La Sixième Commission clôt son débat sur le rapport annuel de la Commission du droit international en proposant des améliorations à son travail
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La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a terminé, aujourd’hui, son examen du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI), entamé le 21 octobre, avec la conclusion du débat sur le troisième groupe de chapitres du rapport: chapitre VI (Prévention et répression de la piraterie et du vol à main armée en mer), VIII (Les accords internationaux juridiquement non contraignants) et IX (Succession d’États en matière de responsabilité de l’État).
En début de matinée, la Commission a adopté sans vote un projet de résolution concernant l’octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à l’Organisation internationale du café, présenté par le Brésil.
Les délégations ont centré leurs remarques sur la prévention et la répression de la piraterie et du vol à main armée en mer et sur les accords internationaux juridiquement non contraignants en proposant plusieurs pistes d’améliorations en vue de parvenir à une plus grande sécurité juridique.
Les délégations se sont tout d’abord félicité que la CDI se soit emparée des accords internationaux juridiquement non contraignants avec la rédaction d’un premier rapport. « Ce sujet est d’une grande importance pour les États tant nous constatons, dans notre pratique quotidienne, un développement de différents instruments dont la portée juridique n’est pas aisée à cerner », a en effet déclaré la France, à l’unisson des autres délégations.
La valeur de ces accords réside dans leur efficacité et leur capacité à répondre rapidement à des questions émergentes, comme le montrent les différents cadres régionaux et internationaux qui les incorporent, a expliqué la Sierra Leone. « Un exemple est l’Accord de Paris de 2015 qui, juridiquement contraignant par certains aspects, prévoit des engagements qui ne le sont pas mais sont cruciaux pour promouvoir une réponse globale à la crise climatique. »
Les délégations ont été très nombreuses à rejeter le terme retenu « accord », source de confusion pour la Tchéquie. Les États-Unis ont indiqué que les États usent généralement de ce terme « accord » pour manifester leur intention d’établir des droits et obligations juridiquement contraignants. « Retenir ce terme porte donc préjudice à la capacité des États de distinguer entre ce qui est contraignant et ce qui ne l’est pas », ont raisonné les États-Unis, en y voyant une source d’insécurité juridique.
Ce terme laisse en outre à penser qu’il y aurait parmi toutes les « communications juridiquement non contraignantes entre États » une catégorie spécifique d’accords, a poursuivi ce pays. « Or, selon la pratique des États, une telle distinction n’est pas claire. » Il n’existe pas de critères reconnus en application desquels des « instruments ou échanges non juridiquement contraignants » seraient érigés en accord, ont tranché les États-Unis au bout de leur démonstration, en souhaitant que le terme « arrangement » ou « instrument » remplace celui d’« accord ».
L’Inde a invité la CDI à faire une distinction entre ces trois termes, utilisés « de manière interchangeable » par les États, tandis que la Suisse a fait part de sa préférence pour le terme « instrument international juridiquement non contraignant ». La France a noté que le terme « instrument » présente l’avantage de mettre l’accent sur le fait que l’on se situe dans un registre distinct des traités ou accords internationaux. Le terme « instrument » est suffisamment large pour englober les différents objets juridiques concernés par les travaux de la Commission.
De son côté, la Tchéquie a noté que le Comité des conseillers juridiques sur le droit international public du Conseil de l’Europe a choisi de remplacer « accord » par « instrument. » La Türkiye, la Thaïlande ou encore l’Inde ont également rejeté ce terme, tandis que le Chili a estimé qu’il devrait être réservé aux instruments contraignants. En revanche, la République de Corée a souhaité conserver le terme « accord » car « instrument » couvre davantage de types de traités et accords.
La Micronésie a attiré l’attention de la Commission sur les déclarations récentes du Forum des îles du Pacifique et de l’Alliance des petits États insulaires (AOSIS) sur l’élévation du niveau de la mer, la condition étatique et la protection des personnes. En tant que groupes d’États, a-t-il relevé, le Forum et l’Alliance ont adopté des déclarations qui, bien qu’elles ne soient pas des traités, expriment néanmoins des accords de chaque groupe pour s’engager à adopter des approches particulières pour résoudre les questions de droit international liées à l’élévation du niveau de la mer.
Le format final du travail de la CDI a également été abondamment commenté. Si l’Australie et le Chili ont souhaité l’élaboration d’un projet de directives, la Suisse s’est exprimée en faveur d’un projet de conclusions, « afin d’éviter tout caractère prescriptif, qui limiterait la liberté des États et freinerait indûment l’usage de ces instruments devenus indispensables ».
« Des directives sur ce sujet pourraient créer des difficultés pour les États », a renchéri le Japon. La Sierra Leone, la Thaïlande et le Royaume-Uni se sont également dits en faveur d’un projet de conclusions. La Suisse, comme d’autres pays, a par ailleurs indiqué qu’elle répondrait à l’appel formulé par la Commission en vue de recevoir des États, le 31 décembre 2024 au plus tard, toutes informations relatives à leur pratique dans ce domaine.
Deux éléments majeurs ont été au cœur de la discussion sur le travail de la CDI sur la prévention de la piraterie et du vol à main armée en mer. Les délégations, à l’instar de celles de l’Indonésie et des Pays-Bas, ont été nombreuses à demander une distinction plus rigoureuse entre « piraterie » et « vol à main armée en mer ». L’Australie a rappelé que la piraterie est comprise, aux termes de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, comme se déroulant en haute mer tandis que le vol à main armée en mer a lieu dans les eaux relevant de la juridiction d’un État.
Si la piraterie relève de la compétence universelle, ce n’est pas le cas de ce vol qui est de la compétence de l’État concerné, ont expliqué les États-Unis, en ajoutant que le vol à main armée en mer ne présente pas tous les éléments constitutifs de la piraterie. « L’obligation de coopérer pour réprimer la piraterie prévue à l’article 100 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est différente de la coopération pour le vol, laquelle n’est pas exigée. » La coopération avec d’autres États se définit alors au cas par cas, a expliqué la République islamique d’Iran.
Pour rappel, cet article 100, qui a été au cœur des discussions, prévoit que « tous les États coopèrent dans toute la mesure du possible à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État ». À cette aune, l’Indonésie et le Royaume-Uni ont souhaité des articles ou sections distincts pour la piraterie et le vol à main armée. Le Royaume-Uni a appelé à combattre « toute présomption qui voudrait que les principes juridiques régissant la lutte contre la piraterie s’appliquent au vol à main armée ».
Les délégations ont été nombreuses à demander que les dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer soient le point de départ de l’analyse du sujet. Le travail de codification sur ce sujet passe nécessairement par la consolidation des normes déjà existantes, a déclaré la France, appuyée par l’Inde. Pour ce pays, si le travail de la CDI est utile, il ne doit pas fragiliser le cadre juridique existant, à savoir ladite Convention. Les produits de la CDI ne doivent en aucun cas contredire cette Convention, a déclaré la Fédération de Russie.
Même son de cloche du côté de l’Indonésie qui a souligné la nécessité que les résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, même si elles peuvent refléter la pratique des États, ne fragilisent pas les normes existantes. Dans ce droit fil, la France a invité la CDI à examiner avec attention la question de l’articulation entre les résolutions du Conseil adoptées sur le fondement du Chapitre VII de la Charte et cette Convention, afin de ne fragiliser ni les unes ni l’autre.
« Il faut se garder d’interpréter les résolutions du Conseil comme emportant des dérogations aux normes établies dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer », a déclaré le délégué français. Il a dit attendre le prochain rapport sur le sujet pour décider du format final de ce travail, tandis que l’Iran a jugé prématuré de rédiger des directives sur ce sujet. La Colombie s’est au contraire prononcée en faveur de telles directives.
Une note dissonante est venue de la Türkiye qui a invité la CDI à examiner d’autres instruments au-delà de la Convention, qui n’est pas le seul cadre juridique à réguler les activités liées aux mers et aux océans. « Nous ne sommes pas d’accord avec la position selon laquelle cette Convention présente un caractère universel et unifié », a déclaré cette délégation, en renvoyant à la position « bien connue » de son pays sur ce sujet. L’Érythrée, quant à elle, a indiqué que ladite Convention reflète le droit coutumier international et doit être respectée par les États qui n’en sont pas parties.
La Sixième Commission reprendra ses travaux vendredi 1er novembre, à 10 heures, avec l’examen du Programme d’assistance des Nations Unies aux fins de l’enseignement, de l’étude, de la diffusion et d’une compréhension plus large du droit international.
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