Conseil de sécurité: après 13 ans de conflit, l’Envoyé spécial pour la Syrie déplore des tendances qui « vont toutes dans la mauvaise direction »
Alors que le conflit syrien vient d’entrer dans sa quatorzième année, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie a informé, ce matin, le Conseil de sécurité d’évolutions sécuritaires, humanitaires, politiques et économiques qui, selon lui, « vont toutes dans la mauvaise direction ». Démenti sur ce constat par les délégations syrienne, russe et chinoise, il a appelé à la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle pour parvenir à une solution politique, seul moyen à ses yeux de surmonter les « innombrables défis » auxquels fait face la Syrie.
Après avoir consacré la première partie de son exposé à la situation sécuritaire en Syrie, marquée par une multiplication des fronts et des acteurs, M. Geir O. Pedersen a appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza, rappelant que le conflit entre Israël et le Hamas a des ramifications régionales préoccupantes. Il a cependant estimé que la désescalade du conflit syrien est tout aussi urgente, plaidant pour la mise en œuvre des accords de cessez-le-feu existants en vue d’une cessation des hostilités à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil.
Sur ce point, la République arabe syrienne a dénoncé la poursuite des frappes aériennes israéliennes sur son territoire, accusant les trois membres permanents occidentaux du Conseil de favoriser cette agression pour déstabiliser son pays et affaiblir sa position dans la région. Elle a été appuyée par la Fédération de Russie, selon laquelle la hausse des tensions à la frontière israélo-syrienne et l’intensification des raids israéliens sur la Syrie risquent d’entraîner le pays et certains de ses voisins dans une « confrontation régionale à grande échelle ».
Également inquiète des retombées du conflit israélo-palestinien sur la Syrie, la Chine a appelé toutes les parties impliquées à la retenue afin d’empêcher une propagation des combats. En outre, elle a exhorté les « grands pays en dehors de la région » à favoriser une désescalade, notamment en appuyant un « cessez-le-feu du ramadan » à Gaza, qui insufflerait une « énergie plus positive » en vue d’un rétablissement de la paix et de la stabilité au Moyen-Orient, y compris en Syrie. L’Équateur a, lui, invité les pays de la région à définir une approche commune pour répondre à la menace croissante posée par les groupes terroristes.
Dans ce contexte, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a indiqué qu’en 13 ans de conflit en Syrie, plus de 7 millions de personnes ont été déplacées. Aujourd’hui, a ajouté Mme Joyce Msuya, pas moins de 13 millions de personnes en Syrie ont besoin d’une aide alimentaire, soit un niveau sans précédent depuis le début de cette crise. Alertant sur le fait que l’appel humanitaire pour la Syrie en 2023 n’a été financé qu’à moins de 40%, elle a averti de « conséquences dévastatrices ». Le Programme alimentaire mondial (PAM) a ainsi dû réduire le nombre de personnes auxquelles il vient en aide chaque mois de 3 millions à 1 million, a-t-elle précisé, avant d’assurer que l’ONU fait tout son possible pour remédier à ce déficit financier.
Mme Msuya a néanmoins observé que le mécanisme transfrontalier continue de permettre, via les points de passage de Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï, la livraison d’aide depuis la Türkiye à 4,2 millions de personnes dans le nord-ouest syrien. Il est impératif selon elle que ce dispositif soit complété par davantage d’acheminements à travers les lignes de front, une demande pressante reprise par la Syrie et la Chine, mais aussi Malte, la Slovénie et la Suisse.
Si la délégation syrienne a exigé la levée immédiate et sans condition du « châtiment collectif » que lui imposent les États-Unis et l’Union européenne, soutenue dans cette revendication par l’Algérie, au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), la Chine, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran, les États-Unis ont prévenu qu’ils continueront à user de tous les outils à leur disposition, notamment des sanctions, pour promouvoir la reddition des comptes en Syrie. Ces mesures resteront en vigueur tant que des progrès concrets n’auront pas été enregistrés en vue d’une solution politique, ont-ils souligné, rejoints par la France, qui a exclu, dans les circonstances présentes, de « financer la reconstruction d’un pays en grande partie détruit par son propre gouvernement ».
Tout en exprimant leur reconnaissance aux pays de la région qui accueillent des Syriens fuyant leur pays, les États-Unis ont également reconnu le rôle essentiel que joue en Syrie l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Ils ont salué les mesures prises par l’ONU pour donner suite aux allégations visant plusieurs fonctionnaires de cette agence, en lien avec les événements du 7 octobre dernier en Israël, et se sont félicités du lancement d’un examen indépendant de la situation.
Sur le volet politique, l’Envoyé spécial a regretté que le Gouvernement syrien n’ait pas accepté son invitation à tenir une neuvième session du petit comité de la Commission constitutionnelle à Genève en avril. Il s’est toutefois dit ouvert à toute autre solution susceptible de parvenir à un consensus entre les parties syriennes et le pays hôte. La Suisse s’est pour sa part déclarée prête à accueillir tous nouveaux pourparlers, bien que la Fédération de Russie lui dénie ce rôle au nom de la « perte de sa neutralité ». Sur le fond, M. Pedersen a dit avoir demandé aux parties de présenter des propositions constitutionnelles dès la reprise des travaux de la Commission, plaidant pour une approche « plus globale », qui aborde l’ensemble des questions.
À l’instar des États-Unis, qui se sont déclarés conscients du « tribut humain causé par l’inaction », le Royaume-Uni a réitéré son appel au « régime d’Assad » pour qu’il s’engage de manière significative dans le processus politique. En réponse à cette mise en demeure, soutenue par le Japon, la République de Corée et la Türkiye, le délégué syrien a assuré la détermination de son gouvernement à lancer un dialogue intrasyrien sans ingérence extérieure, comme l’a indiqué le Ministre syrien des affaires étrangères à l’Envoyé spécial lors de la visite de ce dernier à Damas.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Déclarations
M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a commencé par souhaiter un bon ramadan à tous ceux qui l’observent, avant de constater qu’après 13 ans de conflit en Syrie, et malgré les efforts diplomatiques, « les évolutions vont toutes dans la mauvaise direction, notamment dans les domaines de la sécurité, de l’humanitaire, des droits humains, de l’économie et de la politique ». Sur le plan sécuritaire, il a noté que le conflit se poursuit, avec une violence aiguë sur de nombreux fronts et des retombées régionales continues. Le haut fonctionnaire a ainsi fait état, pour ce mois seulement, de nouvelles frappes israéliennes; de nouveaux tirs de roquettes depuis le sud de la Syrie vers le Golan syrien occupé; d’une recrudescence de la violence à Edleb, marquée par des frappes aériennes progouvernementales et des attaques de drones du groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham (HTS); de nouvelles frappes de drones turcs dans le nord-est du pays, où des échanges de tirs d’artillerie et de roquettes ont lieu entre les groupes armés d’opposition et les Forces démocratiques syriennes; d’une mobilisation de l’armée de l’air jordanienne à la frontière jordano-syrienne; d’échanges de bombardements entre le Gouvernement et les Forces démocratiques syriennes le long de l’Euphrate; et de nouvelles attaques meurtrières de Daech.
Dans ce contexte, M. Pedersen a appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat à Gaza, rappelant que ce conflit a des ramifications régionales préoccupantes. Il a cependant estimé que la désescalade du conflit en Syrie est tout aussi urgente et a plaidé pour la mise en œuvre des accords de cessez-le-feu existants en vue d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Sur le plan humanitaire, il s’est dit stupéfié de constater que 16,7 millions de personnes ont besoin d’une aide, soit le total le plus élevé jamais enregistré en 13 ans. Il faut atteindre ceux qui en ont besoin par toutes les modalités, que ce soit par-delà les frontières ou à travers les lignes de front, a-t-il affirmé, avant d’exhorter les donateurs à contribuer généreusement à la réponse humanitaire et au relèvement rapide. Selon lui, il importe également que les effets des sanctions sur les Syriens ordinaires soient atténués et évités, compte tenu de l’impact que peut avoir un respect excessif de ces mesures sur les opérations humanitaires.
Après avoir signalé l’absence de services publics de base pour des millions de Syriens, sur fond d’effondrement économique et de dégradation institutionnelle, M. Pedersen a mis l’accent sur les plus de 100 000 personnes qui seraient arbitrairement détenues, victimes de disparition forcée ou portées disparues. Déplorant qu’aucun progrès ne soit enregistré en matière de libérations à grande échelle, d’informations sur le sort des disparus et d’accès aux lieux de détention, il s’est alarmé des rapports faisant état d’arrestations et d’enlèvements arbitraires, ainsi que de torture, notamment de violences sexuelles, contre des détenus. Il a ajouté que la moitié de la population d’avant-guerre continue de se déplacer ou de s’exiler, et que les femmes continuent de subir du harcèlement et des menaces de violence physique. Malgré cela, des personnes descendent toujours dans les rues de certaines régions pour exprimer des griefs restés sans réponse, a-t-il relevé, évoquant aussi des manifestations à Edleb contre les abus commis par le groupe HTS. Si cinq armées étrangères sont aujourd’hui actives et présentes en Syrie, il existe également une multitude d’acteurs armés ainsi que des groupes terroristes inscrits sur la liste du Conseil, a fait observer le haut fonctionnaire, non sans rappeler que des millions de Syriens sont répartis entre ces zones de contrôle.
De l’avis de l’Envoyé spécial, seule une solution politique permettrait de résoudre ces innombrables défis. Affirmant en avoir discuté avec des responsables syriens, mais aussi russes, iraniens, turcs, chinois, arabes, américains et européens, il a déploré à nouveau que, contrairement à l’opposition, le Gouvernement syrien n’ait pas accepté son invitation à tenir une neuvième session du petit organe de la Commission constitutionnelle à Genève en avril. Il a toutefois assuré qu’il reste ouvert à toute autre solution susceptible de parvenir à un consensus entre les parties syriennes et le pays hôte. Sur le fond, M. Pedersen a déclaré avoir demandé aux parties de présenter des propositions constitutionnelles dès la reprise des travaux de la Commission. Quant au renforcement de la confiance « étape par étape », il a expliqué que « des idées concrètes sont sur la table » mais qu’il faut évoluer vers une approche « plus globale », qui aborde l’ensemble des questions. À ses yeux, il revient aux Syriens de déterminer l’avenir politique de leur pays mais la sortie de crise nécessite également la contribution des acteurs internationaux qui jouent aujourd’hui un rôle en Syrie. Tout cela nécessite des compromis de la part de tous les acteurs syriens et internationaux, a-t-il conclu.
Mme JOYCE MSUYA, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Coordonnatrice adjointe des secours d’urgence, a indiqué qu’en 13 ans de conflit en Syrie, plus de 7 millions de personnes ont été déplacées et 13 millions ont besoin d’une aide alimentaire. Le nombre de celles ayant besoin d’une aide humanitaire n’a jamais été aussi élevé, a-t-elle souligné, en notant que le financement de ladite aide est à son plus bas, l’appel humanitaire pour la Syrie en 2023 étant financé à hauteur d’un peu moins de 40%. « Les conséquences sont dévastatrices », s’est-elle alarmée, le Programme alimentaire mondial ayant dû réduire le nombre de personnes auxquelles il vient en aide de 3 million à 1 million de personnes par mois. Il ne peut venir en aide qu’à un tiers des personnes qui sont en insécurité alimentaire sévère. Elle a déclaré que dans le même temps, le prix des denrées alimentaires de base a considérablement augmenté l’an dernier, le prix des pois chiches et des pommes de terre ayant connu une hausse de plus de 200%. Par ailleurs, dans le nord-ouest de la Syrie, 49 centres médicaux ont dû suspendre ou réduire leurs activités, en raison du manque de financement.
Nous faisons tout ce que nous pouvons pour remédier à ce déficit financier, a-t-elle dit. Elle a précisé que l’ONU a alloué 20 millions de dollars à la Syrie le mois dernier. « Mais nous avons besoin de beaucoup plus pour répondre à un tel niveau de besoins », a-t-elle plaidé. Elle a indiqué que le mécanisme transfrontalier continue de jouer un rôle indispensable pour apporter une aide depuis la Türkiye à 4,2 millions de personnes dans le nord-ouest syrien. L’expansion des acheminements au travers des lignes de front en Syrie, y compris dans le nord-ouest, demeure une priorité essentielle. En conclusion, elle a insisté sur l’importance de respecter le droit international humanitaire, de garantir un accès humanitaire sans entrave et de rechercher une solution politique au conflit.
Le représentant de la Fédération de Russie a mis en avant l’impact des actions d’Israël dans la bande de Gaza sur la situation en Syrie, en pointant notamment la forte hausse des tensions à la frontière israélo-syrienne et l’intensification des frappes aériennes de l’armée de l’air israélienne contre des biens civils en Syrie, y compris à partir de la ligne bleue. Ces actions irresponsables risquent d’entraîner la Syrie et un certain nombre de ses voisins dans une confrontation régionale à grande échelle, a mis en garde le représentant, qui a fermement condamné ces frappes, y voyant une violation flagrante de la souveraineté de la Syrie et des normes fondamentales du droit international. Les raids israéliens ont également de graves conséquences sur la rapidité de la réponse humanitaire des agences onusiennes en Syrie, et le représentant s’est étonné du silence de ses collègues occidentaux et de leur « duplicité » sur ce point alors même qu’ils insistent régulièrement sur l’importance et la prétendue efficacité des livraisons humanitaires transfrontalières de l’ONU dans les régions du nord-ouest de la Syrie.
Rappelant que depuis 2024, l’ONU a envoyé 75 missions d’évaluation et de surveillance dans cette région depuis la Türkiye, le représentant a affirmé que ni Damas ni les membres du Conseil ne connaissent les véritables buts et objectifs de ces visites. Les appels répétés des autorités syriennes à ce sujet sont restés sans réponse, a-t-il affirmé, en concluant que le Secrétariat de l’ONU place la coopération avec les terroristes de Hay’at Tahrir el-Cham au-dessus de la coopération avec les autorités légitimes de la Syrie. Le délégué a également dénoncé l’impact des sanctions « des pays occidentaux » sur l’économie syrienne. Il a interpellé le Coordonnateur résident en Syrie et de l’OCHA sur le retard inacceptable du rapport sur l’impact de ces sanctions, promis depuis plus d’un an, en demandant une date butoir. Le lundi 25 mars, la Fédération de Russie a l’intention d’organiser une réunion informelle du Conseil en formule Arria sur l’impact des sanctions sur la capacité des États à lutter contre le terrorisme, a annoncé le délégué, en invitant tous les membres du Conseil de sécurité et les autres pays intéressés à y participer. Il est tragique, à ses yeux, que la question de la reconstruction rapide de la Syrie ait été retirée de facto de l’ordre du jour du Conseil. Les pays occidentaux s’en lavent les mains, a-t-il regretté, tout en imposant des sanctions aux Syriens et, dans le même temps, le soutien des donateurs au Plan humanitaire des Nations Unies pour la Syrie n’était que de 40% en 2023.
Sur le volet politique, il a réitéré le soutien de la Russie à la relance de la Commission constitutionnelle dans le cadre de l’avancement du processus politique mené et mis en œuvre par les Syriens eux-mêmes avec l’assistance de l’ONU, dans le strict respect de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Malheureusement, la réouverture de la Commission, en tant que principale plateforme de dialogue intersyrien direct, a rencontré des difficultés à trouver un lieu acceptable pour les Syriens eux-mêmes. Le représentant est convaincu qu’il est contre-productif d’annoncer les prochaines réunions de la Commission sans d’abord se mettre d’accord avec les Syriens sur le futur lieu de réunion, en soulignant que Genève a malheureusement perdu son statut de neutralité.
Le représentant des États-Unis a noté que, 13 ans après les manifestations pacifiques que le régime syrien a réprimées par la force, de nombreuses personnes dans le pays et au sein de la diaspora syrienne continuent d’appeler à un changement et refusent de se soumettre. Des appels ont ainsi été lancés dans plusieurs villes syriennes en faveur d’une transition pacifique et d’une reddition des comptes, a-t-il relevé, estimant que ces manifestations démontrent qu’il est nécessaire que le Conseil de sécurité appuie la liberté d’expression des Syriens, veille à la mise en œuvre de tous les aspects de la résolution 2254 (2015) et appuie les efforts de l’Envoyé spécial pour relancer le processus politique. À cet égard, le représentant a appelé tous les membres du Conseil à faire pression sur le Gouvernement syrien pour qu’il participe de manière constructive aux travaux de la Commission constitutionnelle. Se disant conscient du « tribut humain causé par l’inaction », il a rappelé que trop de Syriens doivent encore fuir les persécutions ou ne peuvent rentrer du fait de l’oppression du régime.
Après avoir exprimé la reconnaissance des États-Unis aux pays de la région qui accueillent des Syriens, le représentant a reconnu le rôle essentiel que joue l’UNRWA pour les réfugiés de Palestine en Syrie. Saluant les mesures prises par l’ONU pour donner suites aux allégations prononcées contre des fonctionnaire de cette agence, il s’est réjoui qu’un examen indépendant de la situation ait été mis en place. Il s’est ensuite déclaré alarmé par les besoins humanitaires en Syrie, avant d’avertir qu’ils risquent de persister en l’absence de solution politique. Dans l’immédiat, a-t-il ajouté, les États-Unis continueront à appuyer les organisations humanitaires sur le terrain et les modalités permettant d’acheminer de l’aide, y compris par les trois points de passage autorisés par l’ONU. Les États-Unis continueront aussi à utiliser tous les outils à leur disposition, notamment les sanctions, pour promouvoir la reddition des comptes, a-t-il conclu, précisant que ces mesures resteront en vigueur tant que des progrès concrets n’auront pas été enregistrés en vue d’une solution politique.
Le représentant de la Suisse a constaté à regret que, 13 ans après les débuts de la guerre, une solution politique visant à mettre fin au conflit en Syrie ne soit toujours pas à portée de main. Et à entendre M. Pedersen, c’est le contraire qui se passe. Le dialogue doit être selon lui mené à tous les niveaux, a indiqué le délégué, en saluant les efforts de l’Envoyé spécial et de son équipe selon l’approche « pas-après-pas », en coordination avec les pays dans la région intéressés à s’engager pour une solution politique au conflit syrien. Nous continuerons de mettre à disposition Genève pour accueillir tous types de pourparlers et d’initiatives visant à promouvoir une paix durable en Syrie, telle la Commission constitutionnelle facilitée par l’ONU. Elle s’est alarmée ensuite de la détérioration continue de la situation humanitaire et de la hausse du taux de malnutrition aigüe dans le pays. Après avoir plaidé en faveur d’un financement adéquat, la représentante a indiqué que toutes les modalités de l’aide –y compris l’aide transfrontalière et celle fournie à travers les lignes de front– restent nécessaires pour répondre aux besoins humanitaires. Nous rappelons que toutes les parties ont l’obligation, conformément au droit international humanitaire, d’autoriser et de faciliter le passage de l’aide humanitaire vers et à travers les zones qu’elles contrôlent, a conclu la déléguée suisse.
Le représentant de l’Algérie, au nom des A3+ (Algérie, Guyana, Mozambique et Sierra Leone), a exhorté les parties à surmonter l’impasse autour de la tenue de la neuvième session de la Commission constitutionnelle. Il a souligné l’importance d’une solution politique crédible en Syrie, conformément à la résolution 2254 (2015), avant de noter le rôle capital des jeunes et des femmes dans l’instauration d’une paix durable. Il a appelé à une coordination efficace afin de combattre le terrorisme en Syrie. Le délégué a rappelé qu’après 13 ans de conflit, plus de 90% des Syriens vivent sous le seuil de pauvreté, et que l’économie est en chute libre en raison du durcissement des sanctions. Il a donc appelé à un financement suffisant et prévisible du Plan de réponse humanitaire pour la Syrie. Enfin, le représentant a demandé la levée des sanctions contre la Syrie en raison des conséquences négatives de celles-ci sur les plan économique et humanitaire.
Le représentant de l’Équateur s’est joint à l’appel de l’Envoyé spécial Pedersen pour déposer les armes, approfondir la lutte contre le terrorisme et respecter les obligations découlant du droit international humanitaire en Syrie. La seule voie possible en Syrie est de relancer un dialogue politique pluraliste, constructif et substantiel, a-t-il affirmé, ce qui implique de travailler à l’instauration de la confiance et de renforcer la volonté politique de rétablir les réunions de la Commission constitutionnelle. À cet effet, il a soutenu l’approche d’une stratégie de négociation « étape par étape » et d’autres mécanismes en place. Notant la fragilité de la situation sécuritaire dans la région, il a appelé les pays de la région à s’engager en vue de définir une approche coopérative commune pour faire face aux groupes terroristes.
Le Conseil de sécurité doit rester saisi de la situation en Syrie au nom des 16,7 millions de personnes qui ont besoin d’une aide humanitaire, des 13 millions qui ont besoin d’une aide alimentaire, des 6,8 millions de déplacés et des 5 millions qui ont trouvé refuge dans des pays tiers, et dont près de la moitié sont des femmes et des jeunes filles, a-t-il affirmé.
Le représentant de la France a rappelé que, depuis mars 2011, le conflit en Syrie a fait plus de 500 000 morts et entraîné le déplacement forcé de plus de la moitié de la population. Depuis 13 ans, le régime de Damas n’a pas prêté la moindre attention aux demandes de son peuple et y a au contraire répondu par la répression, a-t-il ajouté, déplorant qu’en dépit des efforts de l’Envoyé spécial, les autorités syriennes ne soient disposées au compromis, notamment s’agissant de la Commission constitutionnelle. Jugeant que seule une solution politique fondée sur la résolution 2254 (2015), votée à l’unanimité par le Conseil, est à même d’offrir aux Syriens la paix durable dont ils ont besoin, il a appelé à soutenir l’action de M. Pedersen afin d’aborder tous les aspects de cette résolution. Aujourd’hui, a indiqué le représentant, nous ne voyons pas de raison de lever les sanctions ou de financer la reconstruction d’un pays en grande partie détruit par son propre gouvernement, mais ces décisions sont réversibles et dépendent d’avancées réelles dans le processus politique.
Affirmant qu’il est de la responsabilité collective de maintenir la mobilisation internationale pour répondre aux besoins des populations syriennes, le représentant a appelé à faire en sorte que l’accès humanitaire, y compris transfrontalier, soit non seulement garanti mais aussi prévisible et durable. Il a ensuite exprimé son inquiétude face à la recrudescence des activités de Daech et à l’essor du trafic de Captagon. Ces menaces se nourrissent de l’instabilité et de la complicité du régime de Damas, a-t-il dénoncé, réaffirmant le soutien de la France aux partenaires régionaux qui subissent les conséquences de ces activités.
La représentante de Malte a rappelé que les 13 ans de conflit en Syrie ont fait 360 000 morts. Elle a salué les efforts de l’Envoyé spécial visant à créer un espace de confiance entre les parties syriennes, insistant sur l’importance de définir une date de reprise des travaux de la Commission constitutionnelle. Elle a déploré le grave sous-financement de la réponse humanitaire en Syrie alors que 16 millions de Syriens ont besoin d’une aide. Il faut faciliter l’aide en Syrie selon toutes ses modalités, y compris au travers des lignes de front, a-t-elle dit. La déléguée a enfin plaidé pour une solution politique en Syrie, conformément à la résolution 2254 (2015). « Nous rejetons l’idée répandue chez certains selon laquelle ce conflit serait plus aisé à gérer qu’à résoudre », a-t-elle indiqué.
Le représentant du Royaume-Uni a rappelé qu’il y a 13 ans, le peuple syrien est descendu dans la rue pour protester pacifiquement et exiger le respect des droits humains. Le « régime d’Assad » a réprimé ces manifestations et lancé une campagne de violence impitoyable qui se poursuit encore aujourd’hui, a-t-il déploré, avant d’appeler à des changements sur la base de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Notant tout d’abord que trop de temps s’est écoulé depuis la dernière réunion de la Commission constitutionnelle, malgré les efforts continus de l’Envoyé spécial de l’ONU pour convoquer cette instance, il a réitéré son appel au « régime d’Assad » pour qu’il s’engage de manière significative dans le processus politique. Un règlement politique, décidé et piloté par les Syriens eux-mêmes, représente selon lui le seul mécanisme viable pour instaurer une paix durable et inclusive en Syrie.
Le représentant a ensuite invité la communauté internationale à accroître son soutien humanitaire et à contribuer au relèvement rapide de la Syrie, indiquant que le Royaume-Uni a contribué à ces efforts à hauteur de plus de 4 milliards de dollars depuis 2011. En ces temps de ressources limitées, il est de la responsabilité de toutes les parties de permettre un accès durable et sans entrave, y compris transfrontalier, aux communautés vulnérables du nord-ouest, a-t-il souligné. Il a enfin assuré que son pays, en étroite coopération avec ses partenaires dans la région, dont la Jordanie, continuera de rechercher une action mondiale coordonnée contre le commerce illicite du « captagon », dont le « régime d’Assad » continue de tirer profit, alimentant ainsi son oppression du peuple syrien.
Le représentant de la Slovénie a insisté sur la reprise sans tarder du processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens. Il a appelé à surmonter les désaccords sur le lieu de la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle et à reprendre les négociations à Genève. Alors que 70% de la population syrienne a besoin d’une aide humanitaire, il est important de garantir des flux d’aide durables, prévisibles et efficaces sur l’ensemble du territoire syrien, a ensuite insisté le représentant. Il est urgent d’utiliser et d’intensifier toutes les modalités d’acheminement, y compris transfrontalières et par-delà les lignes de front. Il a encouragé les autorités syriennes à prolonger aussi longtemps que nécessaire l’acheminement de l’aide humanitaire par les points de passage de Bab el-Haoua, Bab el-Salam et Raaï.
Le représentant a demandé la cessation immédiate des frappes sur les installations d’eau et d’électricité dans le nord-est de la Syrie, notant qu’elles ne font qu’exacerber une situation humanitaire déjà désastreuse. Les civils et les infrastructures civiles doivent être épargnés au cours des opérations militaires, a-t-il martelé. En dernier lieu, il a exigé la reddition de comptes pour les violations flagrantes des droits humains et la justice pour les survivants, base d’une paix et d’une stabilité durables. Dans cette optique, il a insisté sur la nécessité de résoudre le problème des détenus, des personnes enlevées et des personnes disparues.
Le représentant de la Chine s’est alarmé des retombées du conflit israélo-palestinien sur la Syrie. Il a notamment rappelé que des frappes aériennes ont été lancées vers ce pays, en violation de son intégrité territoriale. Appelant toutes les parties impliquées à faire preuve de retenue pour empêcher une propagation du conflit, il a également demandé aux grands pays en dehors de la région de jouer un rôle constructif pour favoriser une désescalade. Selon le représentant, la communauté internationale doit redoubler d’efforts collectivement pour gérer le conflit à Gaza et utiliser un cessez-le-feu du ramadan comme « point d’entrée » en vue d’un cessez-le-feu permanent et insuffler une énergie plus positive en vue de rétablir la paix et la stabilité au Moyen-Orient, y compris en Syrie. Cela passera par une solution politique, a-t-il estimé, se félicitant à cet égard que la récente réunion des ministres des affaires étrangères de la Ligue des États arabes ait permis de réaffirmer l’attachement de ce groupe de pays à la souveraineté syrienne et son refus de toute ingérence extérieure. À ses yeux, le soutien de ces pays peut imprimer un nouvel élan au règlement politique de la question syrienne.
Saluant également les efforts de l’Envoyé spécial concernant la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015), le représentant a invité la communauté internationale à soutenir le processus dirigé et contrôlé par les Syriens afin de trouver une solution acceptable par toutes les parties. Il a par ailleurs applaudi les mesures prises par le Gouvernement syrien pour lutter contre le terrorisme, avant d’appeler la communauté internationale à adopter une approche de « tolérance zéro » à cet égard. Après s’être réjoui des efforts de Damas sur le plan humanitaire, notamment de l’ouverture de points de passage frontaliers, il a appelé à faciliter aussi l’acheminement de l’aide par-delà les lignes de front. Il a enfin exhorté la communauté internationale à revoir cette aide à la hausse et à offrir des financements pour le relèvement rapide du pays, tout en enjoignant aux pays concernés de renoncer à leurs sanctions unilatérales et de mettre un terme à leur présence illégale en Syrie.
Le représentant de la République de Corée a appelé à déployer tous les efforts possibles pour que la situation en Syrie ne soit pas reléguée au second plan. Il a insisté sur la nécessité absolue d’une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015). Il a exhorté les parties syriennes à s’accorder sur les modalités de la prochaine session de la Commission constitutionnelle. Les parties doivent renforcer leur coopération en vue d’une paix durable en Syrie, a-t-il dit. « Alors qu’une solution politique est toujours dans l’impasse, le peuple syrien continue de souffrir. »
Alors que les hostilités se poursuivent en Syrie et que la situation humanitaire y est alarmante, le représentant du Japon a réaffirmé que la seule solution durable à ce conflit est un processus politique inclusif dirigé et contrôlé par les Syriens sous les auspices de l’ONU, conformément à la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité. Il a soutenu les efforts inlassables de l’Envoyé spécial Pedersen, notamment sa récente visite à Damas. Le représentant a appelé toutes les parties syriennes, en particulier le Gouvernement syrien, à s’engager plus sérieusement en vue d’obtenir des résultats tangibles par le biais du processus politique. Dans cette optique, la Commission constitutionnelle doit reprendre ses travaux dans un lieu convenu dès que possible, a-t-il estimé, encourageant toutes les parties à démontrer leur volonté de s’asseoir à la table des négociations sans tarder en vue de régler la crise dans l’intérêt du peuple syrien et de la stabilité régionale. Compte tenu de l’immensité des besoins essentiels en Syrie, l’aide humanitaire doit être apportée selon toutes les modalités possibles, y compris transfrontalières et transnationales. Des projets de redressement rapide sont également indispensables pour les Syriens, a fait valoir le délégué, avant de rappeler que le Japon a récemment annoncé une nouvelle contribution en partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour améliorer les moyens de subsistance des Syriens et avec l’UNICEF pour améliorer l’accès à l’éducation et aux services de protection de l’enfance pour les Syriens touchés par la crise prolongée et les tremblements de terre de 2023.
Le représentant de la République arabe syrienne a accusé les membres permanents occidentaux du Conseil de sécurité de faire des discours erronés sur la « guerre terroriste » que son pays connaît depuis des années. Ces déclarations visent à masquer les pratiques de ces États, qu’il s’agisse d’agressions, d’occupations ou de blocus économique, a-t-il martelé, y voyant un moyen de déstabiliser la Syrie et de saper tout progrès en termes de développement, tout en affaiblissant la position syrienne dans la région au profit d’Israël. Le fait que ces pays persistent dans leur politique destructive les prive de toute crédibilité, a insisté le représentant, pour qui la position occidentale vis-à-vis du génocide commis à Gaza atteste d’un « biais pro-israélien ». Cela enhardit Israël, qui poursuit ses agressions, notamment contre la Syrie, a-t-il poursuivi, rappelant que son gouvernement a demandé au Secrétaire général de l’ONU et au Conseil de sécurité d’agir pour qu’il soit mis un terme à cette agression qui menace la paix et la sécurité régionales et internationales.
Le délégué a ensuite relevé que, contrairement à ce qu’affirment les pays occidentaux, le Gouvernement syrien a pris des mesures pour promouvoir la sécurité et la stabilité, et permettre un retour sûr et digne aux réfugiés syriens. Il a fait remarquer que ces mesures ont été prises dans un contexte « inhabituel », marqué par la présence illégale de forces étrangères sur le sol syrien et par des mesures coercitives illicites imposées au peuple syrien. Malgré ces circonstances, le Gouvernement syrien s’est engagé à poursuivre sa coopération constructive avec l’ONU et d’autres partenaires en matière d’action humanitaire et de développement, a-t-il fait valoir. Il a souhaité à cet égard que l’ONU tienne compte des préoccupations exprimées par Damas, notamment au sujet des actions des organisation terroristes qui empêchent l’acheminement de l’aide par-delà les lignes de front. Le représentant a également exigé la levée immédiate et sans condition des mesures de « châtiment collectif » imposées par les États-Unis et l’Union européenne, en violation des principes de la Charte des Nations Unies, et s’est opposé à ce qu’un lien soit établi entre les financements humanitaires et les conditions politiques dans le pays.
Sur le plan politique, le représentant a indiqué que le Ministre syrien des affaires étrangères a récemment rencontré à Damas l’Envoyé spécial. À cette occasion, il a assuré M. Pedersen de la volonté du Gouvernement syrien de coopérer avec lui et de lancer un dialogue intrasyrien sans ingérence extérieure. Le Ministre, a-t-il encore précisé, s’est aussi félicité de la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle dans un lieu qui devra faire l’objet d’un accord entre les parties. Rappelant que la Syrie avait proposé une « approche constructive » pour permettre la tenue de cette réunion, le représentant a invité l’Envoyé spécial à s’en inspirer pour que la Commission puisse reprendre ses travaux.
Le représentant de l’Iran a accusé « certains pays » d’avoir violé la souveraineté de la Syrie et soutenu des groupes terroristes et séparatistes. Ces mêmes pays usent désormais des sanctions pour atteindre les objectifs qu’ils n’ont pu réaliser par la voie militaire ou diplomatique, a-t-il dénoncé. Le délégué a rappelé qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit. Son règlement doit se faire dans le plein respect de la souveraineté syrienne, appelant au retrait immédiat des forces étrangères qui n’ont pas été sollicitées par la Syrie, en particulier les forces américaines. Il a ensuite condamné les attaques israéliennes contre la Syrie. Enfin, le délégué a demandé la levée des sanctions et appuyé les efforts de l’Envoyé spécial en vue d’une reprise des travaux de la Commission constitutionnelle.
Le représentant de la Türkiye a déclaré que l’impasse actuelle est intenable, jugeant impératif de dégager un consensus intrasyrien. Il a appelé la communauté internationale à changer d’approche afin de relancer le processus politique dirigé et contrôlé par les Syriens, conformément à la résolution 2254 (2015). Tous les acteurs pertinents devraient appuyer sans plus attendre la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle qui reste la plateforme idoine pour faire avancer le processus politique sous l’égide des Nations Unies, a-t-il insisté. Le représentant a également appelé à créer les conditions propices à un retour sûr et digne des réfugiés syriens. Cela doit faire intégralement partie du processus politique, a-t-il ajouté. Il a aussi insisté sur l’importance de stabiliser la situation dans le nord-est de la Syrie. Le délégué a ensuite appelé à assurer l’acheminement de l’aide humanitaire par tous les moyens possibles, s’inquiétant de la baisse des financements actuels et des quantités acheminées. Le financement du plan humanitaire pour la Syrie a connu une chute record cette année, a-t-il regretté, en faisant valoir que le personnel humanitaire ne peut pas faire de miracles en Syrie sans moyens.