Soixante-dix-neuvième session
2e séance plénière - matin
CPSD/802

La Quatrième Commission amorce son débat général sur la décolonisation sur fond de tensions mondiales croissantes

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Les tensions géopolitiques mondiales découlant de la multiplication des conflits, de la crise climatique et de la gestion des ressources naturelles n’ont pas épargné les travaux de la Quatrième Commission, chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation, ce matin, à l’entame de son débat général, consacré aux points à son ordre du jour portant sur la décolonisation, leur impact sur les territoires non autonomes suscitant l’inquiétude des délégations.

Le Président de la soixante-dix-neuvième session de l’Assemblée générale a ouvert la séance en soulignant l’importance « cruciale » des tâches qui incombent à la Commission, chargée de s’attaquer à « certains des défis mondiaux les plus urgents de notre époque ».   M. Philemon Yang a invité ses membres à aborder les questions de la décolonisation, des missions de maintien de la paix ou encore de celles liées à l’exploration de l’espace à l’aide de solutions « claires, ciblées et innovantes », inspirées de l’esprit du Pacte pour l’avenir, conclu pendant la semaine de haut niveau.

Or, depuis la dernière session de la Quatrième Commission, les conflits dans le monde se sont « étendus et intensifiés », a regretté M. Yang, avec des conséquences humanitaires tragiques à Gaza, à Haïti et au Liban, ainsi qu’au Soudan et en Ukraine.  « Les solutions diplomatiques doivent primer sur la force brutale », a-t-il insisté.  Il a souligné le rôle essentiel que joue la Commission afin d’apporter un appui « désespérément nécessaire » à l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), alors que des millions de réfugiés palestiniens continuent « de lutter dans les conditions les plus difficiles ».

« L’histoire regorge malheureusement d’exemples de conséquences douloureuses de déni du droit à l’autodétermination », a prévenu le Guyana en évoquant, comme l’Afrique du Sud, le Bahreïn ou encore l’Iraq, l’exemple de la question non résolue de la Palestine, à laquelle il est de notre devoir de remédier de manière « permanente, juste et pacifique ».

Face aux « crimes » commis depuis un an contre les Palestiniens à Gaza, l’Arabie saoudite a annoncé la création d’une coalition internationale pour la mise en œuvre de la solution des deux États, en coopération avec le Comité ministériel du Sommet arabo-islamique, l’Union européenne et la Norvège, seul moyen à ses yeux de mettre un terme aux souffrances du peuple palestinien et d’apporter paix et stabilité au Moyen-Orient.

Au nom du Marché commun du Sud (MERCOSUR), l’Uruguay est entré dans le vif du sujet en réaffirmant son soutien aux droits légitimes de l’Argentine sur les îles Malvinas ainsi que les Îles de Géorgie du Sud et Sandwich du Sud.  Une position fondée sur l’intégrité territoriale de ce pays plutôt que sur le droit à l’autodétermination, a-t-il précisé, la population britannique de ces îles ayant été introduite sous « occupation illégale » et ne constituant pas un peuple au sens juridique du terme.  L’Assemblée générale et le Comité spécial de la décolonisation ont d’ailleurs reconnu que cette question « d’intérêt régional » en est une de différend de souveraineté entre Buenos Aires et Londres, a-t-il observé.

Comme le Panama et le Nicaragua, au nom du Système d’intégration de l’Amérique centrale (SICA), le Costa Rica a appuyé ces revendications, en ajoutant que les territoires non autonomes représentent « des générations de peuples autochtones » dont le droit inaliénable à l’autodétermination est « affecté par notre retard » à agir. Sa représentante a regretté, à cet égard, la participation « nulle ou minimale » des puissances administrantes aux travaux du Comité spécial, alors que ce sont elles qui sont tenues de favoriser des dialogues constructifs et des stratégies susceptibles de conduire à des processus de décolonisation transparents.

Les résultats du référendum de 2013 sont sans appel, a répliqué le Royaume-Uni, plus de 90% de la population des Îles Falkland ayant fait le choix de demeurer un territoire d’outre-mer.  L’Argentine a toutefois observé que 10 résolutions ont déjà été adoptées sur la question, dont un texte reconnaissant l’existence d’un différend de souveraineté sur ces territoires.

Dans cette même veine, de nombreuses délégations ont dénoncé l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles renouvelables et non renouvelables des territoires non autonomes.  Pour le Costa Rica, appuyé notamment par l’Iraq, le Népal, le Panama et le Viet Nam, les investissements étrangers doivent être réalisés en accord avec les intérêts légitimes de développement durable de ces peuples, le colonialisme « sous toutes ses formes et manifestations » incluant, selon sa représentante, tant l’exploitation économique que la dépendance qui l’accompagne.

C’est animé par l’esprit de la « révolution » menée par les étudiants et les jeunes du Bangladesh pour garantir la liberté et la justice que ce pays a estimé qu’il en va de notre « responsabilité collective » de soutenir le développement économique et social des peuples des territoires non autonomes, tout en assurant l’essor de leur identité culturelle.  Loin d’être un processus uniquement politique, le Timor-Leste a fait valoir que la décolonisation est intimement liée à la redynamisation culturelle et à la « guérison de la société », afin que les peuples libérés puissent célébrer leur culture et leur histoire, éléments fondamentaux pour promouvoir « l’unité et la résilience ».

En dépit des succès du processus de décolonisation depuis l’adoption de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, lequel a non seulement permis de libérer les peuples d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et d’Océanie de l’oppression coloniale, mais aussi de renforcer l’ONU en augmentant le nombre et la diversité géographique de ses États Membres, la Fédération de Russie a déploré que la question des crimes commis par les colonialistes demeure « taboue ».  Considérant que le colonialisme « vit et prospère » aujourd’hui sous des formes nouvelles, telles que les mesures coercitives unilatérales, le représentant russe a indiqué qu’un projet de résolution du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies sur cette question sera examiné par la Commission lors de la présente session.

Abordant, comme l’Afrique du Sud, la question du Sahara occidental, « dernière colonie sur le sol africain », l’Angola a appelé les parties à reprendre les négociations sans plus attendre, sous les auspices de l’ONU et de l’Union africaine, afin que le peuple sahraoui puisse réaliser ses aspirations.  L’Arabie saoudite a réitéré, pour sa part, son attachement à l’initiative marocaine d’autonomie du Sahara marocain et au respect de l’intégrité territoriale du Maroc, dans le droit fil des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et du droit international.

Dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes aux quatre coins du monde, le Viet Nam a trouvé réconfort dans l’engagement des États Membres en faveur des processus et des négociations pilotés par l’ONU afin de faire advenir des solutions politiques pacifiques permettant aux millions de personnes vivant dans les territoires non autonomes d’exercer leur droit à l’autodétermination, ainsi que le propose le Pacte pour l’avenir.  Confrontés aux crises climatiques, économiques et sanitaires actuelles, les peuples de ces territoires sont plus vulnérables que jamais, a noté le Népal.

Pour sa part, l’Uruguay a jugé primordial que les territoires non autonomes soient entendus par la Commission en tant que pétitionnaires, y voyant une « plateforme vitale » d’inclusion démocratique par laquelle la communauté internationale reconnaît la capacité de ces territoires à façonner leur propre destin.  Afin que personne ne soit laissé pour compte, l’Indonésie a préconisé une coopération et des partenariat internationaux renforcés, à même de contribuer à relever les défis multiformes auxquels sont confrontés les 17 territoires non autonomes.

Auparavant, la Commission s’est prononcée sur les demandes d’audition de pétitionnaires provenant de 9 des 17 territoires non autonomes inscrits à son ordre du jour.  Elle a d’abord approuvé l’inscription de trois pétitionnaires des Samoa américains, de2ux des Îles Vierges britanniques, 28 de la Polynésie française, un de Gibraltar, un de Guam, 18 de la Nouvelle-Calédonie, un des Îles Turques et Caïques, et 2 des Îles Vierges américaines.

S’agissant des 157 demandes d’inscription relatives à la question du Sahara occidental, le Maroc a exprimé sa préoccupation face à celles de deux individus qui, lors de sessions antérieures de la Quatrième Commission, ont attaqué les institutions et les symboles du Maroc, sa représentante estimant qu’une « ligne rouge » avait été franchie.  La Commission a décidé d’approuver la liste sans ces deux pétitionnaires, tout en poursuivant ses consultations sur leur inscription éventuelle.

En début de séance, le Rapporteur du Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, M. Koussay Aldahhak, de la Syrie, a présenté le rapport 2024 du Comité.   Composé de 13 chapitres et de 2 annexes, dont l’une consacrée au Séminaire régional des Caraïbes qui s’est tenu en mai de cette année au Venezuela, ce document comprend 20 projets de résolution qui seront examinés ultérieurement par la Commission.

Le rapport évoque également la mission de visite menée par le « Comité spécial des Vingt-Quatre » aux Îles Vierges britanniques, en août dernier, une « avancée concrète » dans les efforts de l’Organisation pour atteindre ses objectifs de décolonisation, selon les mots du Rapporteur.  La Présidente du Comité spécial, Mme Menissa Rambally, de Sainte-Lucie, a précisé qu’un rapport sur cette mission, organisée à la demande de ce territoire et avec l’accord du Royaume-Uni, Puissance administrante, est en cours d’élaboration.

Les délégations du Royaume-Uni, de la République islamique d’Iran, des Émirats arabes unis, et de l’Argentine ont exercé leur droit de réponse.

La Commission poursuivra ses travaux lundi, le 7 octobre 2024, à compter de 15 heures, avec l’audition des pétitionnaires.

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