Dans un environnement sécuritaire fragile, les États Membres redisent leur détermination à œuvrer à un monde sans armes nucléaires
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« L’heure de l’élimination totale des armes nucléaires a sonné », a déclaré ce matin le Secrétaire général de l’ONU à l’ouverture de la Réunion de haut niveau consacrée à la célébration et à la promotion de la Journée internationale pour l’élimination totale de ces armes, une manifestation tenue chaque année à l’occasion de cette Journée instaurée en 2013. À la centaine de délégations présentes, dont une vingtaine était représentée au niveau ministériel, M. António Guterres a rappelé que la réalisation du désarmement nucléaire mondial, objet de la première résolution de l’Assemblée générale en 1946, reste la priorité la plus élevée des Nations Unies en matière de désarmement.
Ces engins de mort n’ont pas leur place sur notre planète, a-t-il affirmé, qualifiant d’aberration l’existence même de ces armes, capables d’anéantir des populations, des communautés et des villes entières en une seule frappe. Le Secrétaire général l’a aussi dit et répété: tout emploi de l’arme nucléaire déclencherait une catastrophe humanitaire.
La dimension humanitaire de l’armement nucléaire a ainsi fait réagir de nombreuses délégations présentes, qui ont massivement appuyé l’universalisation du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN), dont la portée éthique complète selon eux l’application de l’Article VI du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968.
L’Autriche -un des très rares pays occidentaux à avoir ratifié le TIAN- l’Afrique du Sud, l’Argentine ou encore le Honduras, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), et le Kazakhstan ont livré un plaidoyer en faveur de ce traité adopté en 2017 et entré en vigueur en janvier 2021. Constatant que les instruments de maîtrise du contrôle des armements nucléaires s’effondrent ou sont dans l’impasse, l’Autriche a exhorté les États dotés d’armes nucléaires à renoncer, comme leur demande le TIAN, à leurs doctrines de dissuasion, jugeant que la sécurité internationale ne peut pas être fondée sur les suppositions et les jeux de dupes. « Nous pensions connaître les conséquences catastrophiques qui résultent de tout recours aux armes nucléaires, or la science estime à présent que celui-ci aurait aujourd’hui des répercussions environnementales plus graves encore », a fait valoir le vice-Ministre autrichien des affaires politiques.
C’est encore au nom d’une défense du TIAN que des pays de la région Pacifique ont fait entendre leur voix de victimes passées d’essais nucléaires. Les Îles Marshall, les Fidji et les Îles Salomon –ces dernières ont, comme l’Indonésie et la Sierra Leone, déposé leur instrument de ratification du TIAN le 24 septembre dernier– sont venues rappeler que pas moins de 300 essais avaient été effectués dans le Pacifique de 1946 à 1996, et que leurs peuples ne connaissent que trop bien les ravages occasionnés sur l’environnement et la santé humaine, sur plusieurs générations, par ces explosions. Leur soutien au TIAN est aussi motivé par le rôle joué par la société civile, y compris les associations d’aide aux victimes, dans son élaboration. Le Kazakhstan, pays qui fut lui aussi meurtri par les essais nucléaires effectués sur son territoire par l’Union soviétique pendant quatre décennies, a souligné la mise en place, à son initiative, d’un fonds d’affectation mondiale pour la réparation de l’environnement affecté par les essais nucléaires.
Le TIAN a aussi reçu le soutien du Saint-Siège -un des premiers États à l’avoir ratifié-, du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, qui ont insisté sur le fait que le droit international humanitaire s’applique pleinement à l’utilisation des armes nucléaires. L’utilisation et la menace d’utilisation des armes nucléaires sont en elles-mêmes « contraires aux principes d’humanité », a souligné le CICR.
Le Secrétaire général de l'ONU et le Président de l’Assemblée générale, M. Philémon Yang, ont demandé à la Fédération de Russie et aux États-Unis de s’engager de nouveau dans une démarche visant à limiter les armes nucléaires. À cela, les États-Unis, qui intervenaient pour la première fois à cette réunion de haut niveau, ont répondu être prêts à travailler avec la Russie à un contrôle bilatéral des armements nucléaires et, avec la Chine, à la réduction du risque nucléaire. Le représentant chinois a réagi en déclarant que les deux principaux détenteurs d’armes nucléaires doivent honorer leurs engagements en vertu de l’Article VI du TNP et s’efforcer de réunir les conditions propices à ce que les autres États dotés leur emboitent le pas. Le représentant a également rappelé que la doctrine de son pays est axée en particulier sur le non-emploi en premier d’armes nucléaires.
La main tendue par les États-Unis n’a pas, du reste, empêché la représentante américaine de dénoncer « l’épée de Damoclès nucléaire que la Russie menace d’utiliser par folie ou à dessein » et le veto cynique que ce membre permanent a exercé pour bloquer l’adoption, en mai dernier, d’un projet de résolution du Conseil de sécurité interdisant aux parties au Traité sur l’espace extra-atmosphérique de 1967 de placer en orbite autour de la Terre tout objet transportant des armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive.
Les États-Unis n’en ont pas moins essuyé le feu des critiques de certains des 121 États membres du Mouvement des pays non alignés (MNA). Cuba, notamment, a imputé aux États-Unis le fait que sur les quelque 12 000 armes nucléaires existant aujourd’hui, 4 000 sont déployées et 2 100 placées en état d’alerte élevé par ce pays, lequel a soutenu le Ministre cubain des affaires étrangères, impose cette course aux armements et leur modernisation dans le but « de dominer le monde ». Le TIAN, qu’ont signé ou ratifié presque tous les membres de la CARICOM, est un instrument de plus qui permettrait de freiner les ambitions hégémoniques américaines, a-t-il dit. Le Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Iran, autre pilier du MNA, a accusé les États dotés « occidentaux » d’avoir édulcoré les passages du Pacte pour l’avenir relatifs au désarmement, mus par la défense de leurs seuls intérêts. Il a par ailleurs demandé à la communauté internationale d’exhorter Israël, seul pays de la région à posséder un arsenal nucléaire « clandestin » appuyé par les États-Unis, et qui menace d’autres États d’annihilation, à adhérer au TNP.
MM. Guterres et Yang ont souligné que le Pacte adopté dimanche mentionne que la communauté internationale a réitéré son engagement de revitaliser le régime mondial de désarmement et de faire en sorte que le monde progresse vers la réalisation de l’objectif commun qu’est l’élimination totale des armes nucléaires. C’est dans cette optique que les États arabes et africains ont plaidé pour la création, dans un contexte sécuritaire particulièrement troublé, d’une zone exempte d’armes nucléaires et autres armes de destruction massive au Moyen-Orient.
Ces pays, ainsi que les membres du MNA, ont condamné les menaces « effrayantes » brandies par un ministre israélien de larguer une bombe atomique sur Gaza et la rhétorique nucléaire préoccupante de Benjamin Netanyahu envers l’Iran, jugeant urgente, à cette aune, l’instauration urgente d’une telle zone dans la région. L’Égypte, qui fut en 1995, dans le cadre du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), à l’origine de cette proposition, a appelé les États Membres concernés et au-delà à participer à la cinquième session de la Conférence sur la création au Moyen-Orient d’une zone exempte d’armes de destruction massive qui se tiendra, à New York, au mois de novembre. Le représentant de l’État de Palestine a fait sien cet appel à avancer sur la voie de cette initiative, « même si Israël refuse de s’y rallier ». Le Brésil, au nom de l’Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), a assuré de leur soutien les parties négociantes à la Conférence.
Les pays en développement, qui continuent de demander la création d’un instrument juridiquement contraignant leur assurant qu’aucun État doté ne pourra avoir recours à des frappes nucléaires contre eux ou à des menaces de frappes, ont rappelé leur droit à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Ces pays, à l’instar de l’Azerbaïdjan ou de l’Indonésie, ont dit entretenir un partenariat solide et productif avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), cette collaboration leur permettant, sous le contrôle de l’Agence, de bénéficier de la technologie nucléaire dans des domaines tels que la médecine, l’agriculture et la protection de l’environnement. Le Ministre de la recherche scientifique de la RDC a fait savoir que l’uranium de son pays avait permis la mise au point des premières armes nucléaires en 1945, entraînant leur utilisation dramatique au Japon. La RDC a ensuite adhéré au programme onusien « Atomes pour la paix » dans les années 1950, mettant au point dans la fournée le premier réacteur nucléaire fonctionnel africain, lequel a permis la production de radio-isotopes appliqués à la médecine, à l’agriculture et à l’industrie partout en Afrique, a expliqué le Ministre.
Enfin, parce que l’année prochaine marquera les 80 ans des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, le Japon a annoncé qu’il renforcerait ses initiatives de communication internationales sur cette tragédie. « Nous ne devons pas laisser aux générations futures la responsabilité de relever les défis d’aujourd’hui. La responsabilité de l’élimination totale des armes nucléaires nous incombe déjà », a dit le représentant.