9449e séance – matin
CS/15460

Haïti: la Représentante spéciale du Secrétaire général mise sur le soutien de la nouvelle mission multinationale aux efforts de la Police nationale

Trois semaines après l’adoption de la résolution 2699 (2023) du Conseil de sécurité autorisant pour un an le déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), la Représentante spéciale du Secrétaire général, Mme María Isabel Salvador, a alerté le Conseil sur la situation sécuritaire et humanitaire qui continue de se détériorer, sur fond de lenteur dans les processus électoraux.  Elle a misé sur le déploiement à venir de la nouvelle mission dont le mandat est de soutenir l’action menée par la Police nationale d’Haïti pour rétablir la sécurité dans le pays et créer les conditions propices à la tenue d’élections libres et régulières.  Certains membres du Conseil ont rappelé à cette occasion les règles qui restent à définir pour son bon fonctionnement.

Mme Salvador, qui est aussi Cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a présenté le rapport du Secrétaire général dont était saisi le Conseil, en citant des chiffres criants: entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023, 1 239 homicides ont été signalés par la Police nationale d’Haïti (PNH), contre 577 au cours de la même période en 2022.  De juillet à septembre, 701 personnes ont été victimes d’enlèvements, soit 244% de plus qu’en 2022.  De plus, pas plus tard que mercredi dernier, le Secrétaire général du Haut Conseil de la transition a lui-même été victime, en plein jour, d’un enlèvement par des membres d’un gang déguisés en policiers.

Par ailleurs, entre le 24 avril et le 30 septembre, le BINUH a enregistré le lynchage d’au moins 395 membres de gangs présumés par les membres du groupe d’autodéfense dénommé « Bwa Kale », qui a intensifié ses activités dans la capitale.  Il a été précisé également que l’insécurité s’étend en dehors de la zone métropolitaine de Port-au-Prince à d’autres départements comme l’Artibonite et le département Central.

À cela s’ajoute le trafic d’armes, qui profite des capacités limitées du secteur de la sécurité haïtienne en termes d’équipement et d’infrastructure de surveillance des frontières terrestre et maritime.  Les mouvements d’armes se poursuivent, vers et à l’intérieur d’Haïti, a précisé Mme Ghada Fathi Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), qui a identifié quatre routes maritimes et terrestres, principalement venant des États-Unis.  Elle a recommandé la mise en place d’un cadre réglementaire solide pour les armes à feu, afin de faire face à ce trafic qui ne fait qu’augmenter le nombre de fusillades et d’enlèvements, de même que le nombre de personnes déplacées, fuyant la violence, qui sont près de 200 000.

Sur le champ politique, les efforts vers la tenue d’élections ne se déroulent pas au rythme souhaité, en raison des divergences significatives persistantes entre acteurs politiques et en dépit de la reprise des consultations interhaïtiennes, sous les auspices du Groupe de personnalités éminentes de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a expliqué Mme Salvador.

Quant à la situation humanitaire, la moitié de la population haïtienne, dont près de trois millions d’enfants, a besoin d’une assistance.  En outre, la moitié de ces personnes ayant besoin d’aide humanitaire n’y a même pas accès, en raison de l’insécurité et de l’insuffisance des ressources financières qui entravent la fourniture des services de base.  Parmi ces personnes aussi, deux millions, dont 1,6 million de femmes et d’enfants, vivent dans des zones sous l’emprise des groupes armés.

Cette situation a entraîné une augmentation inédite du nombre d’enfants souffrant de malnutrition chronique, laquelle coïncide avec une flambée de choléra, s’est alarmée la Directrice exécutive de l’UNICEF, Mme Catherine Russell.  Le représentant de la Jamaïque, au nom de la CARICOM, a déploré dans ce contexte que le Plan de réponse humanitaire 2023 pour Haïti (720 millions de dollars) ne soit à ce jour financé qu’à hauteur de 28%.

Dans cette situation, la Représentante spéciale et les autres intervenants de la séance ont appelé de leurs vœux le rétablissement de la sécurité en Haïti.  Les parties haïtiennes attendent d’ailleurs avec impatience le déploiement de la MMAS, qui aidera la PNH à rétablir son contrôle, une condition préalable à la tenue d’élections crédibles et inclusives.

Il est temps que le Conseil de sécurité « passe de la parole aux actes », a réclamé pour sa part la Présidente du Haut Conseil de la transition, Mme Mirlande Manigat, assurant appuyer toute initiative de l’ONU susceptible de permettre à la population haïtienne de reprendre une vie normale.  Elle a précisé au passage que « les interventions des troupes étrangères d’appui à la PNH ne peuvent être discriminatoires », mais doivent adresser des « signaux clairs » que la protection des civils sera assurée.

Les membres du Conseil ont eux aussi misé sur le déploiement de la MMAS et le représentant d’Haïti a exprimé sa « gratitude et reconnaissance » au Gouvernement kenyan pour sa « solidarité transatlantique et panafricaine » envers Haïti, étant donné que le Kenya envisage de la diriger et de mettre à disposition 1 000 de ses policiers.  Avant le déploiement, le Japon a souhaité que les questions portant sur le commandement et la structure opérationnelle soient résolues.  Le Brésil a suggéré d’adopter dès que possible les règles d’engagement de la Mission. La Fédération de Russie attend en particulier que la MMAS présente au Conseil ses règles de recours à la force et sa stratégie de sortie.  L’Albanie a pour sa part voulu avoir des garanties quant au respect des normes les plus élevées de transparence et de discipline afin notamment de gagner la confiance des communautés locales.

Une dynamique et une coopération doivent s’installer entre la MMAS et le BINUH, a-t-on également entendu chez les délégations, en particulier les États-Unis qui se sont dits prêts à discuter de cette question lors du prochain renouvellement de mandat du Bureau.

LA QUESTION CONCERNANT HAÏTI (S/2023/768)

Déclarations

Mme MARÍA ISABEL SALVADOR, Représentante spéciale du Secrétaire général et Cheffe de Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), a commencé par souligner l’importance de l’adoption de la résolution 2699 (2023) autorisant les États Membres à établir et déployer la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), mission qui sera cruciale pour aider la Police nationale d’Haïti (PNH) à rétablir les conditions de sécurité propices aux élections.  De la même manière, elle s’est félicitée de l’adoption de la résolution 2700 (2023) qui reconduit pour un an le régime de sanctions appliqué à ceux qui soutiennent la violence en Haïti.  Elle a, dans ce contexte, jugé nécessaire, que le Comité des sanctions reconsidère rapidement la liste des individus et entités désignés conformément à la résolution 2653 (2023) en tenant compte des rapports soumis par les Groupe d’experts.  « C’est ce qu’attendent les Haïtiens. » 

La Représentante spéciale a ensuite expliqué que, sur le terrain, la situation sécuritaire continue de se détériorer.  La violence croissante des gangs plonge la vie des habitants d’Haïti dans le désarroi, s’est-elle désolée, en notant aussi que les crimes majeurs continuent fortement d’augmenter, atteignant de nouveaux records.  Mercredi dernier par exemple, le Secrétaire général du Haut Conseil de transition a été enlevé en plein jour par des membres d’un gang déguisés en policiers.  Les meurtres et la violence sexuelle, y compris le viol collectif et les mutilations, continuent en outre d’être utilisés par les gangs quotidiennement. Et rien qu’entre le 24 avril et le 30 septembre, le BINUH a par ailleurs enregistré le lynchage d’au moins 395 membres de gangs présumés par le mouvement d’autodéfense dénommé « Bwa Kale », a-t-elle encore illustré.

La Représentante spéciale a ensuite indiqué que, sur le champ politique, elle avait continué de s’engager avec un large éventail de parties prenantes, les encourageant à s’impliquer totalement dans le dialogue, dans le but d’organiser des élections pour rétablir les institutions démocratiques et l’état de droit.  Sous les auspices du Groupe de personnalités éminentes de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), des consultations interhaïtiennes ont repris, même si, néanmoins, des divergences significatives persistent. « Je suis inquiète de voir que les efforts vers la tenue d’élections ne se déroulent pas au rythme souhaité. »  Mme Salvador a appelé les acteurs à engager des négociations constructives et significatives pour surmonter l’impasse politique actuelle et à aller vers la tenue d’élections inclusives, crédibles et participatives, dès que les conditions de sécurité le permettent.

Reprenant les mots du Secrétaire général, sa Représentante spéciale a ajouté qu’il ne peut y avoir de sécurité durable sans un rétablissement des institutions démocratiques. Et il est impossible de parvenir à des solutions politiques pérennes et pleinement représentatives sans une amélioration drastique de la situation sécuritaire, a-t-elle dit.  Dans cette optique, et alors que les parties haïtiennes attendent avec impatience le déploiement de la MMAS, elle a jugé que le rétablissement du contrôle par la PNH est une condition préalable pour la tenue d’élections crédibles et inclusives.

La Représentante spéciale a en outre déclaré que les efforts de la PNH, avec le soutien de la MMAS, déclencheront un autre besoin, celui de répondre aux exigences de justice.  Or, les établissements de justice et de services correctionnels d’Haïti continuent de faire face à des défis importants, bien que certains progrès aient été réalisés.  Dans ce contexte, elle a demandé que des ressources soient fixées pour permettre à l’ONU de gérer des programmes et des projets de soutien à la MMAS, à cet égard. Elle a cité notamment les fonds du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Concluant, elle a déclaré que « les élections sont le seul chemin et le seul impératif » pour restaurer les institutions démocratiques en Haïti.  La démocratie et l’état de droit constituent la seule base à partir de laquelle Haïti peut progresser vers le développement et la croissance durables, a-t-elle assuré.

Mme CATHERINE RUSSELL, Directrice exécutive du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), qui intervenait par visioconférence, a dit qu’elle était « championne de la défense humanitaire » du Comité interinstitutions en Haïti.  Elle a souligné que la moitié de la population nécessite une assistance humanitaire, dont près de trois millions d’enfants, mais que la moitié de ceux qui ont besoin d’assistance humanitaire n’y a pas accès en raison de l’insécurité et de l’insuffisance des ressources financières entravant la fourniture des services de base, qui sont véritablement « absents ».  Elle a ensuite rapporté le chiffre de deux millions de personnes, dont 1,6 million de femmes et d’enfants, qui vivent dans des zones sous l’emprise des groupes armés.  Témoignant de la violence et de la peur dont souffre la population en raison du contrôle exercé sur le terrain par les bandes armées, elle a précisé que celles-ci mutilent des familles entières.  Les communautés sont terrorisées; les femmes et filles sont prises pour cible dans les cas de violence et d’exploitation sexuelles.  L’année dernière, cinq hommes d’un groupe armé ont enlevé une fille que Mme Russell a dit avoir rencontrée.  Aujourd’hui, cette jeune fille est enceinte de 8 mois après un viol collectif.

D’autre part, les enlèvements contre rançon ont aussi augmenté, a poursuivi la Directrice exécutive en expliquant que les travailleurs qualifiés sont forcés de fuir le pays en raison de la violence et d’un accès restreint aux services essentiels. La situation a entraîné une augmentation inédite du nombre d’enfants souffrant de malnutrition chronique, laquelle coïncide avec une flambée de choléra.  Les enfants risquent de décéder du choléra en raison du manque de soins, a prévenu la responsable de l’UNICEF tout en saluant les organisations de l’ONU qui, en dépit des risques, fournissent des services vitaux. L’UNICEF et ses partenaires ont ainsi pu libérer plusieurs enfants, s’est-elle enorgueillie. Mme Russell a tout de même mis en garde que seulement le quart des 727 millions de dollars nécessaires a été reçu, ce qui est insuffisant, surtout pour les activités de résilience à long terme.  Elle a encouragé les membres du Conseil à lancer des appels aux donateurs.

La Directrice exécutive de l’UNICEF a également dégagé quelques pistes pour la Mission multinationale d’appui à la sécurité en Haïti, récemment créée par la résolution 2699 (2023).  Ainsi, celle-ci pourrait faciliter les activités humanitaires en recourant aux « moyens les moins violents et proportionnés » aux fins d’atteindre les objectifs légitimes conformément à la loi.  Par ailleurs, le personnel de police devrait prendre les mesures nécessaires pour enquêter et faire rendre des comptes dans les cas de violences sexuelles.  Il faudrait en outre que la Mission facilite les opérations humanitaires tout en demeurant une opération séparée de l’humanitaire.  Elle a conclu en se disant impressionnée par le courage et le dévouement du peuple haïtien compte tenu de la situation qu’il traverse.

Mme GHADA FATHI WALY, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a recommandé la mise en place d’un cadre réglementaire solide pour les armes à feu pour que, par des mesures impératives, les autorités haïtiennes affirment leur contrôle et rétablissent la normalité. La Directrice exécutive a invité les États Membres à prendre des mesures pour atteindre ces objectifs et fournir un soutien approprié à Haïti, parallèlement au déploiement de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), récemment autorisée par le Conseil.

Mme Waly a indiqué que le dernier rapport de l’ONUDC, présenté au Conseil le 17 octobre, donne des informations sur les itinéraires et les mouvements d’armes vers et à l’intérieur d’Haïti, identifiant quatre routes maritimes et terrestres principales, qui arrivent principalement des États-Unis.  Elle a expliqué que les trafiquants profitent des capacités limitées du secteur de la sécurité haïtienne en termes d’équipement et d’infrastructure de contrôle et de surveillance des frontières et de la mer. En outre, la Police nationale d’Haïti opère dans le cadre d’un état d’urgence permanent et avec des ressources humaines et techniques limitées également, ce qui compromet sa capacité à gérer les armes et les munitions, a-t-elle fait valoir.  D’autant plus, a-t-elle ajouté, que l’intervention de sociétés de sécurité privées pour combler le vide sécuritaire ainsi que leur implication signalée dans les flux d’armes à feu illicites compliquent encore la situation.

Le nombre de fusillades et d’enlèvements continue d’augmenter, tandis que près de 200 000 personnes ont été déplacées pour fuir la violence, ce qui les expose à des risques supplémentaires, a-t-elle averti.  Pendant ce temps, l’insécurité s’étend en dehors de la zone métropolitaine de Port-au-Prince à d’autres départements comme l’Artibonite et le département Central.  La Directrice exécutive a, de même, relevé que la demande d’armes à feu en Haïti est liée au besoin des groupes criminels de renforcer le commerce illicite de la drogue, car le pays reste une destination de transit principalement pour la cocaïne et le cannabis.

Pour lutter efficacement contre le trafic d’armes et de munitions en Haïti, Mme Waly a préconisé de renforcer les contrôles aux frontières, en Haïti comme à l’étranger, d’améliorer radicalement les mécanismes d’interdiction maritime et de renforcer les capacités de collecte, d’analyse et d’utilisation des données relatives aux saisies d’armes à feu.  Parmi ses autres recommandations, elle a insisté sur le renforcement du régime haïtien de contrôle des armes à feu et des capacités d’application par la justice pénale.  Il faut aussi donner aux institutions haïtiennes les moyens de détecter le trafic d’armes à feu et les infractions connexes, de mener des enquêtes et de poursuivre les auteurs, notamment grâce à une coopération plus directe et plus efficace avec les pays voisins.

Alors que l’ONUDC renforce son équipe sur le terrain, des experts du siège et de la région ont rejoint la semaine dernière l’équipe de l’Office en Haïti pour soutenir notre programmation à la frontière terrestre de Belladère ainsi qu’au port et à l’aéroport de Port-au-Prince, a indiqué Mme Waly.  Elle a saisi cette occasion pour souligner l’excellente coopération avec les autorités haïtiennes, précisant que l’ONUDC travaille à la mise en place d’une unité conjointe de contrôle aéroportuaire et portuaire, qui réunira des fonctionnaires des douanes et de la police afin de mieux comprendre les flux illicites et d’améliorer l’efficacité des interceptions.  La formation commence le mois prochain et l’équipement est déjà en cours d’acheminement, a-t-elle annoncé.  Encouragée par l’engagement de la police des frontières, des autorités portuaires et des garde-côtes haïtiens, qui travaillent tous avec des équipements limités dans des conditions de sécurité instables, la Directrice exécutive a promis, pour finir, d’informer le Conseil des progrès réalisés dans son prochain rapport, dans trois mois.

Mme MIRLANDE H. MANIGAT, Présidente du Haut Conseil de transition, a sollicité l’indulgence des membres du Conseil face au trouble qu’elle éprouve suite à l’enlèvement et la séquestration en pleine rue, le 18 octobre dernier, du Secrétaire général du Haut Conseil de transition, M. Antony Virginie Saint-Pierre.  Cet enlèvement, a-t-elle ajouté, « n’est certes pas un hasard ».  Elle a évoqué les drames qui émaillent de la vie des Haïtiens, qu’il s’agisse des milliers d’enfants privés « du pain de l’instruction », des malades qui succombent à leurs blessures faute d’accès à un hôpital, des marchandises détruites, pillées ou brûlées par les gangs, ou encore des jeunes filles et garçons violés en toute impunité et « meurtris dans leur chair ». Mme Manigat a appelé les membres du Conseil de sécurité à ne pas rester indifférents aux frustrations des jeunes condamnés à la mendicité, à la corruption et à la délinquance dans un gang criminel.  « C’est face à cette réalité que la résolution 2700 apporte un souffle d’espérance à ce peuple englué dans les marasmes de l’insécurité », a-t-elle ajouté.  Devant cette accumulation de misère, elle a jugé le temps venu pour que l’aide promise se matérialise.

En attendant que le Conseil « passe de la parole aux actes », la Présidente a assuré que le Haut Conseil de transition est prêt à appuyer toute initiative de l’ONU susceptible de permettre à la population haïtienne de reprendre une vie normale.  Si les interventions des troupes étrangères d’appui à la Police nationale d’Haïti ne peuvent être discriminatoires, Mme Manigat a fait valoir qu’elles doivent adresser des « signaux clairs » que la protection des civils sera assurée.  « Et que ce ne soit pas le contraire, comme cela s’est vu dans les cas antérieurs! » a-t-elle prévenu.  Afin d’éviter que le pays ne replonge dans le chaos à l’avenir, elle a encouragé les États Membres à envisager la création d’un fonds pour la reconstruction des infrastructures nationales.  Pour sa part, le Haut Conseil de transition continuera de soutenir tout effort en faveur du respect des accords et de la reprise du dialogue, de la paix et de la tolérance.  L’heure est maintenant à l’action, a-t-elle conclu.

M. MAURO VIEIRA, Ministre des affaires étrangères du Brésil, s’est appuyé sur les deux résolutions adoptées ce mois-ci par le Conseil sur la situation en Haïti pour assurer que les responsables de la violence dans ce pays rendent des comptes.  Le Ministre a prié les États Membres qui se sont portés volontaires pour contribuer à la MMAS d’adopter dès que possible les règles d’engagement de la Mission. Celle-ci et le BINUH devront établir une dynamique positive pour s’assurer que les conditions de sécurité s’améliorent en Haïti, a-t-il recommandé.  Le Ministre a rappelé que le Brésil contribue depuis 13 ans aux efforts de maintien de la paix en Haïti, notamment lorsqu’il dirigeait la composante militaire de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH).  Cette expérience augure, selon lui, de meilleures opportunités de coopération avec la MMAS sur la question de la stabilité et du développement d’Haïti.

Le Ministre a insisté sur l’importance d’efforts coordonnés en matière de sécurité ainsi que pour trouver une solution durable à la crise multidimensionnelle d’Haïti. Cette coopération doit s’accompagner d’une forte aide au développement ainsi que d’un soutien au renforcement institutionnel pour s’attaquer aux causes profondes de la violence, de l’instabilité et de la pauvreté.  Il a appelé à jeter des bases d’un large accord politique national exhortant les acteurs politiques haïtiens à parvenir à un accord sur un cadre crédible pour la tenue d’élections.  Le Ministre a appelé la MMAS à créer les conditions pour cela.  La sécurité doit profiter à toute la société haïtienne et pas seulement à un acteur ou un groupe politique particulier, a-t-il souligné.

M. Vieira a ensuite informé du soutien concret apporté par son gouvernement: plus de 90 000 visas humanitaires délivrés à des Haïtiens; un don de 5 000 doses de vaccin contre la rage en 2023; une contribution au programme de vaccination haïtien; des dons d’ambulances; et la fourniture de bourses d’études.

Le Ministre a prié la communauté internationale de croire au potentiel du peuple haïtien et à tout faire pour résoudre la crise actuelle.  « Haïti a une longue histoire et une culture riche.  Les Haïtiens sont résilients et travailleurs. »  Avec un soutien supplémentaire de la communauté internationale et un sens du devoir de la part des dirigeants politiques haïtiens, le pays devrait être en mesure de surmonter ses défis, a-t-il conclu.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a rappelé que sa délégation avait soutenu les dernières résolutions adoptées par le Conseil de sécurité sur Haïti.  Il a estimé qu’il existe une complémentarité entre les mandats du BINUH et de la MMAS, ce qui nécessite une coopération renforcée entre les deux entités à l’avenir, pour contribuer à sortir ce pays de la crise sécuritaire dans laquelle il se trouve.  Le représentant a aussi déclaré que des ressources supplémentaires seront nécessaires pour la MMAS, de même qu’au BINUH pour soutenir le système de justice pénale national.  Il est nécessaire d’examiner au sein du Conseil de sécurité la manière dont le BINUH peut assumer cette responsabilité, avant de proroger son mandat, a préconisé le délégué.  Les États-Unis sont ouverts à toute discussion portant sur des mécanismes d’établissement des responsabilités en ce qui concerne les violations des droits humains, a-t-il ajouté.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déclaré que son pays et ceux d’Amérique latine et des Caraïbes seront toujours redevables à Haïti, pour sa contribution historique à la liberté tant de la région que du monde.  De ce fait, il n’existe pas d’autre manière de rétribuer Haïti qu’en faisant montre d’une solidarité agissante et de l’unité de la communauté internationale, du Conseil de sécurité plus particulièrement.  Le représentant a salué, à cet égard, l’adoption récente de pas moins de trois résolutions concernant ce pays, tout en admettant que beaucoup reste à faire pour surmonter la crise humanitaire, politique et sécuritaire, ainsi que la crise sociale et économique en Haïti.  Il a suggéré de commencer par mettre en œuvre les résolutions adoptées, proposant sept mesures susceptibles de faciliter cette tâche.  Le représentant a d’abord demandé un appui aux efforts du BINUH pour accompagner et faire progresser les dialogues politiques interhaïtiens dans l’exécution de l’accord du 21 décembre 2022 intitulé « Consensus national pour une transition inclusive et des élections transparentes ».  Cela doit se faire notamment par la remise sur pied des institutions démocratiques et de l’état de droit par les mécanismes prévus dans le cadre de la transition, et avec la participation politique des femmes.

Le délégué a en outre exhorté la communauté internationale à soutenir Haïti en matière judiciaire et pénitentiaire de sorte à élargir la lutte contre la corruption et l’impunité, et à améliorer les capacités de protection et de respect des droits humains.  Le représentant a aussi demandé que le Comité des sanctions actualise et élargisse la liste des principaux individus et entités responsables d’actes délictueux dans le cadre des résolutions 2653 (2022) et 2700 (2023).  Il a aussi plaidé en faveur de l’embargo sur les armes, de la lutte contre la criminalité transnationale organisée et du traçage des flux financiers illicites.  Il a également fait des propositions en vue de l’intensification du déploiement de l’aide humanitaire, demandant un appui de la part des États en termes de personnel et de moyens financiers et matériels, en vue du déploiement de la MMAS. Il faudra faire en sorte que le personnel de la Mission ait des connaissances et une formation spécialisée dans la protection des enfants ainsi que dans la prévention et la réponse à la violence sexuelle et sexiste, centrée sur les victimes, a encore recommandé le représentant.

M. AHMED ALMAHMOUD (Émirats arabes unis) s’est alarmé de la détérioration de la situation en Haïti, notamment l’aggravation des conditions sécuritaires, économiques et humanitaires, appelant à concentrer les efforts sur la lutte contre la violence et l’insécurité croissantes dans ce pays. Il s’agit notamment de prévenir les violences sexuelles et sexistes et d’accorder une attention particulière à la situation désastreuse des enfants.  À cette fin, il a vu dans le déploiement de la MMAS, en étroite coordination avec la Police nationale d’Haïti, une étape importante pour lutter contre la violence des gangs.  Toutefois, il a recommandé de compléter cette approche en privilégiant une coordination étroite avec les organes de l’ONU sur le terrain pour obtenir des résultats cohérents, citant le BINUH, l’ONUDC ou encore le Groupe d’experts chargé de surveiller la mise en œuvre du régime de sanctions.  Poursuivant, le délégué s’est également inquiété de l’absence de progrès dans le volet politique.  Pour finir, il a exhorté toutes les parties prenantes à s’engager de bonne foi pour parvenir à un consensus politique inclusif dirigé et pris en charge par les Haïtiens eux-mêmes.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a jugé préoccupante la situation en Haïti, alors que se poursuivent les violences « abjectes » commises par les gangs contre la population civile, plongeant chaque jour le pays davantage dans le chaos.  Loin d’être une solution, la multiplication des groupes d’autodéfense ne fait, selon elle, qu’aggraver le « cercle de la violence » en Haïti. La représentante a condamné les obstacles à l’aide humanitaire par les gangs, en appelant à assurer un accès sûr et sans entrave aux populations vulnérables et la sécurité du personnel humanitaire.  Elle s’est félicitée de l’adoption de la résolution 2699 (2023) autorisant le déploiement d’une mission de soutien sécuritaire à la Police nationale haïtienne. La déléguée a également salué la « ferme volonté » du Kenya de prendre la tête de cette mission.  Cet engagement témoigne, selon elle, de la volonté d’apporter rapidement l’aide dont Haïti a besoin.  De son côté, la France s’est engagée à soutenir la Police nationale haïtienne à hauteur de 1,1 million d’euros en 2023.

L’adoption de la résolution 2700 (2023) concernant le renouvellement du régime de sanctions, qui a notamment élargi l’embargo sur les armes, a également rencontré l’aval de la délégation, laquelle a exprimé le souhait d’imposer des mesures contre de nouvelles personnes menaçant la paix en Haïti.  Pour que la crise multidimensionnelle qui affecte le pays puisse se résorber sur le long terme, la déléguée a exprimé son appui aux efforts déployés par le Premier Ministre et le Haut Conseil de transition dans la recherche d’un accord politique permettant d’organiser des élections inclusives, de restaurer les institutions politiques ainsi que la bonne gouvernance du pays.

Au nom du Gabon, du Ghana et du Mozambique (A3), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a salué la poursuite du dialogue entre le Premier Ministre et les acteurs politiques haïtiens en vue d’une transition inclusive et d’élections justes, transparentes et crédibles.  Il a pris note de l’accord conclu à Kingston, en juin dernier, disant attendre sa mise en œuvre pour sortir de l’impasse politique actuelle. Les A3, a indiqué le délégué, appellent à résoudre la situation sécuritaire qui s’est considérablement détériorée depuis la publication du dernier rapport en date du Secrétaire général. Saluant la décision du Kenya de diriger la MMAS, le délégué a rappelé qu’Haïti est « la sixième région du continent africain », avant de remercier les États de la CARICOM de renforcer les rangs de cette mission.

Il a ensuite appelé à rompre le lien entre la classe politique, les gangs et les flux financiers illicites, se félicitant de l’assistance apportée par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) aux autorités haïtiennes dans la lutte contre les flux financiers illicites, le renforcement des capacités dans la lutte contre la corruption, les crimes économiques et le blanchiment d’argent.  Le représentant a salué les efforts d’intégration d’Haïti dans des projets régionaux visant à démanteler les réseaux de traite des êtres humains et de trafic illicite de migrants.  Il faut offrir d’autres alternatives à la jeunesse haïtienne tentée de rejoindre les gangs ou de prendre la mer pour échapper à un quotidien insupportable, a lancé le délégué, en réitérant l’appel du secteur privé et de la société civile au Gouvernement pour ne ménager aucun effort à cette fin.  En conclusion, il a demandé aux pays partenaires de contribuer au financement du Fonds multidonateurs géré par le PNUD, doté de 28 millions de dollars pour les deux prochaines années.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a dit espérer que le déploiement de la MMAS pour soutenir les efforts de la Police nationale d’Haïti (PNH) aboutisse à rétablir la sécurité et permette de renforcer les conditions propices à la tenue d’élections libres et équitables.  Pour que la Mission réussisse, il est impératif que les pays participants aient une compréhension approfondie de son mandat et de la situation sur le terrain, a-t-elle recommandé, rappelant aussi l’importance d’un commandement et d’une structure opérationnelle appropriés.  Elle a appelé les États Membres à contribuer et à partager leurs expériences et expertises pour garantir une bonne préparation de la MMAS. Le Japon, pour sa part, s’engagera activement avec la communauté internationale et n’épargnera aucun effort pour assurer le fonctionnement efficace et réussi de la MMAS, a-t-elle dit.

La représentante a aussi souligné que la paix et la sécurité durables en Haïti ne peuvent être réalisées que par le peuple haïtien lui-même.  Il est donc crucial que toutes les parties prenantes haïtiennes s’engagent dans le dialogue et fassent preuve de sagesse pour convenir des solutions sécuritaires et politiques et s’accorder sur des réformes constitutionnelles et électorales.  Dans ce contexte, la déléguée a dit saluer les efforts du Haut Conseil de transition pour créer les conditions d’un dialogue interhaïtien et pour élargir le consensus.  « Nous sommes impatients de progresser », a-t-elle conclu, se réjouissant aussi de la coopération du BINUH et des pays de la CARICOM pour soutenir ces efforts.

M.  ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a déclaré que face à la dégradation de la situation sécuritaire et à l’expansion de la violence des gangs hors de Port-au-Prince, notamment dans les départements de l’Artibonite et du Centre, l’autorisation du déploiement de la MMAS adresse un puissant signal de solidarité de la part du Conseil.  En outre, le régime de sanctions qui vient d’être reconduit, et l’embargo renforcé sur les armes qui l’accompagne, joueront un rôle essentiel, a-t-il poursuivi, en demandant également que les secteurs judiciaire et correctionnel soient réhabilités pour que la MSS puisse soutenir pleinement la Police nationale d’Haïti et impulser un nouvel élan à la lutte contre l’impunité.

Il s’est félicité que la protection de l’enfance fasse désormais partie intégrante du mandat du BINUH, en pointant la vulnérabilité des jeunes haïtiens, qui continue de s’accentuer en raison du nombre de violations graves de leurs droits et du manque de perspectives économiques et sociales.  Les écoles étant fermées, la rentrée des classes est, à nouveau, incertaine et les gangs sont à l’affût.  Le délégué a aussi jugé essentielle une coopération avec les entités onusiennes sur le terrain, encourageant les autorités à s’acquitter de leur responsabilité de surveiller et de signaler les graves violations des droits des enfants.

Le représentant a recommandé une poursuite du dialogue interhaïtien, et appelé toutes les actrices et acteurs à y participer de manière constructive, tout en recommandant simultanément le maintien de la dynamique de soutien régional sous les auspices du Groupe d’éminentes personnalités de la CARICOM et par le biais de son interaction avec toutes les parties prenantes.  En parallèle des efforts sécuritaires, seul un travail conjoint permettra la préparation d’élections libres, participatives et démocratiques ainsi que le renforcement de l’intégration régionale d’Haïti, a-t-il encore estimé.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est alarmée de l’augmentation, à un rythme sans précédent, des meurtres aveugles, d’enlèvements, de viols et d’attaques dans plusieurs quartiers auparavant considérés comme sûrs en Haïti.  Cette année, près de 3 500 personnes ont été tuées et environ 1 800 enlevées, s’est-elle inquiétée. Parmi elles, un grand nombre de femmes et d'enfants, s’est désolée la représentante, voyant dans l’adoption récente de la résolution 2699 (2023) une bouée de sauvetage pour Haïti afin d’endiguer l’escalade de la violence.  À cette fin, la déléguée a estimé indispensable que le pays parvienne à un large accord politique pour la restauration des institutions démocratiques, par le biais d’élections crédibles, participatives et inclusives.  Cela est nécessaire pour faire progresser la stabilité, la bonne gouvernance et l’état de droit en Haïti, a-t-elle observé.  Pour finir, la représentante a appelé les parties prenantes haïtiennes à mettre de côté leurs différences et à s’engager dans un dialogue constructif afin d’élargir le consensus politique en faveur du rétablissement des institutions démocratiques.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est inquiétée de la détérioration de la situation en Haïti et du niveau alarmant des violations des droits humains perpétrées par les gangs.  L’adoption de la résolution 2699 (2023) par le Conseil constitue à ses yeux une mesure judicieuse de la communauté internationale pour rétablir la sécurité et un système judiciaire viable dans le pays. Dans cette optique, elle a exprimé son appui au renforcement des capacités du BINUH afin de lui permettre d’exercer pleinement son mandat.  Elle a en outre salué l’engagement du Kenya à diriger la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) et à déployer quelque mille policiers, ainsi que la contribution à ces efforts d’Antigua-et-Barbuda, des Bahamas et de la Jamaïque.

Néanmoins, la représentante a appelé la MMAS à respecter les normes les plus élevées de transparence et de discipline afin de préserver l’intégrité de la Mission et de gagner la confiance des communautés locales. Afin que cette mission soit un succès, la représentante a estimé que la mise en place d’un dialogue inclusif et la mise en œuvre de dispositions transitoires constituent des conditions préalables à la restauration des institutions démocratiques, au moyen d’élections crédibles et inclusives.  De même, un soutien financier adéquat de la communauté internationale est essentiel à la mise en œuvre de la stratégie nationale en matière de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de réduction de la violence communautaire.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a relevé que la situation en Haïti demeure extrêmement difficile avec notamment la violence des gangs gagnant des territoires jusque-là épargnés.  La représentante a pris note des efforts déployés par l’ONU et d’autres organisations humanitaires pour appuyer la population civile, dénonçant les attaques contre les convois humanitaires et leurs pillages.  Elle a dit suivre de près le déploiement de la MMAS qui devra présenter au Conseil de sécurité ses règles de recours à la force et sa stratégie de sortie.  Elle a pris note des voix, y compris celle de la diaspora, qui se sont exprimées contre les interventions étrangères au motif qu’elles s’étaient soldées par des échecs. L’ingérence étrangère est un des facteurs d’instabilité en Haïti, a renchéri la déléguée dénonçant aussi les sanctions unilatérales qui ont fait sombrer le pays dans une crise de l’État. Haïti n’a plus d’institutions étatiques élues démocratiquement depuis six mois, a souligné la déléguée.

Pour la représentante, il faut un règlement politique répondant aux besoins des Haïtiens et qui soit acceptable par toutes les parties.  Elle a regretté le fait que le meurtre du Président Jovenel Moïse n’ait toujours pas été élucidé deux ans après.  Il aurait été difficile de s’attendre à un autre résultat puisque l’enquête est menée par le pays dont des citoyens sont suspectés du meurtre du Président, a-t-elle commenté.  Elle a appelé à ce que cette « tragédie qui a mis le feu aux poudres » fasse l’objet d’une enquête transparente.  Elle a aussi demandé à faire la lumière sur les sources et les itinéraires de contrebande d’armes en Haïti, y compris celles venant des États-Unis. Il faut mettre à jour la liste des individus désignés par le Comité des sanctions créé par la résolution 2653 (2022) afin de stabiliser la situation, a encore recommandé la représentante qui a conclu en dissuadant la communauté internationale de mettre en place à Port-au-Prince des dirigeants soutenus par l’Occident.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a déclaré que le déploiement de la MMAS, bien qu’une étape appréciable pour aider la Police nationale d’Haïti (PNH) à répondre à la crise sécuritaire, ne réglera pas, à lui seul, les problèmes multidimensionnels que connaît le pays.  Selon lui, la crise ne sera pas résolue tant que les Haïtiens ne pourront pas choisir librement leurs dirigeants.  Pour cette raison, il a appelé les acteurs politiques à mettre de côté leurs divergences, à privilégier l’intérêt national et à parvenir à un dialogue constructif afin de créer les conditions propices à la tenue d’élections, qui à leur tour permettront de restaurer une gouvernance dont le pays a besoin.  Il leur faut élaborer une feuille de route en vue de la tenue d’élections, a insisté le représentant, avant de se réjouir de l’adoption de la résolution prorogeant le régime de sanctions concernant Haïti.  La délégation britannique est disposée à étudier l’ajout de nouvelles sanctions et de nouveaux noms à cette liste, a précisé son représentant.

M. ZHANG JUN (Chine) a déclaré qu’étant donné l’impasse politique dans laquelle se trouve Haïti et la présence de bandes criminelles armées, la situation sur place ne cesse de se détériorer, conduisant le Conseil de sécurité à adopter trois résolutions, dont une relative à la prorogation des sanctions. Sans un gouvernement digne de ce nom, les efforts extérieurs n’auront aucun effet sur le long terme, les principaux acteurs politiques haïtiens n’étant toujours pas parvenus à un accord. Il a donc conseillé à toutes les parties concernées d’œuvrer à un consensus politique en vue de l’organisation d’élections libres.  Le délégué a soutenu les efforts du BINUH en se félicitant également de ceux déployés par la CARICOM pour une solution pérenne soit trouvée dans le pays.  La MMAS, créée par la résolution 2699 (2023), devra aider à atténuer la situation sécuritaire, a-t-il souligné, en espérant que le Comité des sanctions veillera à la pleine mise en œuvre des mesures applicables dans le pays.  Sachant que le flux illicite d’armes provient principalement des États-Unis, le Comité aura besoin du soutien du Conseil, a-t-il fait remarquer.  Le représentant s’est également inquiété du rapatriement forcé de migrants haïtiens par un pays de la région.

M. ANTONIO RODRIGUE (Haïti) a noté que cette réunion d’information trimestrielle se déroule dans un contexte particulier marqué par une ferme volonté des acteurs, tant au niveau bilatéral que multilatéral, de poser de véritables actions en vue de gérer la situation de manière décisive et holistique, dans le contexte de décisions importantes prises sur la crise haïtienne.  À cet égard, le représentant a salué la décision « courageuse et d’une portée hautement solidaire » du Kenya d’envisager de diriger la MMAS et de contribuer à hauteur de 1 000 policiers, qui a créé une dynamique pour combattre les gangs armés semant la terreur en Haïti.  Il a saisi cette occasion pour exhorter d’autres nations à emboîter le pas en apportant un soutien concret à cette « initiative solidaire louable ».

Tout en réitérant sa « gratitude et reconnaissance » au Gouvernement du Kenya pour cette « solidarité transatlantique et panafricaine » envers Haïti, le représentant a félicité le Conseil pour l’adoption de trois résolutions de grande importance, dont deux à l’unanimité.  Il s’est attardé sur l’adoption de la 2699 (2023), la voyant comme un moment fort dans la gestion de la crise et un support robuste à la PNH. Cette résolution ouvre la voie à des lendemains meilleurs pour la majorité de la population en proie quotidiennement aux violences des gangs depuis environ deux ans, a-t-il déclaré. Quant à la résolution 2700 (2023), qui renouvelle le régime de sanctions en Haïti, le délégué a dit avoir pris bonne note de la sortie du rapport du Groupe d’experts et dit attendre la publication de la liste des personnes qui soutiennent la violence dans le pays.

Il s’est ensuite penché sur la situation « toujours très préoccupante » sur le plan national, saluant le rapport du Secrétaire général qui fournit une vision très complète des principaux défis guettant Haïti et de certains progrès accomplis malgré tout dans des domaines socioéconomique et politique. En matière d’état de droit, le fait marquant demeure l’ouverture de l’année judiciaire qui consacre la reprise des activités judiciaires dans le pays, malgré les actes de violences qui frappent certaines juridictions, a fait valoir le représentant.

Sur le plan socioéconomique, il a informé que le nouveau budget prévoit une réduction drastique de certaines dépenses de l’État pour l’exercice 2023-2024.  Il s’est réjoui par ailleurs des réformes de l’administration des douanes qui ont porté fruit puisque les recettes sont en hausse constante depuis l’année dernière, atteignant 65,8%.  En revanche, a-t-il déploré, l’inflation de près de 40% est toujours à un niveau inacceptable.

Venant à la situation sur le plan social, les activités scolaires ont repris à travers le pays et timidement dans la capitale, a-t-il informé.  Quant au volet politique, il a reconnu que les acteurs ne sont pas encore parvenus à un consensus minimal, en dépit des efforts inlassables déployés par la CARICOM et le BINUH.  « Le temps joue en notre défaveur », a reconnu le délégué qui a dès lors pressé d’agir vite afin d’« inverser cette descente aux enfers ».

M. JOSÉ ALFONSO BLANCO CONDE (République dominicainea exprimé la gratitude de son pays pour l’adoption par le Conseil de la résolution 2699 (2023) afin de rétablir la sécurité et l’ordre institutionnel en Haïti.  Dans le même ordre, il s’est félicité de l’aide apportée par le Groupe de personnalités éminentes de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) afin de parvenir à une solution haïtienne à la crise que vit ce pays frère.  L’aggravation de la situation humanitaire, notamment à Port-au-Prince, est le résultat des activités criminelles menées par des bandes armées.  Cette détérioration constante de la situation en Haïti a fait en sorte que des pans entiers de la population ont été contraints de fuir leur foyer, aggravant encore les risques auxquels ils sont confrontés.  Or, si la situation alimentaire reste extrêmement préoccupante, plus d’un demi-million de personnes ne sont plus dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë, grâce à l’action des acteurs humanitaires et des donateurs.

Le représentant a remercié le Kenya pour son engagement à diriger l’appui international, ainsi que les autres pays qui ont offert un soutien concret à cet effort multinational.  Il s’est également félicité de l’adoption de la résolution 2700 (2023), qui vient compléter la résolution 2699 en prorogeant le régime de sanctions qui comprend un embargo sur les armes, des interdictions de voyager et le gel des avoir de personnes et entités responsables du climat de violence qui prévaut dans le pays.  À ce moment crucial de l’histoire d’Haïti, le délégué a formé le vœu que la mise en œuvre des deux résolutions, grâce à l’engagement soutenu de la communauté internationale, contribuera à restaurer la stabilité économique et sociale du pays et à mettre fin à la situation « cauchemardesque » dans laquelle il est plongé, pour s’engager sur le chemin de la prospérité et d’une paix durables.

M. BRIAN CHRISTOPHER MANLEY WALLACE (Jamaïque), qui s’exprimait au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a noté parmi les progrès le ralentissement de l’inflation, la réduction du choléra, l’amélioration des performances de la monnaie haïtienne et l’augmentation des recettes douanières.  Il faut maintenant accélérer les efforts pour rétablir la sécurité, la stabilité et poursuivre sur la voie du développement durable en Haïti, a-t-il ajouté.  Le représentant a exprimé les préoccupations de la CARICOM face à l’augmentation du nombre de meurtres, d’enlèvements et d’abus sexuels et face à la propagation de la violence.  Il s’est inquiété du manque d’opportunités pour les jeunes en proie à la criminalité.

Préoccupé par les faits nouveaux publiés dans le rapport du Secrétaire général, le délégué a dit être déçu de constater que sur les 720 millions de dollars estimés pour le plan de réponse humanitaire 2023 pour Haïti, seulement 28% du financement ont été reçus.  Qui plus est, le volet « sécurité alimentaire » n’est financé qu’à hauteur de 18%.  Il a donc appelé la communauté internationale à redoubler d’effort et à fournir les ressources et le soutien nécessaires pour aider le peuple haïtien.  Il a remercié le Kenya pour son offre de diriger la MMAS en Haïti.  Compte tenu de l’urgence, le Conseil doit accélérer ses procédures pour que le Kenya puisse s’acquitter rapidement de ce mandat dès que possible, a-t-il recommandé. Le Représentant a réitéré l’appui fourni par la CARICOM en facilitant le dialogue politique en vue de rétablir la sécurité, la démocratie et la bonne gouvernance et d’organiser des élections libres et équitables en Haïti.

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