Soixante-dix-huitième session,
51e & 52e séances - matin & après-midi
AG/12580

Réunion de l’Assemblée générale tenue après le veto des États-Unis le 22 décembre, l’occasion de lancer encore des appels au cessez-le-feu à Gaza

La séance de l’Assemblée générale tenue aujourd’hui en conséquence de l’exercice du droit de veto par les États-Unis au Conseil de sécurité le 22 décembre 2023, conformément à la résolution (A/RES/76/262), a entendu plus de 50 intervenants présenter des arguments sur une crise qui oppose toujours autant certains États Membres, le débat tournant en véritable joute oratoire et de « visuels » entre Israël et l’État de Palestine.  Le délégué israélien est en effet venu à la tribune de l’ONU avec des photos de jeunes femmes otages du Hamas et d’un bébé israélien de 1 an à qui il a « offert » un gâteau d’anniversaire, tandis que l’Observateur permanent de l’État de Palestine a brandi un panneau appelant au cessez-le-feu (« Ceasefire Now »).  « Les 9 000 enfants de Gaza tués ne recevront plus de cadeau d’anniversaire », a commenté tristement Cuba.  Les délégations qui ont participé à ce débat ont dans leur quasi-totalité réclamé un cessez-le-feu immédiat dans la guerre qui oppose Israël au Hamas depuis le 7 octobre 2023. 

En introduction, le Président de l’Assemblée générale, dont le texte a été lu par son vice-président, a dit que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité peuvent et doivent travailler ensemble sur les questions de paix et de sécurité internationales pour créer un monde pacifique et plus sûr.  Prenant acte du rapport spécial du Conseil de sécurité sur le veto du 22 décembre 2023, le Président a encouragé les parties à appliquer pleinement les dispositions de la résolution 2720 (2023) adoptée le même jour sans l’amendement russe frappé du veto américain.  Cette résolution appelle à « des mesures urgentes pour permettre immédiatement un accès humanitaire sûr, sans entrave et élargi et pour créer les conditions d’une cessation durable des hostilités », pour protéger les civils et sauver des vies. 

À l’origine du veto qui a déclenché la mise en œuvre de la résolution de l’Assemblée générale -convocation d’une séance de l’Assemblée dans les 10 jours ouvrables suivant l’exercice du droit de veto par un ou plusieurs membres permanents du Conseil de sécurité, afin de tenir un débat sur la situation au sujet de laquelle le veto a été opposé-, les États-Unis ont rappelé que la résolution adoptée le 22 décembre témoigne de leur engagement à travailler avec les autres membres du Conseil pour élaborer un texte solide et axé sur l’humanitaire.  Toutefois, un membre permanent du Conseil de sécurité a proposé « des amendements déconnectés de la situation sur le terrain », a regretté le délégué américain surpris par ailleurs que d’autres États Membres aient cessé de parler du sort des plus de 100 otages détenus par le Hamas.  L’Autriche a précisé que le veto des États-Unis avait été utilisé contre un amendement oral de la Russie et non contre le texte global adopté ce jour-là. 

Cet amendement, soutenu par 10 membres du Conseil, insistait sur la cessation des hostilités, a répondu la Fédération de Russie qui a accusé les États-Unis de saper les efforts des Nations Unies pour faire avancer leurs propres priorités stratégiques au Moyen-Orient.  L’exercice du droit de veto par les États-Unis a permis à Israël de poursuivre ses bombardements et l’agression des populations de Gaza, a constaté l’Iran pour qui ce veto allait à l’encontre des appels à mettre un terme à ce bain de sang et est contraire au droit international humanitaire.  L’Iran a demandé des sanctions contre Israël pour ses agissements. 

L’Observateur permanent de l’État de Palestine brandissant un panneau avec le slogan « Ceasefire Now » a d’abord dénoncé le carnage dont sont victimes les familles palestiniennes avant de souligner l’importance d’un cessez-le-feu humanitaire immédiat, comme « demandé par le monde entier », notamment le Secrétaire général, les États Membres de l’ONU et les organisations humanitaires. Le seul moyen de mettre un terme à cette horreur est un cessez-le-feu, a-t-il tranché, un cessez-le-feu « immédiat et intégral », a ajouté Bahreïn au nom du Groupe des États arabes. 

Les délégations qui se sont exprimées toute la journée ont été nombreuses à réclamer ce même cessez-le-feu à Gaza, la Sierra Leone ou le Mexique, qui a estimé que « c’est le moins que l’on puisse faire ». 

Un cessez-le-feu serait une victoire pour le Hamas, a vivement réagi Israël.  Pour le représentant, ce serait un feu vert pour la poursuite de la terreur.  « C’est oublier les otages israéliens et les crimes perpétrés par le Hamas.  C’est comme un message clair à tous les terroristes du monde entier, comme ceux du Hezbollah et les houthistes, qu’ils peuvent agir à leur guise. »  Le représentant israélien a d’ailleurs accusé l’Assemblée générale de manquer de courage et de détermination pour demander la libération des otages « au Hamas qui se livre depuis 17 ans à des actes terroristes ».  Il a opposé à cela l’attitude d’Israël qui, de son côté, facilite l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, et ce quotidiennement. 

La Hongrie a salué à ce propos l’ouverture par Israël du point de passage de Kerem Shalom pour acheminer de l’aide humanitaire, tout en soulignant la nécessité que cette aide ne tombe pas entre les mains du Hamas.  Cette ouverture est une première étape positive, a salué l’Allemagne en se félicitant, comme l’Italie et la Namibie, de la nomination de Mme Sigrid Kaag au poste de coordonnatrice des Nations Unies pour l’aide humanitaire et la reconstruction à Gaza. 

Israël, a affirmé le délégué des États-Unis, était prêt au retour à une pause et à la libération d’otages, contrairement au Hamas qui est revenu sur les engagements qu’il avait pris lors de la première pause pour les libérations d’otages.  Washington reste déterminée à obtenir une nouvelle pause et à faire sortir les otages de Gaza, a déclaré la délégation.  Pour elle, le conflit aurait déjà cessé si le Hamas arrêtait de se cacher derrière les civils et déposait les armes, et si une pression internationale était exercée sur ses dirigeants pour qu’ils mettent fin au conflit qu’ils ont déclenché le 7 octobre. 

Soulignant l’importance de l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza, Bahreïn a estimé que la pause humanitaire était la seule façon de mettre fin à cette tragédie. Rappelant en outre l’ampleur des dégâts causés par la guerre, le représentant a appelé le Conseil de sécurité à faire cesser les pratiques illégales et la punition collective de la population de Gaza.  Pour elle, il a demandé une protection internationale et la cessation des déplacements de populations. 

S’agissant de l’exercice du droit de veto, l’Indonésie a compté que chaque fois que ce droit est exercé s’agissant de la situation à Gaza, c’est plus de 5 000 Palestiniens qui sont tués.  Les États-Unis sont complices des meurtres commis contre les Palestiniens, a asséné la République arabe syrienne.  La déléguée des Émirats arabes unis a rappelé que le veto avait été exercé à 37 reprises depuis 1972 sur la question palestinienne.  L’Observateur permanent de l’État de Palestine a donc dit soutenir la proposition de la France et du Mexique pour une suspension du veto en cas d’atrocités de masse, de génocide, de crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, ce qui comprend l’attaque israélienne contre la population palestinienne de la bande de Gaza.  La Suisse a prôné un usage restrictif du droit de veto appelant à plus de consensus au Conseil de sécurité.  Le veto doit être exercé avec responsabilité et prudence, a renchéri le Royaume-Uni.  La Nouvelle-Zélande a rappelé, quant à elle, être opposée depuis 1945 à l’usage de ce droit, le qualifiant de « mécanisme anachronique ». 

Cuba a pourfendu la faillite du Conseil de sécurité sur cette question alors qu’il doit mettre fin à l’impunité d’Israël pour ses violations du droit international et pour le meurtre du personnel de l’ONU à Gaza.  La Chine a regretté l’exercice du droit de veto par un membre permanent du Conseil de sécurité, le 22 décembre, avant d’appeler aussi à un cessez-le-feu immédiat afin de protéger la vie des civils.  Sans cessez-le-feu, il sera impossible de libérer les otages et d’acheminer l’aide humanitaire, a prévenu le délégué chinois.  Le Conseil doit agir au nom de tous les États Membres, a souligné le Liechtenstein en rappelant que l’amendement de la Fédération de Russie avait été présenté à la dernière minute. 

L’adoption de la résolution 2720 (2023), malgré le veto sur l’amendement russe, a largement été saluée, par le Canada notamment qui a demandé, outre le cessez-le-feu, la libération des otages encore aux mains du Hamas.  « Nous sommes conscients du fait que ce sont les attaques choquantes du Hamas qui ont déclenché ce conflit », a déclaré l’Inde. Le caractère « odieux » des attaques du Hamas a été souligné par le Japon qui a saisi cette occasion pour rappeler les efforts diplomatiques du pays ayant exercé son droit de veto.  Le Luxembourg, tout en estimant que l’exercice du veto est toujours regrettable, a déploré que ni le Conseil ni l’Assemblée n’aient condamné les attaques du Hamas. 

L’Irlande a rendu hommage au rôle joué par le personnel de l’ONU à Gaza où la situation est « inacceptable et choquante », avant de demander la libération des otages.  Le délégué irlandais a en outre estimé que les mesures prises par Israël sont excessives, appelant ce pays à respecter le principe de précaution.  La République de Corée a souligné à cet égard que le droit à la légitime défense doit être appliqué dans le respect du droit international. 

Pour le Brésil, le Conseil doit tout faire pour que les pourparlers de paix soient ouverts; pour la Norvège, la communauté internationale doit prévenir l’escalade à Gaza.  L’Afrique du Sud a d’ailleurs rappelé que l’ONU avait été créée pour empêcher les guerres et non pour assister au déroulement de celles-ci.  « Les atrocités en cours ne sont que le dernier chapitre d’une longue histoire qui dure depuis 70 ans », a rappelé le représentant en faisant référence à la pratique du « deux poids, deux mesures » dans la défense des droits des Israéliens et des Palestiniens, et en assimilant cette situation au colonialisme et à la situation d’apartheid que l’Afrique du Sud a connu dans le passé.  « Nous avons présenté un dossier à la Cour internationale de Justice pour que la lumière soit faite sur les atrocités en cours », a justifié la délégation, un recours qu’Israël a vivement regretté.  Le délégué israélien a ainsi exprimé son désaccord quant à l’utilisation, comme arme à l’encontre de l’État juif, de la Convention sur la prévention du génocide, alors que cet instrument juridique a été adopté à la suite de l’Holocauste et du génocide du peuple juif. 

Pour leur part, la Belgique et le Chili ont signalé leur intention d’informer la Cour pénale internationale de la situation en Palestine.  Malgré tous ces arguments, le débat a tendu vers un soutien à la solution des deux États, qui a été présentée comme « la seule solution viable ».  C’est la seule solution pour que se lève une lueur d’espoir dans la région, a résumé la Sierra Leone.  « Nous devons œuvrer à un avenir où Israéliens et Palestiniens vivront côte à côte en paix.  C’est la seule façon d’aller de l’avant », ont conclu les États-Unis. 

Enfin, sur un autre point à son ordre du jour, l’Assemblée générale a adopté par consensus la résolution A/78/L.34 créant la Journée internationale pour la science, la technologie et l’innovation dans le Sud qui sera célébrée chaque année le 16 décembre.

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