des citoyens russophones en Ukraine; et la reconnaissance de « nouvelles réalités territoriales », les « républiques populaires de Crimée, Sébastopol, Donetsk, Lougansk, Kherson et Zaporizhzhia » faisant, selon elle, partie intégrante de la Fédération de Russie.
(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse
est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Exposé
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a indiqué que l’escalade des hostilités et l’intensification de l’offensive militaire russe à Kharkiv et dans d’autres régions de l’Ukraine ont entraîné un nombre élevé de victimes civiles et une destruction massive de biens et d’infrastructures civils, perturbant gravement l’approvisionnement en énergie et affectant les services vitaux ainsi que l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Notant que l’utilisation de véhicules aériens armés sans équipage (drones) et de missiles continue de causer des morts et des blessés parmi les civils en Ukraine, elle a aussi fait état d’un nombre croissant de frappes utilisant ces armes à l’intérieur de la Fédération de Russie, avec également des victimes civiles et des dommages causés aux infrastructures civiles. Ces armes, comme toutes les autres, ne doivent pas être utilisées d’une manière incompatible avec le droit international humanitaire, a-t-elle souligné, avant d’exhorter les parties à agir de manière responsable et à s’abstenir de toute action susceptible de mettre en danger les civils, ce qui implique notamment d’éviter l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées et, à terme, à retirer complètement les combats des zones urbaines.
La Haute-Représentante a ensuite confirmé que la fourniture d’une assistance militaire et les transferts d’armes et de munitions aux forces armées ukrainiennes se sont poursuivis depuis sa dernière intervention sur ce sujet. Sur la base des informations gouvernementales accessibles en sources ouvertes, elle a précisé que ces transferts concerneraient des armes conventionnelles lourdes telles que des chars de combat, des véhicules blindés de combat, des avions de combat, des hélicoptères, des systèmes d’artillerie de gros calibre, des systèmes de missiles et des drones ainsi que des munitions télécommandées, des armes légères et de petit calibre et leurs munitions. Elle a également signalé que des États transfèrent ou prévoient de transférer des armes telles que des drones, des missiles balistiques et des munitions aux forces armées russes et que ces armes auraient été utilisées en Ukraine.
Mme Nakamitsu a ensuite fait part de son inquiétude face à l’utilisation d’armes à sous-munitions et à la contamination due aux mines et aux restes explosifs de guerre en Ukraine, non sans rappeler que, même après la fin des combats, ces engins mortels continuent de représenter un danger quotidien pour les populations et entravent les efforts de reconstruction. La haute fonctionnaire a par ailleurs jugé essentiel de lutter contre le risque de détournement d’armes et de munitions vers des utilisateurs finaux non autorisés pour prévenir davantage d’instabilité et d’insécurité en Ukraine et au-delà. Elle a ainsi préconisé des pratiques de marquage, d’enregistrement et de traçabilité, des évaluations complètes des risques de détournement avant le transfert, des certificats d’utilisateur final comprenant des clauses de non-transfert, des vérifications après expédition et une surveillance de toute la filière. Une sécurité physique, une gestion des stocks et des mesures de contrôle des douanes et des frontières sont également essentielles, a-t-elle ajouté, rappelant les différents traités et dispositifs destinés à empêcher le détournement d’armes conventionnelles et à réglementer le commerce international des armes.
Avant de conclure, elle a indiqué que, depuis le 24 février 2022, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a vérifié que la guerre en cours en Ukraine a tué 11 126 civils et en a blessé 21 863, les chiffres réels étant probablement beaucoup plus élevés. Elle a également relevé avec préoccupation que le nombre de victimes civiles en mai, documenté par la mission de surveillance des droits de l’homme des Nations Unies en Ukraine, a été le plus élevé depuis juin 2023. Face à ces souffrances humaines, elle a exhorté les États à éviter de prendre des mesures qui pourraient conduire à une nouvelle escalade et à d’éventuelles erreurs de calcul.
Déclaration
M. DANIEL KOVALIK, militant pour la paix, a appelé à éviter à tout prix que le monde ne se précipite vers la troisième guerre mondiale, une guerre qui, a-t-il ajouté, impliquera certainement des armes nucléaires. Les États-Unis ont présenté à la Russie une « crise des missiles de Cuba inversée » en stationnant des missiles nucléaires en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Türkiye. Dans le même temps, l’Ukraine a utilisé des drones américains pour attaquer des stations radar russes conçues pour détecter les missiles balistiques intercontinentaux. Au moins une de ces attaques a été menée avec un drone qui a parcouru 1 100 miles à l’intérieur du territoire russe, a-t-il rappelé, et ces attaques s’ajoutent aux fréquentes attaques de l’Ukraine contre le territoire russe, y compris la ville russe de Belgorod. La Russie pourrait raisonnablement considérer les attaques contre ses stations radar comme une tentative d’ouvrir la voie à une première frappe nucléaire américaine contre la Russie.
Peut-on imaginer comment les États-Unis auraient réagi en 1962, ou aujourd’hui, si Cuba avait utilisé des armes russes pour attaquer des stations radar américaines à l’intérieur des États-Unis? À l’époque, le Président Kennedy avait dit que les États-Unis riposteraient en tirant sur l’URSS. Dès lors, les États-Unis doivent comprendre que la Russie pourrait adopter une position similaire aujourd’hui, a-t-il estimé. Pour autant, a-t-il fait valoir, pendant que le Président Kennedy adoptait cette « position agressive », il travaillait en coulisses pour négocier la fin de la crise des missiles cubains qui fut réglée rapidement, en l’espace de 13 jours.
Pour le militant, la crise actuelle est beaucoup plus préoccupante étant donné que les États-Unis n’ont pas à leur tête un dirigeant de la trempe du Président Kennedy. Au lieu de cela, les dirigeants américains actuels ont totalement évité les discussions avec la Russie pour résoudre la crise ukrainienne et éviter une éventuelle guerre nucléaire, tandis que l’actuel Président américain semble faire tout son possible pour tenter de provoquer une troisième guerre mondiale. C’est la seule conclusion rationnelle que l’on puisse tirer de la position militaire actuelle des États-Unis à l’égard de la Russie, a-t-il affirmé en appelant le Conseil de sécurité à prendre des mesures immédiates pour mettre fin à cette crise dans l’intérêt du maintien de la paix et de la sécurité internationales.
L’intervenant a également accusé les États-Unis de soutenir et fournir des armes au bataillon Azov d’Ukraine, une organisation militaire néo-nazie avouée. Pour M. Kovalik, le soutien américain à cette organisation nazie doit être considéré comme une menace pour la paix et la sécurité dans toute l’Europe, et comme une menace particulière pour la Russie.