9547e séance - matin et après-midi
CS/15589

Lors d’un débat ministériel, le Conseil de sécurité se penche sur le « cercle vicieux » des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et des conflits

Dans un monde où les foyers de conflit se multiplient et où les changements climatiques ne connaissent aucune frontière, « les ventres vides nourrissent les troubles ».  C’est par ces mots que le Secrétaire général de l’ONU a résumé, aujourd’hui, les conséquences du réchauffement planétaire et de l’insécurité alimentaire sur la paix et la sécurité internationales.  Dès lors, rien de plus normal, pour M. António Guterres, que le Conseil de sécurité se saisisse de ces menaces graves et interdépendantes, à l’occasion d’un débat public pour lequel étaient inscrits près de 90 participants, dont plusieurs ministres, sous la présidence de M. Mohamed Irfaan Ali, le dirigeant du Guyana. 

« En Syrie, près de 13 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide après une décennie de guerre et un terrible séisme.  Au Myanmar, le conflit et l’instabilité politique ont fait reculer les progrès vers l’élimination de la faim.  Et à Gaza, personne n’a à manger en quantité suffisante », a déploré le chef de l’Organisation, qui a rappelé que 80% des 700 000 personnes « les plus affamées au monde » vivent dans ce « minuscule » territoire où Israël est en guerre avec le Hamas.  Une situation qui a conduit plusieurs intervenants, dont le Ministre algérien de l’agriculture, à s’indigner du sort réservé au peuple palestinien par la Puissance occupante.

La Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a donné d’autres chiffres alarmants: sur les 258 millions de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë, 174 millions le sont à cause du climat et des conflits; 70% des pays les plus vulnérables aux changements climatiques figurent également parmi les plus fragiles politiquement et économiquement; et 10% de la superficie actuellement propice aux principales cultures et à l’élevage pourrait se retrouver inadaptée au climat d’ici au milieu du siècle.  Une situation dont petits agriculteurs, éleveurs, forestiers et pêcheurs pâtiront, a mis en garde Mme Beth Bechdol.  Raréfaction des ressources hydriques, destruction des pâturages et ruine des petites exploitations agricoles sur fond d’instabilité politique: voilà pour le Secrétaire général et le Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, M. Simon Stiell, un cocktail explosif, qui exige une action concertée.

Pourtant, le Conseil de sécurité a fait preuve de « réticences » pour se mobiliser sur ces questions, laissant un « vide important », a regretté la Directrice des initiatives mondiales à l’Institut international pour la paix, Mme Jimena Levia Roesch.  Elle en a souligné les conséquences pour les petits États insulaires qui ne font pas partie spécifiquement de l’ordre du jour du Conseil alors qu’ils sont confrontés à la menace existentielle des changements climatiques. Aussi a-t-elle invité ses membres à créer un organisme d’enquête provisoire pour mieux comprendre les liens entre climat, sécurité alimentaire et conflits. 

Face à ce « cercle vicieux d’instabilité et de besoins », le Président du Guyana, M. Mohamed Irfaan Ali, a proposé quatre domaines d’action, à commencer par l’adoption par le Conseil de sécurité d’une approche globale des conflits, qui accorde une plus grande attention aux facteurs de conflit « non traditionnels ».  Dans le cadre de cette approche, le Conseil devrait renforcer sa collaboration avec les entités compétentes, en particulier la FAO ou encore le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA). S’agissant de la crise climatique, le dirigeant guyanais a appelé le Conseil à ne pas se montrer « réactionnaire », les preuves du réchauffement planétaire étant selon lui indéniablement établies. 

La Fédération de Russie, qui avait exercé son droit de veto en décembre 2021 contre un projet de résolution par lequel le Conseil aurait privilégié des « stratégies globales » sur ces questions, ne l’a pas entendu de cette oreille. Elle a réitéré aujourd’hui sa position selon laquelle il n’existe pas de corrélation entre les questions climatiques et socioéconomiques, d’une part, et le mandat du Conseil, l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales, d’autre part.  Le problème alimentaire mondial, a-t-il analysé, est avant tout lié à une répartition inégale, la faute aux pays occidentaux.  Autres facteurs aggravants: les sanctions unilatérales, qui constituent une sérieuse menace à la sécurité alimentaire mondiale, et les « conditions politiques préalables » imposées par les pays occidentaux pour l’aide à la Syrie ou le financement de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). 

« Accablés par la crise du coût de la vie et des niveaux d’endettement insoutenables, de nombreux pays en développement ne peuvent tout simplement pas investir dans l’action climatique, des systèmes alimentaires résilients ou d’autres priorités de développement durable », a expliqué le Secrétaire général.  Après avoir rappelé sa proposition d’un plan de relance des objectifs de développement durable (ODD) –à hauteur de 500 milliards de dollars par an–, dans le cadre duquel des mesures urgentes doivent être prises pour soulager certains pays de la dette, M. Guterres a proposé de recapitaliser les banques multilatérales de développement et de changer leurs modèles économiques afin de leur permettre de mobiliser davantage de financements privés à un coût raisonnable pour ces mêmes pays. 

La France a quant à elle engagé le Conseil à renforcer les mandats des missions de l’ONU pour venir en appui aux pays les plus vulnérables en matière d’évaluation des risques et d’actions concrètes.  Une proposition pas si éloignée de celle de la Suisse, pour qui les opérations de paix doivent analyser les risques liés à l’impact sécuritaire des changements climatiques. 

La Commission de consolidation de la paix (CCP) a été encouragée par la République de Corée à des synergies avec les opérations de paix et agences des Nations Unies, le mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies et les banques multilatérales de développement.  En partageant leurs analyses respectives et leurs pratiques optimales, ces différentes entités pourraient rationaliser et compléter leurs activités respectives, a-t-il détaillé, ajoutant que les résultats pourraient être ensuite transmis au Conseil. 

Le Conseil de sécurité achèvera son débat public demain, mercredi 14 février, à partir de 15 heures.

 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES

Les effets des changements climatiques et l’insécurité alimentaire (S/2024/146)

M. ANTÓNIO GUTERRES, Secrétaire général de l’ONU, a jugé « normal » que le Conseil de sécurité « se saisisse » des menaces graves et croissantes pour la paix et la sécurité mondiales que constituent le « chaos climatique » et les crises alimentaires, puisque « les ventres vides nourrissent les troubles ».  Au Portugal, a-t-il dit, nous avons un dicton: « Dans une maison sans pain, tout le monde se dispute et personne n’a raison. »  Le chef de l’Organisation s’est dit consterné de constater que le monde regorge aujourd’hui d’exemples des liens dévastateurs entre faim et conflits.  « En Syrie, près de 13 millions de personnes se couchent chaque soir le ventre vide après une décennie de guerre et un terrible séisme.  Au Myanmar, le conflit et l’instabilité politique ont fait reculer les progrès vers l’élimination de la faim.  Et à Gaza, personne n’a à manger à sa faim, a déploré M. Guterres: parmi les 700 000 personnes « les plus affamées au monde », 4 sur 5 habitent ce minuscule territoire.  Dans de nombreux endroits, les catastrophes climatiques ajoutent une autre dimension.  Chacun des 14 pays les plus menacés par les changements climatiques est en proie à un conflit, et 13 d’entre eux sont confrontés à une crise humanitaire, comme c’est le cas en Haïti ou en Éthiopie ou encore au Sahel, où la hausse des températures exacerbe les tensions.  Raréfaction des ressources hydriques, destruction des pâturages et ruine des petites exploitations agricoles sur fond d’instabilité politique forment pour le Secrétaire général un cocktail explosif, qui exige une action concertée pour briser ce cercle vicieux.

Il a commencé par exhorter toutes les parties aux conflits à respecter le droit international humanitaire, en s’appuyant notamment sur la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité relative à la protection des civils dans les conflits armés.  Par ailleurs, M. Guterres a souligné l’absolue nécessité de financer dans leur intégralité les opérations humanitaires qui, l’an dernier, l’ont été à moins de 40%.  Poursuivant, il a proposé de créer les conditions nécessaires pour résoudre les conflits et préserver la paix, au sein des pays et entre les pays, en commençant par accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD), dont celui de « faim zéro », qui suppose des investissements massifs dans des systèmes alimentaires sains, équitables et durables.

Nous devons en outre maîtriser la crise climatique pour maintenir la hausse des températures mondiales en-dessous de 1,5 degré Celsius, a préconisé le Secrétaire général, qui a à nouveau plaidé en faveur d’investissements massifs à l’appui du Programme 2030.  « Aujourd’hui, accablés par la crise du coût de la vie et des niveaux d’endettement insoutenables, de nombreux pays en développement ne peuvent tout simplement pas investir dans l’action climatique, des systèmes alimentaires résilients ou d’autres priorités de développement durable », a expliqué le Secrétaire général.  Il a rappelé sa proposition d’un plan de relance des ODD –à hauteur de 500 milliards de dollars par an–, dans le cadre duquel des mesures urgentes doivent être prises pour soulager certains pays de la dette au cours des trois prochaines années.  Il faut également recapitaliser les banques multilatérales de développement et changer leurs modèles économiques afin de leur permettre de mobiliser bien plus de financements privés à un coût raisonnable pour les pays en développement, a encore souligné le Secrétaire général. 

Simultanément, les pays en développement doivent donner la priorité aux dépenses relatives à la réalisation du Programme 2030.  Raison pour laquelle le Secrétaire général a trouvé « affligeant » que certains gouvernements dépensent sans compter dans l’armement, tout en réduisant à une « peau de chagrin » les budgets consacrés à la sécurité alimentaire, à l’action climatique et au développement durable en général.  Enfin, pour le chef de l’Organisation, nous devons cibler les points de convergence entre insécurité alimentaire, climat et conflits et créer des partenariats, des politiques publiques et des programmes de nature à répondre à ces enjeux de façon concomitante.  Par exemple, en prenant en compte les risques climatiques et la sécurité alimentaire dans la consolidation de la paix, ou en investissant dans des programmes d’adaptation qui aident les populations à mieux gérer les ressources partagées.  Le Mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies a été conçu pour prendre en compte les liens entre climat, paix et sécurité dans notre travail.  Et l’initiative Convergence a été lancée l’an dernier pour aider les États Membres à associer l’action climatique et la transformation des systèmes alimentaires. Nous devons également veiller à ce que le financement de l’action climatique produise des résultats concrets pour les populations et les lieux en proie à des conflits, a-t-il encore demandé. Le Fonds pour la consolidation de la paix peut servir de catalyseur afin de mobiliser d’autres partenaires et faire de cette ambition une réalité, a ajouté le Secrétaire général.

M. SIMON STIELL, Secrétaire exécutif de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a rappelé combien les changements climatiques contribuent à l’insécurité alimentaire et aux conflits.  Si le réchauffement se poursuit, la production alimentaire va décliner dans de nombreux pays, a-t-il averti, avant d’insister sur le lien bien établi entre faim et conflits.  « La combinaison changements climatiques, faim, guerre est dévastatrice. »  Rappelant que les questions de paix et de sécurité n’entrent pas dans le mandat de la Convention-cadre, il a estimé que le Conseil a un rôle à jouer.  Il a ainsi invité le Conseil à solliciter régulièrement des informations sur les risques découlant des changements climatiques, en insistant sur l’apport de la Convention-cadre à ce titre.  Mais, au bout du compte, le Conseil doit connaître en temps réel les moteurs d’un conflit aux fins d’une meilleure prise de décisions, a-t-il indiqué.  Selon lui, la programmation des fonds verticaux qui tient déjà compte les conflits, devrait également prendre en compte les enjeux climatiques.  Les plans nationaux d’adaptation, le financement climatique et de nouvelles contributions déterminées au niveau national peuvent réduire notre vulnérabilité et contribuer à prévenir la faim et les conflits, a-t-il ajouté.

L’intervenant a ensuite rappelé la nette insuffisance des ressources au profit de l’action climatique, notant que les besoins financiers d’adaptation aux changements climatiques sont au moins 10 fois supérieurs aux ressources actuelles.  Les pays en développement, à l’exception de la Chine, ont besoin de 2,4 mille milliards de dollars par an pour bâtir une économie d’énergies propres et s’adapter aux changements climatiques, a-t-il indiqué.  Il a souligné que le financement climatique est un investissement pour des économies florissantes et pour la prévention des conflits.  Il a rappelé l’importance des plans d’action nationaux et de leur cohérence avec l’Accord de Paris, en souhaitant que ces plans incluent des mesures de protection de la sécurité alimentaire.  Enfin, il a espéré que ces plans, qui doivent être rendus en début d’année prochaine, soient ambitieux afin de limiter la hausse des températures à 1,5 °C. 

Mme BETH BECHDOL, Directrice générale adjointe de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), a souligné la nécessité d’une action urgente dans la lutte contre l’insécurité alimentaire nourrie par le climat et les conflits.  La crise climatique n’épargne personne, mais elle n’affecte pas tout le monde de la même manière, a prévenu Mme Bechdol disant que la FAO voit comment les conflits conduisent à la faim et à la malnutrition.  Sur les 258 millions de personnes confrontées à l’insécurité alimentaire aiguë, 174 millions le sont à cause du climat et des conflits; 70% des pays les plus vulnérables aux changements climatiques sont également parmi les plus fragiles politiquement et économiquement; et 10% de la superficie actuellement propice aux principales cultures et à l’élevage pourrait se retrouver inadaptée au climat d’ici au milieu du siècle.  Les petits agriculteurs, les éleveurs, les forestiers et les pêcheurs en pâtiront en raison de leur dépendance au sol, à l’eau et à la terre. 

La Directrice générale adjointe a pris le cas notamment de l’Afghanistan où les conflits ont notamment comme conséquence de réduire la capacité des communautés à produire et à accéder à la nourriture.  La FAO a donné aux agriculteurs et aux communautés les moyens de se préparer, d’y répondre et de renforcer leur résilience.  Grâce à ces efforts, on commence à voir un déclin significatif de la population confrontée à la faim aiguë, s’est réjouie la Directrice générale adjointe en ajoutant que la FAO envisage de mettre à l’échelle ces approches qui fonctionnent.  Le Fonds pour la consolidation de la paix a répondu efficacement à la nécessité de s’attaquer à l’intersection des changements climatiques et des conflits ainsi qu’aux effets de l’intensification de la concurrence pour les ressources naturelles, a-t-elle aussi salué.  Elle a assuré que la FAO restait déterminée à soutenir ce type de projets et à renforcer la collaboration avec ses partenaires.

En Afrique de l’Ouest et du Centre, notamment au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la FAO et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) travaillent ensemble pour réduire les conflits violents liés à la transhumance au moyen d’un système d’alerte et des mécanismes de gestion des conflits, a poursuivi la responsable.  Elle a aussi noté que les changements climatiques et les conflits affectent la production agricole, la pêche et la sylviculture, créant des pressions supplémentaires sur l’accès aux ressources naturelles.  Au Yémen, la FAO a mis en œuvre un projet, appelé « L’eau pour la paix », qui a contribué à atténuer les conflits liés à l’eau, en utilisant les femmes comme agents de règlement des conflits.  De plus, grâce au programme « Argent contre travail », les communautés ont protégé les zones inondables pendant la saison des pluies et réhabilité les canaux d’irrigation. 

Pour assurer une gestion pacifique et durable des ressources partagées, Mme Bechdol a recommandé cinq mesures, à commencer par des investissements dans systèmes agroalimentaires résilients aux changements climatiques et des approches locales de maintien de la paix en s’appuyant sur l’adaptation, la réduction des risques de catastrophe et les approches communautaires; des analyses régulières des risques liés aux changements climatiques et le partage des données et de l’information; la coordination stratégique entre les mécanismes existants, tels que le Mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies et le Mécanisme de coordination de la sécurité climatique de l’IGAD; la création de postes de conseiller spécialisé sur le climat, la paix et la sécurité dans les missions des Nations Unies, en particulier celles qui sont exposées aux changements climatiques; et la mise en place des pôles régionaux pour le climat, la paix et la sécurité, comme l’a fait le Bureau de l’Envoyé spécial pour la Corne de l’Afrique. 

Mme JIMENA LEVIA ROESCH, Directrice des initiatives mondiales et responsable des questions liées au climat, à la paix et au développement durable à l’Institut international pour la paix, a rappelé que du Tchad au Niger, du Mozambique aux États de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), de nombreux pays frappent à la porte du Conseil de sécurité pour que les changements climatiques soient pris au sérieux.  À ses yeux, les réticences du Conseil en matière climatique ont laissé un vide important, en particulier pour les petits États insulaires qui n’ont pas de mandat spécifique à l’ordre du jour de cet organe et qui sont pourtant confrontés à cette menace existentielle.  Le rôle du Conseil n’est pas de remplacer la CCNUCC mais d’examiner comment le climat amplifie les réalités existantes, a-t-elle fait valoir, invitant ses membres à créer un organisme d’enquête provisoire pour mieux comprendre les liens entre le climat, la sécurité alimentaire et les conflits au niveau actuel de réchauffement de 1,48 degrés Celsius.  Cela enverrait un message en direction des petites nations en butte aux effets délétères du réchauffement planétaire, a estimé l’intervenante, pour qui toutes les institutions créées en 1945 ont besoin de mandats élargis pour répondre à ces défis.  À cet égard, elle a souhaité que le Conseil se montre « à la hauteur » dans le domaine des systèmes alimentaires, que la récente COP28 a contribué à intégrer dans les politiques émergentes en matière de changements climatiques.  Le climat est un défi qui exige que toutes les composantes de l’ONU soient saisies, a-t-elle insisté, affirmant croire en une résolution de ce problème par le biais de la coopération, de l’innovation et d’un profond engagement envers notre avenir commun. 

M. MOHAMED IRFAAN ALI, Président du Guyana, a déploré le « cercle vicieux d’instabilité et de besoins » qui trouve son origine dans les changements climatiques et les conflits, principaux facteurs d’insécurité alimentaire dans le monde.  Aux coûts économiques considérables de la guerre s’ajoutent aujourd’hui les événements climatiques tels que les sécheresses et les inondations qui dévastent les réserves alimentaires et dégradent l’environnement.  En retour, a-t-il ajouté, la dynamique des conflits est affectée par la hausse des températures mondiales et son impact sur la production et le rendement agricoles, les moyens de subsistance et les ressources naturelles. 

À la lumière de ce qui précède, le Président a proposé quatre domaines d’action, à commencer par l’adoption par le Conseil de sécurité d’une approche globale des conflits, en accordant une plus grande attention aux facteurs de conflit non traditionnels.  Lors de son examen des conflits, le Conseil devrait encore renforcer la collaboration avec les entités compétentes, en particulier celles possédant une expertise technique spécifique à chaque zone de conflit, par exemple, s’agissant de l’insécurité alimentaire, la FAO ou encore le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds international de développement agricole (FIDA).  En ce qui concerne la crise climatique, le Président a appelé le Conseil à ne pas se placer dans une position « réactionnaire », les preuves de ce phénomène étant selon lui étayées par les expériences de personnes à travers le monde.  Poursuivant, il a estimé que le Conseil devait élaborer une réponse collective pour faire face aux menaces croissantes posées par les changements climatiques et l’insécurité alimentaire, en tenant compte des impacts sexospécifiques du lien entre le climat, l’insécurité alimentaire et les conflits, les femmes étant affectées de manière disproportionnée. 

M. YOUCEF CHERFA, Ministre de l’agriculture et du développement rural de l’Algérie, a déclaré que son pays a redoublé d’efforts pour mettre en place toutes les conditions favorables au développement et à la durabilité des systèmes alimentaires et du secteur agricole, notamment grâce au recours aux énergies renouvelables.  Nous luttons également contre la désertification et la prévention des tempêtes de sable, a-t-il dit.  Pour le Ministre, il convient de renforcer la coopération autour des stratégies d’adaptation aux changements climatiques et de créer des mécanismes permettant d’aider les pays en développement, en particulier par une aide financière adéquate. Il faut, a ajouté M. Cherfa, promouvoir l’innovation, la recherche scientifique, et le développement agricole, s’agissant notamment de l’alerte précoce.

Le Ministre a ensuite appelé au respect du droit international, rejetant le deux poids, deux mesures.  À cet égard, il a dénoncé la situation tragique que la population de Gaza subit depuis plus de cinq mois, à cause des actions de la Puissance occupante et ses violations flagrantes, devant laquelle la communauté internationale reste les « bras ballants ».  Aujourd’hui, l’une des agences humanitaires les plus importantes de l’ONU fait l’objet d’une campagne de diffamation dont l’objectif est de tarir ses sources de financement, a dénoncé le Ministre.  M. Cherfa a donc demandé à la communauté internationale et en particulier au Conseil de sécurité, d’assumer ses responsabilités et de mettre fin immédiatement aux souffrances du peuple palestinien, tout en veillant à garantir l’acheminement immédiat d’une aide humanitaire suffisante. 

M. MICHAEL S. REGAN, Administrateur de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis, a indiqué que la Corne de l’Afrique a connu, l’an dernier, la pire sécheresse de son histoire, un exemple parmi d’autres des conséquences des changements climatiques.  Il a précisé que 36% des ménages vivant sous le seuil de pauvreté dans son pays sont en insécurité alimentaire.  Il a détaillé l’action des États-Unis, en rappelant notamment le lancement récent de la stratégie nationale contre le gaspillage.  Mon pays, a-t-il ajouté, finance plus d’un tiers du budget du Programme alimentaire mondial (PAM).  Il a aussi pointé les graves conséquences de l’acidification croissante des océans pour la production alimentaire et estimé que « chacun dans cette salle » a un rôle à jouer dans la réponse aux changements climatiques et à l’insécurité alimentaire.

Mme SANJA STIGLIC, Vice-Ministre des affaires étrangères et européennes de la Slovénie, s’est dite préoccupée que des millions de personnes dans la Corne de l’Afrique soient exposées à une insécurité alimentaire aiguë à cause des changements climatiques.  La guerre au Soudan a détruit les récoltes et vidé les marchés.  Celle à Gaza a dévasté les infrastructures d’approvisionnement en eau et l’environnement naturel, ajoutant aux souffrances d’une population civile déjà confrontée à de graves pénuries alimentaires.  La Vice-Ministre n’a pas oublié la guerre en Ukraine et ses conséquences à long terme sur les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales. 

Le système des Nations Unies, a-t-elle estimé, doit utiliser tous les outils à sa disposition, y compris la participation pleine, égale et significative des femmes, dans la lutte contre les changements climatiques et l’insécurité alimentaire pour stimuler un développement inclusif et durable et renforcer la résilience des sociétés touchées.  L’aide humanitaire et la coopération au développement, y compris dans le domaine de l’adaptation aux changements climatiques et l’atténuation de leurs effets, doivent être complétées par des efforts en faveur de la paix et de la sécurité. Tous les points inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité doivent être examinés sous l’angle du climat. Le mécanisme de sécurité climatique et son réseau de conseillers peuvent apporter une contribution déterminante. Il faut également exploiter les nouvelles technologies, dont les systèmes d’alerte précoce et les images satellites, sans oublier l’intelligence artificielle afin d’identifier les facteurs des conflits potentiels.  La clef, c’est la prévention, a martelé la Vice-Ministre. 

Mme ALEXANDRA BAUMANN, Secrétaire d’État de la Suisse, a estimé que, face à des défis de plus en plus interconnectés, de nouveaux moyens sont nécessaires pour consolider la paix.  Selon elle, le Nouvel Agenda pour la paix indique la voie à suivre, qui est celle de la prévention.  À cette fin, il convient de s’assurer que les divers systèmes d’alerte précoce développés pour l’insécurité alimentaire, les conflits et les urgences climatiques puissent opérer ensemble, a-t-elle souligné, notant que les défis connexes exigent des systèmes en réseau permettant de relier les données.  Une meilleure intégration entre les différents acteurs est également indispensable, a ajouté la responsable, avant de saluer la collaboration entre le Conseil de sécurité et l’ensemble du système onusien, mais également avec les organisations régionales comme l’Union africaine, les organisations régionales économiques, les acteurs locaux et la science. 

Pour parvenir à des réponses adaptées aux contextes, le Conseil doit prendre en compte l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité, par exemple en chargeant les missions onusiennes d’analyser les risques liés à ce phénomène, a-t-elle recommandé avant de prôner aussi l’adoption par le Conseil d’un cadre stratégique en vue d’une action cohérente et responsable dans ce domaine.  À ses yeux, les outils pour renforcer la prévention existent mais ils réclament une volonté politique.  « C’est notre devoir face au triple fléau des conflits, de la faim et des changements climatiques », a-t-elle affirmé, formant le vœu que le Sommet de l’avenir soit l’occasion de faire progresser cette priorité politique. 

M. YASUSHI HOSAKA, Vice-Ministre parlementaire des affaires étrangères du Japon, a rappelé que le problème des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et des conflits n’est pas seulement critique pour les PEID et les pays vulnérables et en développement, mais il affecte également la paix et la sécurité internationales.  Il est donc important que le Conseil relève ces défis en abordant de front les risques émergents.  À ce titre, il a préconisé une approche globale, comprenant entre autres le renforcement de la résilience et la pérennisation de la paix.  Le Conseil de sécurité pourrait en outre faire un meilleur usage de la Commission de consolidation de la paix, laquelle devrait, selon lui, continuer d’élargir son champ d’action pour couvrir les questions susceptibles d’avoir une incidence sur les conflits. 

S’appuyant sur la publication, l’an dernier, du Plan d’action d’Hiroshima pour une sécurité alimentaire mondiale résiliente, le Vice-Ministre a souligné que des approches globales seraient plus efficaces pour freiner l’augmentation des risques liés aux changements climatiques et briser les cercles vicieux qui en découlent. Dans cette perspective, il a réaffirmé le soutien de son pays aux efforts des États Membres en faveur d’un développement à faibles émissions et résilient, tout en aidant les pays en développement en matière d’atténuation et d’adaptation.  Pour sa part, le Japon s’est engagé à mobiliser quelque 70 milliards de dollars de financement climatique auprès des secteurs public et privé jusqu’en 2025 pour aider les pays en développement à lutter contre ce phénomène. 

Le représentant du Mozambique a invité à comprendre qu’il fallait mieux coordonner les réponses et les solutions pour changer les perceptions relatives au maintien de la paix et de la sécurité internationales à l’échelle mondiale, « afin que nos peuples et leurs droits soient respectés et protégés contre les situations induites par les liens entre climat et conflit ».  Aussi a-t-il salué la récente décision de la COP28 qui a souligné l’importance pour la communauté internationale de fournir un soutien financier et technique aux nations les plus vulnérables. 

Le représentant a incité à la coopération entre les différents organes, agences et programmes des Nations Unies, y compris le Conseil de sécurité, y voyant un moyen de renforcer la capacité collective à lutter contre les changements climatiques et l’insécurité alimentaire.  Il a fait remarquer que la lutte contre les risques sécuritaires liés au climat exige une approche globale et intégrée prenant en compte les dimensions environnementales, économiques, sociales et politiques.  En reconnaissant l’interdépendance des défis qui se posent, nous pouvons œuvrer à la recherche de solutions durables qui favorisent la résilience, l’équité et la stabilité à l’échelle mondiale, a affirmé le représentant. 

La représentante du Royaume-Uni a appelé à faire fond sur l’élan généré par la COP28 et à augmenter le financement climatique au profit des pays fragiles et touchés par un conflit.  Le Royaume-Uni a promis 100 millions de livres sterling pour aider les pays vulnérables à faire face aux changements climatiques, y compris en vue du développement de systèmes d’alerte précoce, a-t-elle indiqué.  Elle a demandé que les avancées scientifiques puissent profiter à tous, y compris les petits exploitants agricoles.  Enfin, elle a appelé les acteurs humanitaires, du développement et du maintien de la paix à adopter une approche holistique englobant résilience, développement, sécurité et changements climatiques.  Les conséquences des changements climatiques devraient être pleinement intégrées dans les évaluations de risques de conflit, a-t-elle estimé.

Le représentant de la Sierre Leone a réitéré l’importance d’aborder les changements climatiques et l’insécurité alimentaire en tant que menace émergente pour la paix et la sécurité internationales, évoquant notamment la situation dans la Corne de l’Afrique, au Sahel et au Soudan.  Il a appelé à intégrer le climat et la sécurité alimentaire à la prévention des conflits.  Cela peut se faire suite à une évaluation des risques afin d’identifier les régions vulnérables aux conflits climatiques, comme le Sahel.  Il a également appelé à soutenir les efforts de médiation et de résolution des conflits dans les régions touchées par les changements climatiques. 

D’autres parts, a ajouté le délégué, il faut investir dans des mécanismes de résolution des conflits et des initiatives de consolidation de la paix; encourager la coopération régionale et l’action collective en matière de climat et de sécurité alimentaire; et investir dans des pratiques agricoles résilientes au climat. En outre, les États Membres devraient soutenir la mise en place de systèmes d’alerte précoce pour les phénomènes météorologiques extrêmes.  De son côté, la Sierra Leone a lancé le programme « Feed Salone » qui vise à augmenter la productivité agricole, créer des emplois et construire un système alimentaire résilient.

La représentante de la France a estimé que le Conseil de sécurité doit être informé de manière détaillée sur l’impact des crises climatique et alimentaire dans les régions les plus vulnérables.  Elle a donc appelé les représentants spéciaux à lui transmettre des informations précises et à présenter des recommandations d’actions ciblées, en particulier pour l’Afrique.  Elle a également engagé le Conseil à mettre davantage l’accent sur la prévention des risques, estimant que les mandats des missions de l’ONU doivent être renforcés afin qu’elles puissent venir en appui des pays les plus vulnérables en matière d’évaluation des risques et proposer des actions concrètes.  Il faut aussi continuer à appuyer le travail sur le terrain des Nations Unies, a-t-elle ajouté, saluant le rôle particulièrement utile des conseillers climat, paix et sécurité auprès des missions des Nations Unies. La représentante a ensuite appelé les États Membres à adhérer au mécanisme interagences « climat, paix et sécurité » des Nations Unies, insistant sur l’urgence à agir.

Le représentant de la Fédération de Russie a réitéré la position de son pays selon laquelle il n’existe pas de lien direct entre les questions climatiques et socioéconomiques, d’une part, et le mandat du Conseil, d’autre part.  Le problème alimentaire mondial, a-t-il analysé, est avant tout lié à une répartition inégale; les réserves excédentaires s’accumulant en Occident et les pénuries, dans les pays en développement.  Les quatre plus grandes entreprises occidentales, qui représentent 75 à 90% du chiffre d’affaires du commerce international des produits agricoles, sont les principales bénéficiaires de la hausse des prix alimentaires.  Il est donc ironique que l’Occident passe ce fait sous silence, préférant accuser aveuglément la Russie d’être responsable de la crise alimentaire mondiale.  De surcroît, a ajouté le représentant, le volume de l’aide fournie par les États-Unis et leurs alliés aux pays du Sud ne peut être comparé aux quelque 200 milliards d’euros qu’ils ont consacrés à leur « guerre par procuration » en Ukraine, alors que sur les 55,2 milliards de dollars réclamés par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) pour 2023, seulement 22,4 milliards de dollars ont été déboursés. 

Le représentant a également condamné les « conditions politiques préalables » imposées par les pays occidentaux pour l’aide à la Syrie ou le financement de l’UNRWA, ainsi que les sanctions unilatérales qui constituent une grave menace à la sécurité alimentaire mondiale.  De fait, a-t-il souligné, pour chaque dollar dépensé soi-disant pour l’aide, les anciens colonisateurs exigent une renonciation à la souveraineté et à l’indépendance politique, comme l’ont expérimenté de nombreux États africains. La Russie continue quant à elle à aider gratuitement ceux qui en ont besoin partout dans le monde, a affirmé le représentant, faisant état de fournitures de vivres dans 30 pays, ces cinq dernières années, avec le concours du PAM.  Il a enfin indiqué qu’en dépit des sanctions à son encontre, la Russie reste un fournisseur de céréales responsable, offrant à ses partenaires des produits de haute qualité à des prix attractifs. 

Le représentant de la Chine a estimé que comme certains conflits sont sans lien avec les changements climatiques, chaque situation doit faire l’objet d’un examen spécifique pour en déterminer les causes et les possibilités d’intervention idoines.  Néanmoins, le représentant a jugé indispensable de renforcer la résilience climatique et la sécurité alimentaire afin de briser le cercle vicieux du climat, de la faim et des conflits.  Il a plaidé pour le renforcement de l’aide humanitaire afin d’assurer le respect du droit fondamental à l’alimentation.  À cette fin, il a demandé aux pays industrialisés d’augmenter leur aide alimentaire et financière aux pays en développement.  Toutefois, a-t-il prévenu, l’aide humanitaire ne doit pas être utilisée pour exercer des pressions comme c’est le cas en Afghanistan et à Gaza, une « réalité tragique inacceptable ». 

Le représentant a donc demandé aux pays concernés de donner suite à l’appel à la justice et d’agir de manière responsable pour éviter une catastrophe humanitaire plus grande encore.  Il a conclu en plaidant en faveur d’une gouvernance alimentaire mondiale plus équitable, estimant que la FAO et les institutions financières internationales doivent privilégier les pays en développement dans la coordination de l’aide humanitaire et de l’aide à la production agricole. 

Le représentant de la République de Corée a reconnu la nécessité de s’interroger sur les liens entre changements climatiques, insécurité alimentaire et paix et sécurité dans les situations inscrites à l’ordre du jour du Conseil de sécurité, citant les exemples du Myanmar, de l’Afghanistan, ou encore du Soudan du Sud.  Les solutions nécessitent une approche et un partenariat à long terme, avec des systèmes d’alerte précoce intégrant des données climatiques et environnementales, a préconisé le représentant. 

Il a encouragé la Commission de consolidation de la paix (CCP) à organiser des réunions spécifiques à un pays ou à une région axées sur le climat, avec la participation des missions et agences des Nations Unies, du mécanisme de sécurité climatique des Nations Unies et des banques multilatérales de développement.  En partageant leurs analyses respectives et leurs meilleures pratiques sur la gestion des liens climat-alimentation-paix dans ce contexte spécifique, ces différentes entités pourraient rationaliser et compléter leurs activités, et les mécanismes de financement identifier les besoins en ressources, a-t-il détaillé, ajoutant que les résultats pourraient être transmis au Conseil de sécurité.  Il a ensuite présenté l’initiative « K-Ricebelt », un projet innovant qui vise à aider 10 pays d’Afrique subsaharienne à localiser et à améliorer leurs capacités de production de riz en mettant en commun des variétés à haut rendement et des technologies agricoles. 

La représentante de Malte a noté qu’en tant que multiplicateurs de menaces, les changements climatiques ont accru les conflits liés aux ressources dans plusieurs régions du monde, exacerbant l’instabilité et mettant à l’épreuve la résilience des populations vulnérables.  De plus, les zones touchées par un conflit sont souvent confrontées à une insécurité alimentaire et hydrique aiguë.  Compte tenu que les femmes et les filles représentent 70% des personnes souffrant de la faim dans le monde, la crise climatique vient encore aggraver les inégalités existantes entre les sexes.  « Ces chiffres parlent d’eux-mêmes », a ajouté la représentante.  Les phénomènes climatiques mettent également en péril les systèmes agroalimentaires, alimentant la concurrence au sujet des ressources naturelles et entraînant des déplacements de population, notamment au Sahel.  Dans ce contexte, la représentante a appelé à une approche holistique et intégrée au sein du système de l’ONU, y compris au Conseil de sécurité. Toute action de la communauté internationale à cet égard doit impliquer les acteurs locaux, a-t-elle prévenu, et le financement climatique englober les organisations de femmes dédiées aux efforts locaux d’adaptation et d’atténuation, ainsi que les chefs traditionnels et religieux. 

Le représentant de l’Équateur a appelé au respect de la résolution 2573 (2021) sur la protection des biens essentiels et condamné toute tactique de guerre consistant à affamer la population.  Il a détaillé les effets dévastateurs de la détérioration sécuritaire en Haïti et ses répercussions sur la sécurité alimentaire.  L’incidence des conflits sur la sécurité alimentaire est exacerbée par la crise climatique, qui agit comme un véritable « multiplicateur de menaces », a-t-il reconnu.  Le délégué a par ailleurs souligné l’importance du financement climatique.  Une action climatique robuste de la part des pays en développement ne sera possible que si les pays développés fournissent des ressources au titre du financement climatique, conformément au principe de responsabilités communes mais différenciées, a tranché le délégué.  Enfin, il a appelé à l’opérationnalisation du fonds pour les pertes et les préjudices.

M. LUIS ABINADER CORONA, Président de la République dominicaine, a demandé un examen approfondi des menaces à la paix et à la sécurité mondiales, y compris les changements climatiques et l’insécurité alimentaire.  Il a indiqué que son gouvernement a créé un système national de sécurité alimentaire et nutritionnelle et promu une alliance stratégique avec le Guyana pour garantir l’autonomie des deux pays dans les domaines alimentaire et énergétique.  La République dominicaine, a annoncé le Président, participera à la quatrième Conférence sur les petits États insulaires en développement, qui se tiendra à Antigua-et-Barbuda au mois de mai.  Ce sera une occasion d’exiger que les principaux responsables des changements climatiques prennent des mesures urgentes face à la crise et renforcent la sécurité alimentaire dans le monde.  M. Abinader Corona a ajouté que la fonte plus rapide que prévu des glaciers de l’Arctique implique une élévation d’un mètre du niveau de l’océan dans les Caraïbes. 

Le Président n’a pas manqué de dénoncer l’utilisation de la faim comme arme de guerre et de demander au Conseil d’intensifier son action sur la question. Parlant d’Haïti, il a déploré le fait que la résolution du Conseil sur la création d’une mission multinationale d’appui à la sécurité soit restée lettre morte.  La communauté internationale ne doit pas laisser la catastrophe que vit le peuple haïtien continuer un jour de plus.  Pour faire face à ce type de conflits internes et à l’insécurité alimentaire exacerbée par les changements climatiques, le Président a appelé à des outils d’information, d’analyse et d’action concertée.  Le Conseil de sécurité, a-t-il insisté, doit redoubler d’efforts pour mettre en place de tels outils et un système d’alerte précoce qui permette d’agir à temps, avant que les situations ne deviennent des crises plus difficiles à régler. 

M. GIORGOS GERAPETRITIS, Ministre des affaires étrangères de la Grèce, a constaté que la crise climatique menace non seulement la sécurité alimentaire mais aussi la stabilité et la cohésion sociale, et ce, partout dans le monde.  À ses yeux, la mer Méditerranée, « carrefour de trois continents », offre un bon exemple de l’interaction et des retombées de ces phénomènes.  Notant que la température annuelle de cette mer est supérieure de 1,54 °C aux niveaux d’avant 1990 et d’environ 0,4 °C au réchauffement moyen de la planète, il a rappelé que le bassin méditerranéen est devenu ces dernières années le « point chaud » de la crise climatique, avec de vastes incendies de forêt et des inondations catastrophiques, sans oublier l’élévation du niveau de la mer, qui met en danger la quantité et la qualité de la pêche, et par conséquent la santé et les moyens de subsistance des populations. 

À ce propos, le Ministre a indiqué que le réchauffement climatique, l’économie verte et la réduction de la pollution par les microplastiques seront à l’ordre du jour de la neuvième Conférence « Notre océan », que son pays organisera les 16 et 17 avril prochains.  Cette conférence constituera un pont entre la COP28 et la Conférence des Nations Unies sur les océans de 2025, a-t-il affirmé, ajoutant que la Grèce portera ces questions dans sa candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité pour la période 2025-26.  Dans l’immédiat, il faut un état d’esprit différent en matière de protection de l’environnement et de sécurité alimentaire, a poursuivi le Ministre, avant d’appeler à une alliance universelle pour la durabilité et à la nomination d’un envoyé spécial des Nations Unies pour un avenir durable. 

M. SIHASAK PHUANGKETKEOW, Vice-Ministre des affaires étrangères de la Thaïlande, a déploré que des décennies de progrès en matière de développement aient été annulées du fait des inégalités, des tensions géopolitiques croissantes et des effets des phénomènes météorologiques dévastateurs sur la sécurité alimentaire.  Pour remédier à cette situation, il a appelé à veiller à ce que les institutions et les politiques publiques correspondent aux besoins et aux attentes de la population. En tant que multiplicateur de menaces qui ne respecte aucune frontière, en particulier pour les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires en développement (PEID), la lutte contre les changements climatiques doit s’appuyer, selon lui, sur la solidarité internationale.  Les pays en développement ont besoin d’un soutien accru pour renforcer leur capacité d’adaptation et de résilience face aux effets néfastes des changements climatiques, a-t-il insisté. 

M. Phuangketkeow a donc appelé les pays développés à respecter leurs engagements de fournir 100 milliards de dollars par an aux pays en développement et de doubler le financement de l’adaptation.  « Il s’agit non seulement d’un investissement dans l’avenir de la planète, mais également dans la sécurité humaine », a-t-il ajouté. Ces défis étant interconnectés, il a prôné des approches centrées sur les personnes et sur la planète.  Le multilatéralisme et la coopération internationale sont les solutions les plus viables pour relever ces défis, a-t-il dit. 

Mme BJØRG SANDKJÆR, Secrétaire d’État au développement international de la Norvège, a estimé que les défis mondiaux de la sécurité alimentaire, des changements climatiques et des conflits ne peuvent être traités que par des actions spécifiques multilatérales, ce qui en fait un sujet très pertinent pour le Conseil de sécurité.  Citant la résolution 2417 (2018), elle a rappelé l’obligation de ne pas attaquer les civils ou les biens civils nécessaires à la production alimentaire. La responsabilité principale du Conseil de sécurité est de faire respecter la paix et la sécurité, a-t-elle rappelé, ce qui veut dire que la prévention des conflits doit être au centre de ses efforts.  De leur côté, les pays doivent individuellement redoubler d’efforts pour parer aux effets négatifs des changements climatiques ainsi que pour prévenir et résoudre les conflits, en vue de réduire les risques d’insécurité alimentaire. 

Parmi les mesures préventives nécessaires, la Secrétaire d’État a demandé d’utiliser les moyens d’atténuation et d’adaptation, tout en renforçant l’alerte rapide et l’action précoce.  Elle a soutenu à cet égard l’initiative « Alertes précoces pour tous » du Secrétaire général et l’appel à un accès universel aux systèmes d’information sur le climat.  Elle a ensuite appelé à accélérer le développement agricole résilient aux changements climatiques et à renforcer les chaînes de valeur du secteur alimentaire local.  Il faut augmenter le financement climatique pour développer l’agriculture durable et renforcer la sécurité alimentaire aux niveau national et mondial, a encore recommandé la Secrétaire d’État en se félicitant de la tenue prochaine, à Nairobi en mai, du Sommet africain sur les engrais et la santé des sols.  Enfin, elle a mis l’accent sur l’importance cruciale de l’autonomisation des femmes dans l’instauration de la sécurité alimentaire, avant de recommander de mieux intégrer l’aide humanitaire et l’aide au développement à long terme pour stopper les tendances négatives de la faim et la pauvreté.

Au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), le représentant de la Jamaïque a rappelé l’importance de limiter la hausse des températures à 1,5 °C. L’augmentation du financement climatique est une autre mesure concrète permettant d’aider les pays vulnérables à s’adapter aux changements climatiques, a-t-il dit.  Il a pris l’exemple d’Haïti pour illustrer les liens entre changements climatiques, insécurité alimentaire et conflit.  Ce pays est en proie à une crise multidimensionnelle qui a abouti à un niveau d’insécurité alimentaire parmi les plus élevés au monde.  Il ne peut pas y avoir de paix quand les gens ont faim, a-t-il dit, en demandant l’inclusion des risques climatiques dans les mandats des opérations de paix onusiennes et souhaité la nomination en leur sein de conseillers climat, paix et sécurité.

En sa capacité nationale, le représentant a indiqué que son pays a recours aux technologies pour augmenter la productivité agricole.  Il a détaillé la stratégie nationale, intitulée « le nouveau visage des denrées alimentaires », qui vise notamment à renforcer la sécurité alimentaire, à promouvoir le développement agroalimentaire, à s’adapter aux changements climatiques et à accroître les exportations.  Il a expliqué que cette stratégie a été élaborée en réponse à la grave insécurité alimentaire qui a sévi dans les Caraïbes au moment de la pandémie de COVID-19.  Entre 2021 et 2923, 2,8 millions de personnes sur les 3,7 que comptent les Caraïbes anglophones étaient en insécurité alimentaire, a-t-il rappelé.  Enfin, il a souligné l’importance d’une bonne cohérence entre la riposte aux changements climatiques, la prévention des conflits et le maintien de la paix.

Pour le représentant de l’Égypte, la crise de l’insécurité alimentaire est le résultat de notre incapacité à réaliser le deuxième objectif de développement durable. Cette crise doit être abordée dans une approche globale et holistique utilisant les différentes plateformes et organes des Nations Unies, notamment l’Assemblée générale, le Conseil économique et social (ECOSOC), la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et l’Accord de Paris sur le climat.  Ce faisant, il faut donner la priorité aux pays en situation de conflit et aux pays en développement importateurs nets de produits alimentaires.  Les Nations Unies doivent contribuer à la création de capacités d’alerte rapide pour surveiller les régions les plus vulnérables à une famine causée par un conflit. Les financements concessionnels doivent aussi avoir rang de priorité.

L’Égypte, a rappelé le représentant, est le pays au monde le plus densément peuplé et le plus pauvre en eau.  Il a plaidé pour une coopération transfrontalière dans les domaines de l’accès à l’eau et de l’agriculture, avant d’indiquer que la présidence égyptienne de la COP27 a lancé deux initiatives: l’une pour une transformation durable de l’alimentation et de l’agriculture et l’autre pour des réponses climatiques en faveur de la pérennisation de la paix.  Ces initiatives ont pour objectif de faire face aux multiples dimensions des effets des changements climatiques tout en mettant l’accent sur la sécurité alimentaire et le maintien de la paix.

La représentante de l’Ukraine a dit avoir toujours promu les mesures concertées pour faire face aux changements climatiques et atténuer leurs effets sur les conflits.  Elle a rappelé qu’en décembre 2021, l’Ukraine avait fait partie des 113 États Membres coauteurs d’un projet de résolution thématique du Conseil de sécurité sur les incidences sécuritaires des changements climatiques, regrettant que ce texte n’ait pu être adopté à cause du veto de la Russie.  En tant que membre du Groupe des Amis du climat et de la sécurité, elle a dit que son pays comprend très bien la nécessité de renforcer le multilatéralisme pour promouvoir les liens entre climat, paix et sécurité.  La sécurité alimentaire est essentielle pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-elle insisté. 

Ces dernières années, a-t-elle poursuivi, l’Ukraine a été un important contributeur à la sécurité alimentaire du monde.  Après le retrait de la Russie de l’Initiative de la mer Noire en juillet 2023, l’Ukraine a créé des itinéraires alternatifs temporaires pour les navires civils vers les ports ukrainiens de la mer Noire, créant ainsi un nouveau couloir humanitaire de céréales par lequel 700 vaisseaux ont pu passer, avec des cargaisons composées à 70% de produits agricoles ukrainiens.  La fin de la guerre renforcerait le transport des biens ukrainiens vers le marché du monde, a-t-elle fait valoir tout en déplorant l’attitude agressive et coloniale de la Russie qui a mis à mal la capacité collective à faire face aux menaces mondiales.  Elle a conclu en appuyant les initiatives visant à gérer les effets des changements climatiques, notamment au sein du Conseil de sécurité, de l’Assemblée générale et de l’ECOSOC.

Le représentant de la Jordanie a appelé le Conseil de sécurité à adopter une démarche globale pour rompre le cycle liant l’insécurité alimentaire, les changements climatiques et la paix et la sécurité internationales.  Ce cercle vicieux aggrave les tensions sociales et alimente les conflits internes, a-t-il constaté, ajoutant que les groupes terroristes profitent de l’incapacité des États à contrôler leur territoire pour propager leur propagande extrémiste et menacer la paix et la sécurité.  Pour permettre le règlement des conflits et la consolidation de la paix, le Conseil doit selon lui adapter l’action climatique à son mandat. 

Rappelant que les conflits, l’insécurité alimentaire et les changements climatiques sont les principaux facteurs de migration dans le monde et au Moyen-Orient, le représentant a signalé le fait qu’un tiers de la population de son pays est composé de réfugiés.  La Jordanie fait tout son possible pour leur permettre de mener une vie digne malgré le niveau sans précédent des besoins, a-t-il assuré, avant d’exhorter la communauté internationale à assumer ses responsabilités à l’égard de ces populations et des communautés hôtes.  Les changements climatiques ont aussi des conséquences négatives sur l’accès à l’eau et à la nourriture, a ajouté le représentant, dénonçant le contrôle par Israël des ressources en eau dans les territoires palestiniens occupés et la politique de famine menée à Gaza depuis le 7 octobre dernier.  À cet égard, il a invité les États Membres qui ont suspendu leurs contributions à l’UNRWA à les reprendre de toute urgence. 

Le représentant de Singapour, notant que l’insécurité alimentaire est une source de tensions et de conflits, a demandé une action urgente et collective pour relever ces défis à commencer par la tenue des engagements climatiques.  Il a prôné des mesures décisives pour maintenir l’objectif de 1,5 °C et atténuer le risque croissant d’insécurité climatique, invitant aussi à mener une transition juste et inclusive par le biais de solutions à faible émission de carbone et des financements climatiques. Le délégué a appelé à garder les chaînes d’approvisionnement mondiales libres et ouvertes, ce qui est essentiel au maintien de la sécurité alimentaire.  Le système commercial multilatéral doit être fondé sur des règles, a-t-il rappelé en promouvant la libre circulation des denrées alimentaires et des produits agricoles et en demandant de s’abstenir d’imposer des interdictions ou des restrictions à l’exportation d’une manière incompatible avec les dispositions pertinentes de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il ne faut pas politiser ou instrumentaliser la sécurité alimentaire, a ajouté le représentant. 

Le délégué a aussi demandé le renforcement de la résilience climatique et alimentaire mondiale grâce à la collaboration internationale, au partage des connaissances et à l’apprentissage mutuel, la technologie et l’innovation.  Il a jugé essentiel de renforcer les capacités mondiales en matière de technologie agricole, de production alimentaire urbaine et d’aliments du futur pour renforcer la résilience.  Singapour, a indiqué le délégué, développe l’agriculture verticale à climat contrôlé afin d’atténuer les défis de la production alimentaire pour les pays où les terres sont rares.  Le mois dernier, le Centre de recherches sur le climat de Singapour a publié des projections à haute résolution des changements climatiques pour l’Asie du Sud-Est qui sont utiles pour la planification de l’adaptation, ainsi que pour la sécurité alimentaire. 

La représentante du Portugal a souligné les conséquences négatives de l’invasion russe de l’Ukraine pour les marchés mondiaux, au détriment des pays les moins développés.  Elle a encouragé le Conseil à jouer un rôle proactif et à inclure dans les mandats des opérations onusiennes une évaluation des risques sécuritaires liés au climat. Elle a également plaidé pour une coopération plus étroite entre le Conseil, la Commission de consolidation de la paix et le Conseil économique et social (ECOSOC).  Enfin, elle a appelé à profiter du prochain Sommet de l’avenir pour renouveler l’engagement collectif en faveur du multilatéralisme et de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

Le représentant du Canada, intervenant au nom du Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social, a indiqué que les catastrophes naturelles associées aux effets néfastes des changements climatiques risquent d’exacerber l’insécurité alimentaire, la pénurie d’eau et les instabilités existantes en Haïti.  Il a jugé urgent de renforcer la résilience en Haïti, appelant à intensifier les efforts pour soutenir le Plan de réponse humanitaire 2024 pour Haïti.  Il a également souligné que le pays a besoin d’investissements et de financements pour améliorer la production alimentaire locale et renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires aux chocs liés au climat, à l’agronomie, à l’économie et aux conflits.

De même, le représentant a plaidé en faveur de mesures de préparation, de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation au climat afin d’accroître la résilience d’Haïti aux effets perturbateurs des catastrophes et des changements climatiques. Haïti a aussi besoin d’un soutien urgent pour rétablir la sécurité, notamment par le biais de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).  Une stratégie globale et durable à long terme, dirigée et contrôlée par Haïti, est également nécessaire pour lutter contre les facteurs de violence.

Le représentant du Maroc a déclaré que résoudre la crise alimentaire est un impératif de sécurité en particulier pour les pays en développement et les pays touchés par les conflits.  Le représentant a demandé au Conseil de sécurité de prendre en compte les effets grandissants des changements climatiques dans ses travaux.  Il a appelé à protéger les ressources en eau, les sols et les terres arables.  L’action climatique nécessite des financements, a martelé le délégué insistant sur l’importance de financer le fonds pour les pertes et les préjudices. Le Maroc, a informé le représentant, apporte son soutien technique en Afrique notamment dans le bassin du Congo. Il déploie un programme d’aide à la petite agriculture africaine dont le financement attire de plus en plus de sponsors. Le délégué a conclu en plaidant pour le renforcement de la coopération internationale pour combattre la faim dans le monde. 

Le représentant du Mexique a fait remarquer que le mois de janvier 2024 a été le plus chaud depuis que des mesures sont relevées.  La hausse des températures mondiales et du niveau de la mer entraîne davantage de sécheresses, d’inondations, de cyclones et d’incendies, compte tenu des changements climatiques qui font pression sur les systèmes alimentaires.  Ces phénomènes, a-t-il dit, alimentent les conflits là où les institutions sont faibles et où des groupes rivaux se disputent des ressources de plus en plus rares. De fait, a souligné le représentant, les missions de maintien et de consolidation de la paix doivent tenir compte de ces circonstances afin de briser le cercle vicieux des pénuries, des problèmes de gouvernance et des conflits. 

Dans cet esprit, il a exhorté le Conseil de sécurité à rechercher un consensus pour élaborer des réponses ayant un impact tangible et immédiat, au-delà de la rhétorique. Il a jugé essentiel de procéder à des analyses complètes des risques, souhaitant que ces instruments soient intégrés en permanence aux mandats des missions de paix et des bureaux régionaux. Ces outils contribuent à identifier des objectifs concrets d’atténuation et d’adaptation pour progresser vers une paix stable, a-t-il insisté, avant d’inviter le Conseil à veiller à ce que les mandats qu’il confère prévoient les capacités nécessaires pour anticiper, atténuer et traiter le nexus complexe entre conflits, effets négatifs des changements climatiques et crise alimentaire. 

Le représentant de la République arabe syrienne a rappelé le tremblement de terre qui avait frappé son pays il y a un an et qui avait fait des milliers de victimes et détruit des infrastructures, en assurant que son gouvernement avait fourni secours et soutien aux sinistrés.  Il avait en outre donné l’autorisation d’utiliser trois points de passage transfrontaliers pour que l’aide humanitaire parvienne aux civils.  Mais, a-t-il déploré, les mesures coercitives unilatérales imposées au peuple syrien par les États-Unis et l’Union européenne ont empêché de fournir les machines et équipements médicaux.  Poursuivant, il a expliqué comment la Syrie fait face aux conséquences des changements climatiques, avec une baisse des précipitations, une sécheresse et des tempêtes de poussière. 

Le délégué a dénoncé la « guerre terroriste » menée contre son pays ces dernières années, qui a des effets délétères sur le plan environnemental, avec notamment des puits de pétrole bombardés et des terres agricoles brûlées.  Il a aussi dénoncé les agissements de la Türkiye qui a fait baisser le cours de l’Euphrate et donc son débit, ayant un impact sur plus de 5 millions de Syriens.  En outre, a-t-il ajouté, la poursuite de l’occupation israélienne, du Golan notamment, a un impact sur l’environnement, des arbres fruitiers étant abattus par exemple. Le représentant a plaidé pour que les États développés assument leurs obligations en matière d’atténuation des effets néfastes des changements climatiques, et mettent en place des mécanismes de financement concessionnel ainsi que des réseaux d’alerte précoce, entre autres.  Il a insisté sur la levée des mesures coercitives unilatérales qui empêchent d’utiliser des appuis techniques et des subventions octroyées aux pays en développement.

Le représentant de l’Afrique du Sud a indiqué que la famine devient une réalité en raison de l’expansion des opérations militaires.  Il a en effet mentionné la poursuite de l’offensive israélienne à Rafah, en dépit de la récente décision de la Cour internationale de Justice (CIJ).  Les belligérants ont l’obligation de respecter le droit international humanitaire, a martelé le délégué, en condamnant le fait de faire de l’affamement une tactique de guerre.  Il a insisté sur la vulnérabilité de l’Afrique face aux changements climatiques et appelé à une réponse collective.  Enfin, il a invité le Conseil à participer à la sensibilisation de l’opinion sur les enjeux climatiques, tout en réfutant l’existence d’un lien direct entre changements climatiques et conflits.

Le représentant de la Tchéquie a souligné le lien « indéniable » qui existe entre les changements climatiques et la paix et la sécurité internationales. La hausse des températures et du niveau de la mer, la désertification, la pénurie d’eau, la perte de biodiversité et la pollution de l’environnement ne sont pas seulement des problèmes environnementaux, a-t-il noté, mais constituent également des menaces qui peuvent mener à des déplacements, des troubles sociaux et l’insécurité.  Bien que le lien entre les changements climatiques et la sécurité soit complexe et mal compris, nous devons selon lui écouter la voix de ceux qui sont les plus touchés.  La dégradation de l’environnement affecte déjà la sécurité alimentaire en réduisant les rendements des principales cultures et en augmentant le risque de mauvaises récoltes dans les principaux pays producteurs, a observé le délégué.  Qui plus est, a-t-il relevé, l’insécurité alimentaire est plus aiguë dans les pays touchés par des conflits et des catastrophes. 

Garantir la sécurité alimentaire mondiale exige donc une approche fondée sur le triple lien entre les activités humanitaires, de développement et de paix.  En tant que membre de la Coalition mondiale contre la faim et les conflits, la Tchéquie concentre ses activités sur la production alimentaire résiliente et la réhabilitation des terres agricoles, a fait savoir le représentant.  À ce titre, l’adaptation au climat et la réduction des risques de catastrophe sont une priorité à long terme de l’aide humanitaire et de l’aide au développement du pays. 

Le représentant de l’Indonésie s’est interrogé sur la capacité du Conseil à régler les crises alimentaires, les conflits et les guerres vu qu’il est paralysé face à l’utilisation de l’insécurité alimentaire comme arme de guerre, notamment à Gaza.  Il a appelé à réformer le Conseil à commencer par ses méthodes de travail afin de le rendre capable de travailler efficacement.  Il a réclamé des ressources et des mandats plus adaptés pour les opérations de maintien de la paix pour aider les communautés locales des pays hôtes à s’adapter aux effets des changements climatiques et de l’insécurité alimentaire sur la sécurité. 

Le délégué a ensuite appelé à forger des partenariats plus solides avec les organisations régionales et adopter une approche plus régionale pour aborder le lien entre le climat, l’alimentation et la paix et la sécurité.  Il est également essentiel de renforcer le rôle de la Commission de consolidation de la paix dans le renforcement de la résilience climatique et des capacités d’adaptation.

Le représentant de la Belgique, intervenant au nom des pays du Benelux, a déclaré que les liens entre changements climatiques, sécurité alimentaire et maintien de la paix et de la sécurité internationales sont « évidents ». Notant que l’intégration d’une approche de paix et de sécurité tenant compte du climat est devenue une nécessité, il a appuyé l’inclusion d’un libellé sur les changements climatiques dans les produits et mandats du Conseil de sécurité.  Il a également appelé à la publication régulière de rapports complets du Secrétaire général sur les questions liées au climat, à la paix et la sécurité, et à la sécurité alimentaire.  Cela permettrait au Conseil de sécurité de se concentrer sur les pays et les régions les plus touchés et d’agir.  Il a espéré qu’un consensus pourra être obtenu sur les suggestions présentées dans la note d’orientation du Secrétaire général sur le Nouvel Agenda pour la paix.

Le représentant du Liechtenstein a encouragé la communauté internationale, et en particulier le Conseil de sécurité, à aborder les liens entre le climat, les conflits et la faim dans la perspective de la sécurité humaine, qui reconnaît que la paix et la sécurité concernent les personnes, leur survie, leurs moyens de subsistance et leur dignité.  Nous pouvons commencer par répondre aux besoins immédiats des personnes touchées par la dégradation de l’environnement, les chocs climatiques et l’insécurité alimentaire dans le monde, notamment en augmentant le financement de l’aide d’urgence et de la gestion des risques climatiques.  Mais, afin de briser le cycle des conflits violents et de l’insécurité alimentaire, il faut aussi exhorter les parties aux conflits armés à protéger les systèmes alimentaires et à s’abstenir d’utiliser la nourriture comme arme de guerre, a-t-il ajouté, avertissant que si aucune mesure urgente n’est prise maintenant, le nombre annuel de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire en raison de la crise climatique risque de doubler d’ici à 2050.  Il a enfin indiqué que son pays est en train de finaliser sa demande d’avis consultatif à la Cour internationale de Justice (CIJ) sur les effets des changements climatiques, se disant convaincus que la CIJ fournira des orientations claires sur les questions relevant du droit international.

Le représentant de la Pologne a déclaré que les changements climatiques aggravent les risques de conflit et a appelé le Conseil de sécurité à analyser ces liens de manière systémique.  Il est regrettable qu’une poignée de pays continue d’entraver le consensus à cet égard, a-t-il ajouté.  Il a appelé à accorder la plus haute attention à l’insécurité alimentaire engendrée par le climat.  Les gouvernements et les organisations internationales doivent continuer de renforcer les systèmes alimentaires pour leur permettre de mieux résister aux événements météorologiques extrêmes et à la variabilité climatique.

La représentante du Guatemala a jugé urgent de lutter contre les « dangereux multiplicateurs de risques » que sont les changements climatiques et l’insécurité alimentaire.  Elle a appelé le Conseil de sécurité à intégrer des évaluations de la sécurité climatique dans toutes les situations inscrites à son ordre du jour faisant l’objet de rapports.  Les systèmes d’alerte précoce, a-t-elle relevé, représentent une opportunité de fournir aux gouvernements et aux acteurs humanitaires des informations opportunes, fiables, exactes et vérifiables pour prévenir et atténuer les effets d’une crise alimentaire dans le contexte d’un conflit armé.  De leur côté, il est important que les gouvernements, en collaboration avec la société civile, développent et renforcent les compétences nécessaires pour établir et mettre en œuvre des stratégies nationales efficaces et coordonnées en matière de changements climatiques, a poursuivi la déléguée.  La mise en œuvre d’un vaste programme visant à renforcer les capacités institutionnelles d’adaptation aux changements climatiques serait souhaitable à cet égard, a-t-elle ajouté. 

Le représentant du Chili a souligné l’importance de la coopération multilatérale pour apporter des réponses coordonnées aux graves crises alimentaire, climatique et humanitaire entraînées par les conflits.  Il a jugé essentiel pour la communauté internationale d’accélérer les innovations, de renforcer la production d’aliments dans les zones en proie aux changements climatiques, et de disposer d’informations ventilées par sexe et par âge dans les rapports d’analyse de la situation par pays où il existe un risque de famine et d’insécurité alimentaire dans les contextes de conflit armé.  Il a également insisté sur l’importance des financements climatiques pour les pays en développement.  Il a aussi dénoncé la fermeture des marchés, l’imposition de barrières injustifiées ou de mesures coercitives unilatérales sur le commerce des denrées alimentaires.

La représentante de la Bulgarie a relevé que les changements climatiques affectent la concurrence pour les ressources naturelles, en particulier pour l’eau et les terres agricoles, avec le potentiel de déclencher ou d’exacerber des conflits.  À cet égard, l’agriculture constitue à ses yeux le carrefour où les changements climatiques, l’insécurité alimentaire et les conflits violents se rencontrent et s’influencent mutuellement.  Il incombe, selon elle, au Conseil de sécurité de se montrer à la hauteur de sa tâche et s’y attaquer de manière globale.  Alors que la liste des « points chauds de la faim » continue de s’allonger, nous devons nous rappeler que ceux-ci provoquent la faim et affectent les moyens de subsistance de millions de personnes dans le monde. La protection des personnes les plus vulnérables à l’insécurité alimentaire doit donc être une priorité de la communauté internationale, a noté la représentante, avant de demander la mise en œuvre de la résolution 2417 (2018) du Conseil et le respect du droit international humanitaire.

Le représentant des Philippines a expliqué que, dans son pays, la résilience climatique et la sécurité alimentaire sont des priorités du développement.  Rien qu’en 2023, les Philippines ont annulé des prêts de plus d’un milliard de dollars pour plus de 600 000 petits agriculteurs, conformément aux efforts visant à démocratiser l’accès à la terre et l’agriculture.  En outre, un plan d’action national sur les changements climatiques a été adopté, lequel accorde la priorité, entre autres, à la sécurité alimentaire, à l’autosuffisance en eau et à la stabilité écologique et environnementale, jusqu’en 2028. Dans le cadre de son processus de paix dans la région autonome de Bangsamoro, dans le Mindanao musulman, le Gouvernement philippin a lancé des programmes socioéconomiques pour répondre aux besoins des Forces armées islamiques de Bangsamoro, des personnes déplacées et des communautés frappées par la pauvreté.  Enfin, le délégué a attiré l’attention sur le programme municipal « Des armes aux fermes », qui utilise l’agriculture biologique comme outil pour réintégrer les anciens combattants du Front Moro islamique de libération. 

Le représentant de l’Italie a noté que les changements climatiques, l’insécurité alimentaire, la paix et la sécurité sont de plus en plus interconnectés, et a estimé que le Conseil a toute compétence pour traiter de ces interconnexions croissantes.  Il a relevé que si le Conseil de sécurité se montre divisé sur la manière d’aborder le lien entre changements climatiques et sécurité, il est plus uni sur la nécessité de briser le cercle vicieux entre conflit armé et insécurité alimentaire. Il a donc appelé le Conseil de sécurité à s’attaquer rapidement aux trop nombreux cas inacceptables de « militarisation de la sécurité alimentaire ».

La représentante de l’Espagne a mis en avant la stratégie de diplomatie humanitaire de son pays, qui préconise notamment d’inclure les considérations climatiques dans les mécanismes d’alerte précoce.  Elle a également rappelé l’engagement de l’Espagne à soutenir le suivi et l’application de la résolution 2417 (2018) du Conseil de sécurité, avant d’encourager les mandats des opérations et missions de paix et de sécurité à intégrer une approche climatique.  Notant à cet égard que le Conseil a inclus des considérations climatiques dans ses résolutions depuis 2017, elle a plaidé pour une approche plus systématique, comme celle proposée par la résolution infructueuse sur les conséquences sécuritaires des changements climatiques en 2021. L’Espagne était l’un des 113 États Membres qui ont coparrainé ce projet et ont été déçus par le veto d’un des membres permanents, a-t-elle indiqué.  À ses yeux, il importe de faire davantage que de livrer de l’aide humanitaire, en s’attaquant aux causes profondes des conflits pour mieux les prévenir. À cette fin, elle a appelé à la nomination d’un envoyé spécial pour le climat, la paix et la sécurité, et à la mise en œuvre de systèmes d’alerte précoce. 

Le représentant du Pakistan a rappelé que son pays est bien placé pour parler des conséquences des changements climatiques, après les inondations dévastatrices de 2022 qui ont provoqué des dégâts évalués à plus de 13 milliards de dollars.  Il est donc urgent d’agir pour préserver les glaciers himalayens et de s’adapter aux effets du réchauffement de la planète.  Le délégué a annoncé l’intention de son gouvernement de revitaliser le bassin du fleuve Indus, dont dépend la sécurité alimentaire de plus de 225 millions de personnes.  Il a demandé que les financements déjà insuffisants pour l’action climatique et environnementale ne soient pas réaffectés aux questions sécuritaires. Pour le représentant, la pénurie alimentaire est la mère de la plupart des conflits et le meilleur moyen de les prévenir, c’est de réaliser le développement durable.

Le représentant du Vanuatu, au nom des petits États insulaires en développement du Pacifique, a souligné les conséquences « cruelles » des changements climatiques pour ces pays.  Le lien entre les changements climatiques et la sécurité collective ne peut plus être ignoré, a-t-il dit, en appelant le Conseil à évaluer les incidences sécuritaires des changements climatiques.  Il a réclamé la nomination d’un représentant spécial pour le climat, la paix et la sécurité afin de renforcer la coordination face aux risques sécuritaires liés au climat.  Ces risques ne peuvent plus être ignorés ou minimisés, a conclu le délégué, en demandant une réponse « rapide et approfondie » du Conseil.

Le représentant du Kazakhstan a appelé le système des Nations Unies, les gouvernements, les organisations internationales et régionales, les institutions financières internationales et les banques multilatérales à rechercher de nouvelles approches proactives pour assurer une production alimentaire suffisante et résiliente.  Pendant les conflits, il faut en outre empêcher la rupture des chaînes d’approvisionnement, la flambée des dépenses alimentaires, l’occupation et la contamination des terres agricoles et des sources d’eau, ou leur coupure délibérée, ainsi que la destruction et le vol des récoltes et du bétail.

Poursuivant, le délégué a mis en avant la capacité de la recherche, de l’analyse des données et des nouvelles technologies à rendre les systèmes alimentaires et les cultures plus durables, efficaces et résilients au climat.  Il a également insisté sur l’importance de la coopération Sud-Sud, Nord-Sud et triangulaire dans la collecte de fonds pour le renforcement des capacités, entre autres.  L’agenda climatique ne doit pas être utilisé pour introduire des mesures restreignant la coopération en matière de commerce et d’investissement, a-t-il ajouté.  Il a ensuite souligné que la sécurité hydrique en Asie centrale ne peut être assurée que grâce à une coopération étroite et à des mesures conjointes efficaces.

Au nom de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), le représentant de la Mauritanie a souligné les liens bien établis entre changements climatiques et insécurité alimentaire.  L’OCI, a-t-il dit, partage évidemment les objectifs de cette réunion. Il a demandé une meilleure coordination entre l’ONU et les organisations régionales et indiqué que l’atténuation des effets des changements climatiques est une priorité de l’OCI.  Le représentant a détaillé l’action de son organisation face à l’insécurité alimentaire, avant de saluer celle de l’ONU pour la préservation des écosystèmes dans le monde.  Il a conclu en saluant la création récente du fonds pour les pertes et les préjudices et en soulignant la gravité du stress hydrique pour de nombreux pays de l’OCI.

La représentante du Cambodge a rappelé que son pays compte parmi les plus vulnérables aux effets délétères des changements climatiques.  Cette année, alors que la température devrait être plus élevée que les années précédentes, le Gouvernement a déconseillé aux agriculteurs de planter du riz pendant la saison sèche pour éviter d’épuiser les ressources en eau.  Ce n’est qu’avec une forte volonté politique que nous pourrons prévenir l’effet domino désastreux des changements climatiques et l’impact de l’insécurité alimentaire sur la paix et la sécurité internationales, a-t-elle estimé.  À cet égard, la représentante a considéré que chaque nation doit assumer sa juste part de responsabilité.  C’est la raison pour laquelle le Cambodge s’est fixé l’objectif ambitieux de réduire de 41,7% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.  Pour y parvenir cependant, a-t-elle prévenu, notre pays aura besoin de financements innovants et d’une coopération et de partenariats internationaux renforcés, notamment avec le secteur privé.  L’ONU, et en particulier le Conseil de sécurité, peut utiliser son immense pouvoir de mobilisation pour briser le cercle vicieux des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et de la paix et de la sécurité internationales, a encouragé la déléguée en conclusion.

Le représentant de l’Union européenne (UE) a noté que les risques posés par les changements climatiques et la dégradation de l’environnement pour le développement, la stabilité sociale ainsi que la paix et la sécurité internationales sont clairs.  Chacun sait qu’ils alimentent un « cercle vicieux », l’instabilité et les conflits entraînant davantage d’insécurité alimentaire et de faim. Identifier le problème ne constitue toutefois qu’une partie de la solution, a-t-il dit, mettant en exergue la mobilisation de l’UE sur ces questions, avec une intensification de son aide humanitaire et alimentaire immédiate aux populations en situation vulnérable à l’échelle mondiale, pour un montant de 5 milliards d’euros entre 2021 et 2024.  Mais s’il importe d’augmenter les financements pour répondre aux besoins croissants, cela ne suffira pas.  Nous avons besoin de passer d’approches réactives à des approches proactives, a souligné le représentant.

Invitant la communauté internationale à se concentrer sur des régions particulièrement exposées, comme le Sahel et la Corne de l’Afrique, il a également souligné l’importance d’un soutien financier pour l’adaptation et la résilience climatiques, en particulier dans les contextes fragiles et déchirés par la guerre. L’UE a déjà établi un partenariat avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) sur l’analyse et les actions préventives visant à faire face aux risques de conflit et de fragilité dans des pays pilotes tels que le Népal et le Soudan, a relevé le représentant.  Il a ajouté que, parallèlement, des projets sont déployés en Afrique, en Asie centrale et en Amérique latine, dans le cadre de l’initiative européenne « Global Gateway », afin de réduire les écarts mondiaux en matière de développement vert, numérique, humain et social.

Le représentant de l’Autriche a constaté que l’impact des changements climatiques sur la paix et la sécurité constitue l’un des risques sécuritaires les plus graves. Il est donc évident que le Conseil de sécurité se penche sur le lien entre climat et sécurité.  Alors que la science montre clairement que les catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes sont la conséquence des changements climatiques et qu’elles aggravent l’insécurité alimentaire, il a averti que la survie humaine est en jeu.  Il faut agir rapidement, d’autant plus que ces phénomènes nuisent à la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et entravent les opérations de paix de l’ONU.  Appelant au renforcement des capacités des Nations Unies sur ces questions, le représentant a notamment estimé que les missions onusiennes devraient avoir les ressources nécessaires pour mener à bien le mandat climatique. 

Il a d’autre part relevé que le renforcement des capacités d’analyse et des systèmes d’alerte précoce dans toutes les régions du monde est important non seulement pour le travail du Conseil mais aussi pour les efforts de consolidation de la paix. Après s’être prononcé pour la nomination d’un envoyé spécial pour le climat et la sécurité, il a souhaité que la communauté internationale se penche sur les aspects juridiques, en particulier pour s’assurer du respect des obligations des États concernant la protection du système environnemental et climatique.  Il a enfin souhaité que les changements climatiques soient traités aux niveaux international, transnational et interrégional, et que l’ONU renforce ses partenariats avec les organisations régionales pour mieux traiter de ces questions. 

Le représentant de l’Allemagne a rappelé que le Conseil a reconnu la nécessité de « briser le cercle vicieux entre les conflits armés et l’insécurité alimentaire » avec la résolution 2417 (2018).  Il a signalé que la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a provoqué une grave flambée de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition dans diverses régions du monde, avant de proposer une stratégie globale dans le domaine du climat et de la sécurité alimentaire.  D’abord, a-t-il détaillé, il faut rendre l’agriculture et les systèmes alimentaires plus durables et plus résilients. 

Deuxièmement, a poursuivi le représentant, il faut recourir de manière plus systématique aux systèmes d’alerte précoce et à des analyses de risques complètes et intersectorielles pour mieux anticiper et prévenir.  Pour ce faire, le partage des données et l’interopérabilité des systèmes de collecte de données sont essentiels.  Enfin, il faut investir dans l’action anticipative afin de réduire les besoins humanitaires à moyen et long terme jusqu’à 70%.  Après avoir indiqué que le Gouvernement fédéral allemand continuera d’investir au moins 5% de son budget humanitaire dans l’action anticipative, le représentant a dit être favorable à un échange approfondi entre le Conseil et la Commission de consolidation de la paix et d’autres organes compétents du système des Nations Unies sur ce thème. 

La représentante de l’Inde a dit que son pays est un ardent partisan de la justice climatique.  Mon pays, a-t-elle tout de même tenu à dire, n’est pas convaincu de l’opportunité de discuter de cette question en dehors de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.  Elle a appelé au renforcement des capacités des pays en développement pour les aider à faire face à l’insécurité alimentaire.  Elle a détaillé les efforts de l’Inde au sein du G20 pour renforcer la sécurité alimentaire dans le monde.  La présidence indienne du G20, a-t-elle précisé, a élaboré un pacte vert pour un avenir plus durable, une transition environnementale juste et un bon financement de l’action climatique.  Enfin, elle a mentionné l’aide alimentaire apportée par son pays à l’Afghanistan, au Myanmar et à la Palestine parce que « le monde est une grande famille ».

Le représentant de la Türkiye a souligné l’importance de la coopération pour faire face aux défis de l’insécurité alimentaire provoquée par les changements climatiques.  Le délégué a plaidé pour que les pays qui ne sont pas responsables des changements climatiques reçoivent l’aide qui leur est nécessaire.  De leur côté, les pays développés doivent accepter la clause de responsabilité commune et partagée, a-t-il ajouté.  Le représentant a fait remarquer que les défis climatiques ne sont pas les seules causes de conflit, avant d’annoncer que son pays était candidat à l’organisation de la COP de 2026.  Pour résoudre le problème de l’insécurité alimentaire, il faut des chaînes d’approvisionnement solides, a-t-il prôné rappelant le rôle de son gouvernement dans l’élaboration de l’Initiative de la mer Noire. 

Le représentant a condamné l’utilisation de la famine comme arme de guerre comme à Gaza, au Yémen ou en Afrique.  Il a attiré l’attention sur la situation en Syrie où des millions de personnes ont reçu l’aide de la Türkiye.  Il a aussi déploré que certains donateurs aient suspendu leur financement de l’UNRWA. Le représentant a souligné l’importance de la coopération entre les pays en amont pour aider les pays en aval souffrant de déficit hydrique.  Revenant sur la guerre à Gaza, il a attiré l’attention sur les risques de famine. Le Conseil doit écouter le cri du cœur de la communauté internationale face à la situation à Gaza où il doit garantir un cessez-le-feu et prévenir les déplacement forcés de populations, a-t-il exhorté. 

Le représentant des États fédérés de Micronésie a témoigné de l’impact désastreux et immédiat que subissent les îles du fait des changements climatiques, notamment l’inondation des côtes, un phénomène devenu la nouvelle norme pour les États insulaires. En raison de l’intrusion de l’eau salée, les aquifères deviennent inutilisables, ce qui menace notre sécurité alimentaire, a-t-il expliqué.  Notant d’autre part que l’une des principales ressources alimentaires de la Micronésie provient de sa pêche, il a rappelé qu’en 2021, les dirigeants du Forum des îles du Pacifique ont déclaré que les droits liés aux zones maritimes micronésiennes continueront de s’appliquer, même en cas de changements découlant de l’élévation du niveau de la mer. 

Tout en saluant cette clarification juridique, il a reconnu que cela n’aura que peu d’effet si les stocks de poissons disparaissent à cause du réchauffement des océans.  En plus d’appeler à l’aide les pays développés, le représentant a souhaité que le Conseil de sécurité prenne en compte la manière dont les changements climatiques provoquent une insécurité alimentaire, qui à son tour menace de compromettre la sécurité en général.  Selon lui, il conviendrait de mettre en place un ensemble de solutions axées sur l’adaptation, l’atténuation et les réponses durables.  Il a ajouté que sa délégation continue de plaider en faveur de la nomination d’un représentant spécial pour le climat, la paix et la sécurité, y voyant un outil approprié. 

La représentante de Qatar a dénoncé l’agression israélienne à Gaza qui équivaut à un châtiment collectif et demandé un cessez-le-feu humanitaire immédiat. Elle a détaillé les efforts d’adaptation de son pays face aux changements climatiques, avant de mentionner l’appui du Qatar aux pays les moins avancés.  Le Qatar va apporter 100 millions de dollars pour aider les petits États insulaires en développement du Pacifique à s’adapter à de tels changements, a-t-elle précisé.

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