Sixième Commission: le Président de l’Assemblée générale appelle à élaborer des conventions sur les crimes contre l’humanité et sur la protection des personnes
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À l’occasion du débat sur l’état de droit aux niveaux national et international, le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang, a, devant la Sixième Commission chargée des questions juridiques, exhorté les délégations à œuvrer dans un esprit de consensus afin de parvenir à élaborer une convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité et une convention sur la protection des personnes en cas de catastrophe. « Une telle réussite de l’ONU bénéficierait à des millions de personnes dans le monde. »
La Commission a également entendu la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, Mme Amina Mohammed, s’engager à mettre l’état de droit au centre de tous les programmes des Nations Unies. Les liens entre l’état de droit et le développement durable, l’égalité entre les genres ou bien encore les sanctions ont été au cœur de ce débat axé sur « la participation entière, égale et équitable, à tous les niveaux, au système juridique international ».
Dans son intervention, le Président de l’Assemblée a souligné l’importance du Pacte pour l’avenir adopté en septembre, lequel propose de renforcer le multilatéralisme et l’état de droit au niveau international en vue de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD). Ce Pacte reconnaît l’apport de la Cour internationale de Justice (CIJ) et réaffirme les obligations des États en ce qui concerne l’exécution de ses décisions. Le Pacte appelle également à la prise de mesures afin que la Cour puisse s’acquitter de son mandat.
« J’appelle les États Membres à appuyer cet appel et à renouveler leur engagement collectif en faveur de l’état de droit. » L’état de droit est capital pour réaliser les ODD, a poursuivi M. Yang, en soulignant le rôle capital de la Commission à ce titre. Celle-ci promeut en effet l’état de droit et permet de faire avancer des causes telles que la lutte contre l’impunité ou la protection des personnes en cas de catastrophe.
Le Président n’a pu que noter une recrudescence des conflits dans le monde depuis la recommandation par la Commission du droit international (CDI) d’élaborer une convention pour la prévention et la répression des crimes contre l’humanité. Il a également estimé que l’élaboration d’une convention pour la protection des personnes en cas de catastrophe est une « entreprise cruciale » que la communauté internationale doit mener à bien.
En conséquence, et alors que les délégations ont affiché de réelles divergences sur ces deux sujets lors des dernières semaines de débat à la Commission, le Président a appelé au consensus autour de l’élaboration des deux instruments. « C’est la raison d’être du système multilatéral. »
De son côté, Mme Mohammed a indiqué que le dernier rapport du Secrétaire général sur l’action de l’ONU dans le domaine de l’état de droit, et dont la Commission est saisie, contient des exemples de programmes susceptibles de renforcer la confiance dans les institutions publiques et de sortir du « purgatoire des divisions ». Le rapport met aussi en relief des efforts entrepris pour codifier et développer les instruments et normes internationaux, ainsi que des mécanismes et tribunaux internationaux, a-t-elle dit.
Lors du débat, les délégations, à l’instar du Népal ou encore de l’Autriche, au nom du Groupe des Amis de l’état de droit, ont été nombreuses à rappeler que l’état de droit est au cœur du développement durable. Le renforcement des capacités en matière d’état de droit est capital pour la paix, les droits humains et le développement durable, a déclaré la Nouvelle-Zélande, au nom également de l’Australie et du Canada.
La Sierre Leone a pareillement rappelé que l’état de droit est crucial pour atteindre les ODD. « C’est conscient du nexus entre état de droit et développement que mon pays a toujours considéré l’état de droit comme la pierre angulaire de ses programmes de développement », a appuyé la délégation du Burkina Faso.
Les questions de représentation ont également été largement abordées. Les tribunaux internationaux doivent mieux refléter la diversité du monde en vue d’accroître leur légitimité, a déclaré le Rwanda, tandis que le Brésil a demandé un Conseil de sécurité plus représentatif et efficace. « Il est urgent de promouvoir l’état de droit en faisant en sorte que le Conseil soit plus représentatif en élargissant ses deux catégories de membres », a appuyé l’Inde.
La Nouvelle-Zélande a souligné le rôle critique des femmes et des filles dans la promotion de l’état de droit, tandis que l’Autriche a déploré que seuls 4 juges de la CIJ sur 15 soient des femmes. « Vingt-huit sur les 34 membres de la CDI sont des hommes », a également regretté le Liechtenstein.
La nouvelle vision du Secrétaire général pour l’état de droit, met l’accent sur l’engagement en faveur de l’égalité des sexes et sur le soutien aux États Membres pour éliminer les obstacles systémiques et persistants à l’accès à la justice pour les femmes et les filles, a renchéri la Suisse, alors que les lois discriminatoires continuent de priver les femmes de l’égalité des droits et des chances dans de nombreuses régions du monde.
La Suisse a salué l’action des Nations Unies visant à soutenir l’adoption ou la révision de plus de 90 lois nationales et locales qui promeuvent l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes, y compris la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Elle s’est félicitée de l’aide apportée à 22 pays pour la mise en œuvre de mesures de prévention du crime et de poursuites pénales liées à la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre.
Dans ce droit fil, la Nouvelle-Zélande a salué le rapport du Secrétaire général sur le sujet et s’est dite « inspirée » par le « travail considérable » abattu par l’ONU pour promouvoir l’état de droit. « Nous attendons le soutien des Nations Unies dans certains programmes », a déclaré Singapour, au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN). L’ASEAN se dit activement engagée dans les efforts de lutte contre la corruption avec ses partenaires de la région.
La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, avait fait part, à l’entame du débat, hier en fin de journée, d’un point de vue plus nuancé, en estimant que la communauté internationale devait éviter de supplanter les autorités nationales sur l’état de droit, et simplement apporter un soutien, à leur demande. Les coutumes et la culture doivent alors être respectées, a dit ce pays, en rappelant qu’il n’y pas de définition de l’état de droit.
La charge la plus virulente est venue de la Fédération de Russie, qui a estimé que le rapport du Secrétaire général continue d’imposer aux États de prétendues normes « universelles » dans le domaine de l’état de droit, « approuvées par on ne sait qui, et frisant l’ingérence dans leurs affaires intérieures. » La délégation a dénoncé la référence excessive aux questions de genre et de droits humains – « une preuve supplémentaire de la duplication des efforts du système des Nations Unies dans le domaine de l’état de droit ».
À son tour, l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est dit préoccupé par les risques pour la souveraineté et les ingérences de certains États Membres dans les affaires internes d’autres États. « Nos efforts doivent être exempts de considérations morales perverses qui pourraient faire de l’état de droit une condition, et nous refusons que tout modèle nous soit imposé. » Le Rwanda a appelé à éviter le deux poids, deux mesures dans l’application du droit.
Le Venezuela, au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a, de son côté, dénoncé « les pratiques coloniales de domination », telles que les sanctions, qu’elle a qualifiées de « cruelles » et « destructrices ». L’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, s’est également inquiété de l’application de mesures unilatérales qui privent certains États de leurs droits au nom de considérations politiques.
Pour sa part, la Nouvelle-Zélande a invité les pays à mettre fin à la détention arbitraire d’étrangers pour exercer des pressions sur les pays dont ils sont ressortissants. De nombreux pays, tels que la Suisse, le Sénégal, la Pologne ou encore le Japon, ont tenu à réitérer leur soutien à la CIJ et la Cour pénale internationale (CPI). « Nos contributions à la CPI, à la CIJ, ainsi qu’au Tribunal international du droit de la mer vont se poursuivre », a assuré le Japon.
Singapour a, lui, salué le trentième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention sur le droit de la mer. « Cette constitution des océans constitue l’une des plus grandes réussites de l’ONU », a dit son délégué. Elle est « au cœur de notre politique en mer de Chine méridionale », ont déclaré les Philippines, en dénonçant les actions « dangereuses » qui s’y déroulent.
Enfin, la situation au Moyen-Orient a été largement abordée, le Venezuela jugeant « irresponsable » de ne pas l’évoquer. Le fait de considérer le Secrétaire général de l’ONU comme persona non grata en Israël est contraire à l’état de droit, a déclaré la Mauritanie, au nom du Groupe des États arabes, réaffirmant l’importance d’arrêter la guerre livrée par Israël au Liban et à Gaza.
Le Qatar, au nom des pays arabes du Conseil de coopération du Golfe, a condamné les bombardements israéliens en Cisjordanie, au Liban et à Gaza.
Israël continue à commettre des crimes graves envers la population palestinienne, a déclaré l’Afrique du Sud, en appelant les États à s’abstenir de fournir toute assistance à Israël. « L’architecture multilatérale a été négociée parallèlement à notre nettoyage ethnique et au bafouement de nos droits », a abondé l’État de Palestine, en accusant Israël d’avoir violé tout ce que l’humanité a élaboré.
La Sixième Commission poursuivra son débat sur l’état de droit demain, vendredi 18 octobre, à partir de 10 heures.