En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
25e & 26e séances plénières – matin & après-midi
AG/J/3730

Sixième Commission: le Président de la CIJ détaille la protection de l’individu dans sa jurisprudence et demande des ressources supplémentaires

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

Le Président de la Cour internationale de Justice (CIJ), M. Nawaz Salam, a, ce matin, devant la Sixième Commission chargée des questions juridiques, détaillé la place toujours croissante de la personne humaine dans la jurisprudence de la Cour, avant de demander, comme il l’avait fait hier devant l’Assemblée générale, une augmentation des ressources mises à sa disposition pour 2025, d’un montant de 1,1 million de dollars supplémentaires. « Nous avons besoin de vous », a-t-il lancé aux délégations.

La Sixième Commission a également terminé ses discussions sur un premier groupe de chapitres du rapport annuel de la Commission du droit international (CDI): chapitres introductifs I à III, Chapitre VII (Immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l’État), Chapitre X (L’élévation du niveau de la mer au regard du droit international) et Chapitre XI (Autres décisions et conclusions de la Commission). 

Elle a ensuite entamé son débat sur un second groupe de chapitres dudit rapport: Chapitre IV (Règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties) et Chapitre V (Moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international).

« Si une personne ne peut ester devant la Cour de façon autonome comme elle peut le faire devant une juridiction internationale des droits de l’homme, il n’en reste pas moins que les droits qu’elle tient du droit international peuvent être protégés par la Cour », a rappelé le Président, à l’entame de son exposé sur la place de l’individu dans la jurisprudence de la CIJ.  Le Président a évoqué la façon dont les droits de l’homme peuvent être préservés, en particulier, par l’indication de mesures conservatoires.

En plus d’une hausse du nombre d’affaires portées devant la Cour sur le fondement de traités relatifs aux droits de l’homme dans le contexte de conflits armés, il a noté une augmentation inédite du nombre de demandes en indication de mesures conservatoires.  « C’est le signe que les États n’hésitent pas à se tourner vers la Cour, même en temps de guerre. »  La Cour a par ailleurs réaffirmé que la protection offerte par les conventions régissant les droits de l’homme ne cesse pas en temps de conflit armé. 

Rappelant que les mesures conservatoires visent à préserver les droits revendiqués par un État en attendant que la Cour statue sur le fond de l’affaire, M. Salam a précisé que la Cour n’exerce le pouvoir d’indiquer de telles mesures que s’il y a urgence, c’est-à-dire le risque d’un préjudice irréparable.  Pour déterminer le risque qu’un préjudice irréparable soit porté aux droits d’un État en cause dans une instance introduite sur le fondement d’un traité relatif aux droits de l’homme, la Cour examine s’il est possible qu’un tel préjudice soit causé aux droits protégés des personnes concernées, a poursuivi le Président.

La Cour a notamment dit que les personnes soumises à des traitements inhumains ou dégradants ou à la torture pourraient être exposées à un risque grave de préjudice irréparable, a déclaré le Président.  La détresse psychologique, comme les sévices, peuvent causer un tel préjudice.  Le Président a évoqué l’affaire relative à l’application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide dans la bande de Gaza et les mesures conservatoires décidées par la Cour.

Dans sa première ordonnance, en date du 26 janvier 2024, elle a indiqué qu’Israël doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte entrant dans le champ d’application de l’article II de ladite Convention. Ces ordonnances en indication de mesures conservatoires montrent que la personne humaine peut être au centre de la protection offerte par la Cour, a déclaré le Président.  La personne prend également une place accrue dans les arrêts de la Cour, pas seulement dans ses mesures conservatoires. 

Enfin, le Président a abordé la question de la réparation des dommages causés aux personnes.  Dans son avis du 19 juillet 2024, sur les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, la Cour a estimé qu’Israël a également l’obligation de réparer intégralement les dommages causés par ses faits internationalement illicites à toutes les personnes physiques ou morales concernées.

Après cette intervention, le Canada et Sri Lanka ont demandé l’allocation de ressources supplémentaires pour la Cour au vu de ses activités croissantes, tandis qu’El Salvador a souhaité que les documents de la Cour soient traduits en langue espagnole.  « On nous demande, non pas de faire plus avec moins, mais de faire bien plus avec moins », a réagi le Président, en rappelant que le budget de la CIJ représente moins de 1% du budget de l’ONU.

À titre d’exemple, le Président a précisé que 91 États ont souhaité intervenir dans la demande d’avis consultatif sur les obligations des États en matière de changements climatiques.  « Cela représente 6 000 pages à analyser », a-t-il dit, en pointant les charges de traduction et d’interprétation.  Le Greffier de la Cour a précisé que 7 postes supplémentaires ont été demandés et que seuls 2 ont été accordés.  « C’est vous, les États Membres, qui serez affectés par la crise de liquidités qui diminue les ressources nécessaires au travail de la Cour », a tranché le Président.

La fin du débat sur le premier groupe de chapitres a été marquée par la déclaration de Chypre qui a souligné la « profonde » injustice que serait une extinction de la condition étatique en raison de l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques.  Le Groupe d’étude n’a pas mandat pour proposer des modifications au droit international actuel, y compris la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et le régime juridique des îles, a averti cette délégation.  Les zones maritimes définies dans cette convention doivent être respectées, ont appuyé les Tuvalu.

Sur le sujet complexe du règlement des différends auxquels des organisations internationales sont parties, l’Union européenne a rappelé que ses membres ont décidé ne pas soumettre leur différend concernant l’application de ses traités à une autre méthode de règlement que celle prévue par ces textes.  « Tout différend est de la compétence de la Cour de justice de l’Union européenne. »  Le Danemark, au nom des pays nordiques (Finlande, Islande, Norvège, Suède et Danemark), a estimé que ce sujet ressemble à un choix politique plutôt qu’à une lacune dans le droit existant. 

« Il faut trouver des solutions spécifiques et garder à l’esprit que les traités peuvent contenir des indications sur les moyens de régler les différends », a déclaré la délégation danoise.  Le délégué de la France a évoqué la procédure d’arbitrage, en 2003, entre son pays et l’UNESCO qui a permis de s’accorder, via la négociation, sur une solution mutuellement acceptable dans l’intérêt des deux parties.  Tout en notant la nette préférence pour les méthodes amiables de règlement des différends, le Brésil a souligné la nécessité d’éviter l’impunité pour les violations d’obligations imputables aux organisations internationales.

S’agissant des moyens auxiliaires de détermination des règles de droit international, la Roumanie a salué les progrès considérables auxquels est parvenue la Commission sur ce sujet.  « Il ne fait aucun doute que les moyens auxiliaires ne constituent pas une source du droit international », a déclaré cette délégation.  Même son de cloche du côté du Danemark qui a indiqué qu’ils constituent des preuves matérielles utiles pour aider à l’interprétation du droit international.  Dans ce droit fil, Israël a estimé que ces moyens constituent « un outil supplémentaire ». 

« Le recours aux moyens subsidiaires peut être particulièrement utile lorsque les États eux-mêmes ne parviennent pas à s’entendre sur l’interprétation des règles de droit international auxquelles ils ont accepté d’être liés et qu’ils se sont adressés à la CIJ pour obtenir le règlement pacifique de leurs différends », a expliqué le Canada.  Enfin, la Chine a indiqué que l’utilisation des décisions des juridictions nationales comme moyens auxiliaires doit tenir compte de la représentation géographique.

La Sixième Commission poursuivra ce débat mardi 29 octobre, à partir de 10 heures.

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