9517e séance – matin
CS/15543

Syrie: face à la détérioration de la situation politique et humanitaire, le Conseil de sécurité appelle à la reprise du dialogue politique

Ce matin, le Conseil de sécurité s’est réuni pour débattre de la détérioration de la situation politique et humanitaire en Syrie au cours de l’année écoulée, le statu quo étant jugé intenable.  Face à l’escalade d’un conflit qui s’éternise depuis 13 ans, les membres du Conseil ont appelé à relancer le dialogue afin de parvenir à une solution politique.

M. Geir Pedersen, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a, d’emblée, fait état de l’intensification des frappes, des échauffourées le long des lignes de front et des bombardements dans plusieurs régions du pays.  « En l’absence d’un consensus entre les parties syriennes, seules des mesures concrètes et une solution pragmatique privilégiant le dialogue peuvent donner un nouveau souffle au processus de paix », a-t-il fait valoir.

Face à « l’oubli de ce conflit », alors même que la communauté internationale a les yeux rivés sur Gaza, il est indispensable de relancer le dialogue, a insisté l’Envoyé spécial.  Dans cet objectif, il a appelé à un cessez-le-feu, sa demande trouvant un écho auprès des délégations de Malte, du Brésil, ou encore du Royaume-Uni.  « Il est grand temps de mettre fin à ce bain de sang en prenant des mesures proactives », a insisté le représentant du Ghana, qui s’exprimait également au nom du Gabon et du Mozambique.

Outre la recrudescence de la violence et les dommages consécutifs aux séismes de février dernier, les Syriens font face aux dangers d’une escalade régionale, notamment avec le conflit qui fait rage dans la bande de Gaza, a-t-il averti, en évoquant les tirs de missiles et les frappes aériennes entre Israël et la Syrie.  En fin de compte, ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut de cette guerre entre les parties syriennes, a déploré l’Envoyé spécial.

Abondant en ce sens, Mme Lisa Doughten, Directrice de la Division des finances et de la mobilisation des ressources au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), est revenue sur les dégâts causés aux infrastructures civiles, l’insécurité alimentaire et le manque de services de santé de base.  Elle a tiré la sonnette d’alarme face au sous-financement du Plan de réponse humanitaire qui enregistre déjà une diminution de 19% de son financement par rapport à l’année dernière.

Cet état de fait sape les efforts consentis par la Syrie pour faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire via les points de passage transfrontière, s’est indigné le délégué syrien, « tout comme la politisation de l’aide humanitaire à travers l’application de sanctions illégales ».  La Chine, la Fédération de Russie et la République islamique d’Iran ont dénoncé à leur tour les effets néfastes des mesures coercitives unilatérales « des pays occidentaux » sur l’aide humanitaire et le développement socioéconomique de la Syrie.

Des délégations, comme le Japon, se sont également inquiétées du manque de financement sur le plan humanitaire, tandis que le Brésil, le Ghana et l’Albanie ont exhorté le Gouvernement syrien à renouveler, sans condition, les autorisations pour les trois points de passage transfrontière de Bab el-Haoua, de Bab el-Salam et de Raaï, sur le point d’expirer, afin de continuer d’acheminer l’aide humanitaire nécessaire à « la survie de millions de personnes ».

C’est toutefois l’urgence de la relance du dialogue entre les parties syriennes qui a monopolisé les déclarations des membres du Conseil.  Citant la résolution 2254 (2015), adoptée à l’unanimité, qui priait la Syrie de mettre en place un processus politique crédible et inclusif, la plupart des délégations ont fait part de leur inquiétude face au manque de progrès significatifs sur le plan politique et à l’enlisement du conflit.

Tandis que les États-Unis ont rappelé au Conseil sa responsabilité à l’égard de ladite résolution, le Ghana, l’Albanie et l’Équateur ont exhorté les parties syriennes à collaborer avec l’ONU, en toute bonne foi, afin de relancer le processus politique. « Sans perspective politique, il ne pourra y avoir de paix durable dans la région », a prévenu la France.

« C’est au peuple syrien de déterminer les contours de son avenir », a néanmoins fait valoir la Türkiye.  Même son de cloche du côté de la Russie, du Brésil et de l’Iran qui ont insisté sur le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, qui doit piloter elle-même le processus politique « dans le respect des aspirations de son peuple ».

Afin de redonner une impulsion au dialogue politique, la Suisse, le Royaume-Uni et Malte ont, à l’instar de l’Envoyé spécial, plaidé pour la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle, un mécanisme jugé efficace mais « insuffisant » par le Japon et les Émirats arabes unis.  Tandis que le Japon a appelé à s’attaquer aux causes profondes de la crise syrienne, « longtemps ignorées », les Émirats arabes unis ont préconisé de concentrer les efforts diplomatiques non seulement sur la gestion mais surtout sur le règlement de la crise.

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a fait état des chiffres alarmants concernant les civils avant de se pencher sur les « conséquences domino » du conflit actuel dans les territoires palestiniens occupés.  En effet, la région connaît une escalade de la violence dont les civils payent le lourd tribut, a-t-il relevé, attirant l’attention sur les frappes aériennes d’Israël contre des aéroports syriens, les échanges de tirs intensifiés, notamment dans le nord-est, les échauffourées le long des lignes de front, ou encore les attaques de drones contre les zones gouvernementales.  Les conditions socioéconomiques sont également intenables, a-t-il expliqué, soulignant les besoins humanitaires et l’insécurité alimentaire qui appellent à des solutions pour acheminer l’aide humanitaire à travers les frontières et les lignes de front.  Selon M. Pedersen, les acteurs doivent maintenant œuvrer à la désescalade et mettre en place un cessez-le-feu régional en évitant les sanctions excessives et en privilégiant le dialogue.

« La coopération est essentielle entre les acteurs internationaux pour que le processus syrien reparte sur la bonne voie », a exhorté l’Envoyé spécial, confirmant qu’il n’y a pas de consensus actuellement et qu’il faut donc s’efforcer de trouver une solution pragmatique, facilitée par l’ONU, entre les parties syriennes.  Dans l’intervalle, il s’agit de faire front pour permettre à la Commission constitutionnelle à Genève de poursuivre ses travaux, a-t-il déclaré.  « Des mesures concrètes peuvent être prises », a-t-il assuré, rappelant néanmoins que le partage de l’information est nécessaire pour renforcer la confiance et coordonner les actions.  M. Pedersen a également estimé que la participation des Syriens est nécessaire pour un processus crédible.  « Les nouvelles flambées de violence et les manifestations prennent place dans un contexte où les espoirs des populations sont réduits à néant », a-t-il indiqué, réitérant que le statu quo n’est pas tenable et que les approches partielles ne peuvent suffire.  « Nous ne pouvons négliger ce conflit qui tombe dans un oubli relatif », a-t-il mis en garde, appelant à donner un nouveau souffle à la recherche d’un compromis politique et à reprendre les négociations au regard de la résolution 2254 (2015).

Mme LISA DOUGHTEN, Directrice de la Division des finances et de la mobilisation des ressources au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), s’est exprimée au nom du Secrétaire général adjoint d’OCHA, M. Martin Griffiths.  Elle a relevé que 2023 s’est révélée une nouvelle année difficile pour le peuple syrien.  Cela a commencé par des tremblements de terre dévastateurs qui ont frappé le nord et le nord-ouest du pays, ainsi quela Türkiye, tuant des dizaines de milliers de personnes et causant d’importants dégâts.  En Syrie, les séismes ont frappé alors que les besoins étaient déjà à leur plus haut niveau depuisle début du conflit, tuant 5 900 personnes et rendant dépendants de l’aide près de neuf millions de personnes à travers le pays, a-t-elle indiqué.  En dépit du soutien multiforme de l’ONU, les dégâts dévastateurs causés aux infrastructures par les tremblements de terre se font encore cruellement sentir 10 mois plus tard, a-t-elle déploré.  Mme Doughten a salué la générosité des donateurs qui se sont mobilisés rapidement et ont financé l’appel humanitaire après le tremblement de terre en Syrie, même s’il reste encore beaucoup à faire.

Mme Doughten a indiqué que l’année 2023 a malheureusement vu les hostilités dans le nord de la Syrie revenir à des niveaux jamais vus depuis 2019.  Et les hostilités ont causé davantage de dégâts aux installations civiles, notamment les infrastructures critiques, privant des millions de personnes d’accès à l’électricité, à l’eau, l’éducation et les services de santé essentiels.  Et pour les humanitaires, cela démontre une fois de plus que sans progrès vers la fin du conflit, il sera impossible de répondre efficacement aux vastes besoins humanitaires du pays sur une base durable.  Dans ce contexte, les opérations de secours transfrontalières restent un élément indispensable et une bouée de sauvetage pour plus de quatre millions de nécessiteux dans le nord-ouest de la Syrie, a-t-elle plaidé.  Elle a rappelé que l’accord entre l’ONU et le Gouvernement syrien pour le point de passage de Bab el-Haoua pour l’acheminement de l’aide humanitaire expire le 13 janvier 2024.  De même, l’autorisation d’emprunter les passages de Bab el-Salam et de Raaï, initialement accordée à la suite des tremblements de terre de février, a été encore prolongé en novembre pour une durée supplémentaire de trois mois, jusqu’au 13 février 2024.  L’ampleur des besoins à travers le payssouligne l’urgence d’intensifier la fourniture de l’aide via toutes les modalités, a-t-elle lancé, ajoutant que l’ONU est déterminée à poursuivre son engagement pour garantir que les trois postes frontaliers restent ouverts.  Dans les prochains jours, nous demanderons officiellement au Gouvernement syrien de prolonger son consentement pour continuer d’emprunter le poste frontière de Bab el-Haoua aussi longtemps que les besoins humanitaires persisteront, a-t-elle annoncé.

À deux semaines de la fin de l’année, le Plan de réponse humanitaire 2023 pour la Syrie n’est financé qu’à hauteur de 33%, soit 1,8 milliard de dollars, a-t-elle déclaré, rappelant que celui de l’an dernier l’avait été à 52%.  La Directrice a noté que le Programme alimentaire mondial (PAM) a été contraint d’annoncer des réductions supplémentaires de ses opérations, supprimant complètement son principal programme d’aide qui avait permis de subvenir aux besoins de millions de familles en Syrie depuis plus d’une décennie.  Ces nouvelles réductions, qui interviennent dans un contexte de crise économique qui s’aggrave, auront un impact encore plus dévastateur, a-t-elle anticipé.  Une situation intenable et insupportable, s’est lamentée la Directrice, appelant à des progrès urgents vers la paix si l’on veut que le peuple syrien puisse espérer un avenir meilleur.  Nous avons besoin de civils et d’infrastructures civiles protégés, d’un accès humanitaire durable dans tout le pays, et d’un financement urgent et adéquat pour soutenir les efforts humanitaires qui sauvent des vies, a-t-elle plaidé.

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a tout d’abord constaté que l’escalade du conflit israélo-palestinien provoque des tensions supplémentaires en Syrie, ce « pays ami » faisant l’objet de raids aériens de l’armée israélienne.  Pour le représentant, la fréquence croissante de ces attaques sur des cibles syriennes, principalement les aéroports de Damas et d’Alep qui servent de portes d’entrée à l’aide humanitaire de l’ONU en Syrie, et l’augmentation des échanges de tirs sur la Ligne bleue entre le Liban et Israël risquent d’entraîner la Syrie « dans une confrontation régionale à grande échelle ».  Dans le même temps, a-t-il poursuivi, les difficultés existantes s’aggravent dans le pays, avec un foyer terroriste à Edleb, des affrontements entre Kurdes et forces pro-turques, et une instabilité dans le sud, notamment dans la zone sous contrôle américain près d’At-Tanf.  Accusant les États-Unis de prendre le prétexte de l’autodéfense et de la lutte antiterroriste pour laisser Israël agir et pour occuper illégalement une partie du territoire syrien, le représentant a rappelé que Washington refuse de donner à Damas le droit de combattre l’organisation Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), pourtant répertoriée comme terroriste par le Conseil de sécurité, et de se défendre contre les attaques israéliennes.  Après avoir qualifié les attaques en cours sur le territoire de la Syrie de violations flagrantes de la souveraineté syrienne et du droit international, le représentant a indiqué que son pays soutient la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle avec la médiation de l’ONU.  Il a dit compter sur l’aide de l’Envoyé spécial pour que les parties syriennes trouvent une nouvelle enceinte acceptable, « sans gaspiller leurs efforts sur des questions qui ne sont pas soutenues par les Syriens eux-mêmes ».  Il a également jugé nécessaire de garantir le droit fondamental au retour des réfugiés syriens, comme prévu par la résolution 2254 (2015), à la stricte condition que ces efforts soient coordonnés avec Damas.  À cet égard, il a fait valoir que le décret du Président Bashar Al-Assad du 16 novembre, qui prévoitune amnistie générale, vise à faciliter le retour des citoyens syriens dans leur patrie.

S’agissant de la situation humanitaire en Syrie, le représentant a constaté que le manque de financement, la politisation des contributions des donateurs et les sanctions des pays occidentaux conduisent à une détérioration rapidesur le terrain.  Appelant l’équipe de pays de l’ONU à Damas à développer une approche plus efficace pour fournir une assistance aux Syriens dans le besoin dans toutes les régions du pays, il a aussi demandé au Coordonnateur résident en Syrie de soumettre au Conseil un rapport sur l’impact négatif des sanctions unilatérales sur la situation en Syrie, ce mandat étant prévu dans une résolution approuvée par l’Assemblée générale le 19 décembre.  Il a par ailleurs estimé que la note du Secrétariat sur les « paramètres et principes de l’assistance des Nations Unies à la Syrie », qui lie directement le travail de reconstruction dans ce pays aux progrès sur le plan politique, aurait dû être retirée depuis longtemps car elle « jette une ombre sur l’impartialité prescrite par la Charte des Nations Unies ».  Le représentant a ensuite rappelé que, le 10 novembre dernier, le Gouvernement syrien a prolongé de trois mois supplémentaires l’autorisation accordée à l’ONU d’exploiter les points de passage transfrontalier de Bab el-Salam et de Raaï, soit jusqu’au 13 février 2024.  Il a également relevé que, le 13 janvier prochain, l’autorisation temporaire accordée à l’ONU pour l’utilisation du point de passage de Bab el-Haoua expirera.  « Son sort ultérieur dépendra d’une décision souveraine de Damas, prise dans le cadre d’un dialogue bilatéral entre le Gouvernement syrien et l’ONU », a-t-il affirmé.  Regrettant que l’aide par-delà les lignes de front ne fonctionne toujours pas, il a estimé que cette situation inacceptable contredit l’affirmation selon laquelle l’aide aux Syrien d’Edleb doit être fournie « par tous les moyens possibles ».  Selon lui, cela confirme que la souffrance des Syriens, « tout comme celle des Gazaouites », ne concerne pas les Occidentaux.  « Tout ce qui les intéresse, ce sont les jeux géopolitiques et le soutien à leurs clients dans la région. »

M.  ROBERT A. WOOD (États-Unis) a noté que le processus politique en Syrie reste dans l’impasse.  Cela fait plus de 12 ans que le « régime Assad » mène une guerre brutale contre le peuple syrien, y compris dans le nord-ouest du pays alors qu’il se remet à peine du tremblement de terre dévastateur de cette année.  Le délégué a appelé le « régime syrien » à libérer toutes les personnes illégalement détenues et à communiquer des informations sur les personnes portées disparues.  Il s’est également dit alarmé par la recrudescence du niveau de violence dans le pays et par les destructions causées aux infrastructures civiles à l’approche de l’hiver.  Le délégué s’est félicité de la prorogation de trois mois des autorisations pour les points de passage transfrontière de Bab el-Salam et de Raaï, mais cette approche « étriquée » ne correspond pas à tous les besoins humanitaires, a-t-il dit.  Il a donc insisté sur l’importance de permettre un accès humanitaire prévisible et pérenne à tout le pays.  Dans cet esprit, il a espéré que les efforts en cours de l’Envoyé personnel pour pouvoir également garder ouvert le point de passage transfrontière de Bab el-Haouaseront couronnés de succès.  Par ailleurs, le délégué a condamné les attaques contre le personnel et les infrastructures américains en Syrie, en exigeant que ces attaques menées par des« groupes alignés sur l’Iran » cessent immédiatement.  Estimant que la seule feuille de route viable pour une solution pérenne en Syrie passe par la mise en œuvre de la résolution 2254 2015), il a rappelé aux membres du Conseil leur responsabilité à cet égard.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse), qui s’exprimait aussi au nom du Brésil, l’autre porte-plume du dossier humanitaire syrien, a espéré, qu’au milieu des conditions hivernales difficiles, toutes les autorisations d’ouverture des postes frontières seraient renouvelées sans condition et sans limite de temps après leur expiration les 13 janvier et 13 février, « parce que la survie de millions de personnes en dépend ».  Les parties doivent permettre et faciliter l’accès humanitaire à tous les nécessiteux, a insisté la déléguée, y voyant une obligation en vertu du droit international humanitaire.

S’exprimant ensuite à titre national, la représentante a fait une déclaration sur la situation politique en Syrie, pour qui s’achève une « année charnière ».  Les tremblements de terre du 6 février, qui ont ébranlé un pays déjà dévasté par la guerre, ont ravivé des efforts diplomatiques régionaux bienvenus sous l’égide de la Ligue des États arabes, a-t-elle observé.  Ces efforts diplomatiques semblent s’enliser et la Suisse regrette le statu quo politique actuel couplé au regain d’intensité du conflit, de même que le risque sérieux d’escalade régionale majeure dans laquelle la Syrie pourrait être entraînée.  À un moment de fortes tensions régionales, la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) est particulièrement urgente, a fait valoir la représentante, pour laquelle, en plus d’un cessez-le-feu sur le plan national, la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle est indispensable.  À ce sujet, elle a regretté l’absence de progrès significatif et appelé toutes les parties concernées à s’engager de bonne foi et à collaborer avec l’Envoyé spécial en vue de la relance d’un tel processus.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a rappelé que le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2254 (2015) qui demandait la mise en place d’un processus politique crédible et inclusif en Syrie.  « Nous sommes loin du compte à cette heure, en raison de l’intransigeance du régime et de son refus de faire la moindre concession », a-t-elle constaté, ajoutant que les violations des droits humains demeurent courantes, « le plus souvent en toute impunité », et que les revendications politiques continuent.  Pour la représentante, cette instabilité permanente, dont le trafic de captagon est une autre manifestation, constitue une menace pour la région.  Regrettant par ailleurs que Damas n’ait toujours pas présenté d’engagements concrets en vue d’un retour volontaire, sûr et digne des réfugiés syriens, elle a réitéré le soutien de la France aux pays qui accueillent ces millions de personnes.  « Tout ou presque reste à faire », a-t-elle observé, avant d’appeler à une résolution politique de la crise en Syrie « alors que la guerre à Gaza montre qu’une crise considérée comme gelée finit par exploser si ses causes ne sont pas traitées ».

La représentante a noté que la situation humanitaire s’aggrave aussi et que la reprise des hostilités dans le nord-ouest et dans le nord-est vient ajouter aux souffrances des populations civiles.  Dans ce contexte, elle s’est alarmée de l’insécurité alimentaire, alors que le pays entre dans l’hiver.  Il est essentiel que davantage de bailleurs puissent se mobiliser pour apporter une aide à la Syrie, a-t-elle plaidé, exhortant également toutes les parties à respecter le droit international humanitaire.  Enfin, alors que l’autorisation d’utilisation par l’ONU du point de passage de Bab el-Haoua expire le 13 janvier prochain, elle a exhorté le régime syrien à la renouveler sans limitation de durée et a souhaité que l’utilisation des points de passage additionnels se poursuive.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), qui s’est exprimé au nom des A3 –Gabon, Ghana et Mozambique- a déploré le faible financement de l’action humanitaire en Syrie, qui limite la capacité des agences à fournir les secours nécessaires aux nécessiteux.  Il a exhorté le Gouvernement syrien à renouveler l’autorisation en courspour le poste frontière de Bab al-Haoua avant son expiration en janvier 2024, avant de considérer que la distribution de l’aide de part et d’autre des lignes de front est tout aussi importante et devrait être élargie pour compléter les activités transfrontalières.

Devant l’escalade du conflit, les A3 rappellent aux parties leurs obligations en vertu du droit international humanitaire de protéger les civils et les infrastructures civiles.  Un cessez-le-feu à l’échelle nationale reste une condition sine qua non pourle début du processus politique, conformément à la résolution 2254 (2015), a argué le représentant.  Selon lui, une solution viable au conflit doit être un processus politique inclusif dirigépar les Syriens eux-mêmes et placé sous l’égide de l’ONU.  À cet égard, le rôle de l’Envoyé spécial restecrucial, a précisé le délégué.  Un tel horizon exige une reprise des travaux de la Commission constitutionnelle, avec la participation active de toutes les parties, afin de donner une impulsion au processus politique, a observé le délégué, avant d’appeler à la pleine coopération de toutes les parties prenantes pour contribuer à remédier au sort des personnes détenues ou portées disparues.

M. SUN ZHIQIANG (Chine) a noté la détérioration de la situation en Syrie et l’effet domino des tensions dans la région.  Selon lui, la communauté internationale doit jouer un rôle de premier plan afin d’empêcher les opérations militaires illégales en Syrie.  « Le règlement politique est la seule voie à suivre », a-t-il affirmé, demandant aux parties syriennes de privilégier le dialogue pour permettre des progrès tangibles dans le cadre de la Commission constitutionnelle et de la résolution 2254 2015).  Il a également estimé nécessaire de renforcer les capacités pour la lutte contre le terrorisme en Syrie.  En outre, il a insisté sur l’acheminement de l’aide humanitaire dans le respect de la souveraineté de la Syrie, ainsi que sur la levée des sanctions unilatérales et l’arrêt du pillage des ressources qui entravent le développement socioéconomique de la Syrie.

M. THOMAS PATRICK PHIPPS (Royaume-Uni) a appelé le Conseil à garder le cap sur la convocation, sans tarder, d’une réunion de la Commission constitutionnelle.  Il a souligné que l’accès de l’aide de l’ONU par le point de passage transfrontière de Bab el-Haoua reste vital, puisqu’elle reste une bouée de sauvetage essentielle pour 4,1 millions de Syriens.  Selon lui, les opérations à travers les lignes de front peuvent compléter, mais pas remplacer les points de passage transfrontalier.

Le délégué s’est dit profondément préoccupé par les attaques continues qui ciblent la coalition mondiale contre Daech dans le nord-est de la Syrie.  Il a aussi dénoncé les tensions croissantes le long de la frontière entre la Jordanie et la Syrie, et les frappes contre des territoires israéliens qu’auraient lancées le régime d’Assad et les forces affiliées à l’Iran.  Le représentant a ensuite souligné que la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) reste le seul moyen de mettre fin à ce conflit.

M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a fait observer que 2023 est la première année sans résolution sur l’assistance transfrontalière, et cela malgré un processus de négociation intensif.  Actuellement, trois points de passage sont utilisés pour acheminer l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin, avec le consentement du Gouvernement syrien, a-t-il rappelé, espérant que la coopération entre la Syrie et la communauté humanitaire, sous la houlette d’OCHA se poursuivra.  Le représentant s’est inquiété de la flambée de violence des derniers mois en Syrie et dans la région, en insistant sur le respect du droit humanitaire et sur la protection des civils et des infrastructures civiles.  Alors que la Syrie a été touchée à plusieurs reprises par l’escalade actuelle du conflit en Israël et en Palestine, le risque d’une escalade régionale est réel et profondément inquiétant, a-t-il constaté.

Face à cette instabilité croissante, le représentant a exhorté toutes les parties à faire preuve de la plus grande retenue, insistant en outre sur la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, conformément au droit international et aux résolutions de ce Conseil.  Le Brésil a toujours affirmé qu’il n’y avait pas de solution militaire au conflit syrien, a-t-il rappelé, et compte tenu de l’escalade de la crise humanitaire et de la détérioration des conditions de sécurité en Syrie, un cessez-le-feu immédiat et global s’impose d’urgence.

M. KAZUYUKI YAMAZAKI (Japon) s’est dit préoccupé par le risque de régionalisation du conflit à Gaza.  La situation sécuritaire en Syrie, a-t-il fait observer, est déjà fragile avec des affrontements sporadiques entre Israël et la Syrie sur le plateau du Golan, des frappes aériennes israéliennes, notamment sur les aéroports internationaux syriens, des hostilités dans le nord et divers affrontements militaires impliquant Daech et d’autres groupes, a relevé le représentant.  Plus que jamais, il apparaît nécessaire de recentrer le processus politique pour s’attaquer aux causes profondes de la crise syrienne, qui ont longtemps été ignorées.  Aussi le délégué a-t-il apprécié la diplomatie active de l’Envoyé spécial, basée sur une approche étape par étape, même si les perspectives de convocation de la Commission constitutionnelle, qui reste un aspect important du processus politique fondé sur la résolution 2254, sont faibles.  Alors que la situation humanitaire s’aggrave dans le pays, l’OCHA prévient que le faible niveau de financement de l’aide est sans précédent pour une crise humanitaire de cette ampleur, s’est-il inquiété.  C’est dans cet esprit que le Japon a récemment décidé de fournir environ 32,6 millions de dollars supplémentaires en faveur de la Syrie et des pays voisins, a annoncé le représentant.

M.  MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a estimé que le Conseil de sécurité doit redoubler d’efforts pour parvenir à une solution politique en Syrie qui permettra de rétablir la stabilité dans le pays et la région.  Il a déploré l’absence de progrès concrets sur le plan politique ces dernières années.  Attirant l’attention sur la situation humanitaire qui continue de se détériorer, le délégué a estimé que la crise des personnes déplacées est l’une des conséquences les plus graves du conflit.  En outre, il a considéré que « la simple tenue de réunions au sein de la Commission constitutionnelle ne suffit pas », appelant à concentrer les efforts diplomatiques non seulement sur la gestion mais aussi sur le règlement de la crise.  « La population syrienne mérite un avenir meilleur dans la sécurité et la dignité sur sa terre ancestrale », a-t-il conclu.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a espéré que l’accord pour l’utilisation du point de passage de Bab el-Haoua par l’ONU et ses partenaires humanitaires sera prolongé avant son expiration en mi-janvier, et que toutes les modalités de fourniture de l’aide resteront en place aussi longtemps que cela sera nécessaire.  Elle a marqué sa préoccupation devant les graves violations des droits de l’enfant en Syrie, surtout avec un nombre record d’enfants déplacés.  Sans progrès adéquats, même modestes, dans le domaine politique, nous ne serons pas en mesure de progresser vers une paix juste et durable, a-t-elle indiqué.  Elle a aussi déploré l’arrêt des réunions de la Commission constitutionnelle, avant d’appeler à un cessez-le-feu à l’échelle nationale pour contribuer à créer les conditions de progrès, conformément à la résolution 2254 (2015).

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a regretté l’ampleur des destructions ayant transformé la Syrie en un « véritable champ de ruine ».  Elle a appelé à la retenue maximale et plaidé pour un cessez-le-feu national, au respect du droit international humanitaire et des mesures progressives pour raviver le processus politique fondé sur la résolution 2254 2015).  Si on ne sort pas de l’impasse politique imposée par le régime syrien, l’avenir du peuple syrien sera compromis, a-t-elle mis en garde avant de soutenir les efforts de l’Envoyé spécial pour pouvoir convoquer la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle.  Soulignant que l’acheminement de l’aide doit être prévisible et pérenne, elle a appelé à la prolongation de l’autorisation d’ouverture du point de passage transfrontière de Bab el-Haoua au-delà du mois de janvier.

M. JOSÉ JAVIER DE LA GASCA (Équateur) a estimé nécessaire d’avancer vers une solution politique conformément à la résolution 2254 (2015).  Il a fait écho aux propos de l’Envoyé spécial concernant la relation directe entre le manque de progrès sur le plan politique et le risque d’une nouvelle escalade de violence, dont les retombées rendraient encore plus difficile la situation humanitaire et sécuritaire dans la région.  En raison des hostilités dans certaines villes, la Syrie enregistre le plus haut taux de violence depuis 2019, a-t-il déploré, soulignant le nombre record de personnes en situation de déplacement et de malnutrition.  Il a également mentionné l’importance de la reddition de comptes et la participation inclusive des citoyens, notamment des femmes au processus de négociations pour une solution politique.

M.  ALHAKAM DANDY (République arabe syrienne) a dénoncé la présence illégale des forces américaines et de Türkiye en Syrie.  Il a regretté que 75 ans après la Déclaration universelle des droits de l’homme, on puisse constater aujourd’hui la complicité des pays occidentaux dans les attaques de Gaza.  Il a également mis en garde Israël contre les attaques menées sur le territoire syrien.  De même, l’Union européenne continue d’appliquer des sanctions économiques contre la Syrie, ce qui impacte négativement la vie des populations civiles comme l’a démontré un rapport du Conseil des droits de l’homme.  Le délégué a souhaité que l’ONU évalue l’impact de ses sanctions sur la Syrie.  Il a fait remarquer que « les États-Unis ont participéaux actions contre Gaza et soutiennent des groupes terroristes en Syrie ».  De même,« les forces de Türkiye soutiennent des groupes terroristes dans le nord-ouest de la Syrie ».  Le délégué a réaffirmé que le retour des réfugiés syriens chez eux est fondamental.  Ces derniers jouissent de tous leurs droits garantis par la Constitution et sont du reste protégés par un décret présidentiel du mois dernier sur l’amnistie générale.

Le délégué a en outre rappelé que la Syrie a prorogé il y a près de trois mois l’autorisation accordée à l’ONU pour l’utilisation des points de passage de Bab el-Haoua et Bab el-Salam.  Ces efforts conjoints se heurtent au problème du financementpeu conséquent du plan d’aide humanitairepour la Syrie.  Ce qui a poussé le Programme alimentaire mondial (PAM) à annoncer la fin de son assistance humanitaire en Syrie le mois prochain.  Le délégué s’est dit « surpris de voir que des agences onusiennes contactent des groupes terroristes à pied d’œuvre en Syrie et qui sont inscrits sur les listes du Conseil de sécurité ».  Il a demandé que le travail humanitaire ne soit plus politisé et appelé à la fin des mesures coercitives frappant son pays.  Il a également mis en garde Israël contre les frappes des sites aéroportuaires de Syrie.

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a constaté une situation humanitaire extrêmement difficile en Syrie, en arguant que les difficultés économiques auxquelles le peuple syrien est confronté sont aggravées par les sanctions illégales imposées par les États-Unis. À cela s’ajoute le sous-financement du plan d’intervention humanitaire qui entrave gravement la capacité de réponse de l’ONU. Aussi le délégué a-t-il exhorté les donateurs à s’abstenir d’utiliser l’aide pour exercer une pression politique sur le Gouvernement syrien. Sur le plan politique, ila soutenu la reprise des réunions de la Commission constitutionnelle qui, selon lui, est un mécanisme efficace pour faire avancer le processus politique. L’Iran soutient les efforts de l’Envoyé spécial en ce sens, a-t-il assuré, en estimant que le rôle de l’ONUest de soutenir ce processus tout en veillant à ce qu’il soit dirigé par les Syriens eux-mêmes.

Préoccupé par la situation sécuritaire dans les zones contrôlées par des forces étrangères illégales et sous occupation, le délégué a affirmé que la principale source d’insécurité, ce sont la présence illégale et l’occupation continues des forces militaires américaines, qui créent un environnement propice au développement d’activités terroristes en Syrie et dans l’ensemble de la région. Dans le même temps, le régime israélien poursuit ses actes d’agression contre le territoire syrien, ciblant intentionnellement des civils et des infrastructures essentielles, a-t-il signalé, avant de mettre en garde contre toute action provocatrice de sa part qui pourrait sérieusement affecter la paix et la sécurité dans la région.  Avant de conclure, il a rejeté les accusations « fallacieuses » portées par les États-Unis et le Royaume-Uni à l’encontre de son pays.

M. SEDAT ÖNAL (Türkiye) a rappelé que la seule solution à ce conflit est un processus politique piloté par les Syriens qui corresponde à leurs aspirations légitimes.  Afin que des négociations formelles puissent avoir lieu sur la transition politique, il a estimé que« c’est au peuple syrien de déterminer les contours de son avenir, en incluant les réfugiés, les diasporas et l’opposition ».  Huit ans après l’adoption de la résolution 2254 (2015), ses objectifs continuent de constituer la base internationale pour le règlement de ce conflit, a-t-il rappelé.  Toutefois, « la Syrie est actuellement oubliée » alors qu’un processus politique n’est pas véritablement intégré, a-t-il déploré.  Par ailleurs, le délégué a jugé indispensable de mettre fin à « l’agenda séparatiste » et de créer des conditions propices et sûres au retour des réfugiés syriens, soulignant que le statu quo n’est plus tenable d’un point de vue politique, humanitaire et sécuritaire.  Par ailleurs, le délégué a regretté que l’Envoyé spécial ait mentionné lesForces démocratiques syriennes, une organisation « terroriste »,a-t-il dit,« comme s’il s’agissait d’un acteur légitime », considérant quedonner une voix à une organisation terroriste ne peut que créer davantage d’instabilité.  Il a ensuite souligné l’importance du mécanisme de suivi de l’ONU qui permet la transparence sur l’acheminement de l’aide humanitaire, rappelant que les bailleurs de fonds exercent des responsabilités et espérant que les points de passage continueront à être utilisés à bon escient.

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