Journée de clôture historique à la Sixième Commission avec l’adoption d’un projet de résolution pour l’élaboration d’une convention sur les crimes contre l’humanité
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Au terme de sa soixante-dix-neuvième session, et à l’issue de 39 séances plénières, la Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a adopté aujourd’hui -sans vote, conformément à la pratique du consensus qui a résisté en son sein – 15 projets de résolution et un projet de décision qui seront transmis à l’Assemblée générale. Elle était présidée par M. Rui Vinhas, Représentant permanent du Portugal.
Le texte le plus controversé, puisque son examen a justifié plusieurs suspensions informelles de séance et qu’il a été révisé oralement, porte sur la convocation d’une « Conférence de plénipotentiaires des Nations Unies sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité », sur la base du projet d’articles adopté en 2019 par la Commission du droit international.
Par ce projet de résolution (A/79/740), l’Assemblée générale déciderait que la Conférence de plénipotentiaires se réunirait au Siège de l’ONU à New York pendant trois semaines consécutives début 2028 et pendant trois semaines consécutives début 2029, en vue d’élaborer et de conclure un instrument juridiquement contraignant sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. « Ne perdons pas de vue l’importance de cette décision historique », a dit le délégué de la Gambie en introduisant ce texte âprement débattu qui a finalement été adopté sans mise aux voix, et sous les applaudissements, en fin d’après-midi. Son homologue du Mexique a lu les révisions, notamment le report d’un an des dates initialement prévues et la suppression de la référence à la participation de la société civile.
C’est la Fédération de Russie qui a demandé « plus de temps » ce matin pour « parvenir à une solution acceptable pour tous » sur ledit projet. La déléguée russe a contesté la méthode employée, notamment l’instauration de « lignes rouges incessantes », et déploré que certains acteurs aient voulu tirer des dividendes politiques de cette question, entravant la recherche d’un « vrai consensus ». Nous avons néanmoins négocié jusqu’au dernier moment pour qu’il n’y ait pas de vote, a-t-elle assuré. Tout en retirant l’amendement qu’elle avait préparé avec la République populaire démocratique de Corée et le Nicaragua, elle a indiqué que son pays se « distançait » du consensus final.
Autre moment historique, selon l’expression de la Colombie qui s’exprimait au nom de plusieurs pays, l’adoption sans mise aux voix d’un projet de résolution relatif à la protection des personnes en cas de catastrophe présenté par la Jamaïque. Avec ce texte, l’Assemblée proposerait d’élaborer et de conclure un instrument juridiquement contraignant sur cette question, « au plus tard à la fin de 2027 ». « C’est un engagement que nous prenons pour combler une lacune juridique et protéger les plus vulnérables », a dit la Colombie, appuyée par El Salvador, alors que les catastrophes climatiques sont de plus en plus fréquentes et intenses.
La déception était en revanche palpable dans la voix de la déléguée de la Suède, qui a présenté le projet sur l’état des Protocoles additionnels aux Conventions de Genève de 1949 relatifs à la protection des victimes des conflits armés, par lequel l’Assemblée engagerait les États Membres à participer activement aux travaux de la trente-cinquième Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui se tiendra à Genève en 2028. « Deux délégations ont brisé la procédure d’approbation tacite », a regretté la déléguée suédoise. « Ce texte n’est malheureusement qu’une mise à jour technique et ce n’est pas ce nous souhaitions, mais nous voulions préserver la tradition du consensus. »
Si le projet a été adopté sans mise aux voix, les délégations n’ont pas ménagé leurs critiques, à l’instar de la Russie qui s’est dissociée des deux paragraphes du préambule faisant référence à la Cour pénale internationale (CPI). « Cette pseudo-Cour n’a aucun lien avec la lutte contre l’impunité et lesdits Protocoles », a déclaré la Russie. Le Burundi s’en est également dissocié puisqu’il a quitté le Statut de Rome en 2017. La Suisse a regretté la demande de suppression par une délégation d’un libellé relatif à la CPI préalablement agréé, tandis qu’Andorre a regretté ne pas avoir pu se porter co-auteur de ce texte.
Israël s’est aussi dissocié du libellé sur la CPI, laquelle est un « outil politique, comme l’a montré la décision scandaleuse d’hier de viser les dirigeants d’un pays qui ne cherche qu’à se défendre ». Selon le délégué israélien, la Cour a perdu toute légitimité. En revanche, l’État de Palestine, au nom d’un groupe de pays, a dénoncé l’engagement d’Israël, non pas à respecter le droit international humanitaire, mais à le violer dans la poursuite de ses objectifs militaires.
Maurice a présenté le projet de résolution intitulé « Portée et application du principe de compétence universelle » par lequel l’Assemblée déciderait de créer, à sa quatre-vingt-unième session, un groupe de travail de la Sixième Commission pour poursuivre l’examen approfondi de cette question.
La République tchèque, au nom d’un groupe d’États, a déploré l’impasse des débats sur cette question. « Se contenter de répéter les points de vue sans discussion de fond n’est pas productif. » Elle a rappelé que ce groupe d’États était prêt au compromis. Malheureusement des délégations n’ont pas fait de concessions, a-t-elle noté, en rappelant que le consensus n’est pas un droit de veto.
Le Pakistan a présenté le projet de résolution sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies. L’Assemblée prierait le Secrétaire général de continuer de veiller à ce que sa politique de tolérance zéro à l’égard des comportements criminels tels que l’exploitation et les atteintes sexuelles, la fraude et la corruption soit connue de tous les fonctionnaires et experts de l’ONU. L’Argentine est intervenue pour préciser que le mot genre doit être entendu au sens du Statut de Rome, à savoir que « genre veut dire homme et femme ».
S’agissant des travaux de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Sixième Commission a commencé par entériner le traditionnel projet de résolution sur le rapport de la CNUDCI, introduit par l’Autriche. Cette année, l’Assemblée générale féliciterait la CNUDCI d’avoir finalisé et adopté: la Loi type CNUDCI-UNIDROIT sur les récépissés d’entrepôt; les Clauses types sur le règlement express spécialisé des différends; et la Loi type sur les contrats automatisés. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 contient des obligations qui sont juridiquement non contraignantes, a rappelé l’Argentine.
Dans deux textes séparés, présentés par l’Autriche et par le Viet Nam, l’Assemblée remercierait spécifiquement la CNUDCI d’avoir établi et adopté, en étroite collaboration avec l’Institut international pour l’unification du droit privé (UNIDROIT), la Loi type sur les récépissés d’entrepôt UNIDROIT–CNUDCI; et d’avoir achevé et adopté la Loi type sur les contrats automatisés.
Le Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international a fait lui aussi l’objet d’un projet de résolution, présenté par le Ghana. Le Secrétaire général serait prié de continuer à prévoir, dans le projet de budget-programme pour 2026, des ressources pour le Programme de bourses de perfectionnement en droit international, les cours régionaux de droit international pour l’Afrique, pour l’Asie et le Pacifique et pour l’Amérique latine et les Caraïbes, et le maintien et l’enrichissement de la Médiathèque de droit international des Nations Unies.
La Sixième Commission a ensuite adopté le projet de résolution consacré au rapport de la Commission du droit international (CDI) sur les travaux de de sa soixante-quinzième session, présenté par la Colombie. Par ce texte, l’Assemblée générale rappellerait aux États de faire parvenir à la CDI leurs observations sur les divers aspects des sujets inscrits à l’ordre du jour de celle-ci, en ce qui concerne notamment l’élévation du niveau de la mer au regard du droit international et les accords internationaux juridiquement non contraignants; et leurs commentaires et observations sur le projet de conclusions sur les principes généraux du droit, ainsi que tous commentaires et observations complémentaires sur l’immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État.
La CDI tiendrait sa prochaine session à l’Office des Nations Unies à Genève du 14 avril au 30 mai 2025 et du 30 juin au 31 juillet 2025, et l’Assemblée soulignerait qu’il importe que cette session puisse durer douze semaines. Elle recommanderait en outre que, à sa quatre-vingtième session, l’examen du rapport de la CDI commence le 27 octobre 2025. El Salvador a rappelé que ce texte appelle à un plus grand nombre de candidates femmes pour rejoindre la CDI.
Avec son texte sur l’examen de mesures propres à renforcer la protection et la sécurité des missions et des représentants diplomatiques et consulaires, présenté par la Finlande, l’Assemblée prierait instamment les États d’observer, d’appliquer et de faire respecter strictement, y compris en période de conflit armé, tous les principes et règles du droit international régissant les relations diplomatiques et consulaires, notamment ceux qui concernent l’inviolabilité.
Par le projet relatif au rapport du Comité spécial de la Charte des Nations Unies et du raffermissement du rôle de l’Organisation, présenté par l’Égypte, l’Assemblée déciderait que le Comité spécial tiendrait sa prochaine session du 18 au 26 février 2025. Elle inviterait le Comité spécial à continuer de recenser, à la session de 2025, les sujets nouveaux dont il pourrait entreprendre l’étude pour concourir à la revitalisation des travaux de l’Organisation.
Le Mexique a présenté le projet de résolution relatif à l’état de droit dans l’ordre interne et international, par lequel l’Assemblée, « prenant note de sa résolution 79/1 du 22 septembre 2024 par laquelle elle a adopté le Pacte pour l’avenir, qui réaffirme qu’il est impératif de faire respecter et promouvoir l’état de droit, conformément aux principes consacrés par la Charte des Nations Unies », rappellerait l’importance de la Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États. La République arabe syrienne s’est dissociée du paragraphe du dispositif qui renvoie au rapport du Secrétaire général sur la question et, en particulier, au Mécanisme international, impartial et indépendant. Quant à l’Argentine, elle s’est dissociée du paragraphe du préambule qui fait référence au Pacte pour l’avenir.
La Commission a repris pour l’essentiel les dispositions de ses projets de résolution précédents concernant les mesures visant à éliminer le terrorisme international, et le rapport du Comité des relations avec le pays hôte, présentés respectivement par le Canada et par Chypre.
Elle a par ailleurs décidé de recommander à l’Assemblée de renvoyer à sa prochaine session la question de l’octroi du statut d’observateur à l’Initiative régionale contre la corruption. La Roumanie a souligné que la Russie s’est opposée à cette demande lors de la présente session pour « des raisons politiques ».
La Hongrie a introduit un projet de lettre que le Président de la Sixième Commission adressera au Président de l’Assemblée générale et dont l’objectif est d’attirer l’attention sur certaines questions spécifiques liées aux aspects juridiques des rapports examinés par la Sixième Commission sur l’administration de la justice à l’ONU.
Enfin, la Commission a adopté un projet de décision contenant son programme de travail provisoire pour la quatre-vingtième session, qui se déroulera du 6 octobre au 21 novembre 2025.
La Sixième Commission se réunira à nouveau au cours de la présente session de l’Assemblée générale, courant 2025, pour élire le Bureau de la quatre-vingtième session. Le prochain Président sera issu du Groupe des États d’Asie et du Pacifique.
Après l’adoption du texte consacré aux crimes contre l’humanité, les délégations ont réitéré leur attachement à la tradition du consensus. C’est un « véritable tremplin » vers l’adoption d’une convention, un « jalon » dans le travail de la Commission, un « moment historique » pour la prévention des crimes contre l’humanité, ont salué la Sierra Leone, la Jordanie et le Royaume-Uni. Ce projet de résolution a « un poids moral, diplomatique et juridique » qui sera historique pour les générations à venir, a estimé la déléguée palestinienne, se félicitant, « le cœur lourd », de son adoption.
Néanmoins, le délégué tchèque a regretté d’avoir dû faire des concessions « immenses » pour préserver la tradition du consensus, jugeant cela « indigne » de la Sixième Commission. « Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous étions otages », a-t-il déploré, reprochant à la Russie d’avoir fait preuve de « mauvaise foi » pendant les négociations. Se disant honoré d’avoir pu mener ce projet à bien, le Mexique a espéré des négociations « plus transparentes et inclusives » lors de l’élaboration de la convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.
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