Sixième Commission: adhésion sans réserve des délégations à la politique de tolérance zéro et à une culture de responsabilité à l’ONU
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La Sixième Commission, chargée des questions juridiques, a achevé aujourd’hui son débat sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des experts en mission des Nations Unies en entendant les délégations prôner une politique de « tolérance zéro » pour les infractions commises par ces derniers. Lors du débat sur l’administration de la justice à l’ONU qui a suivi, les délégations se sont exprimées en faveur d’une « solide » culture de responsabilité au sein de l’Organisation. La Commission a également entamé, cet après-midi, sa discussion sur la portée et l’application du principe de compétence universelle.
Lors du premier débat de la journée, une vingtaine de délégations se sont engagées en faveur de la politique de « tolérance zéro », en particulier pour les actes d’exploitation et d’atteinte sexuelle. L’adhésion est générale à cette politique, a déclaré le Cameroun. Ce pays a rappelé que l’ONU doit inspirer de « l’exemplarité aux peuples qu’elle sert », tandis que la République islamique d’Iran, l’Indonésie et l’Éthiopie, entre autres, ont estimé que cette politique permet de préserver « l’intégrité » de l’ONU.
« Le personnel onusien doit respecter les règles du pays hôte et comprendre que les immunités et privilèges ne visent pas à les soustraire à toute poursuite », a résumé le Cameroun. Le Burkina Faso n’a pas dit autre chose en rappelant que les privilèges ne sont accordés que dans le but de faciliter le travail de l’Organisation. « De ce fait, ils ne doivent pas être considérés comme une prime à l’impunité. »
La Chine a rappelé que le Secrétaire général a le devoir de lever ces immunités si elles entravent la justice. Les auteurs d’infractions doivent faire l’objet de poursuites dans les plus brefs délais, a indiqué l’Éthiopie, ajoutant que les immunités ne peuvent servir de prétexte à la commission d’infractions. « L’impunité ne fait qu’exacerber les souffrances des victimes », a abondé le Sénégal.
Plusieurs pistes ont été explorées pour lutter contre ce phénomène, en particulier la nécessité de mesures de prévention. Les efforts de prévention doivent être consolidés, a dit le Cameroun, en insistant sur l’importance d’une bonne coopération afin de vérifier les antécédents judiciaires des candidats. « Les formations existantes sur les codes de conduite des Nations Unies doivent être adaptées et mises régulièrement à jour », a appuyé le Burkina Faso.
Ce pays a estimé que les États doivent faire en sorte que les personnels qu’ils déploient prennent connaissance de « l’obligation primordiale de respecter les lois et règlements de l’État hôte ainsi que les us et coutumes qui y prévalent ». Le Royaume-Uni a demandé que la lutte contre l’impunité informe tous les programmes et organisations du système onusien. « Les politiques doivent être intégrées dans la culture de l’administration pour prévenir les abus et harcèlement et assurer l’établissement de responsabilités. »
Une plus grande protection des victimes et des témoins a été souhaitée par les délégations. Sur le plan juridictionnel, nombre d’entre elles ont rappelé qu’il revient à l’État de nationalité d’exercer sa compétence en ce qui concerne les infractions commises par ses ressortissants. Les tribunaux les plus à mêmes de traiter ces affaires sont ceux de l’État de nationalité, a déclaré l’Iran, appuyé par le Maroc. « La Colombie sait le rôle clef de l’État de nationalité dans la lutte contre l’impunité », a déclaré la déléguée de ce pays, tandis que le Sénégal a rappelé que les États de nationalité sont responsables de poursuites envers « les agents incriminés ».
La Chine a indiqué que l’État de nationalité peut prendre toutes les mesures judiciaires pour remédier aux infractions commises, y compris en coopérant avec les autres pays. L’extradition peut être envisagée au cas par cas, a déclaré la Chine. « Le soutien et l’assistance doivent être mis en œuvre si des lacunes existent dans les systèmes juridiques nationaux et pour les États qui n’appliquent pas la compétence extraterritoriale », a déclaré l’Inde. Le Maroc a souligné l’importance d’une justice équitable, y compris lorsque les allégations se sont avérées sans fondement.
Ce débat a été marqué par la déclaration d’Haïti, pays qui a connu une dizaine de missions onusiennes en 30 ans. Son délégué a regretté le « manque de transparence totale » sur 19 cas d’allégations contre des Casques bleus déployés en Haïti. Les victimes n’ont reçu aucune réparation adéquate, a-t-il dit, en regrettant également l’abandon de poursuites pénales dans certains cas. Sur un sujet aussi préoccupant, il est crucial de combler les « lacunes » dans la réponse onusienne, a tranché le délégué.
Le délégué d’Haïti s’est également dit en faveur d’une convention internationale afin de combler les lacunes juridictionnelles. La Fédération de Russie a, au contraire, jugé qu’il n’est pas nécessaire d’élaborer un instrument distinct. « Il convient plutôt de renforcer la coopération entre l’ONU et les États concernés, ainsi que fournir de l’aide au renforcement des capacités aux États qui en font la demande. »
Plusieurs droits de réponse ont été exercés après la déclaration d’Israël d’hier ciblant l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). Le Koweït a, au nom d’une liste interrégionale de pays, dénoncé les accusations proférées contre l’UNRWA et exhorté Israël à mettre fin à ses attaques « infondées », lesquelles violent le droit international. De l’UNRWA à l’Unesco, toutes les institutions de l’ONU ont été attaquées par Israël, y compris le Conseil de sécurité, l’Assemblée générale, a déploré l’État de Palestine. L’Iran a rappelé que 200 employés de l’UNRWA ont été tués depuis le début de la guerre à Gaza.
Les contraintes budgétaires que connaît actuellement l’ONU ont été soulevées lors du débat sur l’administration de la justice en son sein. La Suisse s’est dite préoccupée par les problèmes de recrutement de personnel auxquels les greffes sont confrontés depuis la mi-juillet 2023. « Nous tenons à souligner que le bon fonctionnement de l’administration de la justice dépend de la mise à disposition de ressources adéquates. »
Un point de vue partagé par l’Ouganda, pour le Groupe des États d’Afrique, et le Mozambique qui ont dénoncé la situation financière difficile. Les composantes de ce système sont néanmoins fonctionnelles, a déclaré le Mozambique. L’Ouganda a ainsi appuyé les mesures prises par le Secrétaire général pour renforcer le travail du Bureau de l’aide juridique au personnel, en particulier le personnel travaillant sur le terrain.
L’Union européenne a également salué les progrès engrangés nonobstant lesdites contraintes. « Il est crucial d’accélérer cette tendance positive afin de réduire davantage encore le fossé entre nos aspirations et la réalité. » Elle a demandé que l’anonymat des victimes et des témoins puisse être accordé lorsque les circonstances l’exigent, afin de lutter contre les représailles. « Le personnel doit pouvoir prendre la parole sans peur. » Le système de lanceurs d’alerte est capital pour promouvoir la transparence, l’établissement des responsabilités et l’intégrité au sein de l’ONU, a tranché cette délégation.
Si les États-Unis ont reconnu le défi de la crise de liquidité et du gel des embauches, ils ont salué la réussite en matière de médiation des différends. « Nous demandons au Secrétaire général de continuer à promouvoir une solide culture de la responsabilité au sein de l’Organisation et de veiller à ce que toutes les catégories de personnel aient accès à des voies de recours efficaces », a encore déclaré la Suisse.
En début d’après-midi, la Commission a débattu de l’octroi du statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale à l’Initiative régionale contre la corruption, une demande présentée par la Roumanie, avant de renvoyer la discussion à une séance ultérieure. Elle a également débattu de l’octroi d’un tel statut à l’Organisation internationale du café, boisson dont les bienfaits stimulants ont été soulignés par plusieurs délégations, à commencer par le Brésil. Une décision sera également prise ultérieurement.
Les divergences ont en revanche été de mises lors du débat sur la portée et l’application du principe de compétence universelle. D’un côté, des délégations, telles que la Suède, au nom des pays nordiques, ou encore la Lituanie, au nom des pays baltes, ont vu dans ce principe une contribution essentielle à la lutte contre l’impunité et à la justice. Ce principe trouve son fondement dans les normes impératives du droit international, a déclaré la Lituanie.
La Suède a indiqué qu’il s’agit d’un principe « bien établi » et rappelé que des auteurs d’atrocités commises en Iraq et en Syrie ont pu être poursuivis devant des tribunaux européens sur la base de ce principe. La compétence universelle est un outil supplémentaire lorsque l’État ne peut ou ne veut pas exercer sa compétence, a déclaré la Nouvelle-Zélande, au nom également du Canada et de l’Australie.
Alors que la fréquence des crimes internationaux les plus graves continue d’augmenter, de nombreux États ont introduit et appliqué la notion de compétence universelle dans leur droit interne, a salué le délégué de l’Union européenne. Il est essentiel, a-t-il estimé, de poursuivre la réflexion sur les conditions, critères et règles nécessaires pour garantir la sécurité juridique dans l’exercice de cette compétence et de favoriser la coopération internationale en tant qu’élément clef pour la mise en œuvre efficace du principe de compétence universelle, par exemple en matière d’accès aux preuves.
De l’autre côté, l’Ouganda, au nom du Groupe des États d’Afrique, s’est dit préoccupé par l’utilisation « abusive » ou « erronée » de ce principe et l’incertitude qui demeure sur sa portée. Nos inquiétudes n’ont toujours pas été dissipées, a déclaré le délégué ougandais, en rappelant que ce principe doit respecter la souveraineté des États. L’Iran, au nom du Mouvement des pays non alignés, n’a pas dit autre chose en indiquant que l’application ce principe reste « incertaine. »
« L’exercice de la compétence pénale sur des hauts représentants qui bénéficient de l’immunité violent l’un des principes fondamentaux du droit international », a tranché l’Iran. Tout en saluant l’utilité des travaux sur ce sujet, il a appelé à la prudence face à un élargissement « injustifié » des crimes tombant sous la compétence universelle. Le délégué iranien a appelé à élaborer un mécanisme afin d’éviter toute « dérive » à l’avenir.
Reconnaissant que les discussions « sont au point mort », l’Autriche, au nom également de la Slovaquie et de la Tchéquie, a estimé que la seule solution pour sortir de cette impasse est de renvoyer cette question à la Commission du droit international.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, mercredi 16 octobre, à partir de 15 heures.