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Le Comité pour les droits des Palestiniens commémore la « Nakba continuelle », qui s’étend de 1948 à 2024 selon les intervenants

Le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien s’est réuni ce matin pour observer la Journée de la Nakba, qui commémore chaque 15 mai la « catastrophe » de 1948, à savoir l’exode forcé de leurs terres des populations palestiniennes.  C’est la deuxième année consécutive que le Comité organise une séance à cette occasion, celle d’aujourd’hui s’inscrivant dans un contexte marqué par les atrocités commises par le Hamas et d’autres groupes militants le 7 octobre en Israël et la réponse « disproportionnée et aveugle » de Tel-Aviv, a resitué le Président du Comité.  D’où l’intitulé de Nakba « continuelle », car celle de 1948 et celle qui se déroule en ce moment même à Gaza ne peuvent être séparées, selon M. Cheikh Niang.

« Les violations des normes du droit international par un groupe n’excusent pas celles commises par un autre », a-t-il résumé, considérant que les événements des sept derniers mois au Moyen-Orient sont sans précédent dans l’histoire récente.  Près de 40 000 Gazaouites ont été tués et près de 80 000 blessés dans les attaques et les bombardements constants des forces israéliennes, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, et 70% des bâtiments détruits.

Parallèlement, les attaques israéliennes contre les Palestiniens en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est par les forces de sécurité israéliennes et les colons illégaux armés qu’elles protègent se sont multipliées.  Des Palestiniens sont passés à tabac et tués en toute impunité alors que se multiplient les expropriations et que le nombre de prisonniers palestiniens -souvent détenus sans inculpation pendant de longues périodes- augmente.  « C’est une sombre période pour la justice internationale et pour l’ordre international », a déploré le Président, en fustigeant la paralysie du Conseil de sécurité et la division des États Membres sur fond de régionalisation du conflit. 

Lui emboîtant le pas, l’Observateur permanent de l’État de Palestine a affirmé que la Nakba n’est pas un événement historique, mais « la terrible réalité ».   M. Riyad Mansour a accusé Israël de ne plus dissimuler ses desseins aux Palestiniens, qui n’ont d’autre choix que de se soumettre ou de fuir, tout en rappelant que « le peuple palestinien est là pour rester » et ne mourra jamais.  La liberté doit prévaloir et la paix être possible, a exigé l’observateur, en demandant la fin des attaques contre Gaza.  Il a rendu hommage au courage des étudiants dans les universités américaines et à leur position de principe, en constatant avec espoir que la Palestine est devenue un « symbole pour tous les pays et personnes épris de paix ». 

Après une lecture de la poétesse palestino-américaine Zeina Azzam, le Comité est passé à une table ronde.  Le calvaire interminable enduré par les Palestiniens depuis 75 ans est une « cicatrice sur la conscience des Nations Unies », a décrit M. Ardi Imseis, professeur adjoint et Directeur académique à l’Université Queen’s d’Ottawa.  Pour lui, aucun doute: le colonialisme israélien a toujours impliqué une logique d’élimination visant à remplacer les populations autochtones et « la Nakba est une structure, et non un simple événement ».  Une structure actuellement « déchaînée », s’est indigné M. Imseis, en pointant la responsabilité des États occidentaux qui se perdent en justifications « orwelliennes », lesquelles prennent racine dans le refus de longue date au peuple palestinien d’être acteur de son propre destin.  Le plan de partition de l’Assemblée générale, « illégal » au regard du droit international, est à l’origine de toutes ces souffrances, en exprimant un mépris absolu du droit à l’autodétermination des peuples: il accordait à l’État hébreu 50% des terres palestiniennes -dont les plus fertiles- alors que les colons juifs ne représentaient qu’un tiers de la population du pays à l’époque.  Dès lors, le plan de partition de l’ONU est apparu à M. Imseis comme une anomalie évidente en faisant l’impasse sur l’aval des Palestiniens.  Pour l’ONU, « dominée par l’Ouest à l’époque », leurs voix ne comptaient pas, a affirmé M. Imseis, et leurs revendications étaient accueillies par un « mépris raciste ». 

Alors qu’aujourd’hui, Israël se vante de mener à Gaza une nouvelle Nakba, la Cour internationale de Justice (CIJ) a tiré la sonnette d’alarme devant une situation où tous les indicateurs génocidaires sont au rouge, ce dont s’est également félicitée Mme Karameh Kuemmerle, cofondatrice de Docteurs contre le génocide et professeure à l’Université de Harvard.  Une décision dont n’a hélas que faire Israël, a constaté M. Imseis, pour lequel l’ONU doit maintenant appliquer sa Charte « sans peur ni partialité ». À Gaza, les médecins de Docteurs contre le génocide essaient de soigner les blessures physiques autant que morales, a déclaré Mme Kuemmerle, en soulignant que la santé, c’est aussi la justice, tout comme l’accès à l’eau et à l’éducation.  Décrivant le génocide comme une campagne délibérée d’infliction de souffrances et d’atrocités, Mme Kuemmerle a proposé le déploiement d’une force d’interposition de paix, en promettant l’appui de la communauté médicale. 

Comment peut-on parler de commémoration de la Nakba alors qu’elle se déroule toujours sous nos yeux, s’est exclamée Mme Phyllis Bennis, Directrice du New Internationalism Project, de l’Institute for Policy Studies à Washington. Pour elle, la Nakba a été rendue possible grâce à l’impérialisme et aux intérêts occidentaux.  Elle a notamment accusé les États-Unis d’en avoir été le principal agent, y compris du génocide en cours à Gaza, puisqu’ils financent et arment Israël tout en lui assurant une impunité totale au regard du droit international.  Elle a toutefois vu une lueur d’espoir dans la mobilisation mondiale face à la cruauté d’Israël pour exiger un cessez-le-feu durable.  Aussi a-t-elle exhorté les États Membres à se ranger du bon côté de l’histoire. 

Lors des échanges qui ont suivi les interventions de ces trois experts, plusieurs délégations, dont le Pakistan, ont appelé à l’établissement d’un État palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.  La Chine a promis qu’en tant que membre permanent du Conseil de sécurité, elle s’engagerait à œuvrer à mettre un terme à la Nakba. La Ligue des États arabes a appelé à prévenir une nouvelle Nakba, saluant la résolution de l’Assemblée générale ayant octroyé de nouveaux droits à la Palestine.  Elle a plaidé pour la tenue d’une conférence internationale dans les meilleurs délais afin de discuter des perspectives de paix au Moyen-Orient. Sans la ville de Rafah, il ne serait pas possible de reconstruire une vie palestinienne, a souligné l’Afrique du Sud, qui a également appelé tous les États à se joindre à l’action engagée par Pretoria devant la CIJ.

Une organisation religieuse a demandé si le Comité des Palestiniens ne pourrait pas appeler l’Assemblée générale à prendre des sanctions bancaires contre Israël.  Un rabbin, qui a dit partager la souffrance des Israéliens comme des Palestiniens, a expliqué que le peuple juif, qui a quitté Israël il y a 2 000 ans, ne devrait pas s’y établir à nouveau en chassant d’autres peuples ou en volant les terres des Palestiniens ayant vécu en harmonie avec les Juifs pendant des siècles. Les Juifs de la diaspora ne partagent pas la politique d’occupation du Gouvernement nationaliste d’Israël, a soutenu ce rabbin. Une activiste propalestinienne, et fille d’un Palestinien chassé en 1948 pendant la Nakba, a souhaité que l’opinion publique internationale ou alors les Palestiniens de la diaspora définissent ce que serait l’avenir de Gaza, et non Israël. 

Selon un médecin palestinien, des archives israéliennes déclassifiées laissent entrevoir que la Nakba était en préparation 10 ans avant 1948.   Il a estimé que ce premier génocide palestinien n’a jamais été appréhendé comme tel par la communauté internationale, appelant par conséquent l’ONU à créer une commission d’enquête pour se saisir de cette question.

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