En cours au Siège de l'ONU

9510e séance – matin
CS/15535

Conseil de sécurité: en Libye, le projet de loi électorale suspendu à un accord politique entre les différents acteurs institutionnels

Pour la première fois depuis l’échec de 2021, la Libye dispose désormais d’un cadre constitutionnel et juridique pour tenir des élections réussies, s’est félicité le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, M. Abdoulaye Bathily, venu présenter ce matin au Conseil de sécurité les derniers développements politiques, sécuritaires et humanitaires dans le pays.  Enfin considérée comme « techniquement réalisable » par la Haute Commission électorale nationale —après maints rebondissements en 2023, et ce, grâce au travail du Comité 6+6 et de plusieurs pays médiateurs dont l’Égypte et le Maroc— la loi électorale est une réalisation importante qui devrait favoriser la stabilité politique de la Libye, à condition toutefois qu’un accord politique se dessine entre les différents acteurs institutionnels, ce qui n’est pas encore fait, a tempéré M. Bathily.

À cet effet, le haut fonctionnaire, qui est également le Chef de la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), a proposé en novembre aux dirigeants de cinq institutions libyennes une réunion pour tenter de surmonter leurs divergences.  Et bien que personne n’ait catégoriquement rejeté son invitation, certains ont posé des conditions, a-t-il regretté.  Si le Conseil présidentiel, sous la direction du Président Menfi, a offert son plein soutien à l’initiative de M. Bathily, le Président de la Chambre des représentants, M. Agila Saleh, a en revanche conditionné sa participation à la formation d’un « nouveau gouvernement pour les élections », excluant le Gouvernement d’unité nationale.

Quant au Président du Haut Conseil d’État, M. Muhammad Meftah Takala, malgré des réserves initiales, il a fini par désigner ses représentants, cependant que le Premier Ministre du Gouvernement d’unité nationale, M. Abdel Hamid Dbeibah, tout en se disant prêt à discuter des lois électorales, refuse l’idée d’un « nouveau gouvernement ».  Enfin, le commandant de l’Armée de libération nationale, le maréchal Khalifa Haftar, quoique ouvert au dialogue, a lui aussi posé des conditions à la participation du Gouvernement d’unité nationale.

La situation est donc pour l’instant bloquée, a résumé le Représentant spécial, en assurant qu’il redouble d’efforts pour permettre l’émergence d’un consensus et l’inclusion d’un plus large éventail d’acteurs issus de la société libyenne au processus politique, dans un contexte où l’espace civique tend à se restreindre et le nombre de détentions arbitraires à s’accroître.  Lors de ses nombreuses consultations, a-t-il fait savoir, deux messages lui ontété adressés avec insistance: un désir très fort de tenir rapidement des élections, doublé d’une lassitude face aux manœuvres dilatoires de certaines personnalités politiques.

Sentiment repris à leur compte par les membres du Conseil de sécurité, à l’instar de la Fédération de Russie, qui a souligné l’importance pour le Haut Conseil d’État et la Chambre des représentants de continuer à plancher sur le cadre législatif du processus électoral afin d’aboutir rapidement à un calendrier.  Très préoccupée par la persistance d’un double pouvoir en Libye, la délégation russe a par ailleurs averti que toute initiative de médiateurs internationaux ou ingérence étrangère ne ferait qu’accentuer les divisions existantes.

Un avis partagé par la Chine, le Brésil ou encore Malte, qui ont mis en avant la nécessité de respecter la souveraineté libyenne, dans un contexte tendu où des violences éclatent régulièrement –tout récemment dans les villes de Gharyan, Zuwara et Ghadamès– et où des mercenaires et autres forces étrangères opèrent toujours sur le sol libyen.  À ce propos, la Russie a préconisé un retrait « synchronisé, équilibré, progressif et échelonné » de tous les groupes armés non libyens, sans exception.  Sans cela, le pays risque de « répéter le triste scénario de la décennie précédente », a-t-elle averti, la France ajoutant que « le vide politique actuel nourrit les ingérences, déstabilise la Libye et l’ensemble de la région ».

Le Chef de la MANUL est ensuite revenu sur les conséquences dévastatrices de la tempête Daniel à Derna, en septembre, qui a elle aussi cruellement mis en évidence l’absence d’institutions étatiques unifiées et légitimes en Libye.  Plus de trois mois après la catastrophe, a-t-il souligné, l’ONU et ses partenaires humanitaires ont toutefois fourni, en coopération avec les autorités locales, une aide vitale à plus de 203 000 nécessiteux.  Le Royaume-Uni a jugé essentiel que la reconstruction soit financée de façon transparente, contrôlée et responsable.  Le représentant libyen, pour sa part, a fait remarquer que la solidarité de ses compatriotes avait joué à plein lors de cette catastrophe, et ce, en dépit des divergences politiques, laissant l’espoir d’un chemin de sortie de crise.

Plusieurs membres du Conseil, parmi lesquels la Suisse, se sont émus de la mort de 61 migrants dans les eaux libyennes la semaine dernière.  Prenant note des recommandations du rapport du Secrétaire général, les États-Unis, l’Équateur et le Mozambique, s’exprimant au nom des A3 –Gabon, Ghana et Mozambique–, ont ainsi appelé les autorités libyennes à permettre aux réfugiés d’entamer des démarches de régularisation, et à ouvrir des lieux de détention où les droits humains sont respectés.  Le groupe africain au Conseil a également exprimé sa préoccupation devant l’afflux d’armes sophistiquées ou de petit calibre en Libye, ainsi que dans tout le Sahel.  Un trafic qui a donné naissance à une infrastructure de soutien transfrontalier propice aux acteurs terroristes mondiaux et à leurs facilitateurs dans la région, ont alerté les A3.

Par ailleurs, M. Bathily a dénoncé le fait que, malgré l’énorme richesse de la Libye et en dépit d’une croissance de 14% attendue en 2023, ses citoyens sont de plus en plus exposés à des difficultés économiques et sociales, du fait de la corruption et d’une mauvaise gestion des ressources, notamment pétrolières.  Des sanctions —parmi lesquelles des gels d’avoir et des interdictions de voyager— continuent d’être imposées, a rappelé le Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, un état de fait que la Chine a tenu à dénoncer.  Le Représentant spécial a enfin exhorté la communauté internationale et les acteurs locaux à ne pas laisser un petit groupe de responsables politiques compromettre l’avenir prometteur de la Libye.  « L’humeur nationale est mûre pour un nouvel accord politique et pour un avenir plus radieux en Libye », a-t-il conclu, se voulant optimiste.

LA SITUATION EN LIBYE (S/2023/967)

Déclarations

M. ABDOULAYE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies dans ce pays (MANUL), s’est d’abord réjoui de l’établissement d’un cadre constitutionnel et légal pour les élections en Libye, un progrès significatif depuis l’échec des scrutins de décembre 2021, qui devrait favoriser la stabilité politique future du pays.

Le haut fonctionnaire a détaillé sa récente initiative visant à réunir les chefs de cinq institutions libyennes clefs pour tenter de surmonter leurs divergences politiques.  Bien que personne n’ait catégoriquement rejeté l’invitation, certains ont posé des conditions, a regretté le Représentant spécial.  Si le Conseil présidentiel, sous la direction du Président Menfi, a offert son plein soutien à l’initiative, le Président de la Chambre des représentants, M. Agila Saleh, a conditionné sa participation à la formation d’un « nouveau gouvernement pour les élections », excluant le Gouvernement d’unité nationale.  Le Président du Haut Conseil d’État, M. Takala, malgré des réserves initiales, a fini par désigner ses représentants, mais le Premier Ministre du Gouvernement d’unité nationale, M. Dbeibah, tout en se disant prêt à discuter des lois électorales, refuse pour sa part l’idée d’un « nouveau gouvernement ». Enfin, le commandant de l’Armée de libération nationale, le maréchal Haftar, est ouvert au dialogue mais a lui aussi posé ses conditions sur la participation du Gouvernement d’unité nationale.

Faisant mention d’une rencontre importante qui s’est tenue au Caire le 16 décembre, le Représentant spécial a insisté sur la nécessité pour tous les acteurs de s’engager pleinement pour résoudre l’impasse politique.  Il a aussi souligné ses efforts continus pour inclure une plus large gamme d’acteurs de la société libyenne dans le processus politique, exprimant sa gratitude vis-à-vis du soutien international considérable reçu et soulignant l’importance d’un front régional et international uni.

M. Bathily a ensuite évoqué les conséquences dévastatrices de la tempête Daniel à Derna en septembre dernier, laquelle a mis cruellement en évidence l’absence d’institutions étatiques unifiées et légitimes en Libye.  Plus de trois mois après la catastrophe, a-t-il souligné, l’ONU et ses partenaires humanitaires ont toutefois fourni, en collaboration avec les autorités locales, une aide vitale à plus de 203 000 personnes affectées.  Il a aussi rapporté des affrontements armés sporadiques et des incidents sécuritaires divers (notamment dans les villes de Gharyan, Zuwara et Ghadamès), démontrant ainsi la nécessité d’une stabilité et d’une unité renforcées des institutions militaires et de sécurité du pays.

Le Représentant spécial a exprimé ses inquiétudes concernant la réduction de l’espace civique en Libye, s’alarmant notamment du nombre croissant de détentions arbitraires, y compris d’enfants. Il a également souligné la situation inquiétante des migrants et des réfugiés dans le pays, pointant du doigt les expulsions collectives et les conditions de détention qui se détériorent.  Enfin, il s’est ému du fait que, malgré l’énorme richesse de leur pays, les citoyens libyens sont de plus en plus exposés à des difficultés économiques et sociales, du fait de la corruption et de la gabegie.  En conclusion, il a exhorté la communauté internationale et les acteurs locaux à ne pas laisser un petit groupe de responsables politiques compromettre l’avenir prometteur de la Libye.

M. OSAMU YAMANAKA (Japon), s’exprimant au nom du Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, a présenté le rapport du Comité des sanctions pour la période du 16 octobre au 18 décembre 2023, au cours de laquelle il a travaillé selon la procédure d’approbation tacite pour faciliter l’adoption de mesures.  Le 19 octobre dernier, a-t-il rappelé, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2701 (2023) par laquelle il prolonge les mesures visant à prévenir l’exportation illicite du pétrole depuis la Libye jusqu’au 1er février 2025 et le mandat du Groupe d’experts jusqu’au 15 février 2025.  Le gel des avoirs et les limitations de voyage et l’embargo sur les armes n’étant pas limités dans le temps ont été maintenus.  Le 20 novembre, six personnes ont été désignées pour siéger au sein du Groupe d’experts par le Secrétaire général.

Concernant l’embargo sur les armes, a poursuivi M. Yamanaka, le Comité a reçu le dernier rapport écrit concernant l’inspection d’un navire le 18 juillet 2022.  Les membres du Comité ont exprimé des avis divergents sur la suite à donner à cet évènement, conformément à la résolution 2092 (2013).  Il n’y a pas de consensus parmi les membres du Comité sur cette question.  Concernant le gel des avoirs, aucune décision négative n’a été prise, mais le Comité a répondu à des lettres de la Libye concernant certains aspects de la mesure de gel des avoirs.  Concernant les interdictions de voyage, le Comité a prorogé à six reprises la dérogation de six mois, à des fins humanitaires, de deux individus, M. Mohamed al-Kadhafi et Mme al-Barassi.  En outre, le 16 octobre le Comité a radié Mme Kadhafi de la liste des interdictions de voyage, mais ses avoirs restent gelés.  La liste des sanctions a été amendée en ce sens.  Une autre demande de radiation reste en examen, a indiqué le représentant.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a prié les dirigeants libyens de répondre de manière constructive à l’invitation du Représentant spécial à une réunion préparatoire afin de parvenir à un règlement sur les litiges politiques et d’y participer de bonne foi sans conditions préalables.  Par ailleurs, le Royaume-Uni est très préoccupé par la réduction de l’espace civique en Libye, ainsi que par les violations des droits de l’homme, en particulier en ce qui concerne les migrants et les réfugiés, qui se poursuivent sans reddition de comptes.  Le représentant a également noté l’incident tragique au cours duquel 61 migrants, dont des femmes et des enfants, se sont noyés après un naufrage au large de la Libye en fin de semaine.  Alors que le pays entame sa reconstruction après les inondations dévastatrices de septembre, il a jugé essentiel qu’elle soit financée de façon transparente, contrôlée et responsable.  « Les fonds publics libyens doivent être utilisés dans l’intérêt de tous les Libyens », a insisté le représentant.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est réjoui de la publication, le 1er novembre, de lois électorales, à la suite des travaux du Comité 6+6, en dépit de la persistance de quelques questions controversées.  Il a alors appelé toutes les parties libyennes à se laisser guider par la bonne foi et l’intérêt national et à œuvrer en faveur d’un processus électoral pacifique.  Il a aussi appelé les parties prenantes qui n’ont pas répondu à l’appel de M. Bathily à entreprendre des efforts pour arriver à dialoguer.  C’est la seule voie pour faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, sous les auspices de l’ONU, avec la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes en tant qu’électrices, candidates et observatrices, a-t-il dit.

Le représentant a également abordé le thème de l’insécurité, qui selon lui, est aggravée par la présence continue de combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires, dont le retrait complet devrait être une priorité, une insécurité aussi aggravée par la prolifération des armes sous le contrôle de divers acteurs étatiques et non étatiques.  Il a estimé dans ce contexte que la poursuite des travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 et d’autres mesures visant à stabiliser la situation sécuritaire nécessitent le plein soutien du Conseil de sécurité.  Il a aussi salué le soutien continu de la MANUL à la Commission 5+5, notamment l’organisation de l’atelier du mois dernier à Tunis en présence des coprésidents du Groupe de travail sur la sécurité. 

M. DMITRY A. POLYANSKIY (Fédération de Russie) a regretté que les perspectives d’un règlement durable demeurent éloignées en raison de la persistance d’un double pouvoir en Libye.  Affirmant que la tenue d’élections nationales et la mise en place d’autorités unifiées avec une représentation équitable de toutes les régions de la Libye étaient « le seul moyen de sortir de l’impasse politique interne », il a estimé important que le Haut Conseil d’État et la Chambre des représentants continuent à travailler sur le cadre législatif du processus électoral, regrettant qu’ils ne soient pas parvenues à un accord avant l’achèvement des travaux du comité mixte de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État (Comité 6+6), à la fin du mois de mai 2023.  Affirmant que les Libyens devaient démêler par eux-mêmes « l’enchevêtrement de contradictions » dans lequel ils se trouvaient, il a averti qu’en l’absence de consensus interne sur le cadre législatif, toute initiative de médiateurs internationaux ou d’États étrangers ne ferait qu’accentuer les divisions.

Considérant l’organisation d’élections présidentielle et parlementaires comme une « question centrale », le délégué a affirmé que leur tenue simultanée serait préférable pour préserver la stabilité nationale.  Insistant sur leur caractère inclusif comme condition indispensable de leur succès, il a affirmé qu’il ne fallait pas en exclure des personnalités politiques bénéficiant d’un important soutien populaire, y compris les représentants des anciennes autorités.  Le délégué a appelé à agir rapidement, la fenêtre d’opportunité se refermant rapidement, notamment en raison de combats d’une « régularité alarmante » entre groupes armés.  Concernant la présence militaire étrangère, il a préconisé un retrait « synchronisé, équilibré, progressif et échelonné » de tous les groupes armés et unités militaires non libyens, sans exception.  « Si un consensus politique n’est pas trouvé rapidement, le pays risque de répéter le triste scénario de la décennie précédente », a-t-il averti.

La question la plus importante à l’ordre du jour est le respect des dispositions de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité, a-t-il affirmé.  Rappelant le régime spécial d’inspection en haute mer au large des côtes libyennes, introduit par la résolution 2292 du Conseil de sécurité présentée par la Russie, il a accusé l’Union européenne de l’avoir « instrumentalisée » à travers l’opération IRINI, dénonçant sa faible efficacité, ses inspections sélectives et l’absence de transparence du système.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a évoqué le naufrage tragique qui s’est produit au large de la Libye samedi dernier.  Des milliers de personnes meurent et disparaissent chaque année dans la Méditerranée, a-t-elle déploré.  En redoublant d’efforts pour garantir le respect des droits de l’homme, la Libye peut catalyser la transformation démocratique, et jeter les bases d’un environnement sûr et propice aux élections, a-t-elle avancé.  La déléguée a dénoncé la répression des défenseurs et défenseuses des droits de l’homme, les détentions arbitraires, dans un contexte de rétrécissement de l’espace civique.  Les voix des journalistes, des universitaires et de membres de la société civile sont réduites au silence, menaçant le droit à la liberté d’expression. C’est pourquoi la Suisse, en tant que coprésidente du Groupe de travail sur le droit international humanitaire et les droits de l’homme, a coorganisé une réunion des quatre groupes issus du processus de Berlin.  Cette réunion, a expliqué la déléguée, a permis d’identifier des synergies pour la mise en œuvre des droits de l’homme dans les domaines politique, économique et sécuritaire.  « Nous maintiendrons notre engagement à cet égard. »  Après un retard de deux ans, il est grand temps que les élections soient tenues de manière inclusive, avec la participation des femmes et des jeunes qui, a-t-elle précisé, est primordiale pour l’avenir du pays. Et pour faire avancer les aspirations du peuple libyen pour des élections, le compromis et la collaboration sont indispensables.  Enfin, la déléguée a appelé les acteurs clefs libyens à accepter l’invitation du Représentant spécial pour une réunion préparatoire.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), s’exprimant au nom des A3 –Gabon, Ghana et Mozambique–, a exprimé une profonde inquiétude quant à l’impasse politique persistante dans le pays, en raison du manque de clarté quant aux élections. Cette situation fait craindre une aggravation de l’instabilité multidimensionnelle, a-t-il déploré, avant d’exprimer sa profonde gratitude pour les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général avec toutes les institutions et acteurs libyens concernés pour résoudre les questions électorales en suspens.  Il a en particulier salué son initiative d’organiser une réunion entre parties prenantes institutionnelles, pour parvenir à un règlement des controverses liées à la mise en œuvre du processus électoral.

Concernant la situation sécuritaire, le délégué mozambicain a indiqué que les A3 notent positivement que l’accord de cessez-le-feu de 2020 continue de tenir, grâce à la retenue dont les parties continuent de faire preuve.  Le délégué a néanmoins exprimé sa profonde préoccupation devant la récurrence des affrontements armés à travers la Libye.  Une réalité très préoccupante, car elle révèle la fragilité du système politique et sécuritaire, a-t-il mis en garde, appelant à trouver une solution urgente face à cette impasse.  Pour atteindre cet objectif, les autorités libyennes doivent poursuivre leurs efforts pour unifier les forces de sécurité libyennes, même si c’est une question complexe qui nécessite une approche globale, a-t-il reconnu.

Le représentant a également évoqué la situation humanitaire liée à la situation « désastreuse et persistante » dans laquelle se trouvent les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile en Libye.  Il a appelé les autorités libyennes à œuvrer, avec le soutien de la communauté internationale, à l’amélioration du sort de ces malheureux et à demander des comptes aux auteurs de violations de leurs droits.  Pareillement, le délégué a exprimé de profondes préoccupations quant à l’afflux d’armes sophistiquées et d’armes légères et de petit calibre en Libye, mais aussi dans la région du Sahel.  Un trafic qui a donné naissance à une infrastructure de soutien transfrontalier propice aux acteurs terroristes mondiaux et à leurs facilitateurs dans la région, a-t-il alerté.  Enfin, il a réitéré l’appel des A3 en faveur du départ immédiat des forces étrangères et des combattants étrangers du sol libyen.  Leur présence porte atteinte à la souveraineté de la Libye ainsi qu’à l’appropriation et à la réconciliation nationale, a-t-il dit.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a déploré que l’impasse politique continue de retarder les élections en Libye, qui doivent être libres et transparentes.  L’invitation du Représentant spécial est un pas dans la bonne direction, a souligné la représentante, qui a également pris note de l’accord tripartite et appelé toutes les parties à le rejoindre pour sortir de l’impasse.  Elle a partagé ses inquiétudes concernant l’amenuisement de l’espace civique et la persistance des violations des droits humains. L’instabilité de la Libye a également des conséquences sécuritaires sur la stabilité de l’Afrique du Nord et du Sahel, a encore noté la déléguée, en réitérant son appel au retrait total de tous les mercenaires et forces étrangères du sol libyen. 

M. JOHN KELLEY (États-Unis) a plaidé en faveur d’une feuille de route claire pour la tenue d’élections, appelant toutes les parties prenantes à participer à un dialogue préparatoire sous l’égide du Représentant spécial en vue d’établir un gouvernement unifié pour servir les intérêts du peuple libyen.  Il a dénoncé ceux qui sapent son travail et continuent ainsi de retarder le processus pour aboutir à un scrutin libre et transparent.  Prenant note des recommandations du rapport du Secrétaire général sur la nécessité de fournir une assistance aux migrants et demandeurs d’asile, il a appelé à ouvrir des lieux de détention humains et leur permettre d’entamer des démarches de régularisation.  Le délégué a également appelé à inverser la tendance à la réduction de l’espace civique qui sape la liberté d’expression.  Saluant le travail de la Commission militaire conjointe 5+5, qui souhaite assurer le retrait des mercenaires et des forces étrangères et ouvrir la voie à un processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration.  Il a appelé à accroître la coopération pour unifier les structures de pouvoir de l’est et de l’ouest afin de garantir les frontières du pays et de lutter contre l’instabilité.

M. YAMANAKA OSAMU (Japon) s’est félicité de l’engagement du Conseil de sécurité en faveur de la paix, de la sécurité et de la transition démocratique en Libye.  Bien que les élections nationales tant attendues n’aient pas encore eu lieu, a-t-il relevé, des progrès ont été réalisés.  Les initiatives du Représentant spécial ont ainsi permis de s’accorder sur de nouvelles lois électorales et de résoudre certaines controverses, mais aussi d’unifier les institutions étatiques divisées et de mettre en place un mécanisme de surveillance financière nationale.  La solidarité et l’unité du peuple libyen après les inondations dévastatrices de septembre sont par ailleurs de bon augure, a-t-il souligné.

Toutefois, le représentant a appelé à continuer les efforts pour compléter la transition démocratique en Libye, encourageant les acteurs clefs à s’engager davantage aux côtés de M. Bathily.  Il a fait part de ses préoccupations concernant la situation humanitaire et les droits humains, s’inquiétant tout particulièrement des détentions illégales et des restrictions de mouvement (notamment des femmes), ainsi que des conditions inhumaines imposées aux migrants et aux réfugiés.  Il a enfin réaffirmé le soutien de son pays au peuple libyen dans sa quête d’un gouvernement protégeant leurs vies et leur dignité.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est réjoui de la publication, le 1er novembre, de lois électorales, à la suite des travaux du Comité 6+6, en dépit de la persistance de quelques questions controversées.  Il a alors appelé toutes les parties libyennes à se laisser guider par la bonne foi et l’intérêt national et à œuvrer en faveur d’un processus électoral pacifique.  Il a aussi appelé les parties prenantes qui n’ont pas répondu à l’appel de M. Bathily à entreprendre des efforts pour arriver à dialoguer.  C’est la seule voie pour faire avancer un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens, sous les auspices de l’ONU, avec la participation pleine, égale, significative et sûre des femmes en tant qu’électrices, candidates et observatrices, a-t-il dit.

Le représentant a également abordé le thème de l’insécurité, qui selon lui, est aggravée par la présence continue de combattants étrangers, de forces étrangères et de mercenaires, dont le retrait complet devrait être une priorité, une insécurité aussi aggravée par la prolifération des armes sous le contrôle de divers acteurs étatiques et non étatiques.  Il a estimé dans ce contexte que la poursuite des travaux de la Commission militaire conjointe 5+5 et d’autres mesures visant à stabiliser la situation sécuritaire nécessitent le plein soutien du Conseil de sécurité.  Il a aussi salué le soutien continu de la MANUL à la Commission 5+5, notamment l’organisation de l’atelier du mois dernier à Tunis en présence des coprésidents du Groupe de travail sur la sécurité. 

M. NORBERTO MORETTI (Brésil), soulignant que le processus électoral doit être mené par les Libyens eux-mêmes, a espéré que les acteurs institutionnels y participeront de manière constructive et dans un esprit de compromis, afin de traduire les aspirations du peuple libyen à l’unification et à la légitimité du Gouvernement.  Par ailleurs, le représentant a estimé que la durabilité de tout règlement politique dépend du respect par tous les acteurs du « droit de la Libye de mener ses affaires sans ingérence étrangère ».  L’unification des institutions publiques, y compris l’armée, peut être facilitée par la communauté internationale tout en respectant la souveraineté du pays, qui est également extrêmement importante en ce qui concerne l’appropriation et le contrôle de ses ressources naturelles, a-t-il précisé.  Ainsi, la création de mécanismes visant à assurer la transparence et la responsabilité dans les dépenses publiques, notamment dans le cadre des efforts de reconstruction à Derna, devrait protéger la richesse de la Libye contre les détournements et la mauvaise gestion, dans l’intérêt du peuple.  À ce propos, a ajouté le représentant, les signalements d’une confiscation d’avoirs libyens gelés dans des banques étrangères devraient être examinés avec attention.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) s’est dite convaincue que la clef de la résolution de la crise en Libye réside dans la pleine appropriation du processus par les Libyens eux-mêmes.  Encourageant le dialogue entre l’ensemble des acteurs, elle a estimé qu’il devait mener à la constitution d’un gouvernement unifié capable de mener le pays aux élections sur l’ensemble du territoire libyen.  « Une transition politique sans fin en Libye n’est pas tenable », a-t-elle affirmé, ajoutant que la catastrophe de Derna et sa gestion non coordonnée par les autorités libyennes avaient rappelé l’urgence d’une gouvernance unifiée.  « Le vide politique actuel nourrit les ingérences, qui déstabilisent le pays et l’ensemble de la région », a-t-elle averti.

Estimant que la tenue d’élections en Libye ne pouvait plus attendre, elle a salué l’adoption de lois électorales, grâce au travail du (Comité 6+6), ainsi que les efforts réalisés par les partenaires régionaux, en particulier l’Égypte, mais aussi le Maroc, pour soutenir le dialogue entre les institutions libyennes.  Elle a estimé que la prochaine étape devait être de fixer un calendrier, indiquant que la France était disposée à faciliter le dialogue interlibyen en vue d’établir un exécutif unifié de transition pour mener le pays aux élections.  Ajoutant que la France continuerait de soutenir les efforts en vue d’une réunification de l’armée libyenne, sous l’égide de la Commission militaire conjointe 5+5 et des deux chefs d’état-major, la déléguée a affirmé qu’elle continuerait également de soutenir les efforts déployés par les Libyens pour parvenir au retrait de toutes les forces composées de mercenaires et de combattants étrangers, une condition essentielle à l’émergence d’une Libye « stable, souveraine et unie ».

M. DAI BING (Chine) a d’abord exprimé son émotion face à la mort de migrants dans les eaux libyennes, critiquant certains pays européens coupables selon lui de ne pas assumer la responsabilité de la protection des réfugiés.  Prenant note du fait que, malgré un dialogue en cours sur une feuille de route électorale, aucun consensus ne s’est encore imposé, il a encouragé les parties libyennes à progresser dans le dialogue le plus rapidement possible.  Il a également mis en garde contre « les interférences étrangères et les solutions imposées », insistant sur le respect de la souveraineté libyenne.  Le représentant a ensuite exprimé ses préoccupations quant aux conflits armés dans diverses régions du pays, notamment le long de la frontière entre la Libye et le Tchad.  Pour préserver la paix, il a exhorté au respect de l’accord de cessez-le-feu, ainsi qu’au retrait des mercenaires et des forces étrangères, tout en soulignant l’importance de la coopération régionale pour relever les défis sécuritaires. La reprise de la production pétrolière en Libye et la croissance économique de 14% attendue en 2023 ont été saluées par le représentant, qui a toutefois évoqué la crise humanitaire due aux inondations de septembre et la nécessité d’une aide humanitaire accrue.  Enfin, il a dénoncé le gel des avoirs libyens à l’étranger, demandant au Conseil de sécurité de prendre des mesures pour répondre aux préoccupations légitimes de la Libye.

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a reconnu les progrès significatifs faits par les Libyens vers un règlement pacifique de la situation, en dépit de nombreux obstacles.  L’intérêt du peuple libyen doit être placé au-dessus de toute considération et le processus politique doit rester la principale option pour rétablir la sécurité et la stabilité en Libye.  Cela signifie s’engager dans le dialogue pour résoudre les différends entre les parties.  Et pour cela, l’Envoyé spécial doit poursuivre ses efforts de médiation, a plaidé le représentant.  Il a également estimé que l’avenir de la Libye et de son peuple dépend de la désescalade et de l’absence de recours à la force.  Dans ce contexte, la Commission militaire conjointe 5+5 doit poursuivre ses efforts pour stabiliser le cessez-le-feu et unifier les institutions militaires et de sécurité.  De la même manière, le retrait simultané et progressif de toutes les forces étrangères, des combattants étrangers et mercenaires de Libye est capital pour préserver l’unité, l’indépendance et l’intégrité territoriale du pays.  De plus, le représentant a jugé essentiel d’offrir aux jeunes des opportunités en termes d’éducation et d’emploi et de permettre aux femmes libyennes de jouer un rôle actif dans le développement de leur société.  Il faut assurer la préservation et la répartition équitable des richesses libyennes, ce qui implique de préserver les avoirs libyens gelés pour les générations futures, a ajouté le représentant, appelant aussi à protéger les secteurs pétrolier et financier de la polarisation politique.

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a encouragé les institutions politiques libyennes et toutes les parties à surmonter leurs différences au cours d’un dialogue facilité par l’ONU, afin d’ouvrir la voie à des élections présidentielle et législatives libres, transparentes et inclusives dans les plus brefs délais.  En outre, le droit à la liberté d’expression est fondamental pour la transition démocratique, a insisté le représentant, qui a préconisé de garantir la participation pleine et entière des femmes, des jeunes et de la société civile aux processus politiques.  Revenant sur les inondations catastrophiques à Derna, le représentant a misé sur des mesures de reconstruction et d’indemnisation coordonnées et transparentes, par le biais d’une plateforme nationale unifiée, qui donne la priorité au soutien psychosocial et à la santé mentale des rescapés.  En matière de sécurité, il a encouragé la MANUL à continuer de soutenir les efforts de la Commission militaire conjointe 5+5 pour surveiller l’application de l’accord de cessez-le-feu de 2020.  Le représentant a estimé que le Conseil devra rester saisi de la situation des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile en Libye, espérant que les autorités libyennes travailleront, avec le soutien de la communauté internationale, à garantir leurs droits.

Regrettant l’absence de progrès notables sur le plan politique, M. TAHER M. T. EL-SONNI (Libye) a rappelé que des élections présidentielle et législatives sont attendues depuis deux ans.  Il a souligné l’importance d’une solution « prise en main » par les Libyens eux-mêmes pour ramener leur pays sur la voie de la stabilité et rétablir le contrôle des autorités sur l’ensemble du territoire en l’absence de toute ingérence étrangère.  Il en a appelé à la solidarité de tous les Libyens, en dépit de leur divergences politiques, comme lors de la réponse commune à la tempête Daniel, afin de trouver un chemin de sortie de crise.  Le délégué a appelé toutes les parties à participer aux réunions préparatoires sous l’égide du Représentant spécial sans poser de conditions préalables, en vue de créer un environnement propice à la tenue d’élections le plus tôt possible.  Affirmant que le peuple libyen était « las d’attendre » une solution, il a appelé à ne pas céder aux conditions imposées de l’extérieur.  Sur le dossier des migrants, il a rappelé que la question ne pourrait être réglée par la Libye seule, appelant les pays d’origine, de transit et de destination à coopérer avec elle.

Le délégué a estimé que le peuple libyen et la majorité des populations du monde étaient las des approches caractérisées par le « deux poids, deux mesures », qui consistent à leur donner des leçons de morale sur le droit international pour ne pas en tenir compte lorsqu’il s’agit de Gaza.  Affirmant que l’histoire retiendrait l’opposition de certains pays à des projets de résolution à caractère humanitaire au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale, il a réaffirmé que la Libye ne ménagerait aucun effort pour que l’agression contre le peuple palestinien prenne fin et qu’un cessez-le-feu soit conclu.  Il a appelé le Conseil de sécurité à adopter et mettre en œuvre la résolution présentée par les Émirats arabes unis plus tard aujourd’hui.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.