Sixième Commission: les délégations appellent à se concentrer sur les causes profondes du terrorisme et l’utilisation malveillante des nouvelles technologies
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La Sixième Commission (questions juridiques) a poursuivi aujourd’hui son débat, entamé hier, sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international. Ne s’accordant toujours pas sur la définition du terrorisme, les délégations se sont concentrées sur les solutions à apporter pour contrer ce fléau, mais également sur la prévention, en insistant sur la nécessité de s’attaquer à ses causes profondes et d’encadrer les nouvelles technologiques utilisées à mauvais escient.
Avec une part importante de délégations africaines s’exprimant aujourd’hui, plusieurs représentants ont fait part de leur crainte d’un embrasement dans le Sahel, ainsi que dans la Corne de l’Afrique et en Afrique centrale et de l’est. Dans ces régions où Daech constitue toujours une menace bien réelle, les attaques terroristes exacerbent les problèmes structurels et les défis posés par les changements climatiques ou le sous-financement du développement durable, a fait remarquer le représentant du Sénégal. Dans le même esprit, la Sierra Leone a appelé à soutenir le Sahel dans sa lutte contre les activités criminelles. « La paix et la sécurité de l’Afrique sont tout bonnement indissociables de la paix et la sécurité mondiales », a tranché le représentant sénégalais.
Depuis l’intervention militaire de l’OTAN en Libye en 2011, les populations du Sahel souffrent des affres du terrorisme et de ces trafics connexes, a déploré le Mali. « Il est regrettable de constater que des États travaillent à saper les efforts coordonnés de ceux qui ont décidé de prendre leur destin en main par la fourniture d’armes, le financement », a déclaré la déléguée malienne, rappelant que son pays a créé avec le Burkina Faso et le Niger voisins la Confédération des États du Sahel.
Plusieurs délégations, dont la Fédération de Russie, le Bangladesh et la Sierra Leone, ont souligné les changements rapides induits par les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle, préoccupées par l’utilisation malveillante des plateformes numériques et des drones à des fins terroristes, notamment par les États eux-mêmes. Il est temps de mettre en place des cadres juridiques internationaux afin de contrôler ces technologies et d’en assurer la mise en œuvre, ont insisté les Émirats arabes unis et la Mongolie.
À la suite des récentes explosions simultanées de milliers d’appareils de communication mobiles piégés dans des zones civiles au Liban, le représentant dudit pays a accusé Israël de semer la terreur, via des « cyberattaques terroristes odieuses », et d’avoir déclenché une nouvelle ère de terrorisme. « Pour Israël, les civils libanais n’existent apparemment pas, chaque personne au Liban est une cible légitime », s’est-il indigné.
La définition même du terrorisme reste pourtant l’éternelle pomme de discorde. Tandis que les délégués du Soudan et de l’Ukraine ont appelé à y inclure le terrorisme « sous toutes ses formes et manifestations », ceux du Sénégal et de la Mongolie ont estimé que « la lutte pour l’autodétermination des peuples ne saurait être confondue avec le terrorisme », y compris celle du peuple palestinien. Dans le même ordre d’idées, le Venezuela, prenant la parole au nom du Groupe des Amis pour la défense de la Charte des Nations Unies, a dénoncé « la manipulation politique » de l’action antiterroriste par des États en vue de provoquer des changements de régime. La Chine en a profité, au passage, pour rappeler que la lutte antiterroriste au niveau international ne peut en aucun cas servir de « prétexte pour s’ingérer dans les affaires internes des États ».
« Il ne saurait y avoir de bons ou de mauvais terroristes », a poursuivi le représentant du Venezuela qui a exhorté la communauté internationale à éviter le deux poids, deux mesures. Même son de cloche du côté de la Russie qui a, en sus, accusé l’Ukraine de sponsoriser des groupes terroristes au Mali et de faire la promotion d’idées néonazies au travers de ses activités militaires, ce qui devrait être considéré comme du terrorisme. « Les actions de la Russie ont été reconnues comme du terrorisme d’État », a retorqué le représentant ukrainien, estimant que les atrocités commises contre les civils ukrainiens et les attaques contre les infrastructures civiles doivent faire l’objet d’une action décisive de la part de la communauté internationale. Le délégué russe a, pour sa part, prêché l’irréversibilité des peines et l’application du principe « extradé ou jugé » aux terroristes.
En dépit de ces divergences, de nombreuses délégations ont néanmoins réitéré l’importance de coopérer, « la lutte contre le terrorisme étant une responsabilité commune de la communauté internationale », a rappelé le délégué de la Chine. Son homologue marocain a rappelé, au même titre que d’autres intervenants, que le terrorisme concerne toutes les nations et qu’il ne peut en aucun cas être associé à une ethnie, nationalité ou religion quelconque. Appelant à mettre la dernière mouture à une convention générale sur le terrorisme international « qui comblerait enfin les lacunes juridiques dans la lutte unifiée contre le terrorisme », plusieurs délégations, dont l’Inde et l’Indonésie, ont souhaité un engagement « constructif et consensuel ». À cet égard, le Pakistan a rejeté l’association du terrorisme à l’Islam et demandé que les termes tels que « djihadistes islamistes, Islam radical et autres concepts islamophobes » soient exclus du lexique des Nations Unies.
Outre le projet de convention, de nombreuses délégations ont préconisé une approche holistique qui traite à la fois des facteurs aggravants du terrorisme, tels que son financement, et des causes profondes qui forment un terrain fertile pour son développement, comme la pauvreté. Partant, les délégués de la Chine, de la République de Corée et des Émirats arabes unis ont mis l’accent sur la nécessité de tarir les sources du blanchiment d’argent, de promouvoir la tolérance religieuse et de créer des conditions socioéconomiques favorables, notamment pour les jeunes qui sont particulièrement sensibles au recrutement par des groupuscules extrémistes et aux discours de haine propagés en ligne.
Forts de leurs succès, plusieurs États Membres ont, à ce titre, fait part de programmes ayant diminué la menace terroriste à l’intérieur des frontières nationales, se disant prêts à partager leurs bonnes pratiques avec la communauté internationale. Dans cet esprit de coopération, les délégations ont attiré l’attention sur les avantages des initiatives régionales. La lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent doit se faire dans le droit-fil des considérations socioculturelles, a appuyé le représentant du Soudan.
La Sixième Commission poursuivra ses travaux demain, 4 octobre, à partir de 10 heures.