9617e séance – après-midi         
CS/15679

Gaza: le Conseil de sécurité examine les mesures prises par Israël pour faciliter l’arrivée de l’aide humanitaire, le mécanisme onusien étant presque opérationnel

À l’occasion d’une séance d’information sur la situation humanitaire dans la bande de Gaza, Mme Sigrid Kaag, Coordonnatrice de haut niveau de l’action humanitaire et de la reconstruction à Gaza, a fait un exposé sur la mise en œuvre de la résolution 2720 (2023) du Conseil qui prévoit l’établissement d’un mécanisme des Nations Unies pour accélérer et vérifier les envois humanitaires dans l’enclave palestinienne.  Un mécanisme qui sera opérationnel dans les prochains jours, a-t-elle annoncé tout en prévenant qu’il fallait « une déconfliction efficace et crédible » pour permettre aux humanitaires de faire leur travail.

Un changement de paradigme est en effet nécessaire pour continuer à répondre aux immenses besoins de la population civile en toute sécurité à Gaza, a déclaré Mme Kaag en observant que l’efficacité des opérations humanitaires ne saurait se résumer au comptage des camions.  Il faut mettre l’accent sur « le volume, la prévisibilité et la durabilité » d’une aide diversifiée en vue d’accroître l’assistance, a-t-elle dit en insistant aussi sur la nécessité de garantir la sécurité des agences humanitaires qui fournissent la nourriture, les médicaments et d’autres fournitures.  « Ces humanitaires doivent pouvoir emprunter tous les itinéraires et points de passage possibles sur tout le territoire de l’enclave. »

Si elle a salué la série de mesures annoncées en ce sens par le Gouvernement israélien, le 5 avril dernier, la Coordonnatrice a relevé que seules certaines d’entre elles ont été mises en œuvre à ce jour: l’augmentation du volume d’aide dédouanée et inspectée, l’ouverture temporaire du point de passage d’Erez et du port d’Ashdod, l’augmentation du nombre de camions arrivant de Jordanie par le pont Allenby, l’amélioration de l’accès par le nord de l’enclave, l’extension des heures d’ouverture des points de passage de Kerem Shalom et de Nitsana, la reprise des activités de certaines boulangeries ainsi que la réparation de la conduite d’eau de Nahal Oz. 

Toutefois, d’autres mesures urgentes sont nécessaires pour permettre un volume et un flux durables de biens humanitaires et commerciaux dans la bande de Gaza, a expliqué Mme Kaag.  Elle a précisé que l’ONU est en contact avec le Gouvernement israélien pour faire avancer notamment la réparation des routes, les autorisations de circulation des convois humanitaires, l’approbation de dispositifs de communication supplémentaires ou encore l’arrivée de véhicules blindés et de pièces détachées. Un accord sur les évacuations médicales est également urgent, a ajouté la Coordonnatrice qui a également insisté sur l’importance d’un système de notification humanitaire qui fonctionne, ainsi que de communications améliorées et directes entre les humanitaires et les décideurs militaires. 

Rejoignant les propos de Mme Kaag, les États-Unis ont estimé que les mesures positives prises par Israël sont insuffisantes et pas assez rapides.  Israël doit prendre des mesures immédiates pour ouvrir des points de contrôle vers le nord de Gaza, en proie à une famine imminente, ont-ils exigé. 

De leur côté, la Fédération de Russie et l’Algérie ont persisté à dire que la sécurité des humanitaires sur le terrain et l’acheminement de l’aide humanitaire à grande échelle à Gaza passent par un cessez-le-feu immédiat et durable car sans cela, « les travailleurs humanitaires continueront à mourir » et il est peu probable que le « guichet unique » proposé dans le cadre du mécanisme puisse les aider. 

Sur une note positive, Mme Kaag a fait le point sur la diversification des voies d’approvisionnement telle que prévue par la résolution 2720, qui passent notamment par la Jordanie, l’Égypte et Chypre.  S’agissant du couloir maritime avec Chypre, son bureau a proposé un mécanisme de financement multidonateurs et se charge de la coordination de l’acheminement de l’aide avec les opérations sur le terrain. 

Si tous les membres du Conseil ont exhorté Israël à tenir son engagement d’ouvrir le terminal d’Erez et le port d’Ashdod, ils ont également souligné l’importance de faciliter l’acheminement de l’aide depuis la Jordanie et l’Égypte.  La République de Corée s’est impatientée de voir que les mesures annoncées par Israël en ce sens nécessitent autant de temps pour être mises en œuvre.  « Les actes sont bien plus éloquents que les mots », a-t-elle commenté.

Les délégations ont été nombreuses à souligner que les voies terrestres restent le moyen le plus sûr et le plus efficace de fournir une aide à grande échelle, tout en reconnaissant que l’efficacité dépend aussi d’un mécanisme de déconfliction respecté par les parties.  Israël a donc été appelé à veiller au respect de la déconfliction, à permettre à tous les acteurs humanitaires à Gaza -dont l’UNRWA- d’accéder à la population dans le besoin de manière sûre et sans entraves, et à mettre pleinement en œuvre les exigences opérationnelles minimales de l’ONU.  C’est en cela que le mandat de Mme Kaag trouve toute sa pertinence puisqu’il consiste à établir une base de données et un mécanisme de suivi, de vérification et de coordination de l’aide, a rappelé le Royaume-Uni. 

En annonçant l’opérationnalisation imminente du mécanisme 2720, la Coordonnatrice a précisé qu’il s’appliquera dans un premier temps aux routes de Chypre et de Jordanie, alors que des consultations techniques sont en train d’être finalisées avec l’Égypte.  Mme Kaag a assuré avoir informé Israël de la mise en route du mécanisme, conformément à la résolution. 

Profondément préoccupés par la détérioration continue de la situation humanitaire à Gaza, la France, les États-Unis, la Slovénie, la Suisse et d’autres membres du Conseil ont réaffirmé leur ferme opposition à une offensive terrestre à Rafah qui entraînerait une catastrophe humanitaire d’une nouvelle magnitude.  Sur ce point, la délégation américaine a déclaré que même si le soutien de Washington au droit à la légitime défense d’Israël est « inscrit dans le marbre », si le pays continue de détruire des installations civiles, « nous nous opposerons à ces opérations, notamment celle envisagée à Rafah.  Israël doit agir conformément à ses obligations en vertu du droit international, point final ».

De son côté, Israël a fait valoir l’ouverture de nouveaux points de passage et l’augmentation significative du nombre de camions transportant de l’aide humanitaire vers Gaza ces deux dernières semaines, ainsi que d’autres mesures prises. La délégation a toutefois appelé l’ONU à faire mieux, notamment pour ce qui est de la distribution efficace et rapide de l’aide.  Elle a également réclamé la libération des otages israéliens toujours détenus par le Hamas en demandant au Conseil de s’impliquer concrètement sur ce dossier.

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