En cours au Siège de l'ONU

9480e séance, matin
CS/15498

Conseil de sécurité: le Soudan annonce qu’il met fin à la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition dans le pays (MINUATS)

« Je vous annonce la décision du Gouvernement soudanais, à savoir que la Mission prend fin, selon la lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies aujourd’hui », a déclaré le représentant du Soudan à la toute fin de la séance que le Conseil de sécurité consacrait aujourd’hui à la Mission intégrée des Nations Unies pour l’assistance à la transition au Soudan. « Le fonctionnement de la MINUATS n’a pas été à la hauteur de nos espérances », a accusé le représentant, estimant que la situation actuelle au Soudan exige une refonte de la Mission, « qui ne répond plus aux attentes mais vise à réaliser d’autres objectifs » et pour laquelle une nouvelle « feuille de route » avait déjà été demandée au printemps par son gouvernement, sans résultat à ce jour. Il a néanmoins assuré que son pays continuerait de travailler de façon constructive avec les Nations Unies pour créer un nouveau mécanisme plus efficace afin de résoudre la situation.

Ce coup de théâtre est intervenu alors que le Conseil étudiait précisément le rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Soudan et les activités de la Mission.  Créée par la résolution 2524 (2020) du 3 juin 2020, la MINUATS est une mission politique spéciale, chargée initialement de fournir un soutien au Soudan pendant sa période de transition vers un régime démocratique.  Après l’éclatement du conflit entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces d’appui rapide (RSF), le 15 avril dernier, le Conseil, était convenu à l’unanimité, le 2 juin, d’une reconduction technique de la Mission pour une période de six mois, afin de se donner le temps d’évaluer sa capacité à remplir son mandat dans le nouveau contexte des affrontements.  Cette période s’achève le 3 décembre prochain.  Il était prévu que le Conseil se prononce le 29 novembre.

En raison de la détérioration de la situation au Soudan depuis que le conflit avait éclaté en avril dernier, le Secrétaire général avait informé le Conseil, dans une lettre du 6 novembre, de son intention d’entreprendre un examen stratégique indépendant de la Mission, avec pour objectif de formuler des recommandations à l’intention du Conseil, ainsi que de garantir le mandat, l’orientation, les priorités et la configuration de la Mission pour mettre le peuple soudanais sur la voie de la paix et de la stabilité́.

En amont du clap de fin de la MINUATS, la Fédération de Russie s’était déjà fait l’écho des propos du représentant soudanais, qui a rappelé l’importance du consentement du pays hôte pour de telles missions.  En effet, la représentante russe avait mis l’accent sur la nécessité de déterminer l’avenir de la Mission en tenant compte du consentement du Soudan, évoquant à cet égard la souveraineté et l’intégrité territoriale.

L’examen stratégique de la Mission proposé par le Secrétaire général avait pourtant été accueilli favorablement par plusieurs membres du Conseil, dont la Chine, le Japon, le Brésil et la Suisse.  D’autres délégations, comme le Ghana, au nom des A3, et l’Équateur, en avaient simplement pris note.  Le Brésil avait, quant à lui, félicité la Mission pour avoir renforcé sa capacité de suivi malgré la situation compliquée à laquelle elle fait face depuis le mois d’avril, tandis que la représentante de Malte louait les réalisations de la Mission depuis sa création, espérant une convergence des opinions pour une prorogation de la présence onusienne au Soudan.

Avant de s’exprimer chacun à leur tour, les membres du Conseil de sécurité avaient entendu un exposé du Secrétariat, représenté par Mme Martha Ama Akyaa Pobee, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique, qui avait salué l’annonce de l’examen stratégique de la Mission.

Mme Pobee a aussi décrit l’aggravation de la situation sur le terrain, détaillé la situation humanitaire désastreuse, le déplacement de millions de civils ainsi que les crimes interethniques et les violences sexuelles perpétrées à l’égard des femmes.  Elle a par ailleurs annoncé le ralliement, aujourd’hui même, de certains mouvements armés signataires de l’Accord de Djouba jusqu’alors restés neutres aux Forces armées soudanaises.  Affirmant qu’il ne peut y avoir de progrès sans un cessez-le-feu, elle a soutenu une médiation conjointe entre les parties civiles et les parties belligérantes, ainsi qu’un dialogue régional et international coordonné, estimant « décisives » la coopération et l’unité du Conseil.

Les délégations du Ghana, au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), des États-Unis et de la France ont abondé en ce sens, estimant « qu’une solution militaire n’existe pas et que seul un dialogue permettra une solution pérenne ». Déplorant l’intensification des conflits et craignant une escalade dans la région, la grande majorité des délégations ont appelé à un cessez-le-feu immédiat.  Si elles se sont félicitées de la reprise des pourparlers à Djedda, la plupart ont toutefois exhorté les parties belligérantes à respecter leurs engagements, en garantissant l’acheminement sûr et sans entrave de l’aide humanitaire essentielle.

Si quelques délégations, dont le Royaume-Uni et les Émirats arabes unis, ont salué les initiatives entreprises par les États-Unis, l’Arabie saoudite, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement, la Fédération de Russie a mis en garde contre les initiatives de médiation et les « tentatives d’ingénierie politique ou sociale » qui conduisent à des conflits exacerbés en raison d’une ingérence étrangère insensible aux spécificités nationales, aux intérêts du peuple soudanais et aux dynamiques historiques propres au Soudan.  Les A3 ont également mis en garde contre une multiplication excessive des initiatives, susceptible d’affaiblir les efforts de médiation, et appelé à se concentrer sur la feuille de route de l’Union africaine.  Le Japon a tranché sur cette question en évoquant une meilleure coordination des initiatives, estimant que « le Conseil de sécurité devrait travailler plus étroitement avec les acteurs internationaux et régionaux concernés ». La Chine a quant à elle estimé que le rôle des Nations Unies pour aider à la transition démocratique au Soudan reste encore à déterminer, le Japon a considéré qu’« il est impératif que la communauté internationale s’unisse et parle d’une seule voix ».

La MINUATS est la deuxième mission cette année dont la fermeture est publiquement exigée par un pays hôte à l’occasion d’une séance publique du Conseil de sécurité, après celle de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) le 16 juin.

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD (S/2023/849 ET S/2023/861)

Déclarations

Mme MARTHA AMA AKYAA POBEE, Sous-Secrétaire générale pour l’Afrique aux Départements des affaires politiques et de la consolidation de la paix, et des opérations de la paix (DPPA-DPO), a détaillé l’évolution récente du conflit entre les Forces armées soudanaises (FAS) et les Forces d’appui rapide (RSF).

Ces dernières ont le contrôle des bases des FAS à Nyala, Zalingei et El-Genena du 10 octobre au 4 novembre.  Une attaque des FSR contre El-Fasher pourrait engendrer de nombreuses victimes en raison du grand nombre de déplacés qui s’y trouvent, a-t-elle en outre mis en garde. En effet, certains mouvements armés, signataires des accords de Djouba basés dans la région, ont déployé des forces pour défendre la ville.  Alors qu’ils étaient jusqu’alors restés officiellement neutres dans le conflit, plusieurs de ces groupes ont annoncé aujourd’hui même leur ralliement aux FAS en raison des atteintes présumées aux droits humains par les RSF et du potentiel morcellement du Soudan, a expliqué Mme Pobee.

En outre, la Sous-Secrétaire générale a signalé que des personnes de la région réfugiées au Tchad avaient fait état de violences ethniques contre la communauté massalit, des rapports crédibles mentionnant de graves violations des droits humains et des violences ciblées de la part des milices arabes affiliées aux RSF, mais aussi de la part de milices massalit à l’encontre de communautés arabes, risquant d’engendrer un cycle de violences.  Par ailleurs, Mme Pobee a expliqué que des tensions opposant les FAS et le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord-faction Abdelaziz Hélou perdurent dans le Kordofan septentrional, les hostilités s’étant également propagées dans de nouvelles zones, dont le Nil-Blanc et le Kordofan méridional.

Plus de 6 000 civils ont été tués depuis le mois d’avril, laissant le Soudan face à la pire crise de déplacement au monde avec 7,1 millions de personnes actuellement déplacées, a déploré la Sous-Secrétaire générale, soulignant les nombreuses restrictions à l’accès, les attaques envers le personnel humanitaire et les obstacles administratifs à l’aide.  Elle a toutefois précisé que 8,1 millions de personnes avaient pu bénéficier de l’aide.  Elle a ensuite attiré l’attention sur le sort des femmes et des filles qui se détériore, celles-ci étant victimes de violences sexuelles perpétrées par des individus vêtus d’uniformes des RSF et des FAS.  Elle a également signalé les attaques ciblées et à l’aveugle envers les civils, ainsi que les restrictions imposées dans les espaces publics.

Mme Pobee s’est félicitée de la reprise des pourparlers à Djedda le 29 octobre, estimant que seul un dialogue régional et international coordonné, en lien avec les initiatives civiles, permettra de progresser.  La Déclaration d’engagement adoptée par les parties à Djedda le 7 octobre est importante pour le peuple soudanais, a-t-elle poursuivi, regrettant néanmoins l’absence d’un accord pour un cessez-le-feu.  Elle a toutefois salué les initiatives civiles, « sans lesquelles un futur Soudan inclusif et démocratique ne pourra se faire », notamment la réunion tenue à Addis-Abeba.

La Sous-Secrétaire générale n’en a pas moins déploré la diminution de la participation politique des femmes alors qu’elles continuent de militer pour une transition démocratique inclusive.  Estimant qu’une médiation conjointe entre les parties civiles et les parties militaires sera nécessaire, elle s’est félicitée d’une reprise des efforts régionaux à cet égard.  Enfin, elle a salué l’examen stratégique de la MINUATS lancé par le Secrétaire général. « L’heure est venue de donner la priorité au dialogue et de relancer les efforts de paix collectifs et coordonnés pour mettre fin au conflit et assurer une transition civile », a conclu Mme Pobee, estimant que la coopération et l’unité du Conseil de sécurité seront « décisives ».

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a regretté l’impact catastrophique du conflit pour les civils, dont plus de six millions sont actuellement déplacés à l’intérieur et à l’extérieur du Soudan, tout en saluant les efforts humanitaires déployés pour remédier à la famine et à l’insécurité.  Les frappes aériennes continuellement perpétrées par les Forces armées soudanaises et les offensives lancées par les Forces d’appui rapides ont engendré de nombreux abus des droits humains, y compris des meurtres ethniques et de la violence sexuelle, a déploré le représentant.

Se disant encouragé par la reprise des pourparlers à Djedda et le Forum humanitaire, le représentant a exhorté les parties prenantes au conflit à respecter leurs engagements vis-à-vis de l’accès à l’aide humanitaire et d’accepter le transfert du pouvoir aux parties civiles soudanaises qui se sont réunies à Addis-Abeba, appelant ces dernières à rendre le processus plus inclusif.  Enfin, il a prôné une action coordonnée sous gestion africaine en collaboration avec les partenaires internationaux, les Nations Unies, l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déclaré que la fourniture de services de prévention et de réponse à la violence sexiste au Soudan est une priorité, les allégations de violences sexuelles et sexistes à l’égard des femmes et des filles étant déchirantes, en particulier l’esclavage de celles-ci, souvent enlevées et soumises à des traitements inhumains et dégradants.  Le représentant a donc condamné l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, avant de réitérer le soutien de l’Équateur au travail d’enquête de la Cour pénale internationale.  Il a également appuyé la récente résolution adoptée par le Conseil des droits de l’homme visant à la collecte de preuves de crimes en vue de futures procédures pénales. Il a estimé que la déclaration faite le 14 octobre par la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide devrait être la pierre angulaire des enquêtes en cours, en particulier au Darfour.  S’ils sont avérés, ces faits seraient constitutifs de crimes contre l’humanité, devant lesquels le Conseil ne saurait garder le silence, a ajouté le représentant.

M. Pérez Loose a mentionné une lettre du Secrétaire général datée du 6 novembre et relative à l’examen stratégique de la MINUATS, qui tient compte de ses besoins, de son orientation, de ses priorités et de sa configuration pour appuyer la consolidation de la paix au Soudan.  Il a dit attendre des informations précises à ce propos.

Quant aux informations sur les flux d’armes vers les parties au conflit, le représentant a appelé tous les États au respect de l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité au Darfour et à s’abstenir de fournir du matériel militaire aux parties belligérantes.

M. IRIYA TAKAYUKI (Japon) s’est dit gravement préoccupé par les avertissements concernant la possibilité d’une extension des affrontements actuels vers une véritable guerre civile, sans compter la situation humanitaire désastreuse au Soudan. Les informations faisant état d’attaques à motivation ethnique et de violences sexuelles et sexistes sont, de la même manière, alarmantes, a ajouté le représentant, qui a en outre souligné le risque qu’un afflux de réfugiés pourrait représenter pour les pays voisins, qui accueillent déjà généreusement des réfugiés, malgré leurs propres difficultés.

Pour amener les parties à cesser les combats, il est impératif que la communauté internationale s’unisse et parle d’une seule voix, a déclaré le représentant.  Le Japon se félicite à cet égard de la récente reprise des pourparlers de Djedda, qui ont conduit à la déclaration d’engagement. Les parties doivent maintenant respecter leurs engagements en garantissant une fourniture sûre, durable et sans entrave de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin.  Le Conseil de sécurité devrait travailler plus étroitement avec les acteurs internationaux et régionaux concernés pour assurer la cohérence de tous les efforts visant à instaurer un cessez-le-feu, a encore plaidé le représentant.

Le représentant a assuré que le soutien de son pays à la MINUATS reste inchangé et qu’il reconnaît la nécessité pour l’ONU et la Mission de s’adapter à la situation complexe sur le terrain.  Il a dit attendre avec impatience les résultats de l’examen stratégique de la Mission en janvier 2024, comme l’a mentionné le Secrétaire général, afin que le Conseil de sécurité puisse discuter de la manière dont l’ONU peut contribuer au mieux à la paix et à la sécurité au Soudan et dans la région.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a déploré que les combats continuent de faire rage au Soudan sans aucun signe de désescalade.  Avec un bilan sur la population civile catastrophique, ce conflit a peu d’équivalents en termes d’ampleur de la crise ou de profondeur de la misère, a ajouté la représentante, pour qui les combats doivent cesser immédiatement, afin de protéger les civils.  Elle a appelé les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide (RSF) à s’engager en faveur d’un cessez-le-feu.  Elle a jugé les mesures de confiance adoptées la semaine dernière dans le cadre de la Déclaration d’engagements de Djedda d’autant plus importantes que les hostilités entre les deux parties se sont intensifiées au cours de la reprise des pourparlers, notamment au Darfour.  Elle s’est déclarée extrêmement préoccupée des rapports alarmants faisant état de nouveaux massacres ethniques commis par les RSF à l’encontre de la communauté Masalit. 

Mme Baeriswyl a rappelé qu’il y a deux jours, la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide avait de nouveau mis en garde contre les risques croissants de génocide et d’autres crimes atroces.  Elle a demandé des enquêtes indépendantes et la justice pour les victimes. Elle a salué le lancement du Forum humanitaire et a appelé les parties à prendre des mesures immédiates et concrètes afin de réduire les contraintes imposées à l’accès humanitaire, alors même que ce conflit provoque la plus grande crise de déplacement au monde et que les besoins humanitaires atteignent des niveaux sans précédent.  Elle a rappelé à cet égard que la Suisse avait, la semaine dernière, fourni au Programme alimentaire mondial en Égypte un total de 1,4 million de dollars d’aide destinés aux populations soudanaises.

La représentante a réitéré son appel au retour à un processus politique crédible et inclusif. Elle a souligné qu’une représentante de la société civile soudanaise avait, en septembre, demandé au Conseil, au nom des femmes soudanaises, de considérer leur participation à ces processus politiques comme prioritaire.  Enfin, elle a estimé qu’une présence politique de l’ONU au Soudan est essentielle pour soutenir les efforts diplomatiques et a salué l’annonce par le Secrétaire général d’un examen stratégique indépendant de la MINUATS.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a déploré la poursuite des affrontements au Soudan et leur extension à de nouvelles régions du pays. Le représentant a condamné les violences contre les civils, le pillage et la destruction d’infrastructures essentielles.  Il s’est dit en particulier préoccupé par l’escalade des violences communautaires et l’aggravation des tensions interethniques au Darfour, où les affrontements violents se poursuivent, ciblant des communautés ethniques. Saluant les efforts des organisations régionales pour mettre fin aux violences au Soudan, le représentant a appelé à un cessez-le-feu immédiat et sans condition.  Il a ajouté qu’il n’y a pas de solution militaire à la crise grave que traverse le Soudan, exhortant les parties à choisir la voie de la négociation et du dialogue pour trouver une solution pérenne.

Les A3 soulignent la nécessité de mettre en œuvre la feuille de route de l’Union africaine pour permettre une résolution du conflit au Soudan.  Ils s’inquiètent aussi de la multiplication des initiatives, qui pourrait affaiblir les efforts de médiation et qui n’a pas permis pour le moment de mettre fin aux affrontements.  Le représentant a insisté sur le rôle crucial joué par les organisations régionales et sous-régionales pour résoudre la crise.  Il a appelé à mettre en place des mesures de médiation inclusives de manière concertée et coordonnée pour parvenir à la reprise des pourparlers.  Les parties doivent respecter leurs engagements en matière de facilitation de l’acheminement de l’aide humanitaire et relatives à la mise en œuvre de mesures de confiance.

Le représentant a déploré les déplacements de millions de personnes dus aux affrontements, y compris dans les pays voisins comme le Tchad, le Soudan du Sud et la République centrafricaine.  Il a appelé à gérer la circulation d’armes pour limiter tout effet déstabilisateur pour les autres pays de la région.  Il a exhorté à adopter une approche coordonnée des questions humanitaires et de sécurité, en particulier aux frontières des pays accueillant des réfugiés. Le représentant a en outre appelé les bailleurs de fonds et la communauté internationale à mobiliser les fonds nécessaires pour financer le plan d’aide humanitaire pour le Soudan. Il a par ailleurs pris note de la lettre par laquelle le Secrétaire général annonce le lancement d’un examen stratégique indépendant de la MINUATS.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a souligné le besoin crucial d’un engagement de la part de toutes les parties prenantes et d’un cessez-le-feu pérenne, afin de protéger les civils et d’acheminer l’aide nécessaire.  À ce titre, la représentante s’est félicitée de la reprise des pourparlers à Djedda, estimant qu’il s’agit d’une opportunité de s’appuyer sur les progrès déjà réalisés en mai.  Elle a également rappelé que le succès des pourparlers implique un soutien régional et international, dont celui de l’Union africaine, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), des États-Unis et de l’Arabie saoudite.

La représentante a exhorté les parties prenantes de respecter les engagements pris à Djedda, l’accès à l’aide humanitaire devant être garanti et les travailleurs humanitaires protégés des attaques.  À cet égard, elle a salué les efforts des civils pour aider les travailleurs humanitaires et a souligné que son pays avait fourni plus de 100 millions de dollars en aide humanitaire.  Réitérant le soutien de sa délégation à la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale du Soudan, elle a appelé la communauté internationale à appuyer l’aide régionale et a salué les initiatives entreprises par l’Égypte, l’IGAD, l’Union africaine et la Ligue des États arabes.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a dit suivre avec inquiétude l’évolution du conflit armé au Soudan, et a relevé que la situation s’était sérieusement détériorée au cours des derniers mois, avec des batailles acharnées pour le contrôle des installations stratégiques de la région de Khartoum.  La représentante a noté la situation difficile à Nyala et Zalinji, une intensification des affrontements à El-Fasher et au Kordofan septentrional, ainsi que l’extension des hostilités à de nouveaux territoires, où elles font de nombreuses victimes, y compris parmi les civils.

Le pays se trouvant dans un état de catastrophe humanitaire et le nombre de déplacés battant des records, la représentante a exhorté les parties au conflit à faire preuve de volonté politique et à prendre les mesures qui s’imposent pour un cessez-le-feu.  Se disant convaincue que les désaccords peuvent être résolus à la table des négociations, elle a déploré qu’à ce jour, aucune des nombreuses initiatives de médiation n’ait abouti, principalement en ce qui concerne la fin de la confrontation armée, et cela alors même que la région, dans son ensemble, reste fragile.

Dans ce contexte, la représentante a salué la volonté du Soudan de rétablir la confiance dans la région et attribué le conflit soudanais aux racines historiques propres au Soudan ainsi qu’à la complexité de ses spécificités nationales.  Elle a rappelé avec insistance que tout effort de réconciliation doit tenir compte de ces facteurs et trouver un écho auprès de tous les acteurs nationaux, jugeant inacceptable que des initiatives de médiation conduisent à un approfondissement des contradictions ou à une augmentation de la méfiance et y voyant le résultat des agissements d’acteurs extérieurs préoccupés de leurs propres intérêts et non de ceux du peuple soudanais.  La représentante s’est aussi vigoureusement opposée aux tentatives « d’ingénierie politique ou sociale » venues de l’extérieur, estimant qu’elles ne peuvent que conduire au chaos.

La priorité est de rétablir de la stabilité du Soudan et de tirer des enseignements appris d’expériences antérieures, a poursuivi la représentante, qui a souligné les nombreux objectifs relevant du mandat de la MINUATS qui n’ont pas été atteints, ainsi que le déficit de financement malgré les promesses des bailleurs de fonds.  La Russie pense que la future mission sera déterminée en tenant compte du pays d’accueil, a-t-elle conclu, en mettant l’accent sur la souveraineté et l’intégrité territoriale du Soudan.

M. ANDRIS STASTOLI (Albanie) s’est déclaré profondément préoccupé par l’escalade des crises politique, humanitaire et de sécurité au Soudan.  Le conflit prolongé entre Forces armées soudanaises (SAF) et les Forces d’appui rapide (RSF) a conduit à plus de 18 millions de personnes manquant d’eau et de nourriture, ce qui affecte environ 3,5 millions d’enfants souffrant de malnutrition aiguë, a-t-il constaté.  Les épidémies se sont multipliées en l’absence de services de soins de santé, alors que des ONG médicales comme Médecins sans frontières et Emergency ferment leurs installations en raison de l’insécurité. Cette situation appelle une réponse humanitaire urgente, a souligné le représentant, qui a rappelé que cinq millions de personnes sont déplacées et que 1,17 million d’autres cherchent refuge dans les pays voisins.

Le représentant s’est félicité de la reprise des pourparlers de Djedda et émis l’espoir d’un acheminement rapide et sans entrave de l’aide humanitaire ainsi que d’un cessez-le-feu immédiat.  Par ailleurs, il a noté que le conflit a entraîné une escalade de la violence ethnique, en particulier au Darfour.  Les exactions systématiques commises par les RSF et les milices alliées du Darfour occidental à l’encontre des Masalit et d’autres communautés non arabes risquent de déboucher sur une véritable guerre civile, s’est-il alarmé.  Rappelant que des viols ont été observés, notamment à Khartoum, au Darfour et dans les régions du Kordofan, il a réitéré son appel aux parties en conflit pour qu’elles protègent les civils, en particulier les femmes et les enfants.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a affirmé qu’aucune solution militaire ne peut mettre un terme à la crise au Soudan et que la poursuite des affrontements depuis sept mois ne change pas cette réalité. Bien au contraire, l’entêtement des parties dans la guerre ne fait que dégrader leur légitimité, a ajouté la représentante, avant de regretter leur incapacité à acter une cessation des hostilités lors des récents pourparlers de Djedda.  Elle les a appelées à mettre en œuvre les engagements pris, en mai, pour protéger les civils et, lors du dernier cycle de négociations en novembre, pour garantir l’accès humanitaire.  Elle les a aussi encouragées à revenir à la table de négociation, et ce, sans délais, en particulier pour prévenir toute escalade à El-Fasher.

La représentante a ensuite dit ses préoccupations face aux rapports alléguant d’atrocités commises contre les populations au Darfour, sur la base de leur appartenance ethnique.  Ces faits, s’ils étaient établis, pourraient constituer des crimes contre l’humanité, a-t-elle mis en garde, encourageant les autorités soudanaises à coopérer avec les Nations Unies pour la vérification de l’ensemble des violations des droits humains et du droit international humanitaire commises depuis le début du conflit.

Enfin, Mme Broadhurst Estival a appelé à ne pas alimenter le conflit: les mouvements armés soudanais doivent continuer de résister aux efforts des belligérants pour les impliquer dans le conflit, tandis que les pays de la région doivent maintenir leur neutralité et les acteurs internationaux s’abstenir de soutenir les belligérants, a-t-elle conclu.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a estimé que l’Accord de paix de Djouba avait constitué une nouvelle lueur d’espoir de paix, qui nous échappe aujourd’hui. Une nouvelle guerre a éclaté au Soudan pour une terrible lutte pour le pouvoir au mépris des vies des Soudanais, a dénoncé la représentante, qui a rappelé que le Darfour se trouvait en première ligne dans ce conflit dans lequel les Forces d’appui rapide et leurs milices alliées ont lancé de véritables massacres et d’autres abus terribles.  Elle a rappelé que, cette semaine encore, de nouvelles exactions avaient été constatées dans la zone, plus de 800 personnes ont été tuées au cours d’une attaque menée sur plusieurs jours qui pourrait correspondre au plus grand massacre depuis le début de cette guerre.  La représentante a appelé les États Membres à respecter l’embargo sur les armes pour le Darfour et exigé que les parties cessent immédiatement toute attaque et respectent leurs obligations au titre du droit international humanitaire.

Se disant également horrifiée par les violences sexuelles liées au conflit, la représentante a déploré le fait que la communauté internationale n’est pas parvenue à demander des comptes aux responsables.  Cela doit changer immédiatement, a-t-elle affirmé.  Les États-Unis s’attachent à garantir un accès à la justice, a promis Mme Thomas-Greenfield, exigeant des sanctions pour les dirigeants principaux des Forces d'appui rapide.  La représentante a salué la mise en place de la Commission internationale d’établissement des faits pour le Soudan. Elle a dénoncé le conflit entre les deux généraux soudanais qui se battent pour le pouvoir de façon égoïste et sans scrupule, provoquant la plus grave crise de déplacement dans le monde puisque près de 6 millions de personnes ont dû fuir pour se mettre en sécurité.  Quelque 1,9 million d’enfants au Soudan ne peuvent retourner à l’école et 2,4 millions de Soudanais ont besoin de toute urgence d’une aide humanitaire, a-t-elle rappelé.  Les États-Unis contribuent à l’effort de secours, a dit la représentante appelant les autres États Membres à donner plus.  Selon elle, une paix pérenne est la seule façon de sauver des vies et de mettre un terme à cette crise humanitaire.

Avec l’Arabie saoudite et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), les États-Unis ont contribué à la reprise des pourparlers entre les parties sur le cessez-le-feu, a expliqué la représentante, qui a rappelé que lesdites parties s’étaient engagées à participer à un forum humanitaire conjoint mené par l’OCHA pour lever les obstacles à l’accès humanitaire et l’acheminement de l’aide.  Les deux parties se sont aussi engagées à prendre des mesures d’instauration de la confiance, y compris en instaurant des canaux de communication entre les FAS et les RSF.  Les yeux sont actuellement rivés sur ce que feront à présent les parties, a déclaré la représentante, qui a martelé que ce conflit n’aurait pas un règlement militaire. Tout acteur extérieur appuyant les parties ne fait qu’attiser les flammes du conflit, a-t-elle ajouté, répétant que l’accent devait être mis sur la protection des civils, la fourniture de l’aide humanitaire et la négociation de la fin du conflit.

M. NORBERTO MORETTI (Brésil) s’est dit encouragé par l’accord conclu entre les Forces armées soudanaises et les Forces d’appui rapide à l’issue des pourparlers de Djedda, la semaine dernière.  Le représentant a pris acte de l’engagement des parties belligérantes d’améliorer l’accès humanitaire et de mettre en œuvre des mesures de confiance.  En outre, il s’est félicité de leur participation à la première réunion du Forum humanitaire soudanais, qui s’est tenue le 13 novembre. Il a appelé à un cessez-le-feu au plus vite et à des pourparlers de paix inclusifs.

Le représentant s’est dit alarmé par l’aggravation des tensions intercommunautaires et par les violences sexuelles liées au conflit.  Il s’est également dit gravement préoccupé par la poursuite des attaques ethniques et a appelé toutes les parties au conflit à respecter les obligations qui leur incombent en vertu du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il a en outre félicité la MINUATS pour avoir renforcé sa capacité d’établissement de rapports et de suivi malgré les difficultés considérables auxquelles elle est confrontée depuis le 15 avril.

Les voix des femmes soudanaises sont essentielles pour mettre fin au conflit et ouvrir la voie à une transition politique pacifique, a déclaré le représentant, avant de saluer la résilience de ces femmes.  Les efforts de médiation visant à mettre fin aux combats en cours au Soudan et à assurer une transition politique réussie doivent inclure une participation pleine et significative des civils, en particulier des femmes, a-t-il souligné.  « Le conflit au Soudan reste l’une des crises les plus graves au monde et pourtant, en tant que Conseil, nous n’avons pas été en mesure jusqu’à présent d’agir de manière concrète pour aider à soulager la détresse du peuple soudanais », a-t-il déploré.  Enfin, il a pris note avec satisfaction de la décision du Secrétaire général de lancer un examen stratégique de la MINUATS mené de manière indépendante.

Mme FRANCESCA MARIA GATT (Malte) a lancé un appel en faveur d’une cessation immédiate des hostilités en cours, afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire et rechercher un retour éventuel au processus de transition politique.  La représentante a également appelé les deux parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international, notamment du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Elle a aussi exprimé des préoccupations quant à l’intégrité du Soudan, en particulier par les risques croissants de fragmentation territoriale selon des lignes militaires et tribales.  Toute solution au conflit doit s’appuyer sur un front civil uni et global, a-t-elle plaidé, appelant à une réponse internationale cohérente, notamment à une coordination renforcée entre les initiatives de médiation régionales et sous-régionales.

Après s’être longuement exprimée sur la situation humanitaire, la représentante a relevé que, depuis sa création, la MINUATS avait facilité et renforcé la voix des groupes civils soudanais dans le processus politique, en particulier les groupes de défense des droits des femmes et des jeunes.  Elle a dit apprécier la surveillance continue effectuée par la Mission et ses rapports sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, y compris le suivi des cas de violence sexuelle.  Alors que ce Conseil aborde bientôt les négociations pour le renouvellement du mandat de la Mission, dans le contexte de l’examen stratégique récemment lancé, nous sommes convaincus qu’une convergence se produira sur la présence cruciale de l’ONU au Soudan, a conclu la représentante.

M. DAI BING (Chine) a dit sa tristesse profonde de voir le conflit perdurer au Soudan et causer des souffrances à la population.  Il s’est toutefois félicité du retour des parties à la table des négociations à Djedda et a salué les efforts des organisations régionales et des pays de la région.  Il a aussi estimé que le rétablissement de la stabilité était le souhait de la communauté internationale comme de tous les pays de la région.  Les parties doivent répondre à ces aspirations et à celles de leur peuple, a déclaré le représentant.  Elles doivent aussi régler la situation humanitaire. Quant à l’ONU, elle a un rôle à jouer en ce qui concerne la coordination de l’aide humanitaire, a-t-il dit.

Le représentant a déclaré qu’à l’aune de la situation, la question qui se pose est de savoir comment les Nations Unies peuvent jouer un rôle pour aider ce pays à en sortir.  Il a salué la proposition du Secrétaire général en vue d’un examen stratégique indépendant de la MINUATS et a dit attendre les résultats de cet examen.  Le Conseil de sécurité devra en tenir compte et prendre aussi en considération les vues du Soudan et des autres parties prenantes, sans chercher à imposer des solutions de l’extérieur, a-t-il estimé.

M. AL-HARITH IDRISS AL-HARITH MOHAMED (Soudan) a mis en avant la coopération du Gouvernement soudanais avec les partenaires régionaux et internationaux pour mettre fin à la guerre.  Il a affirmé que l’ensemble de la société soudanaise refuse la présence des Forces d’appui rapide (RSF) dans tout avenir politique du pays, car cette milice continue de perpétrer des crimes de guerre et autres, et de pratiquer un nettoyage ethnique pour rejeter le Soudan dans le passé, ce qui devrait être pris en considération par la Cour pénale internationale.  Le représentant a ensuite décrit de nombreuses exactions commises notamment contre les Massalit, y compris des cas de violences sexuelles commises sur des filles âgées entre 14 et 18 ans, ainsi que 29 cas d’esclavage sexuel, dressant un parallèle avec les exactions de Daech sur les femmes Yézidies.

À propos de la coopération avec les entités des Nations Unies, le représentant a fait état d’un plan conjoint entre l’unité de lutte contre la violence à l’égard des femmes et le Fonds des Nations Unies pour la population.  Il a salué le travail du Conseil des droits de l’homme, et remercié plusieurs pays et entités onusiennes pour avoir condamné les crimes atroces commis au Darfour, appelant à des mesures plus strictes pour empêcher ces crimes des milices. Il a affirmé que ces dernières n’achètent pas leurs armes, mais les reçoivent comme présents de certains États. Le représentant a en outre rappelé que le Président du conseil de souveraineté provisoire avait mis en place un comité pour la gestion de l’assistance humanitaire et des secours, tout en mettant l’accent sur le manque de financement.

« Le fonctionnement de la MINUATS n’a pas été à la hauteur des espérances », a ensuite accusé le représentant, qui a rappelé que son pays avait demandé un examen stratégique de la Mission au printemps et présenté une feuille de route en ce sens.  Or, « aucun changement n’a été effectué au sujet du fonctionnement de la Mission », a-t-il ajouté.  « La situation actuelle au Soudan exige un changement complet de la Mission, qui ne répond plus aux attentes du peuple ni aux priorités du changement politique, mais vise à réaliser d’autres objectifs », a poursuivi le représentant.

« Je vous annonce la décision du Gouvernement soudanais, à savoir que la Mission prend fin selon la lettre adressée au Secrétaire général des Nations Unies aujourd’hui », a alors déclaré le représentant.  Le Gouvernement soudanais « continuera de travailler de façon constructive avec les Nations Unies pour réaliser les intérêts du peuple soudanais et la création d’un nouveau mécanisme qui répondrait aux exigences de la période actuelle.  Une délégation de haut niveau soudanaise rencontrera le Secrétaire général et certains membres du Conseil de sécurité la semaine prochaine pour discuter de cette question, après la rencontre entre le Secrétaire général et le Président du Conseil provisoire soudanais en septembre dernier, a encore annoncé le représentant qui a conclu par cette phrase: « Nous réaffirmons un principe important du fonctionnement des Nations Unies: le consentement du pays hôte. »

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