9630e séance – après-midi
CS/15700

Prévention de la course aux armements dans l’espace: le Conseil de sécurité rejette un projet de résolution russe

Ce lundi après-midi, le Conseil de sécurité a voté contre un projet de résolution destiné à encadrer l’usage des armes nucléaires et des armes de destruction massive (ADM) dans l’espace extra-atmosphérique, présenté par la Fédération de Russie, par 7 voix contre (États-Unis, France, Japon, Malte, République de Corée, Royaume-Uni et Slovénie), 7 voix pour (Algérie, Chine, Équateur, Fédération de Russie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone) et l’abstention de la Suisse.

Ce camouflet en chasse un précédent dont l’ombre a obscurci les débats.  Le 24 avril dernier, un premier projet de résolution sur ce thème avait été présenté par les États-Unis et le Japon.  Parrainé par 65 États, il avait justement été rejeté par un veto de la Russie, après une tentative d’amendement de sa part rejeté par 7 voix pour, 7 contre, une abstention (les mêmes votes qu’aujourd’hui sur le projet de résolution).  La Russie reprochait au libellé de faire une distinction entre les ADM et d’autres types d’armes; pour sa part, elle aurait voulu que soit refréné dans l’espace extra-atmosphérique « tout type d’arme », sans distinction. 

Le cœur du projet russe présenté ce lundi creusait ce même sillon.  Alors que le projet d’avril était « sans valeur ajoutée » selon elle, la Russie souhaitait ce lundi « donner aux Occidentaux une nouvelle chance », avec un texte cette fois « non politisé ».  Son libellé prévoyait notamment que les États parties au Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 s’engagent à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires « ou de tout autre type d’armes de destruction massive ».  Le texte, a expliqué la Russie avant le vote, voulait convaincre que la conquête pacifique de l’espace permettrait de régler bien des problèmes de ce monde, notamment économiques; de prévenir de nouveaux affrontements sur le théâtre spatial; et de consacrer l’utilisation pacifique de l’espace comme « une norme acceptée de tous ».  Des concessions ont été faites aux Occidentaux, a ajouté la Russie, notamment celle d’enlever un élément clef (une référence au projet d’accord sino-russe pour la prévention de la course aux armements). 

Pour la Russie, la chose était claire: si l’Occident n’appuyait pas son projet du jour, alors chacun comprendrait que « son objectif est de militariser l’espace extra-atmosphérique ».  C’est d’ailleurs ce qu’elle a conclu après le vote: « aujourd’hui tous les masques sont tombés », a-t-elle lancé. 

Les États-Unis ont vivement rétorqué que la Russie tentait avec ce projet « malhonnête » de détourner l’attention du Conseil de ses actions dangereuses dans l’espace.  Ils ont accusé M. Putin, Président de la Fédération de Russie, de vouloir mettre au point un satellite porteur d’un engin nucléaire – une charge également lancée par le Royaume-Uni.  Les États-Unis ont aussi dénoncé le lancement sur orbite par la Russie, le 16 mai –soit la semaine dernière– d’un satellite capable d’en attaquer d’autres, situé à la même orbite qu’un satellite américain.  Ce lancement, selon eux, ne serait pas le premier. 

Sur le fond, la délégation américaine a reproché au texte de faillir à un objectif simple, celui de réaffirmer les principales obligations du traité de 1967, selon lequel aucune arme nucléaire ni aucune ADM ne devrait être placée sur orbite ou sur des corps célestes. 

Si les Américains craignent tant l’emploi d’une arme nucléaire dans l’espace par la Russie, « pourquoi donc s’opposer au projet?  Le représentant américain a-t-il seulement lu le texte? », a raillé le représentant russe lors d’un nouvel échange tendu entre les deux membres permanents.  « Oui », a répliqué le délégué américain, reprochant justement au libellé un emploi de mécanismes « invérifiables » qui nuirait à prévenir pour de bon une course aux armements dans l’espace, une remarque faite également par la France. 

Cet avis n’était pas celui de l’Algérie et du Guyana, qui ont défendu un projet qu’ils estimaient dans le droit fil de leur interprétation du droit de l’espace, notamment s’agissant de la nécessité d’appuyer la mise en place d’instruments contraignants. Ces membres ont estimé, avec l’Équateur, que le projet aurait été utile à une prévention de la course à l’armement dans l’espace.  La Chine a elle aussi regretté le nouvel échec d’un projet suffisamment consensuel, puisqu’il contenait des éléments bénéficiant de l’appui des deux tiers des États Membres de l’Assemblée générale. 

Les membres opposés au texte ont reproché à la Russie d’avoir bâclé son projet.  La République de Corée a ainsi relevé que la Russie avait repris trait pour trait, dans son paragraphe 8, son amendement rejeté le 24 avril.  Et concernant l’ensemble du projet, la France a fait remarquer que la Russie avait soumis un texte alternatif contenant pas moins de 15 paragraphes issus directement de celui qu’elle avait torpillé le 24 avril. 

La Russie aurait aussi fait trop peu cas des remarques des autres membres, les mettant devant le fait accompli, a-t-on entendu.  Ainsi, Malte a voté contre le fond du projet mais peut-être encore plus contre sa forme et des questions de procédure.  Après seulement une série de consultations, le texte a été placé sous procédure d’acceptation tacite, sans qu’aucune préoccupation des autres membres du Conseil ne soit prise en compte.  Dans la même veine, le Japon a relevé des incohérences dans l’attitude russe, tantôt reprochant aux membres du Conseil un manque de conciliation, tantôt s’entêtant à présenter un texte clivant une fois qu’elle porte la plume.

Japon et République de Corée ont aussi relevé qu’il était très difficile de définir ce qu’est une arme dans l’espace, du fait du « double usage » des satellites, civil et militaire.  Ce flou pourrait ouvrir la porte à des contournements, ont-ils craint, conseillant que de nouvelles normes émergent pour y mettre fin. 

Seul membre à s’être abstenu, la Suisse a relevé qu’il y avait « suffisamment de points communs entre les deux projets » pour parvenir à un consensus sur un texte qui unisse plutôt que divise.  Regrettant que le Conseil de sécurité se soit transformé en « arène ou chacun campe sur ses positions », elle a espéré que de prochaines occasions seraient saisies pour rapprocher les positions et finalement s’entendre. 

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