La Quatrième Commission poursuit l’audition de pétitionnaires sur la question du Sahara occidental
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Cet après-midi, la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a poursuivi l’audition de pétitionnaires concernant la question du Sahara occidental, un point au titre duquel pas moins de 157 d’entre eux ont demandé à être entendus cette année. Comme par le passé, les défenseurs du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui se sont opposés aux partisans de l’initiative marocaine d’autonomie pour ses « Provinces du Sud ».
L’initiative marocaine d’autonomie est la seule base réaliste, sérieuse et crédible pour mettre un terme définitif au différend régional « artificiel » sur le Sahara marocain, a affirmé M. Carlos Ernesto Bustamente, qui soutient la souveraineté de Rabat sur ce territoire, à l’instar de plus de 115 États Membres de l’ONU et de nombreux pétitionnaires présents dans la salle. M. Christophe Boutin, de l’Université de Caen, a notamment défendu la reconnaissance récente par la France, légitime au regard du droit international, de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. L’ex-Ministre des affaires étrangères du Pérou, Rodríguez Mackay, a, quant à lui, appelé à ne pas reconnaître la République arabe sahraouie démocratique, une « entité autoproclamée » qui n’est ni reconnue par l’ONU, ni par plus de 80% de ses États Membres.
L’initiative marocaine d’autonomie permet de faciliter l’intégration régionale et de garantir l’exercice démocratique du droit à l’autodétermination des populations locales des Provinces du Sud, dans le cadre de la souveraineté du Royaume et de son unité nationale, a fait valoir M. Bustamente. Compte tenu des spécificités socioculturelles de la région, il a également mis en avant que cette initiative répond aux normes internationales les plus élevées en matière d’autonomie territoriale. Du même avis, M. Mostapha Ma Elainine, le Président du Centre d’études stratégiques maroco-espagnol-latin, a invoqué l’argument de l’élection des représentants légitimes du peuple du Sahara marocain, en notant que la représentation du Sahara a été une constante depuis 1956.
Lors des élections législatives de 2021, la participation des citoyens sahraouis aux élections législatives et régionales a atteint un taux remarquable de 70% qui démontre selon lui l’engagement actif des Sahraouis dans la vie politique du pays: « Leur voix forte et vibrante fait partie intégrante de l’identité marocaine et confirme les interactions représentatives entre le nord et le sud du Maroc », renforçant ainsi l’unité nationale et la cohésion sociale.
À l’instar d’autres pétitionnaires, M. Abdul Basith Pattinathar K Syedibrahim, de Whd, a salué les vastes investissements réalisés par le Maroc dans les infrastructures économiques et de communication, créant des milliers d’emplois pour le peuple sahraoui. Pour chaque livre sterling prélevée sur le Sahara, la région a reçu environ 7 livres sterling en retour, a-t-il assuré, avant de s’enorgueillir du fait que c’est l’une des régions les plus développées du pays. Mme Zohra Saad, chercheuse à l’Institut national de recherche halieutique, a confirmé que depuis la récupération des régions sud, le « Sahara marocain » a bénéficié et bénéficie encore d’un effort public considérable pour son désenclavement et son insertion économique au sein du pays.
À titre d’exemple, le secteur de la pêche dans ces provinces a connu une transformation radicale. À elle seule, l’agence du Sud a investi près de 26 millions d’euros pour le développement du secteur, en construisant et en aménageant des villages de pêcheurs dans les régions de Laayoune-Boujdour et de Dakhla-Oued Eddahab, et l’ouverture d’un nouveau port. L’investissement global injecté dans la flotte de pêche immatriculée dans la zone depuis 1977 est estimé à 134,7 millions d’euros, a précisé Mme Saad.
« Les soi-disant investissements et projets d’infrastructure du Maroc au Sahara occidental ne sont rien de plus que des tentatives de légitimer son occupation illégale », a rétorqué Mohammed Abbadi, de l’organisation Freedomsun pour la protection des défenseurs sahraouis des droits de l’homme, ajoutant que des projets tels que l’autoroute Tiznit-Dakhla servent principalement à transporter les ressources sahraouies pillées vers les villes marocaines en vue de leur exportation en Europe.
De son côté, M. Stéphane Gallois, de l’AARASD, a attiré l’attention de la Commission sur la gravité des campagnes de désinformation au sujet du Sahara occidental, orchestrées « par le Gouvernement marocain et qui s’étendent jusqu’au sein même de cette Commission », a-t-il accusé, en contestant l’argument selon lequel l’initiative marocaine d’autonomie serait la seule solution politique viable et acceptable, une affirmation qui est contraire au droit international.
En effet, le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui est toujours bafoué en l’absence d’un référendum d’autodétermination, ont souligné ses défenseurs, en rappelant que la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a été créée à cette fin. Sur ce point précis, Mme Kathleen Thomas, une ancienne fonctionnaire de la MINURSO qui y était chargée des questions juridiques, a rappelé qu’en 2000, le Maroc avait refusé la tenue dudit référendum en raison de la disqualification par la Mission de milliers de candidats que Rabat voulait faire inscrire sur les listes électorales. Le Maroc a constaté que les électeurs inscrits sur la liste voteraient probablement en faveur de l’indépendance, a-t-elle indiqué, ajoutant que son initiative est loin d’accorder une véritable autonomie. Pour cette pétitionnaire, « compte tenu de l’histoire passée du Maroc, les Sahraouis seraient fous d’accepter sa proposition d’autonomie ».
« Pourquoi l’appeler Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental, alors que le Maroc a déclaré qu’il n’accepterait pas de référendum? » s’est pour sa part interrogé M. Mohamed Ali Arkoukou, de l’Association sahraouie des États-Unis. La présence de la MINURSO dans le territoire occupé a aidé le Maroc à poursuivre son colonialisme de peuplement et son appropriation culturelle, a-t-il accusé. Notant ensuite que les avions de guerre et les armes utilisés pour bombarder les camps sahraouis d’Oum Dreyga et d’El Farsia ont été fournis par les États-Unis, la France et d’autres États Membres de l’ONU, M. Arkoukou a posé la question suivante: « Comment pouvons-nous, en tant que Sahraouis, faire confiance à la MINURSO pour contribuer à la décolonisation du Sahara occidental, alors que la présence même de l’ONU sur notre terre n’a fait qu’aider le Maroc à entériner son occupation? »
Une ancienne élue du Parlement européen, Mme Ana Gomez, est venue témoigner du prix payé pour la résistance au Sahara occidental, en citant des actes de torture, des peines d’emprisonnement et des morts, dont elle a dit avoir été témoin à Laayoune. Dressant un parallèle entre les processus de décolonisation du Timor-Leste et du Sahara occidental, elle a constaté que là où le Portugal a organisé un référendum ayant permis la libération du peuple timorais, l’Espagne et la France ont exercé leur influence au sein de l’Union européenne pour nuire aux intérêts du peuple sahraoui. Elle a fustigé le Conseil de sécurité pour son inertie « honteuse » s’agissant des crises au Sahara occidental, en Ukraine ou en Palestine.
Quant au Front POLISARIO, outre son rôle déstabilisateur pour la région, pointé par M. Mehmood Ur Rehman Anwar, de l’International Association Of Engineers, M. Mohammad Ziyad Aljabari lui a reproché son refus de retourner à la table des négociations pour trouver une solution pacifique à ce différend sous l’égide de l’ONU. M. Nykaky Lygeros, de l’Université de Lyon, a même affirmé que le Front POLISARIO ne survit que grâce à la politique de son pays hôte sur la question du Sahara occidental.
Lors de la séance, la délégation marocaine a présenté plusieurs motions d’ordre, reprochant à certains pétitionnaires d’avoir franchi « la ligne rouge » en se référant aux institutions et aux symboles du Maroc.
La Commission poursuivra son audition des pétitionnaires sur la question du Sahara occidental demain, jeudi 10 octobre 2024, à compter de 15 heures.