La Commission de la population et du développement lance sa session 2023 en abordant le thème de l’éducation de qualité, un droit humain fondamental
« En Afghanistan et partout ailleurs, l’éducation de qualité est un droit humain et une source de dignité et d’autonomisation économique », a déclaré avec autorité la Vice-Secrétaire générale de l’ONU, ce matin, dans son discours d’ouverture de la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement. Mme Amina J. Mohammed a ainsi mis l’emphase sur le thème des travaux -« population, éducation et développement durable »- alors que la session 2023 est la première, depuis avril 2019, à se tenir entièrement en présentiel, comme l’a précisé son Président, M. Gheorghe Leucã (République de Moldova). Ce dernier a rappelé à ce propos que la pandémie de COVID-19 a mis à mal certains des acquis durement gagnés comme les progrès vers l’égalité des sexes dans l’éducation. C’est donc à juste titre que cette session entend se pencher sur les moyens de promouvoir les résultats du Sommet sur la transformation de l’éducation, que le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, avait organisé en septembre 2022 au Siège de l’ONU.
Les différents intervenants de la séance d’ouverture de ce matin ont unanimement rappelé l’importance d’assurer une éducation universelle. Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, M. Li Junhua, a énuméré les bienfaits d’une éducation de qualité en rappelant lui aussi que c’est un droit humain. Malgré cela, a-t-il mis en garde, 244 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés et plus de la moitié des enfants et adolescents ne satisfont pas aux normes minimales de compétence en lecture et en mathématiques. En effet, dans les pays les moins avancés (PMA) et ceux à revenu intermédiaire, jusqu’à 70% d’enfants ne savent pas lire un texte de base à 10 ans, a noté le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. Xing Qu, qui a aussi déploré des taux croissants de dépression et de stress chez les jeunes et les enseignants. D’où une augmentation du décrochage scolaire et une pénurie d’enseignants.
Une éducation de qualité est un droit humain fondamental, a insisté la Directrice exécutive du Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP). Mme Natalia Kanem a appelé à protéger et défendre ce droit pour tous, y compris l’éducation complète à la sexualité qui est offerte d’une manière adaptée selon l’âge et la culture. Cette dernière, a-t-elle expliqué, donne aux jeunes les connaissances, les compétences et les attitudes nécessaires pour développer des relations saines. Elle permet aux adolescentes d’éviter les grossesses non planifiées et aide les filles et garçons à rester à l’école et à passer en toute sécurité à l’âge adulte. « Donnez aux gens l’information et le pouvoir de prendre en charge leurs propres droits et de faire leurs propres choix en matière de procréation, et les résultats de développement s’amélioreront », a-t-elle promis. Cela ne l’a pas empêchée de s’inquiéter pour les femmes qui constituent les deux tiers des 770 millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire.
« Nous devons être unis et lancer un appel aux autorités de fait de l’Afghanistan pour qu’elles reviennent sur l’interdiction d’éducation et d’emploi aux femmes et filles afghanes », a insisté la Vice-Secrétaire générale de l’ONU qui a placé cette session dans le contexte du retard pris dans la réalisation du quatrième objectif de développement durable, « une éducation de qualité » (l’ODD 4). Citant le rapport du Secrétaire général intitulé « Population, éducation et développement durable » (E/CN.9/2023/2), Mme Mohammed a exhorté à transformer les systèmes éducatifs en prenant en compte l’évolution démographique. La clef du débat est le lien entre l’éducation, la technologie et les tendances démographiques, a-t-elle estimé, prévenant qu’il faudra, sur ces questions, des engagements clairs lors du Sommet sur les objectifs de développement durable en septembre.
La Vice-Secrétaire générale a rappelé à cet égard que la pauvreté numérique est le nouveau visage de l’inégalité entre les sexes. Elle a demandé des actions délibérées en matière de recherche et développement ainsi que dans le domaine du transfert de technologie pour accroître l’accès des jeunes femmes à la technologie et aux compétences techniques. Le but est qu’elles puissent poursuivre leurs études et avoir des chances égales de contribuer à la science et à l’innovation. De plus, les nouvelles technologies rendent l’apprentissage tout au long de la vie accessible et agréable pour les personnes âgées, a ajouté la Directrice exécutive du FNUAP. Le Directeur général par intérim de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA) a d’ailleurs rassuré sur les conséquences du vieillissement de la population en invitant à prendre en compte les effets de la participation au marché du travail et à l’éducation des différentes catégories de population, dont les personnes âgées.
Pour la population à l’autre bout de la pyramide des âges, l’UNESCO mène des actions « fortes », notamment dans le cadre de sa campagne « Les filles au premier plan », lancée peu après le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, qui a atteint 400 millions de personnes et a permis de réduire les écarts filles-garçons. L’UNESCO renforce aussi les efforts pour intégrer la santé et le bien-être dans les écoles, notamment en veillant à ce que des repas scolaires nutritifs soient fournis.
En ouvrant sa session, la Commission a adopté son ordre du jour provisoire (E/CN.9/2023/1), avant d’approuver le projet d’organisation de ses travaux (E/CN.9/2023/L.1). La journée a été marquée par le début du débat général et par un débat d’experts dans l’après-midi, suivi d’un débat interactif, sur les trois rapports du Secrétaire général publié pour cette session.
En début de séance, la Commission a confirmé la nomination de ses vice-présidents: Mme Sarah Linton (Australie), M. Imanuel (Indonésie), Mme Sylvia Paola Mendoza Elguea (Mexique), et M. Monei Fetsi Future Rapuleng (Botswana) qui assurera également la fonction de rapporteur de la session.
La Commission reprendra ses travaux mardi 11 avril, à partir de 10 heures.
OUVERTURE DE LA SESSION
Déclarations liminaires
Le Président de la Commission de la population et du développement, M. GHEORGHE LEUCĀ (République de Moldova), a rappelé que cette session 2023 est la première, depuis avril 2019, qui se tient entièrement en présentiel. La pandémie de COVID-19 a d’ailleurs fait des ravages dans l’éducation, a-t-il regretté en rappelant que plus de 90% des enfants du monde ont vu leur éducation interrompue depuis l’apparition du coronavirus. Les fermetures d’écoles et autres perturbations ont aggravé la crise mondiale de l’apprentissage, exacerbant les inégalités d’accès à l’éducation et la qualité de celle-ci. La pandémie a également mis à mal certains des acquis durement gagnés comme les progrès vers l’égalité des sexes dans l’éducation, a récapitulé le Président de la Commission. C’est d’ailleurs pour récupérer les pertes d’apprentissage liées à la pandémie et pour réorganiser l’éducation dans un monde en évolution rapide que le Secrétaire général a convoqué le Sommet sur la transformation de l’éducation en septembre 2022. La session de cette année de la Commission entend donc examiner comment promouvoir les résultats du sommet de l’an dernier, a-t-il expliqué. Selon le Président, la crise mondiale de l’éducation est réelle. C’est pourquoi il a dit espérer que les délégations parviendront à un consensus sur le projet de résolution sur le thème spécial de la session. Il a également appelé à combler le fossé entre les sexes dans l’éducation, tout en améliorant la qualité des enseignements.
Mme AMINA J. MOHAMMED, Vice-Secrétaire générale de l’ONU, a d’entrée de jeu attiré l’attention des participants à la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement sur le sort des femmes et des filles afghanes qui font face au défi le plus grave qui soit en matière d’éducation. « Nous devons être unis et lancer un appel aux autorités de fait de l’Afghanistan pour qu’elles reviennent sur l’interdiction d’éducation et d’emploi aux femmes et filles afghanes », a-t-elle lancé en appelant aussi à soutenir leurs mouvements pour trouver des solutions innovantes. En Afghanistan et partout ailleurs, l’éducation de qualité est un droit humain et une source de dignité et d’autonomisation économique, a souligné Mme Mohammed.
La Vice-Secrétaire générale a replacé la session dans le contexte du retard pris dans la réalisation de l’objectif de développement no 4 (ODD 4 sur l’éducation de qualité). Elle a énuméré les crises qui entravent les efforts en matière d’équité et d’inclusion, de qualité et de pertinence, alors qu’il faut doter les générations actuelles et à venir des compétences pour s’épanouir dans un monde en évolution rapide. Quelque 263 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés dont 60% ont entre 15 et 17 ans, a-t-elle donné comme chiffre pour illustrer ses propos. De plus, a-t-elle ajouté, près de 70% des enfants dans les pays les plus pauvres sont incapables de comprendre un texte de base à l’âge de 10 ans en raison des effets de la pauvreté et de la malnutrition.
Citant le rapport du Secrétaire général intitulé « Population, éducation et développement durable » (E/CN.9/2023/2), la Vice-Secrétaire générale a exhorté à transformer les systèmes éducatifs en prenant en compte l’évolution démographique. La clef du débat est le lien entre l’éducation, la technologie et les tendances démographiques, a-t-elle estimé disant qu’elles sont le moteur de l’accélération des ODD. « Ce sont des questions sur lesquelles il faut des engagements clairs lors du Sommet sur les objectifs de développement durable en septembre. » L’objectif est la prospérité et le bien-être de tous, a-t-elle insisté en appelant à cet effet à renforcer la capacité des personnes à être les agents de leur propre vie ainsi qu’à autonomiser et aider les femmes et les filles à atteindre leurs objectifs en matière de procréation.
La Vice-Secrétaire générale a aussi dissuadé de faire les choses comme avant. Chaque étudiant doit être préparé aux changements climatiques et être connecté à Internet et aux innovations numériques, en particulier les jeunes femmes et filles du Sud, a-t-elle encouragé. Elle a rappelé à cet égard que la pauvreté numérique est le nouveau visage de l’inégalité entre les sexes. Elle a demandé à la Commission de puiser dans les résultats du Sommet sur la transformation de l’éducation de 2022 afin de créer un nouvel élan pour un mouvement mondial dirigé par des jeunes en vue du Sommet de l’avenir de 2024.
Selon Mme Mohammed, maintenir l’élan, c’est offrir une éducation de qualité dès le plus jeune âge et la possibilité de l’apprentissage tout au long de la vie pour tous. Il faut également tirer le meilleur parti de notre diversité démographique. La technologie change la nature et la disponibilité de l’emploi, a-t-elle remarqué en soulignant aussi son potentiel pour l’inclusion financière des femmes du secteur informel ainsi que pour répondre aux besoins des personnes âgées et handicapées. « Nous avons besoin de clarté sur la façon de procéder malgré certaines incertitudes », a continué la numéro 2 de l’ONU qui a insisté sur l’éducation des femmes et des filles en particulier dans les domaines de la science et de la technologie. Elle a demandé des actions délibérées en matière de recherche et de développement et du transfert de technologie pour accroître l’accès des jeunes femmes à la technologie et aux compétences techniques afin qu’elles puissent poursuivre leurs études et avoir des chances égales de contribuer à la science et à l’innovation. Sans les compétences et les idées de la moitié de la population mondiale, nous ne pouvons pas trouver de solutions aux défis mondiaux qui bénéficient à tous, a prévenu Mme Mohammed. L’année 2023 est une année charnière à cet égard, a observé la Vice-Secrétaire générale invitant à viser un résultat orienté vers l’action.
La Directrice exécutive du Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP), Mme NATALIA KANEM, a fait observer que lorsqu’une fille est capable de rester à l’école, elle se porte bien sur le plan de la santé et du bien-être tout au long de la vie. Cependant, lorsqu’elle est forcée d’abandonner l’école, de se marier ou si elle se retrouve enceinte alors qu’elle est encore enfant elle-même, elle est confrontée à une cascade de défis au cours de sa vie. Des défis qui compromettent sa santé et son bien-être ainsi que ceux de ses enfants, et, en fin de compte, les perspectives de prospérité de sa société. Pour les femmes et les filles vulnérables en particulier, l’éducation est un élément qui change leur vie, a-t-elle affirmé. En effet, lorsqu’elles reçoivent les connaissances et les compétences dont elles ont besoin pour connaître et revendiquer leurs droits, les femmes ainsi mieux éduquées sont en meilleure santé, se marient plus tard et sont plus susceptibles de planifier le nombre et l’espacement de leurs enfants. Elles sont aussi plus susceptibles d’avoir recours aux soins prénataux, de faire vacciner et soigner leurs enfants. Il y a également plus de chances qu’elles participent au marché du travail formel et aient plus de revenus. L’éducation réduit également la probabilité de pratiques néfastes comme le mariage des enfants et les mutilations génitales féminines, et elle réduit le risque de violence sexiste, a-t-elle encore indiqué.
Selon Mme Kanem, une éducation de qualité est un droit humain fondamental, que nous devons protéger et défendre pour tous, y compris l’éducation complète à la sexualité qui est offerte d’une manière adaptée selon l’âge et la culture. Cette dernière, a-t-elle expliqué, donne aux jeunes les connaissances, les compétences et les attitudes nécessaires pour développer des relations saines, elle permet aux adolescentes d’éviter les grossesses non planifiées, et aide les filles et garçons à rester à l’école et à passer en toute sécurité à l’âge adulte. « Donnez aux gens l’information et le pouvoir de prendre en charge leurs propres droits et de faire leurs propres choix en matière de procréation, et les résultats de développement s’amélioreront. »
En outre, aujourd’hui, la technologie et l’innovation multiplient les opportunités et élargissent les esprits, a poursuivi la Directrice exécutive. L’accès et les compétences numériques deviennent impératifs pour presque tout, de l’éducation aux moyens de subsistance. Les nouvelles technologies rendent l’apprentissage tout au long de la vie accessible et agréable pour les personnes âgées, a ajouté Mme Kanem. Pourtant, la réalité est que la technologie est de plus en plus souvent mal utilisée et militarisée, a-t-elle déploré, appelant à ne pas permettre que la technologie ajoute une autre couche de désavantage et de discrimination à l’égard des femmes et des filles. De même, là où les inscriptions scolaires ont augmenté, trop d’enfants restent exclus, incapables de lire, d’écrire ou de calculer. Les enseignants sont trop peu nombreux, trop sollicités et insuffisamment formés aux méthodes pédagogiques modernes, a-t-elle constaté. Elle a relevé que les femmes constituent les deux tiers des 770 millions d’adultes qui ne savent ni lire ni écrire, appelant à faire des investissements locaux plus importants pour les sortir de cette situation difficile. Ainsi, l’aide publique au développement (APD) en faveur de l’éducation doit augmenter, a-t-elle plaidé, parallèlement à un plus grand soutien national au renforcement des systèmes éducatifs. La Directrice exécutive a noté que la planification du développement dépend de données démographiques désagrégées de qualité, afin de déterminer précisément qui est laissé pour compte, où et pourquoi. L’année 2030 se rapproche de plus en plus, a—t-elle constaté, avant de demander de tenir compte de toute urgence du Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement du Caire de 1994, alors que son trentième anniversaire aura lieu l’an prochain.
M. LI JUNHUA, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a rappelé l’engagement des États Membres au Sommet sur la transformation de l’éducation, en septembre 2022, à donner la priorité à l’éducation dans la réalisation des ODD. Il a énuméré les bienfaits d’une éducation de qualité qui est un droit humain. Toutefois, a dit l’intervenant, 244 millions d’enfants et de jeunes ne sont pas scolarisés, et plus de la moitié des enfants et des adolescents ne satisfont pas aux normes minimales de compétence en lecture et en mathématiques. Si les raisons de cette situation sont nombreuses, il ne faut pas minimiser l’influence de l’évolution démographique, a-t-il fait remarquer soulignant que dans certaines régions du monde, où la capacité budgétaire est limitée, une population d’âge scolaire en croissance rapide rend plus difficile la réalisation de l’ODD 4 (éducation de qualité). Il a souligné que la baisse de la proportion d’enfants et d’adolescents dans la population atténue la pression sur les budgets de l’éducation et ouvre des opportunités pour renforcer le capital humain des jeunes comme des adultes.
Citant ensuite les ravages de la pandémie de COVID-19 sur les systèmes éducatifs, le Secrétaire général adjoint a demandé de l’aide pour que les pays à faible revenu puissent parvenir à l’universalisation de l’enseignement primaire et secondaire pour tous d’ici à 2030. À cet égard, a-t-il suggéré, il faut investir dans l’éducation numérique, combler le fossé numérique et élargir l’accès à Internet et aux technologies numériques pour l’éducation. M. Li a aussi plaidé pour que les migrants aient accès à l’éducation de base et voient reconnus leurs diplômes, qui sont essentiels à leur intégration dans le pays d’accueil et pour que celui-ci tire parti des avantages de la migration en termes de développement. Cela nécessite également de faire plus pour l’accès à une éducation de qualité pour les filles et les jeunes femmes, a-t-il ajouté. Il a conclu en souhaitant que cette session trouve des solutions durables à la crise de l’éducation, des solutions qui placent l’humain au centre.
Dans un discours préenregistré, le Directeur général adjoint de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. XING QU, a déploré que 244 millions d’enfants ne soient pas scolarisés dans le monde, pour la plupart au niveau secondaire. Beaucoup d’entre eux, a-t-il précisé, sont des filles et des jeunes femmes qui ont été forcées de quitter l’école à la suite d’un mariage précoce ou d’une grossesse précoce et non désirée. Il a regretté de plus la pauvreté des apprentissages de millions d’enfants et d’adolescents qui sont pourtant scolarisés. En effet, dans les pays les moins avancés (PMA) et ceux à revenu intermédiaire, jusqu’à 70% d’enfants ne savent pas lire un texte de base à 10 ans. À cela s’ajoutent des taux croissants de dépression et de stress chez les jeunes. Les conséquences de ces facteurs de stress sur la santé et le bien-être entraînent une augmentation du décrochage scolaire et une pénurie d’enseignants, a encore expliqué M. Qu. Il a rappelé qu’au Sommet sur la transformation de l’éducation, tenu en septembre 2022, près des deux tiers des pays ont déclaré s’inquiéter du bien-être de leurs professeurs et de leurs élèves. Les dirigeants mondiaux avaient alors envoyé un message fort: transformer l’éducation, c’est transformer les conditions dans lesquelles s’épanouissent les apprenants.
En tant qu’agence garante de la mise en œuvre de l’ODD no 4 portant sur une éducation de qualité, l’UNESCO répond avec des actions fortes dans trois domaines clefs, a informé le Directeur général adjoint. Il a d’abord parlé de ce que fait l’agence onusienne pour aider les gouvernements et les communautés à combler l’écart entre les sexes à l’école. Ainsi, par exemple, la campagne « Les filles au premier plan », lancée peu après le début de la pandémie de COVID-19 en 2020, a atteint 400 millions de personnes à travers le monde. Ensuite, l’UNESCO permet aux gouvernements de fournir une éducation de qualité sur les questions telles que la puberté, la santé sexuelle et reproductive et le VIH, ce que certains pays désignent par « éducation sexuelle » ou encore « éducation à la vie familiale et à la santé ». Bien que les données de l’UNESCO montrent que plus de 4 pays sur 5 couvrent l’éducation sexuelle dans les programmes scolaires, il a indiqué que la mise en œuvre reste faible malgré le soutien des parents, des enseignants et des leaders religieux. Enfin, l’UNESCO renforce les efforts pour intégrer la santé et le bien-être dans les écoles, notamment en veillant à ce que des repas scolaires nutritifs soient fournis et en améliorant l’accès à des services de santé. Ce faisant, l’organe onusien reconnaît que de nombreux garçons et filles ne peuvent tout simplement pas apprendre parce qu’ils sont malades, affamés et marginalisés. De plus, étant donné que l’apprentissage ne s’arrête pas au moment où un enfant quitte l’école, l’UNESCO appelle à favoriser l’apprentissage tout au long de la vie, afin de promouvoir une citoyenneté active, l’employabilité, la santé, le bien-être et la cohésion des communautés.
M. WOLFGANG LUTZ, Directeur général par intérim de l’Institut international pour l’analyse des systèmes appliqués (IIASA), a passé en revue les différentes évolutions des tendances démographiques au fil des années avant d’analyser leurs interactions avec les ODD. Il a pris l’exemple de la République de Corée, entre 1950 et 2020, qui illustre le fait qu’avec de la volonté politique, les pays pauvres connaissant des taux de fécondité élevés et une forte croissance démographique peuvent rapidement parvenir à l’éducation pour tous à tous les niveaux, comme le veut l’ODD 4. Puis, l’expert a souligné les liens entre la population et les changements climatiques avant de mettre en garde contre une politique exclusivement consacrée à l’atténuation de leurs conséquences. L’éducation est un facteur important de l’adaptation aux changements climatiques, a-t-il dit estimant que son rôle est moins connu en ce qui concerne la santé et la survie de l’humanité. L’amélioration de la qualité de l’éducation est le moteur de l’augmentation des revenus, des progrès de la médecine, d’une meilleure santé et d’une longévité accrue, a-t-il aussi fait valoir. Une note d’orientation de l’IIASA résumant ces importantes conclusions indique que lorsqu’il s’agit de survie, l’esprit compte plus que l’argent, a partagé son directeur général.
Paraphrasant M. Eric Kandell, de l’Université de Columbia, lauréat du prix Nobel de médecine 2000 pour ses travaux sur le cerveau, M. Lutz a souligné l’importance de la répétition en matière d’apprentissage. Pour lui, l’éducation peut améliorer la vie des gens jusqu’à prévenir la mortalité précoce. Il s’est inscrit en faux contre les liens entre les conditions climatiques futures et les capacités des sociétés d’aujourd’hui en matière de santé publique. Pour lui, il ne fait aucun doute que les climats vont changer, mais aussi que les sociétés seront différentes à l’avenir. C’est pour cette raison que la communauté scientifique a développé les trajectoires socioéconomiques partagées (SSP) qui fournissent des scénarios socioéconomiques alternatifs pour le reste de ce siècle. Par ailleurs, le nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) surabonde de références à ces SSP en tant que moyen scientifique pour avoir la capacité d’adaptation future.
S’agissant enfin du vieillissement de la population, le responsable d’IIASA a estimé moins dangereux le fardeau du vieillissement de la population si l’on prend en compte les effets de la participation au marché du travail et à l’éducation des différentes catégories de population. Les tendances démographiques sont au cœur du développement durable, a résumé l’orateur pour qui les populations sont en mesure d’apporter l’éclairage nécessaire pour relever les multiples défis d’aujourd’hui et contribuer au bien-être humain durable.
Table ronde 1: examen des rapports du Secrétaire général
Les participants à cette première table ronde de la cinquante-sixième session de la Commission de la population et du développement ont examiné les trois rapports préparés par le Secrétaire général pour servir de base au débat général. Ils ont mis l’accent sur l’accès à l’éducation des populations vulnérables, notamment les filles, les femmes et les migrants, ainsi que sur le financement nécessaire pour fournir une éducation de qualité. Une voix s’est élevée, celle de l’Égypte, contre certains éléments de langage utilisés dans les rapports au motif qu’ils ne font pas consensus et ne mentionnent pas les rôles des familles et des pères dans l’instruction de leurs enfants. Les experts du système des Nations Unies ont renvoyé à cet égard aux recommandations en matière d’accès à l’éducation, d’apprentissage tout au long de la vie et en ce qui concerne leurs liens avec les tendances démographiques.
Présentant le rapport du Secrétaire général sur « Population, éducation et développement durable », Mme Nicole Mun Sim Lai, spécialiste des questions de population du Département des affaires économiques et sociales (DESA), a d’abord souligné les conséquences des inégalités d’accès à l’éducation, en particulier dans les pays en développement, pour mieux exhorter à réduire ces inégalités socioéconomiques. La spécialiste a insisté sur l’importance de l’inclusion en prévenant que ce processus se fait sur le long terme, au-delà des investissements très rentables dans la petite enfance. Elle a donc invité à se méfier d’une réflexion à court terme qui risque d’entraver les objectifs à long terme. « Investir dans la jeunesse, c’est investir dans notre avenir commun et c’est la meilleure façon de se préparer dans la transition vers des sociétés vieillissantes », a-t-elle recommandé.
Ce sont des efforts continus qu’il faut déployer en matière d’accès à l’éducation et à l’apprentissage tout au long de la vie, a enchaîné Mme Rachel Snow, Cheffe du Service de la population et du développement du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP). Ainsi, elle a souhaité que les personnes n’ayant pas reçu d’éducation de base puissent le faire plus tard dans leur vie. De plus, l’éducation doit être gratuite et la formation des enseignants, une priorité. En plaidant pour cela, Mme Snow a fait remarquer que la qualité des enseignants encourage les parents à envoyer leurs enfants à l’école. Elle a invité les États Membres à suivre les nombreuses autres recommandations figurant dans les rapports examinés, en particulier celle relative à l’inclusion des jeunes filles dans l’éducation primaire et secondaire, puisque celle-ci est une source de dignité.
La responsable du FNUAP a également souligné que l’éducation joue un rôle important dans l’autonomisation: les jeunes doivent avoir la possibilité d’acquérir des connaissances pour protéger leur santé et mener la vie qu’ils veulent y compris l’éducation sexuelle. Ainsi, l’éducation sexuelle est un outil qui peut les aider à éviter les mariages et les grossesses précoces. Mme Snow a aussi abordé la question du financement, en recommandant d’augmenter la part de l’aide publique au développement (APD) consacrée à l’éducation et à la santé, même s’il y a une tendance à la baisse de cette forme d’aide. À cet égard, l’oratrice a renvoyé les États Membres à leurs engagements pris au cours du Sommet pour la transformation de l’éducation en 2022.
La question de l’éducation sexuelle de qualité a aussi été soulevée par un responsable de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), M. Christopher Castle, Directeur de la Division pour la paix et le développement durable, qui a plaidé pour un investissement dans ce domaine. Il a fait valoir que les bénéfices de cette éducation sont connus non seulement en matière de santé, notamment pour une bonne santé physique générale, mais aussi d’égalité entre les sexes et de réduction des mariages précoces. Il a exhorté à dispenser une éducation sexuelle pour tous les âges, y compris pour les garçons. Cela nécessite des investissements pour la formation des enseignants, a-t-il prévenu en demandant aussi de lutter contre le harcèlement et la violence. Il a tenu à préciser que l’éducation sexuelle à l’école doit venir en complément de celle reçue à la maison.
Un autre expert est venu alimenter le débat, sur les questions liées à l’apprentissage tout au long de la vie et à l’emploi. M. Srinivas B. Reddy, Chef du Service des compétences et de l’employabilité de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a préconisé de travailler à une harmonisation entre le secteur de l’éducation, le marché de l’emploi et la politique sociale. En d’autres termes, il faut mettre en place des systèmes holistiques qui répondent aux besoins du marché du travail futur. Par exemple, les gens doivent pouvoir saisir les opportunités qu’offre l’économie numérique, surtout après la pandémie de COVID-19. M. Reddy a encouragé à investir dans l’apprentissage de nouvelles compétences pour ceux qui n’ont pas reçu une éducation formelle. Cela demande des financements équitables, durables et transparents, a-t-il ajouté. Enfin l’intervenant a insisté sur l’importance de l’accès pérenne à Internet et à l’électricité pour une politique d’apprentissage tout au long de la vie efficace.
Dans le débat qui a suivi, le représentant de l’UNESCO a tout d’abord répondu à une question de l’Indonésie en faisant valoir que si l’accès à Internet peut compenser le manque d’enseignants, rien ne remplace la présence d’un professeur dans les salles de classe. L’UNESCO entend participer à la réduction du fossé numérique en partenariat avec le secteur privé, a-t-il assuré. La responsable du FNUAP a salué à cette occasion l’initiative CONNECT, de l’Indonésie, en la présentant comme un exemple pouvant être suivi par d’autres pays.
Le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a renchéri en demandant des actions pour réduire le fossé numérique dont souffrent les migrants. L’experte du DESA a informé sur ce point qu’il devrait y avoir cette année plus d’offres de formation pour les migrants, tout en regrettant que les gouvernements ne fournissent pas toujours l’éducation nécessaire à ces personnes. Le responsable de l’OIT a ajouté à ces demandes celle de la reconnaissance des qualifications, des compétences et des diplômes des migrants dans les pays d’accueil. L’OIT a lancé à cet effet des interventions pour promouvoir les processus mutuels de reconnaissance entre les pays, a-t-il fait savoir en demandant d’aller plus loin. Pour répondre à l’Égypte qui demandait d’aider les pays hôtes à intégrer les migrants et à reconnaître leurs qualifications, l’OIT a préconisé d’appliquer les normes internationales existantes pour cette reconnaissance en commençant par établir des relations avec les autres pays sur ces questions et à mettre en place des accords de reconnaissance mutuelle. La responsable du FNUAP a quant à elle souligné le succès des expériences de pays qui ont ouvert leurs portes aux migrants.
Cette question de l’éducation des migrants a également été mise sous les projecteurs par le représentant des étudiants de Yale University qui a demandé aux experts comment l’on peut garantir que les migrants, mais aussi les jeunes issus des minorités et les étudiants pauvres, aient accès une éducation de qualité. Il a aussi voulu savoir si les étudiants avaient accès aux manifestations parallèles de la présente session. L’intervenant de l’UNESCO a salué à cette occasion l’accès des jeunes aux travaux de la Commission et à d’autres événements, rappelant l’initiative de l’ONU pour les faire participer afin de réduire la marginalisation des jeunes privés d’éducation.
Sur la formulation des rapports à l’examen, l’Égypte a déploré les éléments de langage utilisés dans les rapports du Secrétaire général alors qu’ils ne font pas consensus. Il a également dénoncé le manque de références au rôle de parents, en particulier des pères, quant à l’instruction leurs enfants. Il n’y a pas de solutions uniques à ces questions, a-t-il conclu.
La question de l’accès à Internet est revenue dans la discussion avec une question de la représentante de la société civile du Mexique: comment faire pour concilier l’éducation environnementale et l’accès à Internet pour lutter contre l’isolement? L’experte du FNUAP en a profité pour dénoncer le fait que les garçons ont davantage accès à Internet par rapport aux filles, tout en mettant en avant l’importance de l’apprentissage direct et personnel. Elle a encouragé les gouvernements à géolocaliser toutes les écoles parce que cela est très important pour l’accès des jeunes.
Autre sujet au centre du débat, le financement de l’éducation a soulevé une question de la Suède qui a demandé aux panélistes de fournir des exemples réussis en matière de transfert d’argent. Celle du FNUAP a cité les transferts d’argent en Colombie qui ont contribué à une augmentation de 14% de la scolarisation des jeunes colombiens. Le Nigéria a, lui, voulu savoir comment donner un coup de fouet aux financements de l’éducation en Afrique. Le FNUAP a renvoyé aux rapports du Secrétaire général qui plaident pour une complémentarité entre les investissements nationaux et l’APD. Mais pour l’UNESCO, le financement de l’éducation doit venir des budgets nationaux et non de l’APD.
Dès avant la pandémie, les écoles étaient déjà en crise dans de nombreuses régions, a rappelé le délégué de l’UNESCO en souhaitant qu’elles redeviennent des lieux d’apprentissage en s’inspirant des exemples réussis dans de nombreux autres pays. Avant de conclure la discussion, la spécialiste des questions de population du DESA a encouragé à se pencher sur les liens entre les tendances démographiques, l’éducation et l’apprentissage tout au long de la vie. L’OIT a encouragé à placer les politiques d’apprentissage tout au long de la vie au cœur des programmes socioéconomiques. Il est important de favoriser l’enseignement à distance dans les situations difficiles, a-t-il aussi reconnu.