Session de 2024,
390e, 391e & 392e séances plénières – matin & après-midi
CD/3872

Commission du désarmement: la Haute-Représentante exhorte à renforcer l’architecture de désarmement et de non-prolifération

Alertant que le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est plus élevé que jamais, la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement a exhorté, ce matin, à renforcer et à préserver l’architecture de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération « pour sauvegarder l’humanité tout entière ».

Dans une déclaration prononcée à l’occasion de l’ouverture de la session de 2024 de la Commission du désarmement, Mme Izumi Nakamitsu a constaté que celle-ci reprend une fois de plus ses travaux dans un environnement géopolitique difficile, marqué par une concurrence accrue en matière d’armes stratégiques et une déliquescence de la confiance entre les États dotés d’armes nucléaires, s’inquiétant en outre de la précarité grandissante de l’architecture conçue pour empêcher l’utilisation des armes nucléaires.

Préoccupée par les risques d’erreurs et d’erreurs de calcul, elle a recommandé à la Commission de se concentrer sur l’élaboration de mesures visant à empêcher tout recours à l’arme nucléaire, appelant en outre à parvenir à une compréhension commune des implications des technologies émergentes et de l’intersection entre les armes nucléaires, le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique. 

De même, la Haute-Représentante a jugé urgent d’examiner les synergies complexes des technologies émergentes, telles que l’interaction de l’intelligence artificielle (IA) avec la biotechnologie, conseillant en outre à la Commission d’examiner les lacunes des discussions multilatérales en cours, s’agissant notamment de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire et des véhicules aériens armés sans équipage.

« Il faut utiliser cette plateforme et faire vivre le multilatéralisme, la diplomatie et le dialogue », a plaidé à son tour le Président nouvellement élu de la Commission.  Reconnaissant que ses membres « pataugent dans l’impasse depuis six ans », M. Muhammad Usman Iqbal Jadoon, du Pakistan, a appelé à privilégier les solutions inclusives. 

Au cours de la discussion générale qui a suivi, le Qatar, qui s’exprimait au nom du Conseil de la coopération du Golfe (CCG), et l’Arabie saoudite, qui parlait au nom du Groupe des États arabes, ont insisté sur la nécessité d’établir une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, dénonçant la menace proférée par un ministre du Gouvernement israélien « de bombarder avec une arme atomique la bande de Gaza ».  À cet égard, le Mouvement des pays non alignés a souligné l’importance de la décision 73/546 de l’Assemblée générale sur la convocation d’une conférence sur la création d’une telle zone. 

De même, l’Arabie saoudite a appelé à mettre fin à la coopération dans le domaine nucléaire avec tout État qui n’est pas partie au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) et qui ne soumet pas ses installations et activités nucléaires au régime de garanties complètes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). 

Le veto de la Fédération de Russie au renouvellement du mandat du Groupe d’experts assistant le Comité des sanctions contre la République populaire démocratique de Corée (RPDC), le 28 mars dernier au Conseil de sécurité, a suscité l’indignation des États baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie), l’Union européenne (UE) dénonçant pour sa part « un vote visant à dissimuler des transferts d’armes illégaux entre la RPDC et la Russie ».  La suspension par la Russie de la mise en œuvre du traité New START, la révocation de sa ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), et sa rhétorique nucléaire irresponsable en lien avec sa guerre d’agression en Ukraine sont d’autres exemples flagrants de cette tendance inquiétante, s’est inquiétée la délégation.  La Fédération de Russie, dans deux motions d’ordre, a demandé à ces délégations de ne pas sortir des points à l’ordre du jour de cette session de la Commission, appelant à s’abstenir de toute discussion politisée. 

Les États-Unis ont affirmé par la suite avoir pris contact avec la Russie en vue de la création d’un nouveau cadre de désarmement en attendant la mise en œuvre du traité New START.  Mais la Russie refuse le dialogue, ont-ils regretté, dénonçant par ailleurs le caractère opaque de l’arsenal nucléaire chinois ainsi que l’escalade nucléaire de la République populaire démocratique de Corée et de l’Iran. 

L’Angola, qui s’exprimait au nom du Groupe des États d’Afrique, a fait valoir pour sa part sa profonde préoccupation quant au manque d’engagement des pays dotés de l’arme nucléaire dans la mise en œuvre de leurs obligations en matière de désarmement nucléaire et d’élimination de leurs arsenaux nucléaires, rappelant les responsabilités qui leur incombe en vertu du TNP.  Au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), la République démocratique populaire lao a exhorté à une adhésion universelle audit traité, tandis que le Groupe africain a appelé les États dotés à rendre compte de la mise en œuvre de leurs obligations lors de la prochaine conférence d’examen du TNP.

Par ailleurs, plusieurs délégations ont demandé la conclusion rapide d’un instrument universel, inconditionnel, non discriminatoire et juridiquement contraignant pour assurer efficacement tous les États non dotés d’armes nucléaires contre l’utilisation ou la menace d’utilisation d’armes nucléaires, en toutes circonstances. Cet appel est urgent, ont-elles dit, tout en soulignant que l’élimination totale des armes nucléaires reste la seule garantie absolue contre leur utilisation ou menace de leur utilisation. 

De nombreuses préoccupations ont également été soulevées au sujet des conséquences sécuritaires négatives de la mise en place de systèmes de défense de missiles stratégiques, ou de tout dispositif similaire qui pourrait déclencher une ou plusieurs courses aux armements dans l’espace.  Ces actions pourraient conduire au développement de systèmes de missiles avancés et à une augmentation du nombre d’armes nucléaires, ont constaté certains délégués. 

Des groupes régionaux ont en outre accueilli favorablement l’adoption du sujet du groupe de travail II qui attire l’attention sur les aspects éthiques, moraux, techniques et juridiques de l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le contexte de la sécurité internationale, y compris les systèmes d’armes connexes.  Cela souligne l’importance de l’intelligence artificielle dans les discussions sur la sécurité internationale et le désarmement, ont fait valoir les délégations concernées.  L’intelligence artificielle dans le domaine militaire est à la fois une opportunité et une menace qu’il faut encadrer de manière consensuelle.  Leur importation par les pays en développement ne doit pas faire l’objet de limitations, a plaidé l’Arabie saoudite. 

En début de séance, outre son Président, la Commission a élu par acclamation M. Mahmud Mohammed Lawal du Nigéria, M. Amr Essam de l’Égypte et Mme Viviana Sanabria du Paraguay à la vice-présidence de son bureau. 

La session de 2024 de la Commission du désarmement se déroulera du 1er au 19 avril 2024. 

DÉCLARATION D’OUVERTURE DE LA SESSION DE FOND DE 2024

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, a constaté que la Commission du désarmement reprend une fois de plus ses travaux dans un environnement géopolitique difficile, marqué par des tensions mondiales et une concurrence accrue en matière d’armes stratégiques, ainsi que par une déliquescence de la confiance entre les États dotés d’armes nucléaires.  Elle a alerté que le risque d’utilisation d’une arme nucléaire est plus élevé que jamais depuis le plus fort de la guerre froide, alors que l’architecture conçue pour empêcher son utilisation est de plus en plus précaire.

Il est essentiel de renforcer et de préserver l’architecture de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération pour sauvegarder l’humanité tout entière, a-t-elle souligné, exhortant les États à renouer avec le dialogue.  Elle a également jugé essentiel qu’en tant que détenteurs d’environ 90% du stock nucléaire mondial, les États-Unis et la Fédération de Russie reviennent à la pleine mise en œuvre du traité New START et entament un dialogue sur sa suite.  Les États dotés d’armes nucléaires doivent également convenir qu’aucun ne sera le premier à ouvrir la boîte de Pandore en étant le premier à utiliser ces armes.  Mme Nakamitsu a aussi appelé au renforcement du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à progresser dans la mise en œuvre des engagements existants en matière de désarmement.  Les États dotés d’armes nucléaires ont la responsabilité de montrer l’exemple, a-t-elle ajouté.

Préoccupée par les risques d’erreurs et d’erreurs de calcul, elle a recommandé à la Commission de se concentrer sur l’élaboration de mesures visant à empêcher tout recours à l’arme nucléaire, appelant en outre à parvenir à une compréhension commune des implications des technologies émergentes et de l’intersection entre les armes nucléaires, le cyberespace et l’espace extra-atmosphérique.  La Commission devrait également être un forum propice à un dialogue constructif entre les critiques et les partisans du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires et réfléchir à la manière d’accélérer les efforts en vue de l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.

De même, la Haute-Représentante a jugé urgent d’examiner les synergies complexes des technologies émergentes, telles que l’interaction de l’intelligence artificielle (IA) avec la biotechnologie, relevant que leurs convergences peuvent générer des opportunités et des défis pour la paix et la sécurité internationales.  Les progrès technologiques dépassent souvent la gouvernance et la réglementation internationales, ce qui pose des défis potentiels à la paix et à la sécurité internationales, y compris de graves conséquences pour la garantie du respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a-t-elle indiqué.  La Commission du désarmement peut jouer un rôle important à cet égard en examinant les éventuelles lacunes des discussions multilatérales en cours, s’agissant notamment de l’intelligence artificielle dans le domaine militaire et des véhicules aériens armés sans équipage.

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