Soixante-dix-neuvième session
4e séance plénière – après-midi
CPSD/804

Quatrième Commission: les pétitionnaires dépeignent des visions contrastées de la situation du Sahara occidental

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Cet après-midi, la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, a poursuivi son examen des points de son ordre du jour relatifs à la décolonisation en procédant à l’audition de pétitionnaires concernant la question du Sahara occidental, partagés entre les tenants d’un référendum d’autodétermination sur ce territoire non autonome et ceux de l’initiative marocaine d’autonomie.

Le représentant du Front POLISARIO, « seul et légitime représentant du peuple du Sahara occidental », a évoqué l’arrêt rendu le 4 octobre par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), « victoire historique » qui a confirmé l’illégalité des accords entre l’Union européenne et le Maroc, estimant qu’ils ont été conclus en violation du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à la souveraineté sur ses ressources naturelles.  « Il s’agit d’une victoire de la justice et du pouvoir du droit sur l’injustice et la politique de force », s’est félicité M. Sidi Mohamed Omar.

Désormais, les États membres et les institutions de l’Union européenne sont tenus de respecter la décision de la Cour et de s’abstenir de toute action susceptible de contribuer à consolider l’occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc, a poursuivi M. Omar.  « Le temps des recours et des manœuvres dilatoires est révolu. »  Il a appelé à « se ranger du bon côté de l’histoire », les pays attachés aux principes du droit international ne pouvant jamais, selon lui, cautionner la poursuite de l’occupation illégale du Sahara occidental par le Maroc, laquelle « va à l’encontre de tout ce que cette Commission et l’ONU représentent ». Tel qu’il l’a affirmé la semaine dernière à l’Envoyé personnel du Secrétaire général, le peuple sahraoui poursuivra sa lutte de libération par tous les moyens légitimes pour défendre son droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance, a-t-il ajouté.

Pour Mme Leila Dahi, au contraire, le Maroc a commencé à récolter les fruits de ses efforts diplomatiques en démontrant davantage de fermeté quant à la défense de son intégrité territoriale, ce qui a amené nombre d’États à « sortir de la zone grise » pour reconnaître l’identité marocaine du Sahara.  Quelque 30 pays ont en outre exprimé leur appui à l’intégrité territoriale du Maroc en établissant des consulats au Sahara marocain, a-t-elle relevé.

Les « larmes de crocodiles » du représentant du Front POLISARIO ne s’appliquent pas au peuple sahraoui, a renchéri M. Moulay Brahim Chrif, de la Commune D’es-Semara, qui s’est félicité de la forte participation des électeurs sahraouis aux élections libres et régulières tenues au Sahara marocain.

La décision de la CJUE a retenu l’attention de nombreux pétitionnaires, dont M. Fabio Salvia, du Comité belge de soutien au peuple sahraoui, et M. Jose Revert Calabuig, de l’Observatorio De Ddhh De Castilla La Mancha Para El Sáhara Occidental, qui ont souligné que la Cour a « une nouvelle fois » statué que le Sahara occidental est un territoire non autonome, et que toute exploitation de ses ressources naturelles doit obtenir le consentement préalable du peuple sahraoui.

M. Jose Luis Gonzalez Sanchez, de l’Asociacion Canaria De Juristas Por La Paz Y Los Ddhh, a lui aussi centré son intervention sur le « pillage » des ressources naturelles du Sahara occidental par le Maroc, la communauté internationale et les entreprises multinationales, en violation du droit international.

Devant un tel constat, M. Manuel Rodriguez, de l’Asociación Internacional De Juristas Por Sahara Occidental a demandé, comme Ines Miranda Navarro Cabildo, de l’Insular De Gran Canaria, qu’il soit mis fin au « silence complice » de la communauté internationale. Constatant que, cette année encore, « la communauté internationale n’a pas pris de décisions décisives en faveur de notre cause », Mme Salma Abdelfatah, de l’Asociacion Canaria De Mujeres Tejiendo Futuro, a tenu à dénoncer le manque de transparence de « cette institution qui prétend défendre les minorités mais qui ne freine pas les grandes puissances ».

Au-delà de ces considérations, M. José Leonar Botero Martínez, de la Fundación Colombiana De Amistad Con El Pueblo Saharaui, a évoqué une décolonisation « inachevée » au Sahara occidental, en insistant sur la validité du plan de règlement de 1991 signé entre le Maroc et le Front POLISARIO.  Or, 33 ans plus tard, Rabat continue selon lui d’ignorer la condition du Sahara occidental en tant que territoire non autonome, l’autonomie proposée n’étant à ses yeux qu’un mécanisme utilisé par les « colonisateurs » afin d’assurer la persistance de leur domination.

Mme Kinzy Grizzi, de Rete Saharawi, a indiqué pour sa part que, le 16 septembre dernier, un tribunal italien a accordé le statut de réfugié au militant sahraoui des droits humains Mohamed Dihani, une décision qui souligne à ses yeux la prise de conscience croissante des violations « systématiques » des droits humains dans les « territoires occupés » du Sahara occidental.  Mme Nouria Hafsi, de l’Union nationale des femmes algériennes, a demandé l’intervention de l’ONU et de l’Union africaine pour freiner l’entêtement du Maroc à perpétuer le statut quo colonial en imposant son plan d’autonomie, « un fait colonial honteux et inadmissible ».

La Directrice pour le climat et l’énergie au sein de l’entreprise internationale DGA Group, Mme Ana Roios, a plutôt présenté le modèle de développement des « provinces du sud du Maroc » comme une manifestation concrète de la régionalisation avancée et de la mise en œuvre de l’initiative marocaine d’autonomie.  Cette avancée « significative » dans le développement de la nation vise selon elle à permettre à celles-ci de contribuer au développement économique et social du Maroc.  En se concentrant sur les infrastructures et la connectivité, l’accès à l’éducation, les soins de santé et l’emploi, elle crée un environnement qui soutient l’innovation et attire les partenariats internationaux, a argué la pétitionnaire, avec le soutien de M. Andrew Rosemarine International Law Chambers.

M. Nathan Oneal Central Texas African American Chamber Of Commerce a espéré de son côté que l’Envoyé personnel du Secrétaire général saura reconnaître le travail déployé par Rabat afin de développer le Sahara occidental.  Il a comparé ce que le Maroc a fait « de ce désert aride devenu un lieu de pure beauté » aux perspectives offertes aux Sahraouis vivant dans les camps de Tindouf, où le Front POLISARIO censure l’exercice de leurs droits et contrôle les déplacements.

La reprise, en 2020, du conflit entre le Maroc et le Front POLISARIO a contraint des milliers de personnes à fuir leurs foyers pour trouver refuge dans les camps situés près de Tindouf, où la situation, déjà critique, s’est encore aggravée, selon Mme Sara Mariotti, de Jaima Sahrawi, citant un rapport de 2023 du Comité international pour le développement des peuples (CISP) et du Croissant-Rouge sahraoui.  Elle s’est inquiétée du fait que nombre d’entre elles n’aient pas reçu le statut de réfugié officiel, ce qui limite leur accès à l’aide humanitaire et aux protections prévues par le droit international.

Comme Mme Amanda Dicianni, de Rescue And Relief International, Mme Michelle Mason a accusé le Front POLISARIO d’avoir créé un camp isolé qui favorise la formation d’enfants soldats, en violation de la Convention relative aux droits de l’enfant.  S’il n’y a pas eu de recensement dans le camp de Tindouf depuis un demi-siècle, c’est que le pays hôte cherche à gonfler le nombre de personnes qui s’y trouvent, selon Mme Giulia Pace, d’Il Cenacolo.

Ayant vécu l’exil, Mme Malla Mint, de la Comunidad Saharaui En Gran Canaria, a dit qu’en dépit des difficultés, le Front POLISARIO est parvenu à construire « un pays au milieu du désert ».  Tout comme les immigrés haïtiens ne mangent pas de chiens, le Front POLISARIO ne mange pas d’enfants, a lancé Mme Salma Abdelfatah, de l’Asociacion Canaria De Mujeres Tejiendo Futuro, pour qui « le seul oppresseur » est le Maroc, « qui exploite nos terres depuis 50 ans ».

Une position rejetée par le maire de Dakhla, M. Hormatollah Erragheb, qui a fait valoir que les vrais représentants du peuple sahraoui sont ceux qui ont été élus dans la transparence par la « vraie population du Sahara », les autres « ne représentant qu’eux-mêmes ».  Les systèmes d’éducation dans les camps ne sont pas à la hauteur, a constaté M. Maksym Hart de Mission Point Community Church, dénonçant un système « dysfonctionnel » découlant d’une crise artificielle créée selon lui par le Front POLISARIO.  Mme Donna Sams, d’Antioch Community Church, a demandé d’examiner de façon réaliste les conditions de vie dans les camps.  « Pourquoi vivent-ils dans ces conditions déplorables depuis si longtemps, sans espoir de règlement? » s’est-elle demandé.

Lors des débats, la délégation marocaine a présenté plusieurs motions d’ordre, estimant que certains pétitionnaires avaient franchi une ligne rouge en se référant aux institutions et aux symboles du Maroc.

En début de séance, la Commission a terminé son audition des pétitionnaires de la Nouvelle-Calédonie.  Prenant la parole sur la question des Îles Vierges Américaines, M. Russell Christopher a demandé à la Commission d’envoyer « un organe » afin d’établir un processus de décolonisation de l’archipel.  Il a dénoncé l’ingérence du « colonisateur », les États-Unis, qui finance des groupes qui militent en faveur du statu quo et contrôle ses ressources naturelles et financières.  « Nous ne pouvons être gouvernés par des lois créées par le colonisateur », a-t-il affirmé.

La Commission poursuivra son audition des pétitionnaires sur la question du Sahara occidental demain, mercredi 9 octobre 2024, à compter de 15 heures.

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