Soixante-dix-huitième session,
56e séance plénière – matin
AG/12583

L’Assemblée générale marque le deuxième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Fédération de Russie

« Journée fatidique » qui marque le début de violations « prolongées » du droit international.

« Demain, le 24 février, marquera le deuxième anniversaire du lancement de l’agression à grande échelle de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, laquelle a plongé son voisin souverain et des civils innocents dans la terreur et la souffrance ».  C’est sur ce sombre constat que le Président de l’Assemblée générale a ouvert, ce matin, en présence de nombreux ministres, la séance de cet organe consacrée à son point à l’ordre du jour concernant la situation dans les territoires ukrainiens temporairement occupés. 

Depuis cette date, des millions de civils innocents ont été arrachés à leurs foyers et contraints de fuir, en quête de sécurité et d’abris, a ajouté M. Dennis Francis, tandis qu’écoles et hôpitaux sont aujourd’hui dans un état de ruine « totale et calculée ».  Ce « jour fatidique » marque aussi le début d’une série de violations « prolongées, illégales et flagrantes » de la Charte des Nations Unies et du droit international par la Fédération de Russie, a-t-il relevé.

Loin de s’apaiser, les hostilités ne font que gagner en intensité, a poursuivi le Président, le nombre de civils tués et blessés en janvier de cette année ayant augmenté de 37% par rapport à novembre 2023, selon les chiffres de la mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine.  Parmi les atrocités commises depuis le début du conflit, nous ne devons pas oublier les milliers d’enfants ukrainiens arrachés à leur famille et déportés de force vers la Russie.  « Ces enfants innocents, illégalement enlevés, doivent être rapatriés en Ukraine et retrouver immédiatement leurs familles », a-t-il insisté.

Considérant « qu’aucune atrocité énumérée dans le Statut de Rome n’a pas été commise par la Russie pendant cette guerre », le Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine n’a pas trouvé surprenant que le Président russe lui-même figure sur la liste de personnes recherchées de la Cour pénale internationale (CPI) pour avoir enlevé des enfants ukrainiens. 

Or, a-t-il ajouté, l’Assemblée générale a montré à maintes reprises que la majorité de la communauté internationale se tient aux côtés de son pays, du droit international et de la paix.  Si la Russie avait mis en œuvre la décision juridiquement contraignante de la Cour internationale de Justice (CIJ) de mars 2022, nous vivrions déjà en paix. Pour sa part, Kyïv s’efforce de mobiliser le soutien international à la formule de paix proposée par le Président Zelenskyy, initiative qui jouit selon le Chef de la diplomatie ukrainienne d’un véritable appui mondial, et pas seulement occidental. Il a également fait état des préparatifs en vue du premier sommet mondial pour la paix qui se tiendra en Suisse. 

Dans l’intervalle, l’ampleur de la guerre et de ses retombées mondiales demeurent sans précédent.  Dans les territoires occupés, les violations des droits humains incluent des détentions arbitraires, des actes de torture, des atteintes sexuelles, l’enrôlement forcé et la modification démographique délibérée.  « Enlever des enfants ukrainiens, prendre des civils en otage, voilà certains des pires crimes commis par la Fédération de Russie », a fustigé le Ministre, pour qui l’ONU « peut et doit agir » davantage. 

Il a exhorté les États Membres à ne pas écouter les « mensonges russes » qui visent à soustraire la Russie à ses responsabilités pendant qu’elle poursuit sa « guerre coloniale » et refuse à l’Ukraine le droit d’exister. « L’objectif de Moscou est de détruire l’Ukraine, et il ne s’en cache pas. »  « Espérer simplement que l’agresseur fera le choix de la paix n’est pas réaliste », a ajouté le Ministre. 

« La réalité est qu’il n’existe pas de territoires ukrainiens temporairement occupés », a contré la Fédération de Russie, mais plutôt des « régions russes », y compris la Crimée, « dont nous célébrerons le dixième anniversaire de la réunification en mars ».  Derrière les « mensonges » proférés par Kiev et ses « parrains occidentaux » se cache selon elle une volonté de « réécrire complètement l’histoire » en plantant un récit en noir et blanc dans lequel la Russie serait l’agresseur et l’Ukraine la victime innocente. 

Après que le « chemin de la Crimée » a été suivi par quatre autres « anciennes régions ukrainiennes », la population des villes « libérées » a salué, selon lui, les soldats russes comme des libérateurs.  « Ce n’est pas la Russie qui a déclenché cette guerre, c’est la Russie qui est finalement parvenue à l’arrêter », a-t-il argué. 

Contrairement au « régime de Kiev », la Fédération de Russie n’a jamais refusé les négociations, a assuré la délégation russe, tout en jugeant inutile de de perdre son temps avec les « plans vides de sens » proposés par l’Ukraine, lesquels ne sont rien d’autre à ses yeux qu’un ultimatum adressé à Moscou. 

Le 24 février 2022, l’Europe s’est éveillée dans un cauchemar, selon la Suisse, le « lointain spectre de la guerre » s’étant soudainement matérialisé.  « Toutes les précautions prises depuis 75 ans pour prévenir la répétition des tragédies du XXe siècle semblaient soudainement vaines », a-t-elle ajouté, ni le multilatéralisme ni le droit international ne pouvant résister à la force militaire. 

Or, l’agression russe de l’Ukraine ne date pas de 2022, mais bien de 2014, a relevé la Lituanie, rejointe par plusieurs délégations, en évoquant l’annexion illégale de la Crimée et la déstabilisation du Donbass.  « Si qui que ce soit entretenait encore des doutes sur ce dont la Russie est capable, le sort tragique d’Alexei Navalny constitue une nouvelle illustration de la répression impitoyable de la dissidence et du rythme alarmant auquel la Russie poursuit sa descente vers le totalitarisme », a-t-elle analysé.

S’appuyant à son tour sur l’histoire, le Ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni a fait valoir que cette invasion n’avait pas plus profité à la Russie qu’à ces régions, la Crimée étant aujourd’hui beaucoup plus dépendante de Moscou qu’elle ne l’a jamais été de Kyïv.  Qui plus est, si aucun soldat russe n’est mort en luttant contre l’Ukraine avant 2014, aujourd’hui, plus de 300 000 d’entre eux sont tombés au combat.  « Une paix injuste maintenant n’invitera qu’une reprise des combats en Ukraine quand ça l’arrangera », a-t-il prévenu. 

Nous devons encore garder à l’esprit que l’impact de cette guerre s’étend bien au-delà des frontières de l’Ukraine, a rappelé le Président de l’Assemblée générale. Ce conflit a touché tous les États Membres réunis dans cette salle, que ce soit sous la forme de la flambée des prix des denrées alimentaires ou de l’insécurité énergétique, de la militarisation des sites nucléaires ou encore des dégâts environnementaux.  « Il ne fait aucun doute que cette guerre inutile a été un catalyseur important dans la refonte de la géopolitique et de la géoéconomie mondiales », a ajouté M. Francis, en particulier dans les pays en développement. 

Au cœur de la multiplication des conflits dans le monde depuis deux ans se trouve, selon le Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, la « plaie béante au cœur même de l’Europe » du conflit ukrainien.  Bien qu’elle soit membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie manifeste depuis longtemps un mépris flagrant à l’égard de la Charte des Nations Unies, a ajouté la Pologne, mépris qui se manifeste aujourd’hui alors qu’elle utilise la nourriture comme arme. 

En s’efforçant de nier l’identité ukrainienne et de « rationnaliser l’inacceptable », les actions de la Fédération de Russie nous concernent tous, ont confirmé les États-Unis.  Pour la délégation américaine, le recours aux exportations énergétiques comme outil de coercition a provoqué la volatilité des marchés mondiaux; la destruction des terres, de l’eau et de l’air ont endommagé l’environnement de l’ensemble de la région de la mer Noire; et l’achat de munitions auprès de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), y compris des missiles balistiques, ont mis à mal le régime mondial de non-prolifération. 

Cela fait deux ans que la Russie fait consciemment le choix de nourrir son effort de guerre plutôt que d’aider les populations dans le besoin, de pilonner chaque jour le système agricole ukrainien, d’essayer de bloquer le transport des céréales en mer Noire, a déclaré la France, pour qui « ce choix fait par la Russie, c’est le choix d’affamer ». 

Compte tenu des conséquences régionales et mondiales de ce conflit, le Danemark a souligné, au nom des pays nordiques, l’importance que la communauté internationale assure un soutien le plus large possible à la formule de paix de l’Ukraine.  À la demande de ce pays, la Suisse compte organiser, d’ici à l’été, une conférence de haut niveau pour la paix en Ukraine afin de trouver une voie réaliste menant à la fin des hostilités. 

Le mois dernier, le Luxembourg a été l’hôte d’une réunion concernant la mise en place d’un tribunal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine.  Bien que le Conseil de sécurité demeure paralysé par les divisions, le Président de l’Assemblée générale a appelé les États Membres à tirer parti de leur voix collective, dont la résolution adoptée il y a un an par l’Assemblée constitue une feuille de route, pour atteindre l’objectif d’une paix globale.

Ce débat de l’Assemblée générale sur la situation dans les territoires ukrainiens temporairement occupés se terminera lundi 26 février, à partir de 10 heures. 

 

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