Soixante-dix-neuvième session,
54e et 55e séances plénières – matin et après-midi
AG/SHC/4432

La Troisième Commission adopte 5 projets de résolution sur la situation des droits humains dans des pays précis dont 3 après des votes serrés

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La Troisième Commission, chargée des question sociales, humanitaires et culturelles a poursuivi aujourd’hui son examen des projets de résolution à soumettre à l’Assemblée générale.  Elle a adopté en tout cinq textes, portant sur la situation des droits humains en République arabe syrienne, République islamique d’Iran, République populaire démocratique de Corée (RPDC) et au Myanmar, ainsi que dans les territoires ukrainiens temporairement occupés, y compris la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol. 

Accusés par certaines délégations d’être des textes « politisés » et « mensongers », les projets sur les territoires ukrainiens, l’Iran et la Syrie ont été sujets à une demande de mise aux voix.  Beaucoup de délégations se sont par ailleurs dissociées du consensus sur les deux autres textes.

Donnant le ton d’une bonne partie de la séance, l’Ouganda, au nom du Mouvement des pays non alignés qui regroupe 120 des 193 États Membres de l’ONU, a rejeté l’adoption sélective de résolutions de pays au sein de la Troisième Commission et du Conseil des droits de l’homme.  Selon lui, cette pratique, non seulement violerait les principes d’universalité, d’impartialité, d’objectivité et de non-sélectivité dans le traitement des questions relatives aux droits humains, mais porterait aussi atteinte à la coopération en tant que principe essentiel pour promouvoir et protéger efficacement tous les droits de l’homme universellement reconnus. 

Les questions des droits humains doivent être abordées de manière constructive, non conflictuelle, non politisée et non sélective, a souligné la délégation, selon qui seul l’Examen périodique universel, mécanisme d’examen par les pairs, permet cette approche. 

Votes serrés pour l’Iran, la Syrie et les territoires ukrainiens temporairement occupés

Adopté par 77 voix pour, 28 contre et 66 abstentions le projet sur la situation des droits humains en République islamique d’Iran (A/C.3/79/L.41) fait état d’une « intensification alarmante » de l’application de la peine de mort dans ce pays et de la poursuite des exécutions de femmes, dont le nombre n’a jamais été aussi élevé depuis 2013. 

Ce texte actualisé pointe également l’application renforcée des lois et politiques qui imposent le port du voile, notamment à travers l’arrestation arbitraire, la détention et la persécution des femmes et des filles dont on estime, à juste titre ou non, qu’elles ne se conforment pas aux lois et aux politiques discriminatoires de l’État.

Autre motif de préoccupation: le harcèlement et l’intimidation dont font l’objet les victimes, les personnes rescapées et les membres de leur famille qui s’emploient à faire en sorte que les responsables de violations des droits humains répondent de leurs actes, notamment en ce qui concerne les violations perpétrées dans le contexte des manifestations de 2022.

La délégation iranienne, qui a demandé le vote, a dénoncé un texte « inique », « hypocrite » et « biaisé », rédigé « à partir d’une position d’arrogance » par le Canada, « qui s’est lui-même rendu coupable d’un génocide contre sa population autochtone ».  Le  deux poids, deux mesures ne semble pas avoir de limite, a dénoncé à son tour le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies.

Les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni qui ont voté en faveur du texte ont rétorqué qu’au vu de la situation « désastreuse » des droits humains, le « régime iranien » devrait cesser la persécution des femmes et des filles; l’oppression des minorités ethniques et religieuses; la détention arbitraire de journalistes, la répression contre des opposants politiques à l’étranger et le recours massif et persistant à la peine de mort.  Il devrait aussi garantir les libertés d’expression, d’opinion, de rassemblement et d’association.

Autre texte adopté avec un résultat encore plus serré, celui sur la « situation relative aux droits humains dans les territoires ukrainiens temporairement occupés, y compris la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol » (A/C.3/79/L.44) a été entériné avec 78 voix en sa faveur, autant d’abstentions (78) et 16 voix contre.

Présenté par l’Ukraine elle-même, ce projet condamne le fait que la Fédération de Russie n’a donné suite ni aux demandes répétées de l’Assemblée générale, ni aux ordonnances prises par la Cour internationale de Justice.  La Russie est également appelée à fournir des informations fiables sur les lieux de détention où se trouvent les Ukrainiens placés en détention, y compris les prisonniers de guerre; à libérer les détenus se trouvant dans un état de santé critique; à assurer des conditions de détention appropriées aux prisonniers de guerre ukrainiens, « y compris en mettant en place une commission médicale mixte »; et, enfin, à assurer l’échange complet des prisonniers de guerre.

La Fédération de Russie a vu dans ce texte, un « document politique mensonger », contenant des « accusations fallacieuses » sur les discriminations que subiraient les Tatars de Crimée, alors même que le « régime de Kiev » attaque les « républiques russes de Zaporojie, de Donetsk et de Lougansk » avec des armes déployées par les coauteurs de la résolution, tuant des milliers de civils. 

S’exprimant au nom de l’Union européenne, la Belgique, appuyée par les États-Unis et le Royaume-Uni, a dénoncé des « violations des droits humains bien documentées ».  Parmi les abstentionnistes, le Pérou a expliqué n’avoir pas pu voter pour car le texte ne demande pas à toutes les parties de respecter le droit international et le droit international des droits de l’homme. 

Dernier cas de division manifeste, l’examen de la situation relative aux droits humains en République arabe syrienne (A/C.3/79/L.45).  La version actualisée du texte, présenté par les États-Unis et adopté par 85 voix pour, 17 contre et 71 abstentions, demanderait au « régime syrien » de retirer la loi n°19 de 2024 et de mettre fin aux violations du droit aux libertés d’opinion et d’expression, en ligne et hors ligne et aux perturbations d’Internet telles que la fermeture des réseaux, le ralentissement de l’accès à Internet et la surveillance de masse des activités en ligne. 

L’Assemblée générale lui demanderait aussi de se conformer aux mesures conservatoires ordonnées par la Cour internationale de Justice pour empêcher des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants et d’assurer la préservation des éléments de preuve en rapport avec des allégations d’actes entrant dans le champ d’application de la Convention contre la torture. 

La Syrie a demandé la mise aux voix de ce texte « politisé », « élaboré de manière opaque » par un pays « qui n’est pas sincèrement intéressé par les droits humains », comme le prouve, a-t-elle dit, son appui complice à l’occupation israélienne des territoires palestiniens et à l’agression israélienne contre la Syrie et le Liban.  Le Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies et le Nicaragua ont exprimé des positions similaires, de même que la Russie et Cuba qui a dénoncé un « exercice sélectif et punitif » contre un pays en développement. 

Abstentionniste, le Brésil a émis le souhait de voir les prochaines moutures être plus impartiales et plus objectives, rappelant à cet égard que nombre d’acteurs sont responsables des violations des droits humains en Syrie.

Parmi les pays ayant voté en faveur du texte, Israël s’est réjoui que, comme chaque année, cette résolution rappelle que les activités des groupes alliés à l’Iran ont des effets délétères sur la situation des droits humains dans la région.  Le Pérou s’est dissocié du paragraphe 15 du dispositif, qui contient selon lui un jugement de valeur sur l’utilisation du veto par un membre permanent du Conseil de sécurité.  Il faut se concentrer sur des solutions structurelles et s’abstenir de politiser les questions humanitaires, a-t-il souligné. 

Consensus autour du Myanmar et de la République populaire démocratique de Corée

Passés ces trois scrutins, la Commission s’est aussi déchirée, mais sans vote cette fois, au sujet la situation relative aux droits humains en République populaire démocratique de Corée (A/C.3/79/L.34).  La dernière version de cette résolution a vu de nombreuses délégations se dissocier du consensus, y voyant un objet de « propagande » occidental. 

En toute logique, le pays concerné a rejeté « fermement et catégoriquement » ce texte basé selon lui, sur des éléments « mensongers » et qui ne vise pas la promotion et protection des droits humains, mais à bafouer la réputation de la RPDC et de son système politique et social. 

La Fédération de Russie, Cuba, l’Iran, le Venezuela, le Nicaragua ou encore l’Érythrée, ont vu dans ce texte un « narratif occidental » et une tentative d’immixtion dans les affaires intérieures de la RPDC.  La politique de crucifixion à coup de mesures coercitives unilatérales, de provocation et de haine n’a mené nulle part et ne sert pas les droits de l’homme, a jugé le Bélarus. 

Pour la République de Corée au contraire, la communauté internationale, par ce consensus, a fait preuve de son « unité ».  Il ne tient plus qu’à la RPDC d’entendre l’appel de la communauté internationale, en particulier en ce qui concerne la question des réunifications des familles.

Par ce texte, l’Assemblée générale se déclarerait très préoccupée par l’existence d’un vaste système pénitentiaire, ainsi que par les représailles exercées contre les citoyens de la RPDC qui ont été rapatriés, notamment les avortements forcés imposés aux femmes rapatriées et les infanticides commis sur leurs enfants. À cet égard, les États Membres sont appelés à prendre des mesures pour lutter contre les actes de répression transnationale de la RPDC. 

Le projet évoque également des « restrictions généralisées et draconiennes », dont un monopole absolu sur l’information et un contrôle total de la vie sociale organisée, durcies encore par les lois nouvellement promulguées sur le rejet de la pensée et de la culture réactionnaires; la garantie d’éducation des jeunes; et la protection de la langue culturelle de Pyongyang. 

Le consensus a également prévalu en ce qui concerne la situation relative aux droits humains des musulmans rohingya et des autres minorités au Myanmar (A/C.3/79/L.46 Rev.1).

En vertu dudit texte, l’Assemblée générale engagerait le Myanmar ou l’armée du Myanmar, s’il y a lieu, d’autoriser la conduite de visites volontaires de reconnaissance effectuées dans l’État rakhine par des représentants des Rohingya; à cesser de bloquer l’accès à Internet et aux services de télécommunication dans toutes les régions du pays, y compris dans l’État rakhine; et à renouer le dialogue avec l’ONU pour que puisse être pleinement appliqué le plan d’action conjoint de 2012 sur le recrutement et l’utilisation d’enfants. 

Dénonçant « un texte qui ne reflète pas la situation actuelle », le représentant du Myanmar a regretté n’avoir eu que très peu de marge de manœuvre lors du processus de négociation.  Il aussi regretté que le texte n’inclue pas de libellés plus robustes sur la fin du transfert d’armes et de carburant vers la junte militaire.  L’Union européenne, par la voix de la Hongrie, a regretté que le texte ne reprenne pas les formulations adoptées par consensus dans la résolution 55/20 du Conseil des droits de l’homme, notamment sur les flux d’armes et le transfert de technologies destinées aux militaires, leur permettant de commettre plus de violations des droits humains fondamentaux. Le Liechtenstein a exprimé une position similaire. 

La Chine, la Russie et le Bélarus se sont dissociés du consensus.

Le Bangladesh a indiqué pour sa part qu’il avait récemment reçu 45 000 nouvelles arrivées de réfugiés rohingya sur son territoire, appelant à un financement adéquat de l’aide humanitaire.  Il a également déploré l’absence de progrès vers l’élimination des causes profondes de cette crise, affirmant que pas un seul réfugié rohingya n’est rentré au Myanmar.

En fin de séance, le Liban, Israël, la République islamique d’Iran et la République arabe syrienne ont exercé leur droit de réponse. 

Le Troisième Commission se réunira demain, jeudi 21 novembre, à partir de 10 heures, pour se prononcer sur les derniers textes soumis à son examen.

 

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