Conseil de sécurité: le Représentant spécial pour le Soudan du Sud s’inquiète des retards pris dans l’organisation des élections
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud a appelé ce matin, devant le Conseil de sécurité, la classe politique sud-soudanaise à faire du rêve qu’est l’édification de l’État une réalité, s’inquiétant de l’absence de progrès juridiques et institutionnels pour préparer le pays à la tenue de ses premières élections en décembre 2024.
« Quinze mois avant la tenue des élections qui doivent amener à son terme la période de transition, le temps presse pour le Soudan du Sud de réaliser les objectifs de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit », a déclaré M. Nicholas Haysom qui a également jugé urgent de recalibrer les priorités du processus de rédaction de la constitution, qui accuse 12 mois de retard. « Seule la volonté politique permettra d’atteindre le consensus », a-t-il souligné.
Imputant en grande partie les délais rencontrés au « traînage de pieds » des signataires de l’Accord, M. Haysom a du reste prévenu que l’appui que la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) accordera au processus électoral lui-même dépendra en grande partie de la « maturation » du cadre électoral national. Il a également insisté sur l’importance d’avoir des règles du jeu équitables pour assurer la crédibilité des élections, notant qu’à l’heure actuelle, la situation privilégie un parti politique au détriment des autres.
Si les préparatifs de ces élections devaient être défaillants, elles pourraient devenir un élément de division, a mis en garde le Japon. Les États-Unis ont exprimé leur déception, tandis que le Mozambique, au nom des A3, a encouragé le Soudan du Sud à persévérer dans la préparation d’élections « libres, justes, transparentes et inclusives », invitant les Nations Unies et les acteurs régionaux à collaborer étroitement sur cette question. La France a souligné pour sa part que le soutien de la communauté internationale ne pourra intervenir que si les autorités créent les conditions d’un débat et d’un scrutin démocratique crédibles.
La représentante du South Sudan Council of Churches a déploré pour sa part l’exclusion des femmes et des jeunes des processus de prise de décisions et a exhorté les membres du Conseil à donner la priorité à cette question lors de leur engagement avec les responsables politiques sud-soudanais. Le principe d’inclusion doit se voir donner la priorité dans l’accomplissement de la feuille de route, a-t-elle estimé.
Invité à intervenir en fin de séance, le représentant du Soudan du Sud a assuré qu’en dépit d’une mise en œuvre à petits pas, les parties demeurent engagées en faveur de l’Accord revitalisé et à la tenue à temps des élections générales en décembre 2024.
Il a par ailleurs signalé que le conflit au Soudan a un impact direct sur l’économie nationale, et que l’afflux de réfugiés et de personnes de retour par milliers continue de poser un défi considérable. À ce sujet, la Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a fait savoir qu’on estime à plus de 260 000 le nombre de personnes arrivées au Soudan du Sud en quête de protection et de sécurité, pour l’essentiel des ressortissants sud-soudanais fuyant les violences au Soudan. Or cet afflux massif de rapatriés et de réfugiés s’inscrit dans un contexte de financement limité dans un pays où 8 millions de personnes, soit 64% de la population, souffrent déjà d’insécurité alimentaire. Mme Edem Wosornu a également informé que 1,7 milliard de dollars sont nécessaires pour répondre aux besoins de 6,8 millions de personnes, dans le cadre du plan de réponse humanitaire 2023 pour le Soudan du Sud, lequel n’est financé qu’à 46%.
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD - S/2023/657
Déclarations
M. NICHOLAS HAYSOM, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan du Sud et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a déclaré que 15 mois avant la tenue des élections qui doivent amener à son terme la période de transition, le temps presse pour le Soudan du Sud de réaliser les objectifs de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit. Alors que le pays prévoit de tenir ses premières élections en décembre 2024, les institutions clefs et les cadres juridiques n’ont toujours pas été mis en place et des questions critiques demeurent en suspens, a-t-il relevé, notant que seule la volonté politique permettra d’atteindre le consensus. Il est également urgent de recalibrer les priorités du processus de rédaction de la constitution, qui accuse 12 mois de retard selon la feuille de route.
M. Haysom a ensuite passé en revue les progrès « modestes » accomplis depuis sa dernière intervention devant le Conseil de sécurité, citant notamment la troisième lecture du projet de loi électoral. Il a également évoqué la mise en place de l’équipe spéciale conjointe gouvernementale et trilatérale (Union africaine, IGAD et ONU) visant à soutenir l’élaboration de la constitution et le processus électoral, de même que le début de la planification de la sécurisation des élections. Il a imputé en grande partie les délais rencontrés au « traînage de pieds » des signataires, tout en notant le manque de capacités du pays ainsi que la complexité du processus de planification électorale.
Il a insisté sur l’importance d’avoir des règles du jeu équitables pour assurer la crédibilité des élections. Or à l’heure actuelle, la situation privilégie un parti comparé aux autres, d’où l’importance, a estimé le Représentant spécial, d’établir le Conseil des partis politiques pour permettre à l’ensemble des partis politiques de bénéficier d’une égalité des chances. En outre, une gouvernance de coalition postconflit doit reposer sur le compromis et la confiance mutuelle.
Poursuivant, M. Haysom a souligné qu’un environnement sécuritaire stable est essentiel pour créer un environnement propice, à la fois pour les élections et le développement durable. Il a expliqué que dans le contexte de la préparation des élections, la MINUSS compte mettre l’accent sur le renforcement des capacités des institutions clefs existantes ainsi que sur l’élargissement de l’espace civique et politique. L’appui que la Mission accordera ensuite au processus électoral lui-même, dépendra quant à lui de la « maturation » du cadre électoral national.
Le Représentant spécial a par ailleurs signalé que le Soudan du Sud a besoin d’un appui supplémentaire des donateurs internationaux pour faire face aux retombées de la crise au Soudan. De même, il a appelé le Gouvernement provisoire d’union nationale à allouer les enveloppes budgétaires pour répondre aux besoins humanitaires et à relancer l’appui en faveur du transport des personnes ayant traversé la frontière vers le Soudan du Sud. Évoquant le succès récent de l’équipe nationale de basketball sud-soudanaise, les Bright Stars, M. Haysom a appelé la classe politique et les signataires de l’accord à faire du rêve qu’est l’édification de l’État une réalité.
Mme EDEM WOSORNU, Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), a indiqué que, depuis son dernier exposé au Conseil, la situation humanitaire au Soudan du Sud a continué de se dégrader, notamment en raison du conflit au Soudan voisin. Elle a rappelé qu’au début de l’année, plus de 9,4 millions de personnes au Soudan du Sud, soit 76% de la population, avaient besoin d’une aide humanitaire en raison de divers facteurs, qu’il s’agisse de la violence infranationale, des contraintes physiques ou des chocs climatiques. Or, au 5 septembre, on estimait à plus de 260 000 le nombre de personnes arrivées au Soudan du Sud en quête de protection et de sécurité, pour l’essentiel des ressortissants sud-soudanais fuyant les violences au Soudan, a-t-elle précisé. Saluant les efforts du Gouvernement du Soudan du Sud visant à soutenir ceux qui arrivent du Soudan, Mme Wosornu a exhorté ce dernier à renforcer ce soutien en fournissant des services de base aux points de passage et dans les zones de retour.
La responsable de l’OCHA a relevé que cet afflux massif de rapatriés et de réfugiés s’inscrit dans un contexte de financement limité. Ce manque de fonds a déjà entravé les services de transport, qui devaient déplacer environ 500 personnes quotidiennement, a-t-elle expliqué, ajoutant toutefois que le déblocage de 33 millions de dollars du Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) et de 15 millions de dollars du Fonds humanitaire pour le Soudan du Sud a permis à ces opérations de se poursuivre. Le plan d’intervention d’urgence nécessite pour sa part 356 millions de dollars de mai à décembre 2023 si l’on veut que les services de soutien vitaux soient maintenus.
Selon Mme Wosornu, la crise au Soudan a également un impact dommageable sur le commerce et l’économie du Soudan du Sud. La perturbation du commerce transfrontalier entre le Soudan, le Soudan du Sud et d’autres pays entraîne une augmentation des prix des denrées alimentaires comprise entre 20% et 75%, a-t-elle alerté, non sans rappeler que 8 millions de personnes au Soudan du Sud, soit 64% de la population, souffrent déjà d’insécurité alimentaire. En outre, la hausse des prix du marché a augmenté le coût global de la réponse humanitaire, exerçant une pression supplémentaire sur des ressources limitées et réduisant notre capacité à répondre aux besoins, s’est encore alarmée la Directrice de la Division des opérations et du plaidoyer, avant d’appeler à garantir l’accès sans entrave aux personnes les plus vulnérables et la sécurité des travailleurs humanitaires. Saluant les efforts déployés par la MINUSS pour atténuer certains de ces problèmes, elle a informé le Conseil que 1,7 milliard de dollars sont aujourd’hui nécessaires pour répondre aux besoins de 6,8 millions de personnes, dans le cadre du plan de réponse humanitaire 2023 pour le Soudan du Sud, lequel n’est financé qu’à 46%.
Avant de conclure, Mme Wosornu a indiqué que, malgré les défis, 62 organisations de la société civile sud-soudanaise, y compris des organisations locales dirigées par des femmes, travaillent pour leurs communautés en fournissant des services de sauvetage d’urgence. À leurs côtés, la communauté humanitaire du Soudan du Sud travaille en étroite collaboration avec le Gouvernement et la population sur certaines initiatives visant à soutenir l’autonomie, a-t-elle applaudi, souhaitant que les États Membres continuent de soutenir les aspirations des Sud-Soudanais à se débrouiller seuls et à vivre une vie paisible et digne.
Mme RACHEAL JUAN, Coordonnatrice pour le plaidoyer et la paix du South Sudan Council of Churches, a suggéré plusieurs idées pour mettre le Soudan du Sud sur la voie d’une paix durable, en souhaitant d’abord un élargissement de l’espace civique. Préoccupée du fait que les jeunes et les acteurs de la société civile ne peuvent pas parler sans peur, elle a exhorté les membres du Conseil à donner la priorité à cette question lors de leur engagement avec les responsables politiques sud-soudanais. Elle a aussi demandé au Conseil d’augmenter les fonds alloués aux initiatives de paix et aux communautés œuvrant en leur faveur. Le principe d’inclusion doit se voir donner la priorité dans l’accomplissement de la feuille de route, a-t-elle dit.
La représentante de la société civile a en effet vivement déploré que l’immense potentiel des jeunes ne soit pas utilisé, avant de souligner les contributions des femmes en faveur de l’unification du pays. « Les femmes et les jeunes continuent néanmoins d’être exclu-e-s des processus de prise de décisions », a-t-elle déploré. Si elle a salué la discrimination positive mise en place en faveur des femmes, elle a estimé que cela n’est pas suffisant. Nous avons besoin d’une participation active et significative des femmes et des jeunes dans tous les processus, en particulier le processus électoral, a-t-elle plaidé. « Pour instaurer la paix dont notre pays a besoin, nous avons besoin de votre soutien. » S’il vous plaît, n’abandonnez pas mon pays et mon peuple, a-t-elle conclu.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a souligné l’importance pour la MINUSS d’apporter un appui alors que la poursuite d’affrontements dans le pays continue d’y entraver l’acheminement de l’aide humanitaire. De nombreuses personnes déplacées sont arrivées dans des camps, fuyant l’insécurité alimentaire, s’est-t-il alarmé. Le représentant a également exprimé son inquiétude face aux échauffourées qui se produisent à Malakal entre les nouveaux arrivants dans les camps de réfugiés et la population locale. Aussi a-t-il encouragé la Mission à intensifier ses efforts pour que les personnes déplacées aient accès aux services de base, dans un contexte où l’aide médicale est insuffisante. Concernant la situation politique, le représentant a exprimé sa déception devant « le manque de progrès » du Gouvernement provisoire, à 18 mois du scrutin prévu en 2024. « Nous doutons que le Gouvernement provisoire soit prêt », a-t-il anticipé, notant qu’un environnement adéquat fait défaut à la tenue d’élections générales et que les autorités n’ont pas encore établi de budget à cette fin. Enfin, il a déploré la poursuite des violences sexuelles, avec 18 signalements supplémentaires par la MINUSS.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a, tout d’abord, rappelé la nécessité de garantir un accès humanitaire rapide, illimité et permanent dans tout le Soudan du Sud. Il a ensuite insisté sur les progrès tangibles qui doivent être accomplis dans l’élaboration d’une législation nationale préalablement à la tenue des élections. Tout retard ne fait qu’accroître le risque d’instabilité politique et la recrudescence des violences, a-t-il mis en garde. L’inclusion des femmes et l’objectif de parité dans les débats électoraux sont également fondamentaux, a-t-il poursuivi, tout en rappelant les engagements pris à cet égard par le Gouvernement sud-soudanais. De même, le délégué a insisté sur la nécessité de garantir la liberté d’expression pour les médias et celle de mouvement pour le personnel humanitaire. Réitérant le soutien de l’Équateur aux initiatives de la MINUSS visant à réduire la violence par des mécanismes appropriés, le délégué a ensuite condamné les violences sexuelles, les meurtres et les enlèvements, qui doivent faire l’objet d’enquêtes et de poursuites. Il a également déploré le trafic d’armes, qui exacerbe l’insécurité pour les civils, y compris au niveau régional. « L’heure est venue de faire taire les armes au Soudan du Sud et d’œuvrer à la transition démocratique », a-t-il exhorté en conclusion.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a salué les avancées au Soudan du Sud, notamment le recours au dialogue politique pour régler les différends, cinq ans après la signature de l’Accord de paix revitalisée, mais a regretté la lenteur et les limites de ces progrès, grevés par un certain nombre d’échéances manquées. Il a exhorté les autorités sud-soudanaises à convoquer sans tarder des élections libres et équitables. En prévision de cette échéance, le représentant a accueilli favorablement la mise en place d’un comité de sécurité électorale et la présentation de la loi électorale nationale au Parlement. Il a toutefois insisté sur la nécessité d’une préparation logistique et de la mise en place d’un véritable espace politique et civique. Le délégué a également évoqué la situation humanitaire alarmante, exacerbée par la violence à la frontière avec le Soudan, qui affecte plus de 260 000 personnes. Enfin, il a félicité le Gouvernement sud-soudanais pour son soutien logistique, plaidant pour un environnement plus propice à une action humanitaire durable.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) s’est félicité des progrès significatifs réalisés par le Soudan du Sud dans la consolidation de ses institutions et des réformes substantielles réalisées sur les questions de sécurité, du système judiciaire ou de la gestion publique. Il a rappelé l’incidence importante du conflit au Soudan sur la situation sécuritaire au Soudan du Sud, notamment l’afflux de rapatriés et de réfugiés qui pèse sur les ressources déjà rares de ce pays et est devenu un moteur de la violence intercommunautaire. Il a relevé que les initiatives communautaires sont les plus à même de déboucher sur les changements positifs au niveau local, saluant l’implication des dirigeants locaux et traditionnels dans la désescalade des tensions.
Poursuivant, le délégué a encouragé le Soudan du Sud à persévérer dans la préparation d’élections libres, justes, transparentes et inclusives et a appelé toutes les parties à soutenir ce processus, notamment les Nations Unies et les acteurs régionaux, qu’il a invités à collaborer étroitement sur cette question. Préoccupé par une situation humanitaire dégradée et la vulnérabilité des populations du Soudan du Sud aux chocs climatiques, il a regretté que la réponse humanitaire pour ce pays continue d’être insuffisamment financée. Cette réponse, a-t-il estimé, devrait être coordonnée avec les pays voisins, comme le Tchad ou la République centrafricaine, tout en s’assurant que le personnel et les agences humanitaires soient protégés sur le terrain.
M. DARREN CAMILLERI (Malte) s’est dit préoccupé par le fait que, dans un contexte d’élaboration d’une constitution et de préparation d’élections en décembre 2024, les cadres juridiques requis, comme le projet de loi sur les élections, n’aient pas encore été adoptés. Insistant sur l’importance d’un espace civique inclusif pour la tenue d’élections libres, équitables et crédibles, il a notamment appelé à la participation pleine, égale et significative des femmes aux processus électoral et d’élaboration de la constitution. Le délégué s’est dit préoccupé par les flambées de violences intercommunautaires au Soudan du Sud, par les violations du droit international humanitaire et par les atteintes aux droits humains qui en découlent. Le conflit au Soudan exacerbe aussi les besoins humanitaires du Soudan du Sud, a—t-il noté, en rappelant le soutien apporté par les projets et programmes de financement de l’Union européenne pour le Soudan du Sud. Il a rappelé que la situation dans ce pays reste l’une des plus dangereuses pour les travailleurs humanitaires et que les catastrophes induites par le climat, les précipitations irrégulières et les inondations ont des conséquences sur des ressources naturelles trop rares, qui créent de nouveaux déplacements et des tensions entre agriculteurs et éleveurs. Il a conclu en soulignant qu’à ce titre, son pays soutient les stratégies de gestion des risques, notamment par le biais de l’engagement auprès des communautés locales.
M. DAI BING (Chine) a estimé que la transition politique au Soudan du Sud est « à la croisée des chemins ». Il a ainsi salué la collaboration entre le Soudan du Sud et la MINUSS pour la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et l’action du Groupe de travail conjoint constitué avec l’IGAD et l’UA pour faciliter la rédaction de la constitution et les préparatifs des élections. À cette aune, il a appelé toutes les parties à consolider le consensus sur ces questions et à régler leurs différends sur la base de l’Accord revitalisé et de la feuille de route. Le représentant a ensuite constaté que le Soudan du Sud, plus jeune pays au monde, se heurte à des difficultés en matière de gouvernance. Face à ces problèmes, la communauté internationale doit selon lui faire preuve de patience, respecter l’appropriation nationale et apporter son appui au pays en vue des élections. De plus, alors que la situation sécuritaire reste précaire, le Conseil de sécurité devrait lever l’embargo sur les armes « le plus rapidement possible » pour faire cesser les conséquences négatives sur le renforcement des capacités du Soudan du Sud, a-t-il plaidé.
Notant par ailleurs que l’arrivée de nombreux réfugiés a encore exacerbé les besoins humanitaires au Soudan du Sud, le délégué s’est alarmé du niveau de financement insuffisant du plan d’intervention pour 2023. Il a également jugé que la gestion des ressources pétrolières doit faire l’objet de décisions prises par le Soudan du Sud lui-même, « sans ingérence étrangère ». Enfin, après avoir salué la grande contribution de la MINUSS à la mise en œuvre de l’Accord revitalisé, il a regretté que certains pays veuillent étendre le mandat de la Mission « d’une façon qui dépasse ses capacités et nuit à la confiance mutuelle avec le pays hôte ». Selon lui, l’accent a trop été mis sur l’utilisation de la force comme méthode de protection des civils. La MINUSS doit tenir compte de la situation sur le terrain et se concentrer sur ses tâches premières, a-t-il estimé.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a appelé à l’application de l’Accord revitalisé, selon le calendrier arrêté. Elle a en effet déploré les retards pris dans ladite application et les conséquences que cela entraîne pour la tenue des élections prévues en décembre 2024. Si les préparatifs de ces élections devaient être défaillants, elles pourraient devenir un élément de division, a-t-elle mis en garde. La déléguée a exhorté les autorités de transition à se pencher urgemment sur cette question, tant il reste peu de temps. La crise humanitaire a atteint un niveau alarmant, a-t-elle poursuivi, en soulignant l’attention déclinante de la communauté internationale pour ce dossier. Pour inverser cette tendance, les autorités doivent obtenir des résultats concrets et significatifs, a conclu la déléguée.
Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a constaté que l’afflux de réfugiés et de rapatriés au Soudan du Sud a considérablement aggravé la situation humanitaire du pays. Elle s’est toutefois félicitée qu’en dépit de ces défis, le processus politique sud-soudanais se développe progressivement, avec la poursuite de la mise en œuvre de l’Accord revitalisé. La représentante a notamment salué les efforts déployés par les dirigeants sud-soudanais pour mettre en œuvre les dispositions liées à la construction de l’État, à la préparation d’un projet de constitution et aux travaux du Parlement de transition. Elle a également appuyé l’intention du Gouvernement provisoire d’union nationale d’organiser les premières élections générales de l’histoire du pays, applaudissant à cet égard le lancement d’un groupe de travail tripartite composé de l’Union africaine, de l’IGAD et de la MINUSS, et la création d’un comité chargé d’assurer la sécurité du vote. Cela étant, elle s’est inquiétée du retard pris dans la mise en œuvre de l’Accord revitalisé et de la feuille de route par rapport aux calendriers convenus, d’autant plus que des informations font état de flambées de violence en cours dans un certain nombre de régions et de conflits armés intercommunautaires.
Affirmant soutenir les mesures internationales visant à stabiliser la situation, la représentante a appelé la MINUSS à accorder une plus grande attention à la lutte contre la violence intercommunautaire et à la coordination de l’aide humanitaire à Djouba. Elle a également plaidé pour que les Casques bleus disposent de toutes les ressources nécessaires pour accomplir leurs tâches de protection des civils et d’assistance technique dans l’organisation des élections, avant d’encourager la poursuite des négociations entre les autorités sud-soudanaises et les parties non signataires de l’Accord revitalisé sous l’égide de la Communauté de Sant’Egidio. La déléguée a par ailleurs estimé que le régime de sanctions en vigueur contre le Soudan du Sud complique le déploiement des unités des forces armées conjointes et le renforcement des structures de sécurité de l’État. À ses yeux, des mesures sont nécessaires pour réviser ces restrictions, conformément à la demande de Djouba. La Fédération de Russie, a-t-elle souligné, est catégoriquement opposée aux sanctions du Conseil de sécurité pour exercer des pressions et des ingérences dans les affaires intérieures de ce pays, ainsi qu’à leur ajout à des mesures restrictives unilatérales illégales.
M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a qualifié d’inquiétante l’absence de progrès dans l’élaboration d’une constitution permanente et la préparation des élections. Il a indiqué que le soutien de la communauté internationale ne peut intervenir que si les autorités créent les conditions d’un débat et d’un scrutin démocratique crédibles. Il a également rappelé que la préparation des élections générales relève en premier lieu de la responsabilité de l’ensemble des forces politiques du Soudan du Sud, sans exclusive.
Le délégué a ensuite fait part de ses préoccupations concernant l’impact du conflit au Soudan sur la stabilité du Soudan Sud. Dans ce contexte d’instabilité régionale, le Soudan du Sud doit faire preuve de volonté politique pour achever sa transition, dont l’échéance est désormais fixée à février 2025, a-t-il souligné. Le Soudan du Sud doit aussi pouvoir compter sur l’appui de ses principaux partenaires. Mais ces partenariats ne seront efficaces, a-t-il dit, que si les autorités sud-soudanaises en tirent parti pour dépasser le statu quo, en accélérant la mise en œuvre de la transition politique et en agissant pour lutter contre l’impunité des violations des droits de l’homme.
Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a noté la précarité de la situation humanitaire dans le pays, alors même que l’on célèbre le cinquième anniversaire de l’Accord revitalisé au Soudan du Sud. Elle a appelé le Gouvernement à s’engager à mettre en œuvre cet accord et à accomplir des progrès tangibles, notamment en établissant un dialogue entre les diverses parties en désaccord. Elle a également relevé le rôle important joué par les partenaires internationaux, dont le groupe de travail tripartite. La représentante a préconisé une meilleure compréhension des causes profondes des problèmes de sécurité et des violences intercommunautaires, notamment l’impact négatif de la compétition pour des ressources limitées. Elle a insisté sur la nécessité de coordonner les efforts de la MINUSS avec ceux des organisations humanitaires, afin que leur aide soit fournie aux civils, en toute sécurité. En outre, pour contrer les violences sexuelles, elle a souhaité que les auteurs rendent des comptes et que la MINUSS apporte sa protection aux femmes. Enfin, elle a fait remarquer le rôle aggravant joué par les changements climatiques dans la situation au Soudan du Sud, notant que le pays est le cinquième plus vulnérable à cette évolution selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE).
M. SÉRGIO FRANÇA DANESE (Brésil) a, tout d’abord, sollicité l’appui continu du Conseil à la MINUSS qui fournit une stabilité certaine à l’ensemble du pays. Le déploiement efficace de la première phase des forces nécessaires unifiées sera particulièrement important au vu des tensions communautaires au Soudan du Sud, a-t-il estimé. Espérant que la seconde phase soit rapidement entamée, il a applaudi les avancées sur le plan institutionnel visant à faire de la transition vers la paix une priorité nationale. Il a ensuite souligné les défis posés par l’afflux de réfugiés qui ont fui le conflit au nord de la frontière, l’inadéquation des infrastructures et l’arrivée tardive de la saison des pluies. Appelant la MINUSS à faciliter l’aide humanitaire, il a néanmoins déploré les attaques envers le personnel humanitaire. Quant au scrutin annoncé, il a encouragé les autorités sud-soudanaises à négocier et adopter les cadres juridiques nécessaires à l’organisation d’élections libres et justes. À ce sujet, il a félicité la formation d’une équipe spéciale trilatérale du Gouvernement pour établir une constitution et soutenir le processus électoral. « Le peuple du Soudan du Sud mérite un avenir sûr, démocratique et prospère », a-t-il insisté, réitérant la nécessité du soutien de la communauté internationale dans la réalisation de cet objectif crucial.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a insisté sur l’importance de respecter les délais fixés dans la feuille de route pour une fin pacifique et démocratique de la période de transition de l’Accord revitalisé, et sur la nécessité de créer des cadres juridiques pertinents, comme la Commission nationale de révision de la Constitution. La sécurité et la stabilité sont des conditions essentielles à la réussite de la transition politique et à la tenue d’élections libres, a-t-elle souligné, s’inquiétant des violences persistantes, notamment contre les femmes et les enfants, et des violations des droits humains. Pour y remédier, elle a appelé à renforcer la protection des civils et a salué les efforts de la MINUSS pour faire respecter l’état de droit. Enfin, la déléguée a déploré la détérioration de la situation humanitaire et condamné les attaques contre le personnel humanitaire. Il existe un lien évident entre changements climatiques et sécurité, a-t-elle ajouté, les inondations et la sécheresse exacerbant les tensions communautaires. La Suisse soutient ainsi les efforts de la MINUSS, ainsi que les initiatives de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui cartographie les routes migratoires et coordonne la gestion des ressources naturelles afin de renforcer la résilience des communautés face aux chocs climatiques.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a félicité la MINUSS pour son leadership et l’assistance électorale fournie au Soudan du Sud, tout en s’inquiétant du manque de progrès dans la mise en œuvre de la feuille de route. Elle a appelé le Gouvernement de transition du Soudan du Sud à se concentrer sur le processus électoral, notamment l’adoption d’une constitution permanente. Regrettant le « rétrécissement de l’espace civique » au Soudan du Sud, elle a invité le Gouvernement de ce pays à garantir un espace politique pour y organiser des élections libres, équitables et crédibles. Elle a aussi souligné que les implications du conflit au Soudan voisin ne pouvaient être sous-estimées, qu’il s’agisse de l’afflux d’armes de ce pays ou de l’accueil de quelques 250 000 réfugiés qui aggravent une situation humanitaire déjà fragile et contribuent à la montée des tensions et de la violence. Déplorant le manque de protection des civils et des travailleurs humanitaires, il a invité les dirigeants sud-soudanais à passer des annonces à l’action sur les questions sécuritaires, en déployant des forces dotées de ressources adéquates. Il a conclu en rappelant que le Soudan du Sud continue de figurer parmi les pays les plus vulnérables au climat au monde, et félicité la MINUSS d’avoir aidé le pays à faire face aux défis auxquels il est confronté.
M. AKUEI BONA MALWAL (Soudan du Sud) a estimé qu’en dépit d’une mise en œuvre à petits pas, les parties demeurent engagées en faveur de l’Accord de paix revitalisé, avec pour objectif la tenue à temps des élections générales en décembre 2024. Il a affirmé que la crise humanitaire au Soudan du Sud est causée par des conditions qui se situent au-delà du contrôle de son gouvernement. Le conflit au Soudan a en effet un impact direct sur l’économie nationale, en particulier dans les États du nord qui ont des liens étroits avec notre voisin, s’est-il justifié. En outre, l’afflux de réfugiés et de personnes de retour par milliers continue de poser un défi considérable, raison pour laquelle le représentant en a appelé à la solidarité de la communauté internationale. Il a également blâmé les conséquences des changements climatiques, des inondations ayant causé des déplacements de population, des destructions de biens, de bétail et de moyens de subsistance. Et cette année, a-t-il ajouté, la saison des pluies est arrivée avec retard, ce qui aura un impact sur la sécurité alimentaire du pays. Le délégué a, en conclusion, assuré le Conseil que son gouvernement entretient avec la MINUSS d’excellentes relations de travail.