Soixante-dix-neuvième session
3e séance plénière – matin
AG/DSI/3737

Première Commission: appels à l’action face à l’emploi d’armes explosives dans des zones peuplées et à l’utilisation militaire de l’intelligence artificielle

(En raison de la crise de liquidités qui affecte l’Organisation des Nations Unies, la Section des communiqués de presse est contrainte de modifier le format de la couverture des réunions.)

La vingtaine de délégations qui ont pris la parole lors de la deuxième journée du débat général de la Première Commission (désarmement et sécurité internationale), ont abordé de nombreux thèmes, notamment l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) à des fins militaires, la militarisation de l’espace extra-atmosphérique et la menace nucléaire croissante.  La guerre en Ukraine et les conflits au Moyen-Orient ont une fois encore formé la toile de fond de discussions souvent tendues, lesquelles ont donné lieu à de nombreux droits de réponse en fin de séance. 

En début de séance, la Première Commission a entendu le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang, qui a soulevé la question « cruciale » des dépenses militaires mondiales, qui ont atteint 2 400 milliards de dollars en 2023.  Ces investissements massifs détournent des ressources vitales de l’éducation, de la santé et du développement, a-t-il déploré.  Il a aussi rappelé que le Pacte pour l’avenir récemment adopté souligne le lien entre désarmement et développement durable, droits humains et action humanitaire.  Ce texte, a-t-il poursuivi, décrit des mesures concrètes pour prévenir une course aux armements dans l’espace, faire progresser les discussions sur les armes létales autonomes, faire face aux risques posés par les technologies émergentes et renouveler l’engagement des États Membres en faveur de l’élimination des armes nucléaires. 

Exhortant les États dotés de l’arme nucléaire à prendre l’initiative en respectant leurs engagements au titre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), M. Yang a rappelé que cet accord constitue le seul cadre dans lequel États dotés et non dotés peuvent interagir sur cette question. Le Président de l’Assemblée générale a également déploré l’utilisation actuelle d’armes explosives dans des zones peuplées.  Il s’agit de l’une des principales causes de décès de civils dans les conflits à travers le monde, a-t-il déclaré, exhortant les États à prendre des mesures pour protéger les populations et les infrastructures civiles dans tous les conflits armés. 

Cette même préoccupation a trouvé un écho chez plusieurs délégations.  L’Indonésie a ainsi considéré que l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées relevait de la violation du droit international humanitaire; le Liechtenstein a appelé tous les États qui ne l’ont pas encore fait à signer et à mettre en œuvre la Déclaration politique sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, adoptée à Dublin en décembre 2022.  La Suisse s’est félicitée de la tenue de la conférence de suivi de cette Déclaration cette année à Oslo et l’année prochaine au Costa Rica, soulignant les effets intergénérationnels et la menace que représente l’utilisation des armes explosives en zones peuplées pour la vie de millions de civils; la Nouvelle-Zélande a lancé un appel pour que de nouvelles règles soient émises sur ce sujet. 

 

Autre sujet abordé: l’intelligence artificielle (IA).  En écho à plusieurs déclarations sur le rôle de l’IA en faveur du développement durable, les Pays-Bas ont annoncé qu’ils présenteraient cette année un nouveau projet de résolution sur « l’IA dans le domaine militaire et ses implications pour la paix et la sécurité internationales », conjointement avec la République de Corée. Les coauteurs estiment qu’il est temps qu’une discussion de fond démarre à l’ONU sur cette question.  La Suisse a relevé que la Première Commission peut en effet veiller à ce que l’IA dans le domaine militaire « soit développée et utilisée conformément au droit international et qu’elle ne compromette pas la paix, la sécurité ou la stabilité ».  Cette Commission est la mieux placée pour que l’Assemblée générale adopte cette priorité dans son ordre du jour et contribue à l’exploration de ses aspects normatifs, a dit le délégué. 

Pour leur part, les États-Unis ont mis un fort accent sur la question de la militarisation de l’espace extra-atmosphérique.  Une seule détonation d’arme nucléaire dans l’espace pourrait entraîner des conséquences incommensurables sur les transports, les marchés financiers, l’agriculture et la sécurité alimentaire, s’est alarmée la représentante.  Lançant un appel au renforcement des normes pour prévenir la mise en orbite d’armes nucléaires ou d’armes de destruction massive, elle a exhorté les autres délégations à soutenir le projet de résolution que son pays et le Japon présentent cette année. 

Le Brésil a annoncé la présentation d’un autre projet de résolution afin qu’émerge un seul processus délibératif sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace.  En effet, si deux processus concurrents devaient perdurer, l’éparpillement des ressources empêchera les petites délégations d’apporter leur contribution à la paix à ce niveau, a estimé le représentant brésilien.  L’Allemagne s’est elle aussi dite favorable à terme à la fusion des deux groupes de travail au sein desquels se déroulent les discussions. La représentante a toutefois noté qu’une nouvelle résolution demandant cette fusion devrait garantir que les deux mandats y sont reflétés de manière égale, « pour permettre la participation inclusive de toutes les parties prenantes concernées ». 

Les angoisses liées à un risque nucléaire jugé croissant se sont une fois encore exprimées.  L’Estonie a ainsi dénoncé la Fédération de Russie et son annonce, le 25 septembre dernier, d’une révision imminente de sa doctrine militaire en matière d’utilisation des armes nucléaires.  Pour l’Estonie, de telles menaces sont incompatibles avec les obligations qui incombent à un pays membre permanent du Conseil de sécurité.  Elle a également dénoncé le développement par la Chine de son arsenal nucléaire, qui sape la confiance et réduit la transparence, deux éléments indispensables au désarmement, et lancé un avertissement sur le risque grandissant de prolifération nucléaire au Moyen-Orient, du fait de la poursuite du programme nucléaire de l’Iran. 

C’est Israël qui s’est montré le plus virulent sur le programme nucléaire iranien.  Sa représentante a accusé l’Iran d’instrumentaliser les négociations en vue de gagner du temps et développer son programme nucléaire militaire.  Du fait d’une culture toujours plus répandue de non-conformité au Moyen-Orient, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) n’est pas effectif dans la région, a ajouté la représentante, qui a exclu toute participation de son pays à la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive.  Pour Israël, dans un tel cadre, la diplomatie ne suffit plus; il faut déployer des mécanismes de contrôle et de dissuasion. 

C’est dans ce contexte de risque nucléaire accru que la Nouvelle-Zélande a annoncé présenter, en collaboration avec l’Irlande, une résolution en vue de mettre sur pied un panel d’experts scientifiques pour produire un rapport sur les répercussions d’une guerre nucléaire.  Selon sa représentante, notre compréhension de cette problématique requiert une mise à jour, notamment en intégrant des conclusions scientifiques. 

Toutefois, comme l’a encore rappelé le Mexique, ce ne sont pas les armes nucléaires, mais les armes légères et de petit calibre (ALPC) qui font le plus de victimes au quotidien et sont à l’origine de près de la moitié des morts violentes dans le monde.  « S’il n’y avait pas une disponibilité presque illimitée d’armes et de munitions, la plupart des conflits armés inscrits à l’ordre du jour du Conseil de sécurité auraient de meilleures chances d’être résolus » a affirmé le représentant mexicain.  Le Président de l’Assemblée générale a lui aussi averti des coûts humains dévastateurs de la prolifération des ALPC.  Quant au Viet Nam, il a rappelé que les conflits sont souvent liés à la prolifération des armes classiques, se félicitant à ce titre du succès de la quatrième Réunion biennale des États pour l'examen de la mise en oeuvre du Programme d'action relatif aux armes légères et lançant un appel à sa mise en œuvre.

Malgré le contexte international tendu, la représentante des États-Unis a tenu à rappeler les succès récents du multilatéralisme sur les questions de désarmement et de sécurité.  Elle a ainsi évoqué des nouvelles encourageantes du côté du Comité préparatoire à la prochaine Conférence d’examen du TNP, ainsi que de la Conférence du désarmement; mentionné le rapport de consensus du Groupe de travail à composition non limitée sur les technologies de l’information et des communications (TIC), une première réunion plénière en vue de préparer une déclaration politique sur l’utilisation responsable de l’IA ou encore le Forum mondial sur le terrorisme radiologique et nucléaire, qui a permis de raviver le multilatéralisme contre ces menaces.  Les accords bilatéraux ont permis de réduire de 90% les arsenaux nucléaires dans le monde et la dissuasion a permis d’en prévenir la prolifération, a-t-elle également fait valoir. 

Enfin, l’Allemagne a annoncé un projet de résolution, en collaboration avec la France, en vue du quarante-cinquième anniversaire de l’Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR).  Il s’agirait de mettre en lumière sa contribution et de prier le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies d’émettre des recommandations pour inscrire son travail davantage dans la durée, a expliqué le représentant. 

La Première Commission poursuivra son débat général demain, mercredi 9 octobre, à partir de 10 heures. 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.