En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-neuvième session
9e & 10e séances plénière s– matin & après-midi
AG/J/3720

Sixième Commission: de nombreuses délégations veulent avancer en vue d’une convention sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité

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De nombreuses délégations ont, devant la Sixième Commission chargée des questions juridiques, demandé à « aller de l’avant » en ce qui concerne le projet d’articles sur la prévention et la répression des crimes contre l’humanité.  Ce projet d’articles, adopté en 2019 par la Commission du droit international (CDI), doit servir de base aux négociations envisagées pour l’élaboration d’une convention universelle sur cette question. 

Alors que des conventions internationales existent déjà pour le crime de génocide et les crimes de guerre, il n’en existe aucune traitant des crimes contre l’humanité.  Encouragées par la reprise de session de la Commission en avril dernier et la richesse des discussions sur ce sujet depuis deux ans, ces délégations ont demandé la convocation d’une conférence internationale en vue de négocier un tel instrument.  D’autres délégations ont, en revanche, exprimé de nettes réserves, à l’instar de la Fédération de Russie qui a mis en garde contre toute « précipitation. »

Le but d’une conférence diplomatique, ouverte à tous les États, est de négocier et de trancher les dernières questions en suspens, a fait remarquer l’Autriche, en notant que le projet d’articles est une « bonne base » pour l’élaboration d’une convention.  « Il n’est néanmoins pas gravé dans le marbre. »  Le délégué autrichien a précisé que son pays a parrainé avec le Mexique et la Gambie un projet de résolution en vue de la convocation d’une conférence diplomatique en 2026.  « Nous pouvons aboutir à un traité qui améliore véritablement la vie des peuples », a-t-il assuré.

Un point de vue pleinement partagé par le Royaume-Uni qui a estimé que les divergences qui demeurent ne doivent pas empêcher « d’aller de l’avant. »  Ces divergences peuvent être surmontées au moyen de négociations, a ajouté cette délégation, tout en admettant que le projet a encore besoin d’être « affiné ».  Comme le Bangladesh ou l’Irlande, le Royaume-Uni s’est porté coauteur du projet de résolution précité.  Cabo Verde, au nom de la communauté des pays de langue portugaise, s’est également dit en faveur de la tenue d’une telle conférence.  « Le projet d’articles constitue une base solide ». 

« Nous devons agir de concert pour prévenir et faire cesser ces crimes odieux », a appuyé la Sierra Leone, au nom d’un groupe interrégional de 76 délégations, dont l’Union européenne et les États-Unis. Une convention sur les crimes contre l’humanité renforcerait la prévention et la répression de ces crimes odieux au niveau national, a déclaré le délégué de la Sierra Leone.  Elle établirait également des obligations pour les États de coopérer et fournirait une nouvelle base juridique pour l’extradition et l’entraide judiciaire.

La Sierra Leone a loué le fait que la Commission, grâce notamment à ces deux reprises de session, en 2023 et 2024, soit parvenue à dépasser les débats purement procéduraux.  « Dans cet état d’esprit axé sur l’action, nous espérons qu’il sera possible d’adopter, lors de cette session, ce projet de résolution convoquant une conférence. »  Le temps presse, a conclu le délégué, en exhortant les délégations à s’engager de manière constructive. 

À son tour, Malte a fait observer que l’idée d’une conférence est approuvée par une majorité de délégations, tandis que le soutien à une convention est « écrasant ».  « Nous espérons qu’un succès diplomatique viendra couronner notre session », a déclaré la représentante maltaise.  Israël s’est également prononcé en faveur d’une telle conférence, soulignant la nécessité d’un établissement des responsabilités pour des attaques odieuses comme celle ayant frappé son pays le 7 octobre 2023.

« Il s’agit du meurtre de masse de Juifs le plus grave depuis l’Holocauste. »  Notre voix doit résonner à l’unisson pour que les auteurs de tels crimes rendent des comptes, a dit le délégué israélien.  Il a estimé que la valeur ajoutée d’une telle conférence réside dans la participation large des États et la volonté de consensus.  Le Burkina Faso, le Sénégal, la Malaisie, la Colombie, la Micronésie, l’Ukraine, l’Argentine, la Bulgarie ou encore l’Irlande se sont aussi dits en faveur d’un tel texte afin de combler les lacunes du droit international.

Les divergences ont néanmoins été bien réelles. Sur la forme d’abord, des délégations, telles que la Côte d’Ivoire, ont souligné la nécessité d’un processus transparent et inclusif, afin de gagner l’adhésion de la majorité des États Membres.  « Il est essentiel que les préoccupations exprimées collectivement ou individuellement par les délégations au cours des débats tenus sur cette question, surtout lors des reprises de session, soient prises en compte dans le processus de négociation d’une convention », a déclaré la Côte d’Ivoire.

Appuyée par le Maroc, la Guinée équatoriale a souhaité, au vu des divergences exprimées, la poursuite des discussions et demandé que toute décision soit prise par consensus.  « On ne peut pas accepter tels quels les travaux de la CDI qui n’est pas un organe législateur », a rappelé cette délégation. Le Kenya a appelé à poursuivre les discussions en vue de forger un « consensus plus robuste », tandis que la République islamique d’Iran a dit qu’elle n’était pas « convaincue » par la proposition de convocation d’une conférence.  D’après le délégué iranien, divers instruments internationaux pertinents et accords bilatéraux d’assistance judiciaire fournissent déjà des bases juridiques suffisantes pour prévenir et punir les crimes contre l’humanité.

Sur le fond, l’Arabie saoudite a déclaré que le projet d’articles ne fait pas consensus en ce qui concerne les définitions, les immunités et la compétence universelle.  « Il prévoit un élargissement du concept et du champ d’application du principe de compétence universelle. »  Dans ce droit fil, l’Iran s’est dit préoccupée par les pratiques de certains États concernant les efforts de « normalisation » de la définition de crimes contre l’humanité, alors que celle-ci doit être rigoureuse. 

Son délégué a dit craindre en effet que des crimes moins graves se trouvent dans la catégorie des crimes internationaux.  Soulignant la nécessité d’éviter toute fragmentation du droit international, l’Iran a estimé que le projet d’articles ne sert pas cet objectif.  « Il ne faut pas tenter d’imposer des définitions juridiques issues d’instruments internationaux qui ne jouissent pas d’une acceptation universelle », a renchéri le Maroc, appuyé par l’Inde. 

Rappelant qu’elle participe de manière constructive à l’élaboration du projet d’articles de la CDI, la déléguée de l’Inde a demandé que soient prises en compte les préoccupations légitimes de tous les États Membres.

La charge la plus forte, tant sur la forme que sur le fond, est venue de la Fédération de Russie qui a dit son désaccord total avec la thèse selon laquelle le projet d’articles serait une convention presque achevée.  « Ce produit ne peut même pas servir de base au lancement de négociations », a tranché le délégué, en estimant que le projet de convoquer une conférence diplomatique serait non seulement prématuré mais « destructeur. »  Dénonçant la « précipitation » sur ce sujet, le délégué russe a demandé une révision totale de chaque article dudit projet.

« Il y des éléments inacceptables mais également des éléments qui n’y figurent pas », s’est-il étonné, en estimant que l’esclavage et les sanctions constituent de tels crimes.  Dans ce droit fil, le Togo, secondé par le Nigéria, a estimé qu’une définition du crime contre l’humanité en ce XXIe siècle serait « incomplète et non avant-gardiste » si elle ne prend pas en compte la question de l’esclavage.  La Malaisie a, elle, souhaité que les liens entre le projet d’articles et le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) soient clarifiés. 

Le projet d’articles s’appuie sur le Statut de Rome qui ne jouit pas d’un consensus international, a tancé la République arabe syrienne.  La séance a enfin été marquée par le droit de réponse exercé par la délégation de la Palestine qui a estimé qu’Israël ne peut invoquer la mémoire de l’Holocauste alors que ce pays commet des crimes contre l’humanité à l’endroit des Palestiniens. « Honte à vous, n’évoquez pas ici ces victimes », lui a répondu la délégation israélienne. 

La Sixième Commission se réunira lundi 14 octobre, à 10 heures, pour examiner le rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI).

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