Conseil de sécurité: la Haute-Représentante pour les affaires de désarmement avertit des risques d’escalade liés aux transferts d’armes illicites et non réglementés
Invitée à s’exprimer, ce matin, devant le Conseil de sécurité à l’occasion d’un débat ouvert sur les « risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire », la Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement a mis en garde contre les transferts d’armes illicites et non réglementés qui peuvent déclencher, alimenter et prolonger les conflits armés, mais aussi le terrorisme et la criminalité.
Intervenant à l’entame de ce débat demandé par la Fédération de Russie, présidente du Conseil en avril, Mme Izumi Nakamitsu a rappelé les différents traités, accords et cadres internationaux, régionaux et bilatéraux de contrôle visant à prévenir et éradiquer le commerce illicite et le détournement d’armes conventionnelles. Parmi ces instruments, elle a cité le Traité sur le commerce des armes, ainsi que le Programme d’action relatif aux armes légères, l’Instrument international de traçage et le Protocole relatif aux armes à feu, qui, tous, ont pour objet de réglementer le commerce international des armes et de promouvoir la transparence dans les transferts d’armement.
En effet, a averti la haute fonctionnaire, tout transfert d’armes comporte un risque inhérent de détournement vers des utilisateurs finals non autorisés et devrait donc s’accompagner de contrôles avant et après expédition. Selon elle, la prévention des détournements passe par la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, par des pratiques comptables appropriées et par la sauvegarde des armes et des munitions, ainsi que par des mesures de contrôle douanier et frontalier.
Lutter efficacement contre le détournement des armes conventionnelles et de leurs munitions impose en outre de pouvoir les tracer, ce qui, de l’avis de la Haute-Représentante, nécessite leur marquage, en plus de la tenue de registres et de la mise en place de protocoles de coopération. Plaidant pour plus de transparence en la matière afin de contribuer à réduire les tensions et les ambiguïtés, elle a souligné l’importance du Registre des armes classiques de l’Organisation des Nations Unies, mécanisme créé en 1992 par lequel les gouvernements partagent volontairement des informations avec l’ONU sur les armes transférées l’année précédente.
Le risque de détournement a été commenté par un grand nombre de délégations, qui, pour la plupart, l’ont rapporté à la situation en Ukraine. Pour les États-Unis, le risque vient essentiellement des groupes séparatistes que Moscou alimente en armes dans l’est du pays. De surcroît, ont-ils relevé, la Fédération de Russie cherche à obtenir des armes de manière illicite, notamment de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) et de l’Iran, et ce, en violation des résolutions du Conseil. L’Iran, qui ne figurait pas au nombre des intervenants inscrits à ce débat, a demandé la parole pour condamner ces allégations et assurer que son pays n’a jamais transféré d’armes en violation de ses obligations.
Avec ce débat, ont encore dénoncé les États-Unis, la Fédération de Russie cherche à embellir son image sur la scène internationale alors même qu’elle a lancé une guerre d’agression contre son voisin. Un avis partagé par le Royaume-Uni, qui a regretté que la Fédération de Russie ait accédé à la présidence du Conseil alors qu’elle ne remplit pas les obligations les plus élémentaires d’un État Membre de l’ONU. L’Albanie y a vu une situation « difficile et inédite », tandis que le Japon dénonçait un abus de statut destiné à distraire la communauté internationale. Ce n’est ni plus ni moins qu’une « tentative grossière d’instrumentalisation », a renchéri la France, avant d’accuser la Fédération de Russie de jouer au « pompier pyromane ».
En réaction à ce qu’elle a qualifié d’« attaques » à son encontre, la Fédération de Russie a constaté que « certains membres » du Conseil ont décidé de réduire ce débat, qui se voulait « dépolitisé », à une « répétition d’accusations infondées ». Elle y a riposté en accusant les pays occidentaux de violer leurs engagements, notamment en « inondant » l’Ukraine d’armes, au risque qu’elles soient revendues au marché noir et se retrouvent aux mains de la criminalité organisée et de terroristes.
La Chine s’est elle aussi alarmée du commerce illicite d’armes vers des zones touchées par des conflits. Après s’être élevée, à l’instar du Bélarus, contre l’utilisation des transferts d’armement « à des fins géopolitiques », elle a appelé les principales puissances militaires à arrêter de s’ingérer par ce biais dans les affaires intérieures des pays. Elle a aussi regretté que certaines de ces puissances aient mis en place des politiques laxistes en matière de transfert d’armement à des acteurs non étatiques, notamment « un pays » qui représentait 40% des exportations d’armes en 2022 et qui n’a pas signé le Traité sur le commerce des armes.
Résumant la position d’une majorité de membres du Conseil, la France a indiqué que le soutien de son pays et de l’Union européenne (UE) à l’Ukraine vise exclusivement à permettre à ce pays d’exercer son droit à la légitime défense. Malte a, pour sa part, fait valoir que l’UE dispose de normes de contrôle des exportations des armes parmi les plus élevées au monde et qu’elle a adopté une approche uniforme en matière d’exportation d’armes légères et de munitions, qui réduisent le risque de détournement vers des utilisateurs illicites ou involontaires.
Face aux flux croissants d’armes en Ukraine, le Brésil s’est réjoui des progrès réalisés en termes de marquage et de traçage, y voyant une meilleure garantie de contrôle et de prévention des détournements. Favorables au renforcement de ces mesures, afin que les armes ne tombent pas entre de « mauvaises mains », les Émirats arabes unis ont souhaité que les efforts de non-prolifération soient élargis aux armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires, qui constituent une « menace existentielle ».
Le Mozambique a, lui, insisté sur la nécessité d’une coopération internationale accrue en matière de contrôle des armes, mettant en avant l’initiative « Faire taire les armes en Afrique d’ici 2030 » qui, à ses yeux, permet de réduire la possibilité de détournement au profit de criminels et de groupes terroristes. Il a plaidé pour que ce type d’action soit soutenu tant à l’échelon bilatéral que multilatéral.
MENACES CONTRE LA PAIX ET LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Risques découlant de la violation des accords sur la réglementation des exportations d’armes et de matériel militaire (S/2023/243)
Déclarations
Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a a mis en garde contre les transferts d’armes illicites et non réglementés qui peuvent déclencher, alimenter et prolonger les conflits armés, la violence armée, le terrorisme et la criminalité. Ces transferts peuvent en outre déstabiliser des régions entières, contribuer aux violations des droits humains et entraîner des violations des embargos sur les armes, a-t-elle ajouté, avant de rappeler les différents traités, accords et cadres internationaux, régionaux et bilatéraux de contrôle des armes mis en place par les États afin de prévenir et d’éradiquer le commerce illicite et le détournement d’armes conventionnelles, de réglementer le commerce international des armes et de promouvoir la transparence dans les transferts d’armes. Au niveau international, a-t-elle précisé, cela inclut le Traité sur le commerce des armes ainsi que le Programme d’action relatif aux armes légères, l’Instrument international de traçage et le Protocole relatif aux armes à feu. Ces instruments varient en termes de portée et de composition, mais ils sont tous guidés par le principe primordial de la prévention et de la lutte contre le commerce illicite des armes, a souligné Mme Nakamitsu, indiquant que son bureau soutient les États dans leur mise en œuvre complète et efficace. À ce titre, elle a invité les États Membres à respecter les obligations internationales qui leur incombent en vertu des accords auxquels ils sont parties.
De l’avis de la Haute-Représentante, la réglementation du commerce international des armes et la prévention du commerce illicite des armes conventionnelles et des munitions nécessitent des cadres solides pour un contrôle efficace de l’exportation, du courtage, de l’importation, du transit, du stockage et du retransfert des armes et des munitions. En effet, a-t-elle averti, tout transfert d’armes s’accompagne d’un risque inhérent de détournement des équipements vers des utilisateurs finaux non autorisés.
C’est pourquoi, et conformément aux normes internationales, tout transfert d’armes et de munitions devrait, selon elle, comporter des évaluations des risques avant le transfert et des contrôles après expédition, tels que des inspections sur place et des vérifications auprès de l’utilisateur final.
La prévention des détournements passe aussi par la coopération et l’échange d’informations entre les États importateurs, de transit et exportateurs, par des pratiques comptables appropriées et par la sauvegarde des armes et des munitions, ainsi que par des mesures de contrôle douanier et frontalier, a préconisé Mme Nakamitsu.
Parmi les autres mesures nécessaires, la haute fonctionnaire a cité le traçage des armes et des munitions pour lutter efficacement contre le détournement. Cela nécessite le marquage des armes conventionnelles et de leurs munitions, la tenue de registres et la mise en place de protocoles de coopération internationale, a-t-elle expliqué, avant de plaider pour la transparence en matière d’armement afin de contribuer à réduire les tensions, les ambiguïtés et les perceptions erronées entre les États Membres. À cet égard, elle a jugé que le Registre des armes classiques de l’Organisation des Nations Unies, créé en 1992, reste un outil essentiel. Elle a par conséquent vivement encouragé tous les États Membres à participer à ce mécanisme de transparence en rendant compte des exportations et des importations d’équipements entrant dans les sept catégories d’armes conventionnelles majeures du Registre, ainsi que des armes légères et de petit calibre et des achats effectués dans le cadre de la production nationale. De même, elle a invité tous les États qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Traité sur le commerce des armes.
Pour finir, Mme Nakamitsu a souhaité sensibiliser les États sur l’impact du commerce illicite des armes et des munitions sur les femmes, les hommes, les filles et les garçons. À cette aune, elle les a exhortés à garantir la participation pleine, égale, significative et efficace des femmes aux processus de prise de décisions et de mise en œuvre liés à la maîtrise des armes conventionnelles.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a estimé que le contrôle des armements est une « question d’actualité » et que les risques découlant de la propagation des armes, qui vont « jusqu’à tomber entre les mains de terroristes et de criminels », augmentent de manière exponentielle. Il a rappelé à cet égard que la position commune de l’Union européenne de 2008 sur l’exportation de technologies et de matériels militaires s’applique de manière contraignante à tous ses membres. Le représentant a d’autre part souligné les efforts de la Fédération de Russie pour soutenir les traités internationaux en vigueur, notamment pour ce qui est de la transmission d’informations au Registre des armes classiques de l’ONU. À cette aune, il a appelé à limiter le nombre de courtiers internationaux dans la vente d’armes légères et de petit calibre ainsi que dans leur réexportation sans l’accord du pays producteur. Le délégué a également dénoncé la livraison d’armes par certains États mus par des ambitions géopolitiques au Proche et Moyen-Orient, dans les Balkans et en Afrique du Nord, affirmant que la radicalisation des « forces d’opposition » soutenues par ces pays a entraîné une propagation de ces armes dans le monde entier.
Le représentant a ensuite regretté que les pays occidentaux ne respectent pas leurs propres préconisations en matière de contrôle des armements. Il a rappelé que la Fédération de Russie a convoqué plusieurs réunions du Conseil de sécurité sur les répercussions dangereuses de l’envoi massif d’armements au « régime de Kiev », en violation des engagements pris en matière de contrôle des armements, avant d’appeler le Conseil à « réagir » pour faire cessez ces agissements. Parmi les risques potentiels découlant de cette situation, il a évoqué l’érosion du droit international en matière de livraison d’armes, la violation d’accords bilatéraux interdisant le transfert secondaire d’armement vers des pays tiers sans l’autorisation du pays fournisseur et la dissimulation de livraisons d’armes en passant par des pays tiers. Il a accusé les États-Unis et leurs alliés d’alimenter ces phénomènes en mettant la pression sur certains États pour qu’ils contreviennent à des accords conclus avec la Russie ou d’autres États afin d’alimenter Kiev en armes. Le délégué a rappelé à ce propos que, le 30 novembre 2022, le Secrétaire d’État américain, M. Antony Blinken, avait annoncé que la production d’armements de type soviétique allait reprendre dans des États d’Europe orientale, en contravention des accords intergouvernementaux qui exigent, pour ce faire, une autorisation écrite de l’Union soviétique ou de la Russie en tant que pays détenteurs de ces technologies. Il a aussi soulevé la question de la vérification de l’utilisateur final, qui permet à des armes de se retrouver dans les mains de terroristes ou de criminels, s’inquiétant particulièrement de la dissémination d’armes portatives antichars ou anti-aériennes qui menacent le transport ferroviaire et l’aviation civile.
Le représentant a en outre rappelé que les pays de l’Union européenne, signataires du Traité sur le commerce des armes, s’étaient engagés à prévenir l’utilisation d’armes susceptibles de compromettre la paix et la sécurité mondiales, de violer le droit humanitaire ou de permettre la commission d’actes pouvant conduire à l’escalade de conflits armés, à la répression ou au génocide. Il a regretté que des armes soient livrées à un régime qui les utilise pour viser des populations civiles ou des infrastructures essentielles. Rejetant les accusations selon lesquelles des États livreraient des armes à la Russie, il a accusé les pays occidentaux d’alimenter les conflits et a appelé à lancer des initiatives pour que cela cesse.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) s’est d’abord dit consterné que la Russie ait commencé sa présidence du Conseil en tentant de justifier l’enlèvement d’enfants ukrainiens. Il a ensuite regretté que le débat de ce jour ait simplement pour objet d’embellir l’image de la Russie sur la scène internationale alors même qu’elle a lancé une guerre d’agression contre son voisin. S’agissant du thème de cette réunion, le représentant a indiqué que la politique nationale américaine sur le transfert illicite d’armements a été mise à jour cette année. Le risque de détournement demeure néanmoins patent et les États-Unis prennent ce risque très au sérieux, notamment en prenant des « mesures actives » pour protéger leurs « technologies à double usage » et prévenir leur détournement, a-t-il affirmé. Il a ajouté qu’en tant que pays envahi, l’Ukraine a tout à fait le droit à la légitime défense, comme le prévoit la Charte des Nations Unies, et la communauté internationale a toutes les raisons de l’aider à se défendre en envoyant du matériel. Celui-ci apporte un soutien important à l’Ukraine, et des réglementations existent pour éviter son détournement et son usage illicite, a-t-il assuré, relevant que le Gouvernement ukrainien a mis sur pied en 2022 une commission pour renforcer le suivi du matériel fourni.
Quant à la Russie, elle n’a cessé de propager des mensonges à ce sujet, a poursuivi le représentant, selon lequel le plus fort risque de détournement vient en fait des forces prorusses, Moscou fournissant des armes à des groupes séparatistes dans l’est de l’Ukraine. La Russie cherche également à obtenir des armes de manière illicite pour poursuivre ses opérations militaires, notamment de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), à qui elle a demandé des missiles et du matériel d’infanterie en novembre 2022, matériel qui est selon lui parvenu aux mains du groupe Wagner. Ces transferts ont lieu en violation directe des résolutions du Conseil de sécurité, a soutenu l’orateur, pour qui la situation est « alarmante ». L’Iran a aussi fourni des drones à la Russie, comme le Ministre des affaires étrangères iranien l’a publiquement reconnu, a-t-il ajouté, précisant que ces drones ont servi à attaquer des infrastructures civiles ukrainiennes. La résolution 2231 (2015) interdit pourtant clairement à tout pays, même membre permanent du Conseil de sécurité, le transfert de drone sans le consentement préalable du Conseil, a-t-il rappelé, avant d’appeler une nouvelle fois la Russie à retirer toutes ses forces du territoire ukrainien souverain.
M. DARREN CAMILLERI (Malte) a assuré qu’en tant que membre du Groupe de l’Australie, du Groupe des fournisseurs nucléaires et de l’Arrangement de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes classiques et de biens et technologies à double usage, son pays applique strictement les règlements européens sur le contrôle des exportations de biens à double usage et les annexes correspondantes. Ces groupes de contrôle des exportations sont des arrangements volontaires composés d’États de toutes les régions qui cherchent à empêcher la prolifération incontrôlée de certaines armes, matières et technologies dangereuses, a-t-il expliqué, pour éviter notamment qu’elles passent entre les mains d’acteurs non étatiques et de terroristes. En tant qu’État signataire du Traité sur le commerce des armes, Malte encourage son universalisation et sa pleine mise en œuvre, a-t-il poursuivi.
Le délégué a insisté sur le fait que l’Union européenne dispose de normes de contrôle des exportations des armes parmi les plus élevées au monde et qu’elle a adopté une approche uniforme en matière d’exportation d’armes légères et de munitions, de certificats d’utilisateur et de certificats de conformité à un ensemble de règles communes, qui réduisent le risque de détournement vers des utilisateurs illicites ou involontaires. Il a fait valoir en outre que le Conseil de surveillance des sanctions de Malte adopte une approche rigoureuse de la mise en œuvre des embargos sur les armes, expliquant que le contournement de ces mesures compromet directement la paix, la sécurité et la stabilité régionales et internationales. Il a confirmé que Malte a toujours soutenu l’Instrument international de traçage, qui exige que les États veillent à ce que les armes soient correctement marquées et à ce que des registres soient tenus. Il a dit souhaiter une mise à jour de cet instrument international pour qu’il reste efficace.
Mme JACOBS (Royaume-Uni) a regretté que la Fédération de Russie, à l’origine d’une guerre d’agression contre une nation souveraine, ait accédé à la présidence du Conseil de sécurité alors qu’elle ne remplit pas les obligations les plus élémentaires d’un État Membre de l’ONU.
De plus, a-t-elle ajouté, en se procurant les armes nécessaires à sa guerre, la Fédération de Russie viole les sanctions de l’ONU qu’elle a contribué à élaborer à l’encontre d’États tels que l’Iran et la République populaire démocratique de Corée (RPDC). La représentante a en outre déploré les conséquences plus larges de cette guerre sur les prix des denrées alimentaires et des produits de base, qui selon elle risquent d’entraîner d’autres conflits. Poursuivant, elle a appelé les autres États à cesser d’aider l’armée russe et ses forces affiliées. « Armer l’État agresseur, c’est alimenter l’instabilité mondiale », a martelé la déléguée, avant d’indiquer que son pays fournit un large éventail d’équipements et de soutien à l’Ukraine et continuera à le faire, « en tant qu’État Membre responsable des Nations Unies ».
Après avoir rappelé que le détournement et l’utilisation abusive des armes classiques coûtent la vie à des centaines de milliers de personnes chaque année dans le monde et compromettent la sécurité internationale, la représentante a accusé la Fédération de Russie de chercher à saper le travail du Conseil de sécurité en la matière, notamment en s’opposant aux nouveaux textes et en s’abstenant systématiquement sur les résolutions traitant de cette question. Le Royaume-Uni, a-t-elle dit, est attaché à la pleine mise en œuvre et à l’universalisation du Traité sur le commerce des armes. De même, il soutient tous les mécanismes onusiens connexes, y compris le Programme d’action des Nations Unies sur les armes légères et de petit calibre. À ses yeux, si la Fédération de Russie veut vraiment renforcer la paix et la sécurité internationales, sa première action devrait être de se retirer de l’Ukraine et d’assumer ses responsabilités en vertu de la Charte des Nations Unies.
M. ALEXANDRE OLMEDO (France) a dénoncé une « tentative grossière d’instrumentalisation », indiquant son étonnement de voir la Russie s’inquiéter des conséquences d’une guerre d’agression dont elle porte, seule, la responsabilité. Si l’Ukraine a aujourd’hui besoin d’armes, c’est parce que la Russie a déclenché cette guerre, a rappelé le représentant, qualifiant le discours russe de « discours d’un pompier pyromane ». Accusant la Russie de violer les résolutions du Conseil de sécurité pour combler ses réserves de munitions qui s’amenuisent, le délégué a également rappelé l’utilisation par la Russie de drones de combat livrés par l’Iran et l’acquisition des missiles et munitions auprès de la République populaire démocratique de Corée. Certaines de ces livraisons d’armes bénéficient directement au groupe Wagner, a-t-il pointé du doigt.
Affirmant ensuite que le soutien de la France et l’Union européenne vise exclusivement à permettre à l’Ukraine d’exercer son droit à la légitime défense et à préserver sa souveraineté, il a estimé que la seule voie pour le retour d’une paix durable est la mise en échec de l’agression russe. Soulignant le « cynisme » de la Russe qui se réfère à des instruments auxquels elle n’a pas adhéré, le représentant a rappelé que le meilleur moyen d’empêcher les trafics est de mettre un terme aux conflits qui les alimentent. C’est ce que doit faire la Russie immédiatement en cessant son agression, a-t-il exhorté.
M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon) a estimé qu’au-delà de « l’ambivalence ou de l’ambiguïté » des postures nationales ou des différences d’approches, la communauté internationale doit pouvoir rassembler dans « un seul instrument international et universel » toutes les améliorations nécessaires au régime de non-prolifération et renforcer de manière pragmatique chacun des cadres existants, afin de lier plus solidement les États à tout un réseau d’engagements de nature différente mais concourant à la non-prolifération des armes. Dans cette optique, la dynamique d’action doit selon lui s’intensifier sur un point particulièrement important pour l’avenir de la non-prolifération, à savoir les sanctions vis-à-vis des États ne respectant pas leurs engagements. Il s’agit là, a-t-il dit, d’un appel à « plus de hardiesse » au sein du Conseil de sécurité pour les questions touchant le plus directement à la paix et à la sécurité internationales, mais aussi au sein de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et des conférences d’examen du Traité sur la non-prolifération (TNP). Cette hardiesse est également une exigence concernant les transferts illégaux des armes conventionnelles, par une coopération plus étroite au niveau global et au niveau sous-régional, notamment des mesures de traçabilité des armes conventionnelles, a poursuivi le représentant. Il a enfin jugé crucial, pour le système de sécurité collective, de dissiper toute impression de vide juridique qui laisserait penser que les manquements ou violations au régime de non-prolifération resteraient sans conséquence pour les États qui les commettent.
M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse) a appelé tous les États à adhérer au Traité sur le commerce des armes et à mettre en œuvre tous les instruments auxquels ils sont parties. Il a exhorté les États fournisseurs à respecter le droit international et en conséquence, à veiller à ce que leur livraison d’armes ne serve pas à commettre des crimes de guerre. Pour ce faire, il a appelé à des mesures d’évaluation des risques avant tout transfert, des certificats d’utilisateurs finals et à des vérifications après expédition. Enfin, le représentant a insisté sur l’importance de respecter les résolutions du Conseil de sécurité en la matière, s’inquiétant des violations qui sapent les efforts de prévention et de règlement des conflits.
M. DOMINGOS ESTÊVÃO FERNANDES (Mozambique) a noté que la prolifération et le trafic illicite d’armements touchent surtout les régions les plus vulnérables du monde, comme le continent africain. Il a également constaté que certains États Membres violent de manière flagrante les dispositions et les mécanismes convenus, une tendance « très inquiétante », selon lui. Le représentant a appelé les États dans la capacité de produire des armes légères et nucléaires à s’abstenir de se livrer à une concurrence acharnée sur le marché mondial, cela entraînant une escalade des conflits. Il a aussi encouragé les pays mettant en œuvre des initiatives nationales à harmoniser leur propre législation afin de se conformer aux obligations internationales. Le délégué a d’autre part estimé que le commerce des armes légères devait être conforme aux mécanismes internationaux existants, alors même que la diffusion d’armes légères, principalement dans les pays en développement, a exacerbé les conflits et menacé la stabilité et le développement. La coopération internationale en matière de contrôle des armes est nécessaire, a-t-il pointé en dernier lieu, mettant en avant la stratégie africaine en la matière, « Faire taire les armes d’ici 2030 ». À ses yeux, des transferts contrôlés d’armes légères et de petit calibre pourraient contribuer à réduire la possibilité que ces armes tombent entre les mains de criminels et de groupes terroristes. Il a conclu en réclamant que l’initiative africaine ainsi que d’autres dispositifs similaires dans le monde soient soutenus tant à l’échelon bilatéral que multilatéral.
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a réaffirmé l’attachement de son pays au Traité sur le commerce des armes. Il s’est réjoui des progrès sur le marquage et le traçage des munitions, ce qui devrait contribuer à prévenir les détournements et à renforcer le contrôle. L’adoption d’une série d’engagements politiques devrait pouvoir consolider ces progrès. Mentionnant les flux croissants d’armes en Ukraine, le représentant a fait valoir que si les exportations d’armes doivent être soumises à des réglementations strictes, il ne faut pas perdre de vue que la solution au conflit commence par la négociation d’un cessez-le-feu. Il a exhorté ses homologues à se réengager dans une diplomatie proactive pour mettre fin à tous les conflits là où ils existent et pour empêcher qu’ils ne se produisent là où ils sont probables. C’est notre rôle principal au sein de ce Conseil et c’est un rôle que nous devons réapprendre à jouer de toute urgence, a souligné le représentant.
M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a appelé le Conseil de sécurité à s’associer avec une plus grande détermination aux efforts multilatéraux pour que les principaux producteurs et exportateurs d’armes conventionnelles ne privilégient pas leurs industries au détriment de la stabilité mondiale. L’Équateur sera toujours préoccupé par les défis posés par le flux illimité d’armes à feu, y compris l’afflux massif d’armes et de munitions dans toute situation de conflit armé, a souligné le représentant. Qualifiant de fondamentales les mesures de contrôle des exportations, il a appelé le Conseil de sécurité à appuyer la mise en œuvre du Programme d’action des Nations Unies en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères. Il s’est par ailleurs alarmé du fait qu’en 2022, les dépenses militaires mondiales ont dépassé les 2 000 milliards de dollars, avertissant que cette tendance continuera à s’aggraver en 2023 en raison de l’agression militaire russe en Ukraine. Après avoir appelé la Fédération de Russie à mettre fin à son occupation militaire en Ukraine, le délégué a dénoncé la violence armée et la militarisation, tout en reconnaissant le droit des peuples à la légitime défense. S’agissant de l’Ukraine, il a invité le Conseil à s’inspirer des recommandations contenues dans le prochain rapport du Secrétaire général sur les mesures à prendre pour contrer l’occupation militaire de ce pays.
M. ARIAN SPASSE (Albanie) a, pour commencer, relevé la situation « difficile et inédite » dans laquelle se trouve aujourd’hui le Conseil, dont la présidence est assurée par un État qui viole la Charte des Nations Unies et les principes fondamentaux qui régissent les relations entre États. Nous sommes devant une « contradiction fondamentale » quand l’organe chargé de maintenir la paix et la sécurité internationales est présidé par un État qui fait tout pour mettre le monde en péril. Nous n’avons aucun précédent dans l’histoire et nous comprenons l’inquiétude de l’opinion publique internationale, a souligné le représentant.
Il a poursuivi en mettant en avant la nécessité de préserver et de renforcer les instruments existants, arguant que la mise en œuvre du Traité sur le commerce des armes est un « impératif moral ». Malheureusement, a-t-il constaté, le monde vit une tendance alarmante où plusieurs États s’écartent de leurs obligations. Le représentant a pointé un doigt accusateur sur l’Iran qui fournit des armes à ses alliés régionaux et d’autres pays et sur la Russie qui utilise les armes de la RPDC pour détruire l’Ukraine. L’universalisation du Traité sur le commerce des armes est, a-t-il insisté, un instrument crucial, à même d’atténuer les menaces à une paix, une stabilité et un développement durables.
M. GENG SHUANG (Chine) a constaté que la situation sécuritaire internationale est marquée par des turbulences importantes, une accélération de la course aux armements et une augmentation des exportations irresponsables d’armes, qui sont autant de « défis colossaux » qui affectent la paix et la sécurité internationales. Il a appelé au respect des traités en vigueur en la matière et a soutenu leur universalisation. Il s’est également inquiété du commerce illicite d’armements vers des zones touchées par des conflits, jugeant que cela ne fait que « mettre de l’huile sur le feu ». Le représentant s’est élevé contre l’utilisation du transfert d’armements à des fins géopolitiques et a appelé les principales puissances militaires à arrêter de s’ingérer dans les affaires intérieures des pays en livrant des armes. Il a regretté que certaines puissances militaires aient mis en place des politiques laxistes en matière de transfert d’armements à des acteurs non étatiques, notamment « un pays » qui représente 40% des exportations d’armes en 2022, qui n’a pas signé le Traité sur le commerce des armes et qui souhaite transférer des armes à base d’uranium faiblement enrichi. Il a accusé ce pays de remettre en question la souveraineté d’autres pays en permettant à des forces séparatistes de proliférer. « De tels agissements ne font qu’augmenter la confrontation, conduisant à plus d’instabilité dans le but de satisfaire des ambitions géopolitiques », a-t-il regretté.
Appelant à développer une architecture de sécurité mondiale « équilibrée », le représentant a rappelé l’initiative de sécurité internationale proposée par le Président Xi Jinping en avril 2022, laquelle repose sur le concept de « sécurité indivisible ». Il affirmé que « la mentalité de la guerre froide et du jeu à somme nulle » ne devait plus prévaloir et que les intérêts de tous devaient être pris au sérieux afin que l’équilibre des forces permettent d’instaurer la paix et la sécurité dans toutes les régions. Le délégué a également rappelé que la Chine a adopté une approche prudente en matière d’exportation d’armement, qu’elle respecte scrupuleusement ses obligations de vérification de l’utilisateur final et qu’elle a adhéré en 2020 au Traité sur le commerce des armes.
Mme SHINO MITSUKO (Japon) a appelé au respect des accords et engagements internationaux mais également à celui des résolutions du Conseil de sécurité qui énumèrent aussi les obligations des États Membres. Elle s’est en effet dite préoccupée par les transferts d’armes de l’Iran et de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) vers la Fédération de Russie, en violation des résolutions du Conseil. Ce dernier, a-t-elle insisté, doit soutenir les enquêtes en la matière pour garantir la pleine mise en œuvre de ses propres décisions. Concernant les « soi-disant » inquiétudes quant au transfert d’équipements de défense à l’Ukraine, la déléguée a estimé qu’il faut revenir au fond du problème, à savoir l’agression russe, condamnée par l’Assemblée générale, y compris le Japon, comme violation claire et flagrante du droit international et de la Charte des Nations Unies. Soulignant le droit de l’Ukraine à la légitime défense, elle a jugé ironique que la Fédération de Russie, qui a hésité à soutenir le Traité sur le commerce des armes malgré les appels répétés de la communauté internationale, accuse aujourd’hui les autres d’en violer les dispositions. Le soutien de la communauté internationale à la cessation de l’agression est « tout à fait légitime » et la Fédération de Russie ne peut abuser de son statut actuel de présidente du Conseil pour distraire la communauté internationale, a conclu la représentante.
M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a relevé que la montée inquiétante des tensions géopolitiques ces dernières années s’est accompagnée d’une hausse mondiale des dépenses militaires, rappelant qu’elles ont atteint en 2022 le chiffre record de 2 100 milliards de dollars, un chiffre qui pourrait augmenter davantage si la confiance entre les grandes puissances continue de s’éroder. Soulignant que le droit des États à développer des capacités de sécurité et de défense pour assurer leur autodéfense est tempéré par des risques et des responsabilités, il a fait valoir qu’un secteur de la sécurité efficace et responsable est indispensable pour faire face aux menaces pesant sur la sécurité ou l’intégrité territoriale des États. Dans le même temps, la prolifération des armes est lourde de conséquences involontaires et constitue une menace importante pour la paix et la stabilité internationales. À ce sujet, le représentant a souligné les progrès réalisés à ce jour en matière de gestion des transferts d’armes dans le respect du droit international, en citant les normes internationales et les meilleures pratiques pour fabriquer, commercialiser et posséder des armes conventionnelles et des armes nécessaires à l’autodéfense, tout en s’attaquant aux risques de commerce illicite et de détournement. Il a cité les différents outils, traités et programmes d’action tels que le Registre des armes classiques, le Système des Nations Unies pour l’établissement de rapports normalisés sur les dépenses militaires ou encore le Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects. Il a toutefois appelé à en faire plus pour accroître l’efficacité du contrôle des armes en mettant fortement l’accent sur les systèmes de suivi et de traçage, pour que les armes livrées dans le cadre de transferts légitimes et de bonne foi ne finissent pas entre de mauvaises mains, en particulier celles de terroristes.
On ne saurait aborder l’impact déstabilisant de la prolifération illicite des armes sans évoquer les armes de destruction massive, a-t-il poursuivi, en particulier les armes chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires qui constituent une menace existentielle. Bien que la mise en place d’instruments internationaux réglementant ces armes fasse depuis longtemps l’objet de discussions au sein et en dehors de cette enceinte, il a plaidé pour le renforcement de la participation et de l’application de ces instruments en encourageant tous les États Membres à adhérer au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et à d’autres accords visant à réglementer les armes de destruction massive, et à respecter toutes les obligations internationales pertinentes, y compris les résolutions du Conseil de sécurité. Enfin, le représentant a fait observer que la discussion d’aujourd’hui a lieu à un moment où des besoins humanitaires urgents et de développement à plus long terme ne sont pas satisfaits de manière adéquate. Il a donc appelé à ne pas perdre de vue que « chaque dollar dépensé pour des armes est un dollar de moins » pour financer les écoles, les hôpitaux, les services publics et les institutions mêmes qui renforcent la paix et la sécurité internationales.
M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a fait valoir le droit de chaque État à recourir légitimement à la force sur son territoire, tout en dénonçant la croissance exponentielle du commerce des armes dans le monde. Il a également rappelé que l’afflux d’armes dans toute situation de conflit ne conduit qu’à une aggravation. Réaffirmant ensuite l’importance des traités internationaux sur les armes, il a jugé regrettable que, parmi les cinq principaux pays exportateurs d’armes, les deux plus importants, à savoir les États-Unis et la Fédération de Russie, aient choisi de ne pas adhérer au Traité sur le commerce des armes. Le représentant a ainsi appelé ces deux pays à reconsidérer leur décision, avant d’insister sur la nécessité d’universaliser ce traité.
Le délégué a par ailleurs estimé qu’une plus grande transparence, dans le cadre de la coopération internationale, est nécessaire pour réduire les risques liés à la production et la vente d’armes. Citant des mesures régionales de désarmement, telles que la convention de la CEDEAO sur les armes légères et de petit calibre, leurs munitions et autres matériels connexes ou encore le Protocole de Nairobi, il a assuré qu’elles visent à garantir la transparence des transferts d’armes afin de permettre aux États d’identifier et de tracer les armes conventionnelles de manière fiable. Tout cela est essentiel pour lutter contre le détournement et empêcher l’acquisition de ces armes par des groupes terroristes, a-t-il insisté. Enfin, après avoir salué l’implication du Conseil de sécurité dans les efforts visant à endiguer le flux d’armes dans les situations de conflit, via le système des sanctions, il a plaidé pour un « recalibrage » de ces dernières afin de garantir que les embargos sur les armes ne sapent pas les efforts légitimes des États qui défendent leur territoire, mais visent plutôt les groupes armés et ceux qui exploitent des accords « opaques » de commerce et de transfert.
Reprenant la parole en réaction aux « attaques politisées » lancées contre son pays, M. NEBENZIA (Fédération de Russie) a tenu à préciser que le débat d’aujourd’hui n’a pas été organisé dans l’optique d’accuser les pays occidentaux de pratiquer le « deux poids, deux mesures » ou de discuter de la situation en Ukraine et des dangers liés aux flux d’armes qui y sont envoyés. Aujourd’hui, l’intention de la Fédération de Russie est d’avoir une discussion « dépolitisée et substantielle » entre les membres du Conseil et les États Membres sur les risques concrets posés par la violation des accords internationaux sur la fourniture de matériels militaires, a-t-il expliqué, ajoutant que ces risques sont bien réels et « que ce n’est pas la faute de la Russie si les politiques des États occidentaux à l’égard de la crise ukrainienne le démontre clairement ». Constatant que « certains membres » du Conseil ont décidé de réduire ce débat à une « répétition d’accusations infondées » à l’encontre de la Russie, le représentant a cité certains exemples « concrets et strictement factuels » de la manière dont les pays occidentaux violent leurs engagements. Il a ainsi estimé qu’« inonder le régime de Kiev d’armes » risque de conduire à ce qu’elles tombent dans le « marché noir » ou entre les mains de la criminalité organisée et de terroristes. Il est maintenant confirmé, selon lui, que des armes fournies par les pays occidentaux ont commencé à « faire surface » dans divers pays européens et remplissent les arsenaux du crime organisé, un fait qui a été « reconnu par les représentants de la police européenne eux-mêmes ». Selon lui, les signataires du Traité sur le commerce des armes ont complètement ignoré leurs engagements, notamment les pays de l’Union européenne (UE), qui ont fourni des armes à Kiev. Ces armes ont été utilisées et le sont toujours pour bombarder des civils et des infrastructures civiles dans le Donbass, a-t-il accusé, avant de reprocher aux pays occidentaux de continuer à fournir à Kiev autant d’armes que possible pour prolonger la « crise » et refuser d’envisager des options de cessez-le-feu.
Affirmant que la contribution cumulée de l’aide militaire directe des membres de l’OTAN au cours de l’année écoulée s’élève à environ 40 milliards de dollars, dont 12 milliards d’euros de l’UE, le délégué a affirmé sans ambages que les pays occidentaux ont toujours ignoré le concept de « comportement responsable », un concept qu’ils prônent pourtant lorsqu’il s’agit de promouvoir leurs propres intérêts. Les États-Unis et leurs alliés, a-t-il dit, étaient bien conscients des conséquences désastreuses de l’utilisation d’obus d’uranium appauvri lors de l’invasion de la Yougoslavie et de l’Iraq, mais cela n’a pas empêché Londres d’annoncer son intention de fournir de telles munitions à Kiev. Si les tentatives d’organiser un audit de l’assistance fournie à Kiev par le Congrès américain n’ont pas trouvé de soutien, le 28 février dernier, le Secrétaire américain à la défense a dû lui-même admettre que Washington recevait des rapports faisant état d’une « mauvaise gestion des armes remises au régime de Kiev », a-t-il poursuivi, ajoutant que, pendant ce temps, les marchés d’armes « fantômes » débordent de matériels fournis par les pays occidentaux à Kiev et continuent d’être alimentés. S’agissant enfin des risques d’intrication entre le complexe militaro-industriel et les gouvernements nationaux, il a averti que les sommes énormes prétendument dépensées pour l’aide à l’Ukraine finissent dans les poches des entreprises occidentales, qui, selon diverses estimations, ont augmenté leurs bénéfices de près de moitié pendant le conflit en Ukraine.
M. YURI AMBRAZEVICH, Vice-Ministre des affaires étrangères du Bélarus, a rappelé que les armes légères et de petit calibre font 250 000 victimes par an. Face aux conséquences des armes les plus meurtrières au monde, il a regretté l’inefficacité des mécanismes en vigueur comme en attestent les flux d’armes sur le marché noir, au profit des groupes terroristes. Il a insisté sur l’importance de la vérification de l’utilisateur final et de l’autorisation préalable de l’État producteur avant toute réexportation. Il a appelé à une mise en œuvre rigoureuse des mécanismes nationaux et internationaux de contrôle des exportations, dénuée de toute considération géopolitique. Il a également voulu que soient interdites les livraisons d’armes vers les zones de conflit, même en l’absence d’un embargo, et proposé que le Conseil de sécurité procède à un examen régulier des transferts d’armes vers ces zones. Le représentant s’est d’ailleurs inquiété de ce que les États membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) multiplient les transferts d’armes vers l’Ukraine, lesquelles finissent par tomber entre les mains des acteurs non étatiques. Ces armes, a-t-il prévenu, vont bientôt se retrouver chez vous, aux mains de vos groupes extrémistes. Il est temps, a martelé le représentant, d’instituer un contrôle « dépolitisé » des transferts d’armes.
M. ARRMANATHA CHRISTIAWAN NASIR (Indonésie) a déploré l’augmentation des ventes d’armes dans le monde alors que l’aide publique au développement (APD), elle, diminue. Si les États ont le droit d’acquérir des armes, leur détournement, lui, doit être strictement interdit et combattu, a-t-il insisté. Le représentant a appelé à la mise en œuvre des mécanismes appropriés, au renforcement des capacités des pays en développement et au partage des informations pour renforcer le traçage des armes. La coopération régionale est particulièrement nécessaire dans ce domaine et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) s’y attelle, a-t-il affirmé. La responsabilité de lutter contre les flux d’armes incombe à tous les États Membres, sans exception, a-t-il conclu.
À la lumière des récents développements, M. KRZYSZTOF MARIA SZCZERSKI (Pologne) a estimé qu’il est particulièrement important que la communauté internationale s’attaque au problème des flux illicites d’armes vers les organisations terroristes et les groupes de mercenaires privés. Toutefois, conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, il s’est dit absolument convaincu qu’un pays agressé par son voisin a le droit d’invoquer la légitime défense et aider ce pays n’est pas seulement acceptable, mais juridiquement fondé et moralement juste. La Pologne, a-t-il dit, est fière de participer à « légitime défense collective » du monde contre un pays qui foule aux pieds les principes les plus fondamentaux de la Charte. C’est précisément pour que l’histoire tragique de la Pologne ne se répète jamais, que feu le Président Lech Kaczyński s’est tenu en 2008 devant la foule à Tbilissi, quand la Géorgie était sur le point de subir une invasion russe. Le représentant a rappelé les mots prophétiques du Président Kaczyński: la Russie croit à son retour, 20 ans après son effondrement, et que la domination sera une caractéristique de la région.
La mission du Président Kaczyński de défendre la souveraineté des pays de la région s’est poursuivie jusqu’au dernier jour de son mandat, brutalement interrompu par un accident d’avion mortel, il y a exactement 13 ans, a précisé le représentant. Il a regretté que l’enquête sur cette tragédie, qui a coûté la vie à 96 personnes, ne soit toujours pas terminée, parce que la Russie s’obstine à cacher certaines preuves cruciales aux enquêteurs polonais, à savoir les restes de l’avion et les enregistrements de vol, sans justification aucune. Il a exhorté la Russie à divulguer ces preuves manquantes, à restituer l’épave de l’avion, qui appartient à la Pologne en vertu du droit international, et à coopérer pleinement avec les enquêteurs polonais pour éclaircir toutes les circonstances d’une catastrophe si caractéristique de l’histoire tragique de la région.
M. XOLISA MFUNDISO MABHONGO (Afrique du Sud) a mis en avant le rôle constructif de son pays dans le contrôle des armes classiques, au niveau international, rappelant entre autres qu’il est toujours un des trois principaux coauteurs de la résolution omnibus annuelle de la Première Commission intitulée « Le commerce illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects ». Le représentant a reconnu que pour certains États, le Traité sur le commerce des armes peut présenter des lacunes, lesquelles ne peuvent en aucun cas devenir un obstacle aux adhésions. Ce traité, a plaidé le représentant, est un instrument unique en son genre, étant donné qu’il n’existe aucune alternative en ce qui concerne le commerce des armes et la promotion du respect de la Charte des Nations Unies. Le représentant a appelé tous les États qui se sont engagés à mettre en place une réglementation responsable en matière de contrôle des exportations d’armes classiques à adhérer au Traité et le ratifier au plus vite.
M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) est revenu sur la résolution 2616 (2021) qu’il a qualifiée de contribution au renforcement des outils à la disposition du Conseil de sécurité pour obtenir le respect des embargos sur les armes.
Il a insisté sur le soutien et le renforcement des différents cadres communs et a appelé au strict respect du Traité sur le commerce des armes, y compris à l’évaluation des risques qu’il prévoit. À ceux qui ne sont pas encore parties au Traité, il a rappelé leur responsabilité de mettre en place des normes de précaution strictes pour le transfert des armes, fondées sur des critères objectifs. Il faut, a-t-il dit, dépasser les intérêts géostratégiques et ceux du secteur privé, qui fait parfois preuve de négligence avec la complaisance des États, a conclu le représentant.
Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a déploré que l’architecture internationale de sécurité soit aujourd’hui « démantelée », rendant l’avenir incertain. Les menaces qui pèsent sur le contrôle des armes sont démultipliées, a-t-elle analysé, quand certains États, connus pour leur malveillance, s’allient à des groupes terroristes. Dans le contexte régional, elle a constaté un afflux transfrontalier d’armes illicites soutenu activement par les autorités des pays d’origine. Elle a appelé la communauté internationale à établir les responsabilités de ces pays, avant de s’inquiéter de l’acquisition d’armes de destruction massive par des groupes terroristes, grâce aux nouvelles technologies. Rappelant le droit des États à la légitime défense, elle a plaidé pour un équilibre entre les obligations des exportateurs et des importateurs, lequel ne saurait entraver le commerce légal des armes classiques.
M. SATTAR AHMADI (République islamique d’Iran) a indiqué que sa délégation a demandé la parole pour donner suite aux « accusations sans fondement » lancées contre son pays, notamment par les États-Unis. L’Iran, qui est victime de groupes terroristes soutenus par l’étranger et de la criminalité organisée, est profondément préoccupé par le transfert illicite d’armes et la fourniture d’armes légères à des groupes terroristes, a-t-il affirmé. Condamnant ensuite fermement les allégations des États-Unis et d’autres membres du Conseil, le délégué a souligné que son pays a toujours respecté ses obligations en vertu du droit international et n’a jamais transféré d’armes en violation de ses obligations. La position de l’Iran sur la crise ukrainienne actuelle est « claire et cohérente », a-t-il fait valoir, avant d’assurer que son pays a toujours plaidé en faveur d’un règlement de ce conflit par des moyens pacifiques. S’agissant des allégations selon lesquelles l’Iran aurait transféré des armes destinées à être utilisées dans le conflit ukrainien, notamment des drones, il les a qualifiées d’« infondées ». Il est évident, à ses yeux, que l’objectif premier est de détourner l’attention du transfert massif d’armes de haute technologie des États-Unis et de l’Occident vers l’Ukraine afin de prolonger le conflit.
Pour les pays en développement, a déclaré M. MOHAMMAD AAMIR KHAN (Pakistan), la coopération internationale est cruciale pour lutter contre l’utilisation illicite des armes classiques et l’établissement de la réglementation nécessaire. Le renforcement des embargos sur les armes imposés par le Conseil de sécurité est également essentiel, mais au-delà de l’aspect lié à la fourniture des armes, il faut, a estimé le représentant, s’attaquer à la demande, à savoir aux causes profondes des conflits et aux causes sous-jacentes de la criminalité organisée. Dans la plupart des cas, la paix et la sécurité sont menacées par les États idéologiquement extrémistes, comme ceux qui cherchent à intimider leurs voisins, réprimer les minorités et toute velléité d’autodétermination, a analysé le représentant.
Les causes profondes des conflits, a-t-il poursuivi, doivent être traitées de manière globale et intégrée. L’heure est venue de lancer un débat sur les liens entre la production excessive, le commerce et l’utilisation des armes et leur impact sur les sociétés, a-t-il estimé, car on ne peut dissocier le contrôle et l’acquisition d’armes. Il est tout simplement ironique que les armes, qui alimentent les conflits, viennent d’une région de paix, essentiellement de quatre grands exportateurs. Le représentant a appelé la communauté internationale à se pencher sur cette question, affirmant que son pays a mis en place un cadre réglementaire strict pour le commerce, l’utilisation et la possession des armes classiques.
M. MOHAMMAD ALI JARDALI (Liban) a fait observer que les conflits en cours au Moyen-Orient sont en grande partie liés à des transferts d’armes illicites, avec pour conséquences une instabilité régionale accrue, la violation des droits humains et la montée en puissance de groupes terroristes ou d’autres acteurs non étatiques. Grâce aux nombreux accords et traités en vigueur, la communauté internationale a un rôle crucial à jouer pour juguler ce phénomène mais cela ne peut suffire, a estimé le représentant. Il importe selon lui que les traités soient renforcés, de même que leur suivi et la bonne vérification des destinataires finaux des armes produites. Les États producteurs d’armes doivent, de leur côté, faire preuve de transparence et communiquer en cas de suspicion de détournement. Les législations nationales doivent quant à elles prévoir une vérification obligatoire des utilisateurs finals et un renforcement des contrôles aux frontières pour intercepter le matériel détourné, par voie terrestre comme par voie maritime, a-t-il encore préconisé. À ses yeux, un contrôle effectif et efficace peut jouer un grand rôle pour réduire l’intensité des conflits et diminuer l’escalade de la violence. Enfin, l’attitude des États Membres doit refléter les résolutions du Conseil de sécurité, a conclu le délégué, pour qui il s’agit de la première condition d’efficacité.