Conseil de sécurité: le Directeur général de l’AIEA dénonce les attaques « irresponsables » menées contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia
Réuni cet après-midi à la demande de la Slovénie et des États-Unis pour examiner la situation de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, en Ukraine, le Conseil de sécurité a entendu le Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) condamner les attaques « irresponsables » menées les 7 et 9 avril derniers contre cette installation sous occupation russe. Une dénonciation partagée par l’ensemble des délégations présentes à cette séance, même si la Fédération de Russie et l’Ukraine se sont renvoyé la responsabilité de ces graves incidents.
À l’entame de son exposé, M. Rafael Mariano Grossi a rappelé que, le 30 mai 2023, il avait énoncé devant le Conseil cinq principes concrets visant à prévenir un accident nucléaire et à maintenir l’intégrité de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Les membres du Conseil et l’Ukraine avaient clairement soutenu ces principes, a-t-il souligné, avant de regretter que le premier d’entre eux, à savoir l’interdiction de toute attaque menée depuis ou contre la centrale, ciblant en particulier les réacteurs, le stockage du combustible usé et d’autres infrastructure ou personnels, ait été violé à plusieurs reprises ces 10 derniers jours.
Cette violation entraîne une « augmentation radicale des risques pour la sûreté et la sécurité nucléaires à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, a averti le Directeur général de l’AIEA, selon lequel la mission internationale de soutien et d’assistance à cette centrale a confirmé, le 7 avril, les premières attaques depuis novembre 2022 visant directement l’installation. L’équipe de la mission a pu inspecter l’emplacement d’une frappe directe au sommet du dôme de confinement du bâtiment du réacteur numéro 6, a-t-il indiqué, faisant état de deux autres attaques à proximité immédiate des principaux bâtiments du réacteur, lesquelles ont fait au moins une victime.
M. Grossi a également évoqué une frappe de drone contre l’installation de production d’oxygène et d’azote du site et deux attaques contre le centre de formation situé juste à l’extérieur du périmètre. Un drone a par ailleurs été abattu au-dessus de la salle des machines de l’unité 6, a-t-il ajouté, avant de relever que, depuis plusieurs mois, des incursions isolées de tels engins sans pilote se multipliaient à proximité de l’installation et de la ville voisine d’Enerhodar. « Ces attaques irresponsables doivent cesser immédiatement », a-t-il martelé, non sans rappeler que la centrale ne dépend actuellement que de deux lignes d’alimentation externes.
Même si les six réacteurs de la centrale sont désormais à l’arrêt, « les dangers potentiels d’un accident nucléaire majeur restent bien réels », a-t-il averti, demandant au Conseil de soutenir sans faille les cinq principes et les sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires de l’AIEA, ainsi que le rôle de surveillance de la situation que joue l’Agence et qui, « malgré d’énormes difficultés », a su maintenir ouvertes les voies de communication indispensables.
Pour la délégation ukrainienne, ce qui s’est passé, les 7 et 9 avril, à Zaporizhzhia était « une opération sous fausse bannière planifiée par la Fédération de Russie dans le but de dissimuler sa culpabilité et d’accuser l’Ukraine dans l’espoir de retirer la question de la désoccupation de la centrale de l’ordre du jour du Conseil ». D’après elle, le seul moyen de sortir de la situation « très précaire » qui prévaut actuellement est de démilitariser complètement la centrale et les territoires adjacents. Il s’agit d’une condition préalable essentielle pour rétablir la sûreté et la sécurité nucléaires, mais aussi le respect du droit international, a fait valoir la délégation, estimant que le retour de la centrale sous le contrôle total de l’Ukraine est « la seule garantie de sécurité nucléaire et radiologique ».
Le fait que la centrale soit sous contrôle russe n’a « rien à voir avec les menaces contre la sécurité physique de l’installation », a soutenu la Fédération de Russie, pour qui lesdites menaces sont dues aux attaques irresponsables que mène l’Ukraine, « avec la connivence de ses sponsors occidentaux », contre ce site sensible. Observant que de précédents tirs des forces ukrainiennes dans le périmètre et les environs de la centrale sont restés sans réaction de la communauté internationale, la délégation russe a accusé le « régime de Kiev » d’avoir profité de cette « impunité » pour procéder à des « frappes ciblées ». Elle a donc invité les responsables de l’AIEA à « se rendre à l’évidence », faute de quoi, a-t-elle prévenu, les attaques ukrainiennes conduiront à une catastrophe nucléaire « à l’échelle régionale, voire mondiale ».
Si l’ensemble des autres délégations présentes ont condamné ces violations flagrantes des sept piliers définis par l’AIEA et des cinq principes concrets que le Directeur général avait établis l’an dernier, les délégations occidentales -France, États-Unis et Royaume-Uni en tête- ont insisté sur la nécessité d’une restitution de la centrale de Zaporizhzhia à l’Ukraine. Quatre résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA réclament le retrait immédiat des militaires russes de la centrale, ont appuyé la Lettonie et la Pologne. Dans l’immédiat, ont plaidé la Slovénie et l’Union européenne, les experts de l’AIEA doivent pouvoir avoir accès en temps voulu à la centrale et communiquer avec le personnel ukrainien.
S’il peut exister des vues divergentes sur la crise en Ukraine, la nécessité d’empêcher une catastrophe nucléaire doit faire consensus, a estimé l’Algérie, exhortant les parties concernées à travailler avec l’AIEA afin d’élaborer des protocoles de sécurité rigoureux autour des installations nucléaires ukrainiennes. Une position partagée par la Chine, qui a appelé à tout faire pour prévenir un accident nucléaire dont les conséquences iraient bien au-delà des frontières de l’Ukraine. La délégation chinoise s’est également prononcée pour l’ouverture de pourparlers le plus rapidement possible pour trouver une solution politique à la crise actuelle, rejointe dans cette revendication par le Mozambique.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Déclarations
M. RAFAEL MARIANO GROSSI, Directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a indiqué que l’AIEA suit de près la sécurité et la sûreté nucléaires en Ukraine chaque jour depuis le début de la guerre. Dans ce cadre, le personnel de l’AIEA surveille la situation dans les cinq centrales nucléaires ukrainiennes, y compris celle de Zaporizhzhia, qui reste sous contrôle opérationnel russe. M. Grossi a rappelé que, le 30 mai dernier, il avait établi cinq principes concrets visant à prévenir un accident nucléaire et à maintenir l’intégrité de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Ces cinq principes, a-t-il précisé, consistent à empêcher toute attaque depuis ou contre la centrale, ciblant en particulier les réacteurs, le stockage du combustible usé et d’autres infrastructure ou personnel; à ne pas utiliser la centrale comme stockage ou comme base pour des armes lourdes ou du personnel militaire qui pourrait être utilisé pour une attaque depuis la centrale; à ne pas mettre en danger l’alimentation électrique hors site de la centrale; à protéger des attaques ou actes de sabotage toutes les structures, systèmes et composants essentiels au fonctionnement sûr et sécurisé de la centrale; et à ne prendre aucune mesure qui porterait atteinte à ces principes.
Lors de la réunion de mai dernier, a poursuivi M. Grossi, les membres du Conseil de sécurité et l’Ukraine ont clairement soutenu ces principes. Néanmoins, ces 10 derniers jours, le premier de ces principes a été violé à plusieurs reprises, ce qui marque une « augmentation radicale des risques pour la sûreté et la sécurité nucléaires à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia », a-t-il dénoncé, précisant que la mission internationale de soutien et d’assistance à cette centrale a confirmé le 7 avril les premières attaques depuis novembre 2022 visant directement l’installation. L’équipe de la mission a pu inspecter l’emplacement d’une frappe directe au sommet du dôme de confinement du bâtiment du réacteur numéro 6, a indiqué le Directeur général de l’AIEA. Bien que les dommages causés à la structure soient superficiels, l’attaque crée un « précédent très dangereux en termes de ciblage réussi du confinement du réacteur ».
Les deux autres attaques ont eu lieu à proximité immédiate des principaux bâtiments du réacteur et ont fait au moins une victime. Les experts de l’AIEA présents sur le site ont été informés par le personnel de la centrale d’une frappe de drone contre l’installation de production d’oxygène et d’azote du site et de deux attaques contre le centre de formation, situé juste à l’extérieur du périmètre du site, a expliqué M. Grossi, ajoutant que des informations ont fait état d’un drone abattu au-dessus de la salle des machines de l’unité 6. « Ces attaques irresponsables doivent cesser immédiatement », a-t-il affirmé, avant de se déclarer préoccupé « non seulement par les attaques elles-mêmes, mais également par le contexte dans lequel elles se sont produites ». Depuis plusieurs mois, avant ces attaques directes, les incursions isolées de drones se multipliaient déjà à proximité de l’installation et dans la ville voisine d’Enerhodar, a-t-il indiqué, relevant que la centrale ne dépend actuellement que de deux lignes d’alimentation externe.
Selon M. Grossi, chacun des sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires de l’AIEA a été compromis au cours de ce conflit. Il n’est donc pas possible de rester les bras croisés, a-t-il dit, estimant que, même si les six réacteurs de la centrale sont désormais à l’arrêt, la dernière tranche étant passée dans cet état il y a deux jours suite à la recommandation de l’AIEA, « les dangers potentiels d’un accident nucléaire majeur restent bien réels ». Assurant que l’Agence continuera de suivre de près l’état opérationnel de la centrale et de proposer des alternatives techniquement viables, le Directeur général a souhaité que ses équipes puissent accéder en temps opportun au site pour évaluer l’état de l’installation, ainsi que l’impact cumulé de plus de 26 mois dans une zone de guerre sur la sûreté nucléaire.
Face au risque d’accident nucléaire aux conséquences radiologiques potentiellement importantes, il importe de respecter les cinq principes établis il y a un an, a insisté M. Grossi. À ses yeux, les dernières attaques constituent une violation flagrante de ces principes cruciaux. Il a donc demandé au Conseil son soutien sans faille aux cinq principes et aux sept piliers de la sûreté et de la sécurité nucléaires de l’AIEA, ainsi qu’au rôle de surveillance de la situation que joue l’Agence, au service de la communauté internationale. Avant de conclure, il a indiqué que, malgré d’énormes difficultés, l’AIEA a maintenu ouvertes les voies de communication indispensables et continuera de le faire.
Le représentant de la Slovénie a indiqué que nous nous sommes retrouvés sur un territoire « dangereux et inexploré » le 6 avril dernier lorsque, pour la première fois dans l’histoire, un bâtiment réacteur d’une centrale nucléaire en service a été touché. « On ne saurait sous-estimer à quel point la situation à la centrale de Zaporizhzhia est devenue dangereuse », a-t-il prévenu, en appelant au respect des sept piliers indispensables de la sécurité et de la sûreté nucléaires. Cet incident a également mis en évidence les risques persistants pour la centrale et d’autres installations nucléaires en Ukraine dans le cadre de cette guerre d’agression. « Comme nous le savons tous, jouer avec le feu est déconseillé, et encore moins jouer avec les barres de combustible nucléaire. »
Le représentant s’est félicité de la présence du personnel de l’AIEA dans toutes les centrales nucléaires ukrainiennes en tant que facteur de stabilisation essentiel. Toutefois, s’est-il inquiété, l’équipe de l’AIEA s’est vu refuser l’accès à certains des sites concernés de la centrale de Zaporizhzhia et n’a pas été en mesure d’évaluer l’impact des dégâts. Il a donc appelé la Russie à accorder immédiatement l’accès aux experts de l’AIEA, et à restituer le contrôle de la centrale à son propriétaire légitime.
Le représentant des États-Unis a jugé vital d’éviter toute action susceptible de mettre en péril la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, un aspect fondamental sur lequel tous les membres de ce Conseil devraient, selon lui, tomber d’accord. La Russie, qui contrôle cette centrale, continue de faire peser des risques importants sur nous tous, un risque qui découle directement de la décision prise par Putin de mener une guerre d’agression injustifiable et non provoquée contre l’Ukraine, a-t-il accusé. Pour le délégué, le plus préoccupant, c’est que cette centrale soit aujourd’hui opérée par des individus insuffisamment formés au nucléaire. Toute action militaire aujourd’hui aurait pour résultat un incident nucléaire à la centrale, a mis en garde le représentant, qui a donc appelé au strict respect des sept piliers définis par l’AIEA en matière de sûreté et de sécurité internationales et des cinq principes concrets énoncés par son directeur. Encore une fois, a-t-il ajouté, la Fédération de Russie doit retirer immédiatement ses troupes du territoire ukrainien et de ses frontières internationales reconnues et la centrale de Zaporizhzhia être restituée aux autorités compétentes en Ukraine.
La représentante du Royaume-Uni a qualifié de « profondément préoccupant » le rapport du 7 avril du Directeur général de l’AIEA relatif à des frappes de drones sur le site de Zaporizhzhia. Elle s’est également émue des informations faisant état d’explosions et de tirs de fusils sur le site de la centrale nucléaire, ainsi que de plusieurs tirs d’artillerie à proximité. Il s’agit d’un « rappel brutal » de la situation précaire en matière de sûreté et de sécurité dans la plus grande centrale nucléaire d’Europe, causée par la guerre non provoquée de la Russie contre l’Ukraine, a-t-elle affirmé, notant que, depuis août 2022, Zaporizhzhia a subi huit coupures totales d’électricité. Après avoir dénoncé le fait que la Russie maintienne du matériel et du personnel militaires dans l’enceinte de cette centrale, elle a signalé que d’autres sites ont aussi été touchés par les combats. L’installation Neutron Source à Kharkiv a cessé de fonctionner en avril et en mars à cause de bombardements, tandis que la centrale nucléaire du sud de l’Ukraine a perdu sa connexion aux lignes électriques. En outre, l’équipe de l’AIEA présente à la centrale nucléaire de Khmelnytsky a été contrainte de se mettre à l’abri quatre fois en mars en raison de raids aériens.
Jugeant « vital » de réduire le risque d’un incident nucléaire en Ukraine, la représentante s’est faite l’écho de l’appel du Directeur général de l’AIEA à s’abstenir de toute action susceptible de violer les cinq principes concrets visant à garantir la sécurité de la centrale de Zaporizhzhia. Elle a également appelé la Russie à accorder aux experts de l’AIEA un accès complet à toutes les zones de la centrale. Enfin, elle a estimé que, pour améliorer la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires en Ukraine, la Russie n’a qu’à rendre Zaporizhzhia aux autorités ukrainiennes, mettre fin à sa guerre et retirer toutes ses troupes du territoire souverain qu’elle occupe.
Le représentant de la Chine a constaté que la situation est particulièrement difficile à la centrale de Zaporizhzhia où plusieurs attaques de drones et des bombardements ont eu lieu. Il a appelé à prévenir tout accident nucléaire qui pourrait avoir de graves conséquences au-delà des frontières de l’Ukraine. Le délégué a souligné que les cinq principes de l’AIEA doivent jouer un rôle important en vue de renforcer la sécurité et la sûreté des installations de la centrale nucléaire. Le délégué a exhorté les parties à éviter toute action qui pourrait conduire à un incident nucléaire, insistant sur l’importance de trouver une solution politique à la crise actuelle. Il faut entamer des pourparlers le plus rapidement possible, a-t-il préconisé.
Le représentant du Japon s’est dit très préoccupé par la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires en Ukraine, estimant que les attaques de drones contre la centrale de Zaporizhzhia ajoutent encore à l’inquiétude croissante. Face à cette violation flagrante des cinq principes concrets établis par l’AIEA, il a appelé toutes les parties à veiller à ce que la plus grande centrale nucléaire d’Europe ne présente pas de risque de catastrophe nucléaire. « Dans le cas contraire, les conséquences s’abattront non seulement sur l’Europe mais sur le monde entier », a-t-il averti. Soulignant le rôle essentiel que joue la mission de soutien et d’assistance de l’AIEA à Zaporizhzhia, il a souhaité que des informations illimitées et rapides ainsi qu’un accès sans restriction et en temps opportun lui soient fournis afin de ne pas entraver le travail d’évaluation. La présence de l’AIEA sur le terrain est essentielle pour obtenir des observations impartiales, objectives et de première main, a-t-il insisté, avant de rappeler que l’agression russe contre l’Ukraine et l’occupation illégale de la centrale par la Russie sont à l’origine de ces problèmes. Le délégué a donc appelé au retrait immédiat et inconditionnel de la Russie de l’ensemble du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine, y compris du site de Zaporizhzhia, et à la remise de la centrale aux autorités ukrainiennes.
La représentante de la Suisse, a qualifié les attaques de drones du 7 avril et des jours suivants qui ont directement impacté la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, d’actions irresponsables et inacceptables. Elle a appelé la Russie et l’Ukraine à mettre en œuvre et à respecter pleinement et à tout moment les sept piliers et les cinq principes de l’AIEA et à s’abstenir de mener des hostilités à proximité et contre les installations nucléaires. De même, elle leur a rappelé la protection spéciale accordée par l’article 56 du premier protocole additionnel aux Conventions de Genève contre des attaques visant des installations contenant des forces dangereuses. Cet article demande explicitement de ne pas placer d’objectifs militaires à proximité de ces ouvrages. Un incident nucléaire doit être évité à tout prix, a martelé la déléguée pour laquelle le fait que les six réacteurs de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia soient désormais en arrêt à froid, comme recommandé par l’AIEA, représente un développement positif dans un contexte fragile. Elle a ensuite appelé la Russie à retirer immédiatement toutes ses troupes et armes de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et à rendre le contrôle de la centrale nucléaire aux autorités ukrainiennes compétentes.
Le représentant de l’Algérie a souligné la gravité des menaces de nature nucléaire en Ukraine, en se disant très inquiet par le récent incident autour de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Les parties concernées doivent travailler avec l’AIEA afin d’élaborer des protocoles de sécurité rigoureux autour des installations nucléaires ukrainiennes, a insisté le délégué. Il a souligné la nécessité d’éviter toute action de nature à faire planer un péril et à créer un incident. Il faut tout faire pour empêcher une catastrophe nucléaire, a-t-il insisté. S’il peut exister des vues divergentes sur la crise en Ukraine, la nécessité d’empêcher une catastrophe nucléaire doit faire consensus, a-t-il estimé.
Le représentant de la Fédération de Russie a affirmé que son pays, avec le soutien des dirigeants de l’AIEA, met tout en œuvre pour prévenir les menaces contre la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporojie. Le fait que la centrale soit sous contrôle russe n’a, selon lui, rien à voir avec les menaces contre la sécurité physique de l’installation. En effet, a-t-il dit, ces menaces dont dues aux attaques irresponsables que mènent l’Ukraine, avec la connivence de ses sponsors occidentaux, contre le site de cette centrale nucléaire. De juillet à novembre 2022, a précisé le délégué, les forces armées ukrainiennes ont procédé à des tirs réguliers de roquettes et d’obus d’artillerie contre l’installation, ainsi qu’à plusieurs tentatives de sabotage. Si aucune attaque directe sur la centrale elle-même n’a ensuite été enregistrée pendant près d’un an et demi, les forces armées ukrainiennes ont en revanche bombardé la ville d’Energodar, où vivent les employés et leurs familles, ainsi que la zone industrielle autour de la centrale et des infrastructures situées en dehors de son périmètre. Ces attaques se sont fortement intensifiées ces derniers mois, et les forces armées russes ont neutralisé jusqu’à une centaine de drones par semaine dans ce secteur.
Bien que la Fédération de Russie informe régulièrement le Conseil de sécurité et le Secrétariat de l’AIEA de ces actions inacceptables, les membres occidentaux du Conseil « ne veulent pas admettre la réalité des menaces créées par Kiev », a-t-il déploré. Il a ainsi regretté leur manque de réaction après l’explosion d’un engin lancé à l’aide d’un drone, le 12 mars, à seulement cinq mètres de la clôture d’un entrepôt de carburant diesel de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Il a également fait état de l’envoi de drones kamikaze, le 5 avril, dans les zones de la station d’azote et d’oxygène. Convaincu de son impunité, le « régime de Kiev » a de nouveau adopté la tactique du bombardement direct du site le 7 avril, a observé le représentant, selon lequel une frappe a d’abord été menée sur la cantine de la centrale, faisant trois blessés. Peu après, des attaques de drones ont touché les groupes motopropulseurs 5 et 6. L’un des drones a été abattu et le second a explosé sur le toit du sixième réacteur, a-t-il précisé, ajoutant que le toit du centre de formation de la centrale a été frappé dans la soirée, puis une seconde fois le 9 avril. Le 8 avril, a-t-il encore indiqué, un drone a été abattu sur le site de la centrale et est tombé sur le toit de la salle des machines du réacteur 5.
Pour le représentant, il ne s’agissait pas de tirs aléatoires mais bien de « frappes ciblées des forces armées ukrainiennes contre la plus grande centrale nucléaire d’Europe ». Des frappes dont le « dirigeant de Kiev » tente cyniquement de rejeter la responsabilité sur la Russie, a-t-il dénoncé. « Pourquoi, parmi les quatre centrales nucléaires d’Ukraine, la Russie menacerait-elle la sécurité de celle qu’elle contrôle? » Assurant que la Russie n’a jamais déployé d’armes lourdes contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia ni mené d’attaques depuis son territoire, il a accusé l’Ukraine de violer de manière flagrante les consignes et les appels de l’AIEA. À cette aune, il a demandé aux responsables de l’Agence de « se rendre à l’évidence » et d’indiquer la source des attaques. « L’hésitation du Secrétariat de l’Agence à appeler un chat un chat ne fait qu’encourager les autorités de Kiev à poursuivre des actions irresponsables et extrêmement dangereuses », a-t-il estimé, ajoutant que si les attaques ukrainiennes contre cette centrale se poursuivent, personne ne pourra exclure complètement une catastrophe nucléaire à l’échelle régionale, voire mondiale.
Le représentant de l’Équateur a dénoncé les risques sans précédent pour la sûreté et la sécurité de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia en Ukraine. Un éventuel accident nucléaire dans cette centrale pourrait avoir des conséquences catastrophiques qui affecteraient la région, l’environnement et la sécurité des personnes. Ces attaques contre la centrale sont inacceptables et il est temps que les sept piliers de la sûreté nucléaire et les cinq principes fondamentaux de l’AIEA soient respectés. Les inspecteurs de l’AIEA doivent aussi avoir un accès sans entrave à la centrale pour mener une évaluation indépendante et précise. Il revient au Conseil de sécurité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que la guerre ne s’étende au domaine nucléaire, a exhorté le représentant.
Le représentant du Mozambique a estimé que les incidents relatés marquent une escalade dangereuse qui fait courir à toute la région le risque d’une catastrophe nucléaire. Invoquant celle de Tchernobyl, il a exigé que les parties cessent immédiatement toute attaque contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et respectent les sept piliers indispensables de l’AIEA. Le contraire serait une violation impardonnable des normes internationales, a tranché le délégué qui s’est rallié à l’appel du Directeur général de l’AIEA pour lequel est impératif de mettre un terme aux incidents récurrents et de se garder d’ouvrir un front extrêmement dangereux dans ce conflit. Le Mozambique, a conclu le représentant, réitère son soutien indéfectible à un règlement politique et négociée du conflit.
La représentante de la France a dénoncé les attaques du 7 et du 9 avril derniers, menées par la Fédération de Russie, dont les frappes sont une violation flagrante des sept piliers définis par l’AIEA et des cinq principes concrets que le Directeur général a énoncés devant ce Conseil en mai 2023, pour préserver la sûreté et la sécurité du site. La Russie, a martelé la déléguée, doit cesser la militarisation de la centrale de Zaporizhzhia, qui nous expose au danger d’un accident nucléaire majeur dans la plus grande centrale nucléaire d’Europe, avec de graves conséquences humaines et environnementales. Nous appelons aussi, une nouvelle fois, la Russie à se conformer aux résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA et à mettre un terme à l’occupation de la centrale pour en restituer le plein contrôle aux autorités ukrainiennes. La représentante a également réitéré son appel à la sûreté des réacteurs. Préoccupée par la sécurité du personnel de l’AIEA, elle a rappelé qu’il doit pouvoir exécuter son mandat sans entrave, communiquer librement avec le personnel ukrainien de la centrale et accéder à toutes les zones du site.
La représentante du Guyana a déploré les récentes attaques de drones contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et leur impact sur la détérioration de la situation en matière de sûreté et de sécurité nucléaires sur le site. Sommant les parties à ce conflit à éliminer de tels projets de leurs stratégies militaires, elle a averti qu’il ne peut y avoir d’avantage militaire à mener une action irresponsable contre une centrale nucléaire. De plus, a-t-elle ajouté, de tels agissements constituent des violations flagrantes des cinq principes concrets visant à prévenir un accident nucléaire dans la centrale et des sept piliers indispensables de la sûreté et de la sécurité nucléaires. La déléguée a appuyé l’appel lancé par le Directeur général de l’AIEA aux « décideurs militaires » pour qu’ils cessent toute violation de ces principes et qu’ils garantissent l’intégrité de la centrale de Zaporizhzhia et de tous les autres sites nucléaires en Ukraine. En outre, elle a appelé la Fédération de Russie à coopérer avec l’AIEA et à protéger l’intégrité de toutes les centrales nucléaires sous son contrôle en Ukraine.
Le représentant de la République de Corée a s’est inquiété que les hostilités aient directement visé la centrale nucléaire de Zaporizhzhia à plusieurs reprises, en violation flagrante des cinq principes concrets de protection de l’installation. La situation aujourd’hui a franchi un nouveau seuil effrayant qui nous rapproche d’une catastrophe nucléaire potentielle. La plus grande centrale nucléaire d’Europe ne doit plus se trouver dans une zone de guerre active et la sécurité nucléaire de la région ne doit plus être prise en otage, a martelé le délégué avant d’exhorter la Russie à rendre le contrôle de l’installation aux autorités ukrainiennes compétentes. À cet égard, il s’est félicité de l’adoption, le mois dernier, de la résolution du Conseil des gouverneurs de l’AIEA, qui réaffirme son engagement à assurer la sûreté et la sécurité nucléaires dans le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. À ce stade critique, il est impératif, selon le délégué, de garantir un accès complet et sans entrave à l’ensemble des installations de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et de soutenir pleinement les activités des experts de l’AIEA en matière de surveillance et d’alerte précoce.
Le représentant de la Sierra Leone a exprimé sa vive préoccupation face aux attaques autour des centrales nucléaires dans l’ensemble de l’Ukraine, y compris les attaques de drones signalées le 7 avril dernier à la centrale de Zaporizhzhia. Il a appelé les parties à faire preuve d’un maximum de retenue et à engager un dialogue constructif afin d’apaiser les tensions et de prévenir de nouveaux incidents. Les parties doivent donner la priorité à la sécurité, a prié le représentant, en demandant de respecter les sept piliers définis par l’AIEA pour garantir la sûreté et la sécurité nucléaires. En outre, a-t-il rappelé, cinq des six réacteurs nucléaires de la centrale sont à l’arrêt à froid depuis septembre 2022, des conditions « fragiles et dangereuses » qui posent un risque important pour la sûreté et la sécurité nucléaires dans la région et au-delà. Il est donc impératif que les parties fassent preuve de la plus grande prudence et de la plus grande responsabilité dans la sauvegarde de la centrale et de ses environs, avec la collaboration de l’AIEA, a-t-il conclu.
La représentante de Malte a déclaré être profondément préoccupée par les récentes frappes de drones contre la centrale nucléaire de Zaporizhzhia, s’inquiétant d’une escalade sans précédent et de la première action militaire directe contre la centrale nucléaire depuis novembre 2022. « Aucune frappe militaire ne pourra jamais être autorisée contre des installations nucléaires, et encore moins contre la plus grande centrale nucléaire d’Europe » a-t-elle insisté. Elle a estimé que le personnel de l’AIEA doit avoir pleinement accès à toutes les zones du site de Zaporizhzhia, avant de dénoncer la militarisation, par la Fédération de Russie, de la plus grande centrale nucléaire d’Europe. Les résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA du 3 mars, du 15 septembre et du 17 novembre 2022 appellent d’ailleurs Moscou à en retirer immédiatement son personnel militaire et autre, a-t-elle relevé. L’Agence, a-t-elle ajouté, est l’organisme international chargé de promouvoir la sûreté et la sécurité nucléaires, et nous devons tous adhérer à ses positions et respecter son travail. Nous appelons la Fédération de Russie à faire de même.
Le représentant de l’Ukraine a déclaré que la cause fondamentale de tous les risques à la sûreté et la sécurité nucléaires est la guerre d’agression non provoquée et injustifiée de la Russie contre l’Ukraine. Il a affirmé que ce qui s’est passé à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia les 7 et 9 avril 2024 était une opération sous fausse bannière planifiée par la Fédération de Russie dans le but de dissimuler sa culpabilité et de créer des questions fabriquées de toutes pièces pour accuser l’Ukraine dans l’espoir de retirer la question de la désoccupation de la centrale de l’ordre du jour du Conseil. Estimant que l’intégrité de l’AIEA est aujourd’hui compromise par l’occupation russe de la centrale nucléaire, il a accusé la Russie d’avoir violé les sept piliers et cinq principes de l’AIEA, notamment par la présence de soldats et de matériels militaires à Zaporizhzhia, y compris dans les salles des réacteurs nucléaires.
La communauté internationale continue d’être témoin du comportement imprudent de la Russie, qui ignore totalement les résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA et celles de la Conférence générale de l’AIEA, a-t-il déploré. Selon lui, le seul moyen de sortir de la situation actuelle « très précaire » est la démilitarisation et la désoccupation complètes de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia et des territoires adjacents. Il s’agit d’une condition préalable essentielle pour rétablir non seulement la sûreté et la sécurité nucléaires, mais aussi le respect du droit international, a fait valoir le délégué. Le retour de la centrale sous le contrôle total de l’Ukraine est la seule garantie de sécurité nucléaire et radiologique.
Au nom des pays baltes, le représentant de la Lettonie a condamné, une nouvelle fois, la saisie illégale de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia par la Fédération de Russie. Il a demandé à cette dernière de retirer ses troupes et ses équipements militaires de la centrale mais aussi de l’ensemble du territoire internationalement reconnu de l’Ukraine. Il a qualifié d’illégal le remplacement du personnel ukrainien de la centrale par des militaires russes, y voyant là une menace au bon fonctionnement des installations. Le représentant a cependant salué le rôle de l’AIEA mais a exprimé sa profonde préoccupation face aux informations selon lesquelles la centrale a été directement visée par une attaque.
Toute nouvelle escalade résultant des actes illégaux de Moscou pourrait avoir des conséquences inimaginables et causer des dégâts écologiques et une crise humanitaire pendant des générations, s’est alarmé le représentant. Déjà, a-t-il rappelé, quatre résolutions du Conseil des gouverneurs de l’AIEA réclament le retrait immédiat des militaires russes de la centrale. Or, les actes de la Russie vont dans la direction opposée maintenant qu’elle élargit sa campagne militaire aux infrastructures civiles essentielles de l’Ukraine. La communauté internationale ne peut laisser la Russie menacer la sûreté et la sécurité nucléaires en Ukraine ou ailleurs, s’est impatienté le représentant.
Le délégué de l’Union européenne (UE) a déclaré que la Russie ne peut en aucun cas détourner l’attention de son invasion illégale de l’Ukraine et normaliser sa saisie illégale de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. La Russie est pleinement responsable des menaces à la sûreté et à la sécurité nucléaires, a martelé le représentant. Pour la première fois, a-t-il souligné, un membre permanent de ce Conseil s’est emparé illégalement de la centrale nucléaire d’un pays voisin. Les risques sécuritaires évoqués par l’AIEA sont une conséquence directe de la guerre d’agression menée par la Russie, en violation de la Charte des Nations Unies. Les dernières attaques sont irresponsables et inacceptables et la centrale ne saurait être utilisée comme un arsenal ou une garnison. Le représentant a aussi dénoncé les attaques russes contre les infrastructures énergétiques de l’Ukraine.
L’UE, a-t-il dit, soutient le travail de l’AIEA. Ses cinq principes et ses sept piliers doivent être respectés à tout moment. Les experts de l’AIEA doivent pouvoir avoir accès en temps voulu à la centrale, étant donné que la tentative de la Russie de se l’approprier illégalement n’ont aucune validité au regard du droit international. La Russie doit retirer immédiatement, sans condition et complètement toutes ses forces et tous ses équipements militaires de l’Ukraine. La restitution de la centrale aux autorités ukrainiennes est la seule solution durable pour mettre fin aux graves menaces qui pèsent actuellement sur la sûreté et la sécurité nucléaires.
Le représentant de la Pologne a salué la présence de l’AEIA à la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Il a dénoncé les attaques de drones et la saisie illégale des installations par la Russie. Cette centrale ne saurait être utilisée pour entreposer des armes lourdes et abriter des soldats prêts à l’attaque, a dit le délégué, en ajoutant que l’annexion de la centrale par la Russie ne sera jamais acceptée. Il est absolument clair, a-t-il dit, que la seule raison pour laquelle nous discutons de cet épisode extrêmement dangereux est l’agression russe de l’Ukraine. Toutes les résolutions de l’AIEA décrivent la présence militaire russe comme une menace directe à la sûreté nucléaire en Ukraine. Nous avons vécu il y a près de 38 ans, la catastrophe de Tchernobyl et nous, qui étions en première ligne, ferons tout notre possible pour qu’une autre catastrophe de cette ampleur ne se reproduise jamais, a conclu le délégué.
Les observations du Conseil de sécurité sont très importantes pour nous, a déclaré en reprenant la parole le Directeur général de l’AIEA, M. GROSSI. Malgré les divergences politiques qui peuvent exister entre certains membres du Conseil, il a constaté un terrain d’entente, une vision commune sur certains aspects, un appui unanime à l’action de l’AIEA et un consensus autour de la nature indispensable du travail de l’Agence. Le Directeur général a assuré que l’AIEA va redoubler de vigilance pour voir si les incidents, qui viennent de se produire, risquent de se répéter. Nous espérons que tel ne sera pas le cas, a-t-il dit, avant de souligner que son agence a achevé un travail de déconfliction avec les autorités. Il a émis l’espoir que la dix-huitième équipe de l’AIEA, à l’œuvre dès demain, pourra poursuivre le travail entamé en septembre 2022.