Quatrième Commission: l’Algérie et le Maroc présentent des visions diamétralement opposées du statut et du destin du Sahara occidental
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Dernières délégations à s’être exprimées dans le cadre du débat général sur la décolonisation de la Quatrième Commission (chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation), le Maroc et l’Algérie ont, ce matin, présenté leurs visions diamétralement opposées de la nature comme du destin du Sahara occidental, inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes à l’ordre du jour du Comité spécial de la décolonisation.
« Le destin d’un peuple ne peut être décidé que par lui-même », a fait valoir l’Algérie, en s’appuyant sur le fait que la doctrine onusienne sur la décolonisation est restée immuable sur ce principe de décolonisation, comme le confirment les résolutions 1514, 1541 ou encore 2625. « Depuis six décennies, le peuple du Sahara occidental ne connaît que l’exil ou l’oppression », a-t-il constaté, or nul ne peut lui offrir « le sceau de la souveraineté » en dehors de sa volonté librement exprimée. Nul ne peut invoquer des investissements, ou encore l’ouverture de consulats, en lieu et place de l’autodétermination d’un peuple encore sous domination coloniale, a poursuivi le représentant algérien, en affirmant que c’est au peuple sahraoui de décider des modalités de mise en œuvre de son droit à l’autodétermination.
De son côté, le Maroc a expliqué que les principes et valeurs qui ont présidé à l’adoption, en septembre dernier à l’Assemblée générale, du Pacte pour l’avenir sont les mêmes que ceux que le Maroc a fait siens pour le règlement du différend autour de « son » Sahara, sur la base de l’initiative marocaine d’autonomie. En présentant cette initiative au Conseil de sécurité en 2007, a-t-il ajouté, Rabat a fait le pari d’une solution négociée, inclusive et projetée vers l’avenir. Dans un droit de réponse, l’Algérie a rétorqué que le Maroc avait omis d’évoquer la référence cardinale de ce Pacte « adopté par tous », à savoir le droit à l’autodétermination des peuples et la légitimité de la résistance à l’oppression et à la domination coloniale.
Il n’en reste pas moins que, « comme le prévoit le Pacte », le Maroc, a assuré son représentant, ne conçoit pas de règlement de la question du Sahara marocain en dehors du cadre de l’ONU et du Conseil de sécurité. Or, depuis trois ans, ce processus politique se trouve malheureusement entravé par l’Algérie, qui refuse de s’y réengager « en sa qualité de partie principale ». En refusant de reprendre sa place aux tables rondes, elle porte atteinte au principe de règlement pacifique des différends et paralyse le processus politique, lui a reproché la délégation marocaine.
Pays « épris de paix », l’Algérie, a précisé son représentant, continue de soutenir les efforts du Secrétaire général et de son Envoyé personnel pour permettre aux deux parties, le Maroc et le Front POLISARIO, de reprendre les négociations directes, en vue de parvenir à une solution politique « qui garantisse au peuple sahraoui l’exercice de son droit à l’autodétermination. »
Elle a fait valoir la dernière décision en date, rendue le 4 octobre 2024, « hautement historique et sans appel », de la Cour de justice de l’Union européenne, venue consolider l’édifice des fondamentaux juridiques de la question du Sahara occidental. Rappelant qu’elle porte sur le Sahara occidental et les accords commerciaux Union européenne-Maroc en matière de pêche et de produits agricoles, la délégation algérienne en a cité des extraits qui consacrent d’une part que le Sahara occidental est un territoire distinct du Maroc et que son statut constitue une question de décolonisation; d’autre part, que le Front POLISARIO est le représentant légitime et exclusif du peuple sahraoui.
Au-delà de ses significations juridique, judiciaire et politique, l’Algérie a vu dans cette énième décision de la Cour de justice de l’Union européenne une « sentence de la constance » de la légalité internationale sur la question du Sahara occidental, qui a toujours été claire, forte et immuable. Cette constance ressort également des rapports annuels du Secrétaire général au Conseil de sécurité où il affirme que ce dernier « examine le Sahara occidental comme une question de paix et de sécurité, appelant à une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui assurera l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». La Quatrième Commission et le Comité spécial des Vingt-Quatre l’abordent comme une question de décolonisation, a rappelé l’Algérie.
Le Maroc a assuré avoir toujours fait preuve de bonne volonté, en appelant à un dialogue sincère avec l’Algérie pour le règlement « de ce différend qu’elle a créé de toutes pièces il y a 50 ans ». Cette politique de la main tendue émane de la volonté de son Roi de créer un environnement de paix, de sécurité et de concorde dans la région. Toutefois, ces appels sont restés sans suite devant la persistance de l’Algérie dans son hostilité à l’encontre de l’intégrité territoriale du Maroc. Alger attise, selon la délégation marocaine, les tensions par l’intermédiaire de son « proxy », « le groupe séparatiste armé, le polisario », au lieu de comprendre après 50 ans que « son projet séparatiste pour le Sahara a échoué ».
Comme le prévoit le Pacte, l’initiative marocaine d’autonomie propose une gouvernance démocratique locale substantielle, contrairement aux camps de Tindouf, où les populations séquestrées sont prises en otage par un groupe séparatiste armé avec la complicité de l’Algérie et où « les camps d’entraînement et l’endoctrinement se sont substitués aux écoles et à l’éducation », a dénoncé le représentant marocain. Cette initiative ambitionne de ramener la paix à la région, en consolidant le bon voisinage, en renforçant la stabilité, et en favorisant la coopération bilatérale, a-t-il assuré, là où l’Algérie ferme les frontières et condamne l’Union du Maghreb arabe à l’immobilisme, privant les pays de la région d’un immense potentiel pour relever les défis, notamment sécuritaires, auxquels est confrontée l’Afrique du Nord.
Pour avoir toujours défendu les droits des peuples colonisés à l’autodétermination et œuvré à tracer la voie d’un développement collectif, la Namibie a réfuté « l’idée que l’occupation, une fois prolongée, peut être légitimée ». Notant qu’il y a eu plusieurs tentatives pour revenir sur les engagements internationaux envers le peuple du Sahara occidental, cette délégation a déclaré qu’elle continue de reconnaître le peuple sahraoui et de soutenir son droit à l’autonomie au travers d’un référendum libre et équitable organisé par la MINURSO. La Namibie a également réitéré sa demande d’une mission de visite au Sahara occidental afin d’y recueillir des informations plus précises sur la situation sur le terrain.
De leur côté, le Malawi et le Tchad, qui soutiennent le processus politique sous les auspices des Nations Unies, ont appelé les quatre parties prenantes –Maroc, Algérie, Front Polisario et Mauritanie– à reprendre les tables rondes. Le Tchad a dit soutenir l’initiative d’autonomie du Maroc pour la région du Sahara, estimant que ce n’est que par un engagement politique qu’une solution praticable et pacifique peut être trouvée à ce différend, s’est-il accordé à dire avec le Malawi.
La Chine, qui fait partie du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a constaté, qu’à la date d’aujourd’hui, le monde n’est toujours pas sorti du colonialisme. L’hégémonie actuelle, a argué son représentant, reste une manifestation du colonialisme, qui retarde les progrès des pays en développement et sape le commerce et les échanges culturels. Alors que « l’égalité reste un vœu pieux pour la plupart des pays en développement », la Chine a vu dans ce déséquilibre un « legs pernicieux du colonialisme », en plaidant pour un ordre mondial plus juste et raisonnable.
En attendant la fin des processus de décolonisation, la délégation chinoise a rappelé aux puissances administrantes leur responsabilité de protéger les droits humains et l’environnement des peuples et territoires sous leur tutelle, et à les indemniser pour les conséquences du colonialisme.
Le Royaume-Uni, l’Algérie, l’Argentine et le Maroc ont exercé leur droit de réponse.
La Commission poursuivra ses travaux demain, jeudi 17 octobre 2024, à 10 heures, par l’adoption d’une série de textes sur la décolonisation.