En cours au Siège de l'ONU

9286e séance – après-midi
CS/15233

Ukraine: le Conseil de sécurité prend acte des efforts de l’ONU pour proroger l’Initiative céréalière, sur fond de pressions pénales sur l’exécutif russe

Dans un climat de grande tension, accentuée par l’annonce d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) à l’encontre du Président Vladimir Putin pour « crimes de guerre » en lien avec la déportation d’enfants ukrainiens, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, un exposé du Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires sur les répercussions mondiales de la guerre en Ukraine.  M. Martin Griffiths a profité de cette intervention pour assurer que l’ONU s’emploie à obtenir la prolongation de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, qui doit expirer le 18 mars.  Une autre intervenante, proposée par la Fédération de Russie, a quant à elle été empêchée de s’exprimer à la suite d’un vote de procédure demandé par les États-Unis. 

Avant que ne débute la séance, la représentante des États-Unis a justifié ce vote au motif qu’ « un membre du Conseil » a demandé la participation de Mme Daria Morozova en tant que « médiatrice de la République populaire de Donetsk ».  Inviter cette personne reviendrait à légitimer les tentatives d’annexion de l’Ukraine et à reconnaître une « autorité illégitime », a-t-elle fait valoir, avant d’appeler le Conseil à se prononcer contre.  Son homologue russe a fait la demande inverse, arguant que la participation de cette « militante humanitaire compétente » du Donbass serait parfaitement conforme au règlement de l’organe.  Le Conseil a finalement rejeté l’invitation faite à Mme Morozova par 8 voix contre (Albanie, Équateur, États-Unis, France, Japon, Malte, Royaume-Uni et Suisse), 4 pour (Brésil, Chine, Fédération de Russie et Ghana) et 3 abstentions (Émirats arabes unis, Gabon et Mozambique).   

M. Griffiths a ensuite fait état des implications du conflit ukrainien pour l’insécurité alimentaire mondiale.  Afin de faciliter les exportations russes d’aliments et d’engrais, la Fédération de Russie et le Secrétariat de l’ONU se sont entendus pour lancer l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et conclure un mémorandum d’accord parallèle, a rappelé le Secrétaire général adjoint, selon lequel la signature de ces accords a permis d’apaiser les marchés et de faire baisser les prix alimentaires.  Grâce à l’Initiative, conclue fin juillet 2022, près de 25 millions de tonnes de denrées alimentaires ont été exportées en toute sécurité depuis l’Ukraine, a-t-il indiqué, ajoutant que le Programme alimentaire mondial (PAM) a, lui, pu transporter plus d’un demi-million de tonnes de blé pour soutenir les opérations humanitaires en Afghanistan, en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et au Yémen. 

Sous la direction de son Secrétaire général, l’ONU fait aujourd’hui « tout son possible » pour que l’Initiative puisse se poursuivre, notamment en collaborant étroitement avec toutes les parties, a précisé M. Griffiths.  Il a ajouté que la Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Mme Rebeca Grynspan, et le Secrétaire général lui-même ne ménagent aucun effort pour faciliter la pleine mise en œuvre du protocole d’accord parallèle avec la Fédération de Russie.  Malgré les progrès réalisés, des obstacles subsistent, a reconnu le Coordonnateur des secours d’urgence, avant d’insister sur le caractère « vital » du maintien des deux accords. 

Plusieurs délégations, à l’instar du Royaume-Uni, de Malte et du Danemark, qui s’exprimait au nom des pays nordiques, ont appelé à une prorogation de l’Initiative pour une période de 120 jours.  Les Émirats arabes unis ont salué l’engagement continu du Secrétaire général et de la Türkiye à garantir le renouvellement de cet accord, tout en demandant la mise en œuvre intégrale du protocole d’accord sur les engrais et les produits alimentaires russes, une demande également relayée par le Ghana.  Rappelant pour sa part que 55% des exportations permises par l’Initiative sont destinées aux pays en développement, le Japon a lui aussi appuyé la reconduction automatique du dispositif, soutenu dans ce sens par l’Union européenne, tandis que l’Équateur mettait en garde contre une interruption des opérations du PAM. 

« Tant que la Fédération de Russie continuera de bloquer les ports ukrainiens, le monde aura besoin de l’Initiative », ont renchéri les États-Unis, qui ont annoncé l’octroi à l’Ukraine d’une enveloppe de 7,4 milliards de dollars d’ici à septembre, en plus de l’aide humanitaire et budgétaire déjà versée depuis le début de l’invasion.  Assurant avoir elle aussi fourni une aide d’urgence à l’Ukraine et aux autres pays touchés par le conflit, la Chine a souhaité que l’Initiative soit préservée mais mise en œuvre « de manière équilibrée ». 

De son côté, la Fédération de Russie a maintenu son aval à une prorogation de seulement 60 jours, non sans déplorer que cet accord humanitaire se soit mué en « accord commercial au profit des grandes sociétés occidentales ».  À son avis, le « mémorandum » signé entre la Russie et l’ONU « ne fonctionne tout simplement pas », l’Organisation ayant reconnu ne pas être en mesure de « soustraire les exportations russes aux sanctions occidentales ». 

Par ailleurs, dans une réponse indirecte à l’Ukraine, qui, après avoir signalé que 40% de sa population a besoin d’une aide humanitaire, a dénoncé les déportations illégales d’enfants ukrainiens vers la Russie et salué les mandats d’arrêt émis aujourd’hui par la CPI contre deux individus, le Président Putin et Mme Maria Lvova-Belova, Commissaire russe pour les droits de l’enfant, la délégation russe a réaffirmé son rejet de cette « instance judiciaire internationale incompétente et biaisée ».  Fustigeant un « outil aux mains de l’Occident et toujours prête à rendre justice au moyen de sanctions », elle a rappelé que son pays n’est pas partie au Statut de Rome et que toute décision émanant de cette instance est « nulle et non avenue ». 

L’Albanie a néanmoins vu dans ces mandats d’arrêt une « première victoire pour l’établissement des responsabilités ».  Rappelant que le rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine, publié le 15 mars, reconnaît que « la déportation et l’adoption forcées d’enfants ukrainiens constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité », la Lituanie a enjoint la Russie à rendre ces enfants à leurs parents et tuteurs, à fournir des listes d’enregistrement des enfants enlevés et à permettre à des observateurs indépendants d’accéder aux zones occupées.  Les responsables d’exactions devront rendre des comptes devant les juridictions ukrainiennes et la CPI, a martelé la France en prévenant qu’elle soutiendra les enquêtes. 

MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ DE L’UKRAINE

Vote procédural

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a demandé un vote de procédure au sujet de la participation de Mme Daria Morozova en tant qu’intervenante proposée à cette séance.  Elle a regretté d’avoir à le faire, étant donné que les membres du Conseil ont déjà exprimé leur préoccupation auprès de la présidence.  Les États-Unis, a-t-elle indiqué, appuient pleinement la participation de représentants de la société civile qui peuvent faire part de leur expérience et de leur expertise.  Leur point de vue est essentiel et alimentent les travaux du Conseil.  Cette fois, a ajouté la représentante, un membre a ajouté Mme Morozova en tant que « médiatrice de la République populaire de Donetsk ».  Elle a rappelé qu’après la tentative de la Fédération de Russie d’annexer illégalement le territoire internationalement reconnu de l’Ukraine, l’Assemble générale a adopté l’an dernier une résolution appelant tous les États à ne pas reconnaître quelque modification que ce soit au statut de la région de Donetsk et de s’abstenir de toute interaction pouvant être considérée comme une altération de ce statut.  Il serait donc inapproprié selon elle que le Conseil invite en quelque qualité que ce soit une personne se proclamant « médiatrice de la République populaire de Donetsk ».  Cela reviendrait à légitimer les tentatives d’annexion de l’Ukraine et à reconnaître une autorité illégitime, a fait valoir la représentante, avant d’appeler tous les membres à agir en conformité avec les résolutions pertinentes du Conseil en votant contre cette participation. 

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a précisé que sa délégation a proposé la participation de Mme Daria Morozova à cette séance pour permettre au Conseil d’obtenir des informations directes quant à la situation humanitaire catastrophique dans le Donbass, une région qui, depuis 2014, vit sous les bombardements des forces armées ukrainiennes sans réaction de la part de la communauté internationale.  Il a regretté que ses collègues occidentaux ignorent cette question dans leurs tentatives de « blanchir Kiev ».  L’intervenante en question est une ressortissante de cette région qui participe activement à l’action humanitaire sur place et qui a participé auparavant à des échanges de prisonniers, a-t-il précisé.  Elle est prête à faire part de ses observations au Conseil de sécurité.  Le délégué russe a appelé les membres du Conseil de sécurité à appuyer l’invitation de Mme Morozova en tant que militante humanitaire compétente, arguant que sa participation est parfaitement conforme au règlement intérieur du Conseil. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a rappelé que le but de cette réunion est d’attirer l’attention du Conseil sur la situation humanitaire catastrophique en Ukraine, causée par l’agression de la Fédération de Russie, en violation flagrante du droit international.  Trois résolutions de l’Assemblée générale adoptées à une écrasante majorité des États Membres ont établi clairement que la Fédération de Russie est responsable de la crise humanitaire en Ukraine et au-delà, a-t-il noté.  Le mandat d’arrêt émis aujourd’hui par la Cour pénale internationale (CPI) contre le Commandant en chef russe confirme cette situation a ajouté le représentant selon qui la Fédération de Russie tente de créer des écrans de fumée pour détourner l’attention et instrumentaliser le Conseil à ses fins.  Inviter une représentante de la soi-disant « République populaire de Donetsk » est une tentative désespérée de légitimer ce qui ne peut l’être, à savoir l’agression d’un pays souverain. 

Le Président du Conseil de sécurité a ensuite mis aux voix l’invitation faite à Mme Daria Morozova d’intervenir devant l’hémicycle, laquelle a été rejetée par 8 voix contre (Albanie, Équateur, États-Unis, France, Japon, Malte, Royaume-Uni et Suisse), 4 pour (Brésil, Chine, Fédération de Russie et Ghana) et 3 abstentions (Émirats arabes unis, Gabon, Mozambique).

À l’issue du vote, le délégué de la Fédération de Russie a regretté la décision du Conseil, prise sous des prétextes obscurs.  Vous ne considérez pas les habitants du Donbass comme des êtres humains, a lancé le délégué, aux membres ayant voté contre.  Il a fait observer que c’est la première fois qu’un orateur se voit refuser la parole, rappelant ensuite qu’une récente séance du Conseil sur l’Ukraine a été marquée par l’intervention d’un invité qui a prononcé un tissu de mensonges.  Il a prévenu que dorénavant, son pays devra changer d’approche sur les invitations à s’exprimer devant le Conseil.  Il a ainsi demandé si l’invitation à parler de représentants du Kosovo constitue une violation des résolutions du Conseil, comme le prétend la déléguée des États-Unis à propos de l’oratrice qui s’est vu refuser la parole aujourd’hui. 

Comparer deux réalités qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre est « absolument artificiel », a déclaré le représentant de l’Albanie selon qui la soi-disant République populaire de Donetsk, un territoire de l’Ukraine, annexé illégalement par la Russie, et la République du Kosovo n’ont « rien en commun ».  Il est regrettable que vous tentiez le tout pour le tout lorsque vous êtes acculé, a accusé le représentant s’adressant à son homologue russe.  La soi-disant République populaire de Donetsk annexée de force n’existe que dans les rêves de la Russie, a-t-il ironisé.  Enfin, le représentant a rappelé que le Kosovo et la Serbie interviennent ensemble au Conseil de sécurité et négocient pour trouver des solutions mutuellement convenues à leur problème commun. 

« Estimez-vous que le Kosovo est un territoire reconnu par l’ONU? », a alors interrogé le représentant de la Fédération de Russie.

Déclarations

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a rappelé que, lors de son exposé sur la situation en Ukraine le mois dernier, il avait souligné l’impact humanitaire de cette guerre à grande échelle un an après le début des hostilités.  Il s’est cette fois concentré sur les répercussions mondiales de ce conflit.  Dans un monde déjà en butte à des chocs multiples, allant de la faim aux conflits, en passant par la pandémie de COVID-19, l’urgence climatique et la crise du coût de la vie, cette guerre a des implications très importantes pour l’insécurité alimentaire mondiale, a-t-il fait observer.  La Fédération de Russie et l’Ukraine sont en effet les principaux fournisseurs de produits alimentaires essentiels, et la Fédération de Russie est également l’un des principaux exportateurs d’engrais, a précisé le haut fonctionnaire.  Alors que le monde dépend de ces approvisionnements, il en va de même pour les Nations Unies qui en ont besoin pour fournir de l’aide aux pays en détresse, a-t-il relevé, indiquant que, pour sa réponse humanitaire, le Programme alimentaire mondial (PAM) s’approvisionne en blé surtout en Ukraine. 

En février dernier, lorsque la navigation a été suspendue à partir des ports ukrainiens de la mer Noire, les effets d’entraînement ont été immédiats, a rappelé M. Griffiths, ajoutant qu’en mars, après des hausses régulières depuis le second semestre de 2020, les prix des denrées alimentaires ont atteint des niveaux record dans le monde entier.  Le prix des engrais a également été affecté et il reste plus de 200 fois plus élevé qu’en 2019, a-t-il ajouté.  Pour faciliter les exportations russes de céréales et d’engrais, la Fédération de Russie et le Secrétariat de l’ONU se sont entendus pour lancer l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et conclure un mémorandum d’accord parallèle, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, pour qui la signature de ces accords a été une étape cruciale dans la lutte plus large contre l’insécurité alimentaire mondiale, en particulier dans les pays en développement.  Les marchés se sont apaisés et les prix alimentaires ont continué de baisser, a-t-il affirmé. 

Dans le cadre de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, près de 25 millions de tonnes de denrées alimentaires ont été exportées en toute sécurité depuis l’Ukraine depuis le mois d’août, a indiqué M. Griffiths.  Le PAM a, lui, pu transporter plus d’un demi-million de tonnes de blé pour soutenir les opérations humanitaires en Afghanistan, en Éthiopie, au Kenya, en Somalie et au Yémen, a-t-il précisé, avant d’assurer que, sous la direction du Secrétaire général, l’ONU fait aujourd’hui tout son possible pour que l’Initiative puisse se poursuivre, notamment en collaborant étroitement avec toutes les parties.  Cette semaine, a-t-il dit, des denrées alimentaires ont continué d’être transportées hors d’Ukraine par le corridor maritime humanitaire, sous la supervision du Centre conjoint de coordination.  Il a ajouté que la Secrétaire générale de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), Mme Rebeca Grynspan, et le Secrétaire général lui-même ne ménagent aucun effort pour faciliter la pleine mise en œuvre du protocole d’accord parallèle avec la Fédération de Russie.  Si des progrès ont été réalisés, des obstacles subsistent, notamment en ce qui concerne les systèmes de paiement, a-t-il expliqué, jugeant vital pour la sécurité alimentaire mondiale que ces deux accords restent en vigueur. 

Le Coordonnateur des secours d’urgence a ensuite alerté qu’à l’échelle mondiale, les besoins humanitaires dépassent largement les moyens disponibles.  Pour répondre aux besoins de près de 347 millions de personnes dans 69 pays, une aide d’un montant sans précédent de 54 milliards de dollars est nécessaire, a-t-il souligné.  Alors que le financement humanitaire total a atteint 38,7 milliards de dollars en 2022, il n’est pas certain que ce niveau puisse être atteint cette année, alors même que nous avons besoin de beaucoup plus de soutien de la part des États Membres, a prévenu le haut fonctionnaire, selon lequel il convient également de renforcer la collaboration entre les communautés humanitaires et de développement et les institutions financières internationales.  Ensemble, nous devons chercher des solutions durables aux problèmes qui se posent à nous, a-t-il conclu, en appelant de ses vœux une solution politique à la « terrible guerre » en Ukraine. 

M. ANDRÉS EFREN MONTALVO SOSA (Équateur) a rappelé la contribution de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire pour atténuer les conséquences mondiales de l’insécurité alimentaire exacerbée par le conflit en Ukraine.  Malgré l’incertitude qui entoure la prorogation de cet accord, les opérations du Programme alimentaire mondial (PAM) ne doivent pas être interrompues, a-t-il prévenu, en rappelant que la résolution 2417 (2018) du Conseil exhorte les parties à assurer le bon fonctionnement des marchés alimentaires dans les situations de conflit armé.  Le représentant a insisté sur la nécessité de respecter les systèmes d’approvisionnement en vivres et en eau, rappelant l’interdiction qui existe d’attaquer et de détruire les biens essentiels à la survie de la population civile.  Il s’est dit préoccupé par les conclusions publiées récemment par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur l’impact de la guerre sur l’agriculture et les moyens de subsistance en Ukraine, où les pertes se chiffrent en dizaine de milliards de dollars.  Il a exprimé sa plus vive préoccupation quant au contenu du rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, qui rend compte de violations « cruelles » des droits de l’homme et du droit international humanitaire.  Il y a aujourd’hui exactement un an que la Cour internationale de Justice (CIJ) a ordonné à la Fédération de Russie de suspendre ses opérations militaires en Ukraine, a-t-il rappelé, en demandant que cette décision soit respectée.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a rappelé que, depuis un an, des millions d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens sont victimes des exactions commises par les forces armées russes et leurs supplétifs de Wagner.  Les Nations Unies ont documenté ces violations massives du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a-t-il souligné, avant de relever que, aujourd’hui, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d’arrêt contre le Président Vladimir Putin et la Commissaire russe pour les droits de l’enfant, Mme Maria Lvova-Belova.  La Cour, a-t-il dit, estime qu’il existe suffisamment d’éléments pour établir leur implication dans la déportation et le transfert d’enfants ukrainiens.  Les responsables d’exactions devront rendre des comptes devant les juridictions ukrainiennes et la CPI, dont nous soutenons les enquêtes, a déclaré le représentant. 

Le délégué a ensuite jugé qu’en s’attaquant aux infrastructures agricoles ukrainiennes et en restreignant les exportations maritimes, la Fédération de Russie cherche à instrumentaliser les vulnérabilités de certains pays tiers aux fluctuations des cours ou à l’approvisionnement en céréales.  Saluant la conclusion de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, en juillet dernier, il a constaté que cette mesure a produit les effets attendus.  L’indice FAO des prix alimentaires, qui avait atteint des niveaux record en mars 2022, a ainsi diminué sur 10 mois consécutifs, tandis que, depuis sa signature, l’Initiative a permis l’exportation de plus de 24 millions de tonnes de céréales, dont 55% étaient destinées aux pays en développement.  Il ne doit pas y avoir de chantage sur la prolongation de l’Initiative, a martelé le représentant, non sans saluer l’investissement du Secrétaire général de l’ONU et la contribution de la Türkiye.  Il a ajouté que la France continuera de se mobiliser avec ses partenaires européens pour la mise en œuvre des « corridors de solidarité », qui ont permis l’exportation par voies fluviales et terrestres de plus de 29 millions de tonnes de céréales et d’autres produits alimentaires.  Face à cette agression aux conséquences insupportables sur les populations civiles, l’appui humanitaire, mais aussi militaire et financier de la France à l’Ukraine se poursuivra aussi longtemps qu’il le faudra, a-t-il affirmé. 

Mme LANA NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a rappelé que cette réunion a lieu à la veille de l’expiration de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, « l’une des rares réussites au milieu de la tragédie de ce conflit ».  Soulignant que l’impact sur les marchés mondiaux de la crise ukrainienne a été atténué par cette initiative, elle a rappelé que, selon les estimations des Nations Unies, la réduction des prix des denrées alimentaires de base a indirectement empêché quelque 100 millions de personnes de plonger dans l’extrême pauvreté, puisque 24 millions de tonnes de céréales et plus de 1 600 navires ont traversé la mer Noire en toute sécurité.  La représentante a donc soutenu l’engagement continu du Secrétaire général et de la Türkiye à garantir le renouvellement de cet accord et à résoudre les problèmes qui entravent sa mise en œuvre.  Elle a aussi demandé la mise en œuvre intégrale du protocole d’accord sur les engrais et les produits alimentaires russes et encouragé les efforts pour résoudre les problèmes liés à l’assurance et à l’infrastructure financière et logistique. 

Mme Nusseibeh a souligné l’importance absolue de la protection des enfants dans les conflits armés, en indiquant que les Émirats arabes unis travaillent actuellement à la mise en place d’un programme d’aide de 100 millions de dollars afin d’alléger les souffrances sur le terrain.  Une autre année de ce conflit, c’est une autre année de vies perdues, de communautés détruites et de divisions dans le monde, a-t-elle mis en garde, alors que cette guerre, qui est entrée dans sa deuxième année, n’est plus la tragédie d’un moment et d’un lieu.  Elle risque de devenir un conflit prolongé dont on ne voit pas la fin.  La poursuite d’une victoire militaire totale est un obstacle à une paix juste et durable, a martelé la représentante, en exhortant le Conseil à s’efforcer de trouver une solution au conflit et à continuer de se concentrer sur le règlement des autres conflits dans les pays et les régions qui en ont cruellement besoin.

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a expliqué avoir voté contre la participation d’une intervenante lors du vote de procédure en début de séance, tout en saluant en principe la possibilité qu’a le Conseil d’inviter des intervenants qu’il considère qualifiés en vertu de l’article 39 de son règlement intérieur.  Elle a invoqué la résolution ES11-4 de l’Assemblée générale qui appelle tous les États à s’abstenir de tout acte susceptible d’être interprété comme une reconnaissance de la modification du statut des régions annexées de l’Ukraine.

La représentante a salué et soutenu les efforts de M. Griffiths, notamment pour prolonger l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire.  Elle s’est dite préoccupée par le rapport et par les conclusions de la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine qui ont été publiés cette semaine, en réaffirmant le soutien suisse au mandat et à la poursuite des travaux de cet organe.  Condamnant les frappes persistantes sur les infrastructures civiles, y compris les attaques aveugles de la Russie contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes, la représentante a exigé le plein respect du droit international humanitaire.  « Nul ne peut justifier des attaques ciblées contre les personnes et objets civils. »  Elle a également demandé que le personnel humanitaire obtienne un accès sans entrave aux près des 18 millions de personnes dans le besoin en Ukraine, y compris celles qui se trouvent dans les zones occupées par la Russie.

En dernier lieu, la déléguée a rappelé le fait que l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, en parallèle avec le protocole d’accord axé sur l’exportation de produits alimentaires et d’engrais russes, est essentielle pour la sécurité alimentaire mondiale et doit se poursuivre.  La Suisse appelle donc toutes les parties à redoubler d’efforts afin de trouver une solution durable, dans le but de soulager les conséquences de la guerre, a déclaré la représentante en insistant sur l’importance d’une perspective à long terme pour une meilleure prévisibilité.  La Suisse se félicite des bons offices du Secrétaire général à cet égard, a-t-elle indiqué, et se tient prête à apporter son soutien, notamment dans son rôle d’État hôte.

Mme SHINO MITSUKO (Japon) a déploré que l’agression de la Russie contre l’Ukraine ait aggravé la situation humanitaire en Ukraine et dans le monde entier.  En 2023, 222 millions de personnes dans 53 pays ne savent pas s’ils auront accès à la nourriture, s’est emportée la représentante, estimant que face à la précarité de l’approvisionnement alimentaire mondial, l’Initiative sur l’exportation céréalière par la mer Noire est devenue plus cruciale que jamais.  Cette initiative a permis l’exportation de 24 millions de tonnes de céréales à partir des ports ukrainiens et de sécuriser plus de 1 600 navires à travers la mer Noire, a-t-elle rappelé, précisant que 55% des exportations de denrées alimentaires étaient destinées aux pays en développement.  Elle a appuyé la prorogation automatique de l’Initiative pour la même période, ainsi que son extension, et a invité les parties concernées à collaborer à cet égard.  De même, elle a jugé essentiel de rétablir la capacité de production agricole de l’Ukraine, non seulement pour assurer la stabilité économique, mais aussi pour renforcer l’approvisionnement alimentaire mondial. 

La représentante a ensuite fait savoir que la semaine dernière, le Japon a fourni des semences de tournesol et de maïs à 400 petits exploitants agricoles de Kharkiv, en donnant la priorité aux femmes et aux jeunes agriculteurs, dont la production agricole et les revenus ont diminué en raison de la guerre.

M. FERIT HOXHA (Albanie) a déclaré que la guerre en Ukraine montre que la paix ne sera jamais acquise tant que des dirigeants autoritaires seront au pouvoir.  Il a dénoncé les attaques perpétrées par la Russie contre les civils en Ukraine et les crimes de guerre commis par ce pays.  « Dans quel monde voulons-nous vivre? » a-t-il demandé, avant de se dire résolument en faveur d’un ordre mondial fondé sur des règles.  Il a donc salué le mandat d’arrêt délivré aujourd’hui par la Cour pénale internationale (CPI) comme « une première victoire pour l’établissement des responsabilités ».  La guerre en Ukraine, a-t-il ajouté, concerne le monde entier.  En attendant sa fin, il a appelé à la prorogation illimitée de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et exhorté la Russie à accepter la réalité, à renoncer à la violence et à retirer ses forces du territoire ukrainien.  « Nous resterons aux côtés de l’Ukraine. »

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a présenté la rétrospective du conflit intra-ukrainien provoqué par le « coup d’État anticonstitutionnel de Kiev de février 2014 » que comptait donner Mme Daria Morozova, « dont nos anciens partenaires occidentaux ont tant craint le discours ».  Selon lui, les manifestations dans les régions russophones étaient une « réponse naturelle » aux actions anticonstitutionnelles du nouveau Gouvernement ukrainien.  Le « régime de Kiev » a ensuite envoyé l’armée pour réprimer les rassemblements à l’aide d’armes meurtrières, sous le couvert d’une opération anti-terroriste, avant de mener selon lui une répression brutale de la population civile désormais soumise à un blocus économique.  À ses yeux, l’Ukraine a ainsi légalisé des décisions qui constituent un « génocide » contre sa propre population, avec l’assentiment des pays occidentaux. 

Poursuivant, M. Nebenzia a déploré les pertes civiles et la destruction d’infrastructures enregistrées depuis le 24 février 2022, « à la suite de l’agression armée de l’Ukraine sur le territoire de la "république populaire de Donetsk" ».  En tant que commissaire aux droits de l’homme de ce territoire, Daria Morozova a officiellement informé les organes internationaux des droits de l’homme des violations des droits humains et des crimes de guerre perpétrés selon lui depuis 2014 par l’Ukraine dans la « république populaire de Donetsk ».  Ses appels sont toutefois restés lettre morte, a-t-il ajouté, tout comme la communauté internationale n’a pas su réagir « objectivement » au « sabotage » des accords de Minsk par les autorités ukrainiennes. 

Selon le délégué, l’Ukraine préparait alors une opération militaire à grande échelle dans le Donbass, prévue pour le début mars 2022, comme le démontre l’agression militaire menée par les forces armées ukrainiennes.  C’est sur cette base que la décision de l’évacuation massive des habitants de la région et la demande d’aide à la Fédération de Russie est intervenue.  La réponse à cette demande a donc été « l’opération militaire spéciale » annoncée par le Président Putin pour « protéger la population du Donbass », a encore expliqué M. Nebenzia qui a fustigé l’emploi aveugle d’armes lourdes, de mines antipersonnel et de missiles par l’armée ukrainienne contre la population civile.  Aujourd’hui, Kiev commet des « attentats terroristes et des provocations » contre les infrastructures d’approvisionnement en eau et en électricité, et exécute des prisonniers dans les territoires sous son contrôle, a déclaré le représentant.  Depuis le début de « l’opération militaire spéciale », quelque 4,5 millions de personnes, dont 690 000 enfants ont gagné le territoire russe, la grande majorité accompagnés de leurs parents ou tuteurs, a-t-il ajouté, en disant ne pas comprendre les spéculations faisant état d’un grand nombre d’enfants non accompagnés. 

S’agissant de la prorogation pour 60 jours de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, le représentant a déploré que les pays occidentaux refusent de mentionner cet accord dans ce que produit le Conseil de sécurité.  Cet accord humanitaire s’est selon lui mué en accord commercial au profit des grandes sociétés occidentales, alors que les prix des denrées alimentaires restent élevés.  « Le mémorandum Russie-ONU ne fonctionne tout simplement pas », a dit le représentant, alors que l’Organisation a reconnu, selon lui, qu’elle n’avait pas le levier nécessaire pour soustraire les exportations russes aux sanctions occidentales. 

Le représentant a enfin parlé du mandat d’arrêt émis aujourd’hui par la CPI.  Il provient à ses yeux d’une « instance judiciaire internationale incompétente et biaisée », qui a montré encore une fois son caractère préjudiciable.  « La CPI est un outil aux mains de l’Occident toujours prête à rendre justice au moyen de sanctions », a-t-il dit, en ajoutant que la Fédération de Russie n’est pas partie au Statut de Rome et que toute décision émanant de cette instance est « nulle et non avenue ».  « La CPI est à nos yeux morte », a-t-il conclu. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a fait part de sa préoccupation face à l’absence d’amélioration de la situation humanitaire en Ukraine, rappelant aux deux parties les résolutions pertinentes du Conseil qui appelle à épargner les objets civils et garantir le bon fonctionnement des systèmes alimentaires et des marchés.  Afin de mettre un terme à cette crise humanitaire, le représentant a exhorté tous les États Membres à tendre vers des solutions réalistes pour rétablir la paix et protéger la vie humaine, car, a-t-il affirmé, préserver la dignité humaine doit être « notre priorité ».  Il a également appelé à préserver toutes les possibilités de dialogues, soulignant que les actions militaires, renforcées par les sanctions, ne mettront pas un terme au conflit.  Il a réitéré son soutien en faveur d’une solution négociée, conseillant de bien comprendre les préoccupations sécuritaires des parties et cela de manière « constructive et pragmatique ».

M. GENG SHUANG (Chine) a d’abord fait part de son soutien à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et à son rôle actif de promoteur de la sécurité des installations nucléaires.  Il a annoncé que son pays va verser une somme de 200 000 euros à l’Agence au titre de l’assistance technique à l’Ukraine.  Tout doit être mis en œuvre, a-t-il poursuivi, pour préserver l’assistance humanitaire.  Comme depuis le début du conflit, les zones affectées connaissent une pénurie d’eau, d’électricité et de chauffage, la Chine a offert une aide humanitaire d’urgence à l’Ukraine mais aussi aux pays touchés par les conséquences de la guerre, a rappelé le représentant.  Il a exhorté les parties à garantir un accès rapide et sans entrave aux agents humanitaires et à soutenir l’ONU dans son rôle de coordonnateur des secours d’urgence.  Il faut une aide ciblée en fonction des besoins des populations, a-t-il insisté.

Le représentant a par ailleurs pressé les parties d’œuvrer de concert à l’atténuation des conséquences des crises énergétique et alimentaire.  À cet égard, il a demandé aux États concernés de cesser d’abuser des sanctions unilatérales et de nuire à la coopération commerciale.  Il a félicité le Secrétaire général de l’ONU pour ses contacts avec les parties, afin de préserver l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, laquelle doit être mise en œuvre de manière équilibrée.  Il a plaidé pour la poursuite des efforts diplomatiques en vue d’un règlement pacifique du conflit.  Avant de conclure, le représentant a regretté que le Conseil de sécurité ait eu à voter sur une question de procédure.  Pour lui, l’organe des Nations Unies chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales doit se prononcer par consensus, grâce à des consultations préalables.  Nous devons respecter le Règlement intérieur provisoire et rester cohérents avec nos pratiques, a souligné le représentant. 

M. FELIX OSEI BOATENG (Ghana) a expliqué que sa délégation a voté en faveur de la participation de Mme Daria Morozova, conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, pour lui permettre de faire part de son point de vue personnel sur la situation humanitaire dans la région de Donbass en Ukraine.  Le Ghana ne reconnaît pas la soi-disant « République populaire de Donetsk », ni aucune personne prétendant agir à titre officiel au nom de cette entité, a précisé le représentant, mais Mme Morozova est une résidente de la région de Donbass et, par extension, une citoyenne de l’Ukraine, a-t-il fait valoir, estimant qu’à ce titre, elle aurait pu être autorisée à parler au Conseil.

Le Ghana reste profondément préoccupé par la situation humanitaire générale et, en particulier, par le sort des civils innocents pris dans les feux croisés des combats intenses dans plusieurs villes d’Ukraine, a indiqué le représentant.  Alors que le nombre des victimes et des destructions augmente, il a notamment regretté que l’infrastructure énergétique de l’Ukraine, déjà mise à mal, continue d’être pilonnée sans se soucier des besoins des civils dont la survie en dépend, en particulier en cette saison hivernale.  Et si les infrastructures détruites peuvent être reconstruites, la destruction dans l’esprit et le cœur des gens est peut-être pire que ce que nous pouvons imaginer, s’est-il inquiété.  Compte tenu de l’aggravation des conditions humanitaires, il a renouvelé l’appel du Ghana aux parties pour qu’elles respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit international, du droit international humanitaire et des droits de l’homme.  Les civils doivent être protégés et les prisonniers de guerre traités avec respect, conformément aux mesures prescrites par les conventions de Genève et les protocoles additionnels, a-t-il exigé.

Le représentant a souhaité que les parties renoncent à toute logique militaire visant à gagner la guerre pour parvenir à la paix en Ukraine.  Il a plaidé en faveur du dialogue et de la diplomatie et réitéré son appel à l’intensification des efforts internationaux en vue d’une paix globale, juste et durable en Ukraine.  Dans cet esprit, le représentant a appelé de ses vœux la conclusion d’un accord pour le renouvellement de l’Initiative sur les exportations de céréales par la mer Noire à son expiration le 18 mars de cette année.  Il a également insisté sur la nécessité de poursuivre les efforts et la coopération en ce qui concerne l’exportation de l’ammoniac et des produits agricoles russes.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a déclaré que les effets dévastateurs de la guerre en Ukraine se feront sentir sur des générations.  Elle a dénoncé l’utilisation de la violence sexuelle comme arme de guerre, ainsi que la déportation illicite et par la force de plus de 6 000 enfants ukrainiens.  « De tels actes constituent des crimes de guerre. »  Elle a appuyé les efforts de la CPI afin que les responsables de violations rendent des comptes.  La déléguée a ensuite appelé à la prorogation de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, jugeant celle-ci d’une importance capitale pour la stabilité des prix mondiaux.  Elle a en outre demandé que le Comité international de la Croix-Rouge ait accès aux prisonniers de guerre ukrainiens comme le prévoit la troisième Convention de Genève, qui s’applique au traitement des prisonniers de guerre.  Enfin, la déléguée a exhorté la Russie à retirer ses forces de l’Ukraine.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a rappelé que plus de 21 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire à la suite de l’invasion massive de la Russie, soit plus de 50% de la population ukrainienne d’avant-guerre.  Parmi ces personnes, plus de 5 millions sont déplacées et 8 millions ont fui en Europe en tant que réfugiés.  Il s’agit du déplacement le plus important jamais observé dans le monde depuis des décennies, a-t-il souligné ajoutant que dans les zones sous contrôle russe, environ 4 millions de personnes ont un besoin urgent de protection et d’assistance humanitaires.  « Ces chiffres démontrent l’impact dévastateur des actions de la Russie en Ukraine. »  Passant à la situation à Bakhmout, une ville soumise à des bombardements quasi constants où les infrastructures civiles ont subi des dommages considérables, il a constaté qu’il ne reste plus beaucoup de bâtiments debout et que les conséquences humanitaires y sont extrêmes.  L’aide humanitaire dans la ville s’est arrêtée à la mi-février lorsque les combats se sont intensifiés et qu’il est devenu trop dangereux pour la plupart des secours d’entrer dans la ville, a-t-il rappelé en s’inquiétant pour les près de 4 000 civils extrêmement vulnérables qui restent cachés dans les sous-sols.  Le Royaume-Uni demande par conséquent un accès humanitaire sans entrave et durable à la population ukrainienne, y compris à Bakhmout, a-t-il déclaré, exigeant aussi que la Russie arrête de refuser cet accès et qu’elle mette fin à ses attaques contre les infrastructures essentielles et les zones résidentielles.

Sur un autre volet, le représentant a réitéré le soutien du Royaume-Uni aux efforts déployés par les Nations Unies, en partenariat avec la Türkiye, pour continuer à acheminer les céréales ukrainiennes vers les marchés mondiaux.  L’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire est vitale, a martelé le délégué en faisant remarquer que le monde entier a besoin des céréales ukrainiennes.  Tout doit être mis en œuvre pour lutter contre l’insécurité alimentaire mondiale et faire en sorte que l’aide alimentaire parvienne à ceux qui en ont le plus besoin, a-t-il demandé.  Le représentant a ainsi exhorté la Russie à respecter les termes de l’accord et de la dernière prolongation, qui était d’une durée de 120 jours.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que tant que la Fédération de Russie continuera de bloquer les ports ukrainiens, le monde aura besoin de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, qui a permis d’abaisser les coûts des denrées alimentaires et de sauver des vies.  Seuls trois ports de la mer Noire peuvent actuellement fonctionner, alors que les prix des denrées alimentaires restent à des niveaux historiques à l’échelle mondiale, a-t-elle relevé.  La Fédération de Russie exporte selon elle des denrées alimentaires en quantités au moins aussi élevées qu’avant la guerre, ce que nie la Russie.  En plus de l’aide humanitaire et budgétaire apportée par les États-Unis depuis le début de l’invasion, le Gouvernement américain entend fournir 7,4 milliards de dollars additionnels d’ici à septembre, a précisé la déléguée, en invitant la communauté internationale à faire de même.  Elle a par ailleurs demandé à la Fédération de Russie de mettre un terme à ses attaques sur les infrastructures civiles et les installations nucléaires de l’Ukraine afin de permettre la livraison de l’aide humanitaire.  Pendant ce temps, a-t-elle déploré, des femmes et des filles sont confrontées à une augmentation effrayante des cas de traite et de violence fondée sur le genre en tentant d’échapper aux troupes russes.  « Engageons-nous à faire en sorte que la Fédération de Russie mette un terme à ces atrocités », a-t-elle lancé, en demandant son retrait immédiat et inconditionnel du territoire ukrainien. 

Mme EDWIGE KOUMBY MISSAMBO (Gabon) a, d’entrée, estimé que les réunions de ce Conseil doivent être tournées vers la recherche d’une solution pour les victimes de la guerre en Ukraine, pour les plus de 8 millions de réfugiés, 5 millions de déplacés et plus de 17 millions d’Ukrainiens qui ont besoin d’aide humanitaire.  De toute évidence, la guerre s’enlise davantage, de même que ses conséquences internationales désastreuses comme l’envolée des prix des biens de consommation, s’est inquiétée la représentante.  Dans certains pays, a-t-elle fait observer, l’on voit s’élever depuis peu, un vent de contestation contre l’augmentation du coût de la vie et la réduction du pouvoir d’achat, provoquées par une inflation galopante.  Qu’elles soient directement ou indirectement liées à l’impact de la crise en Ukraine sur les secteurs clefs de l’économie, tels que les prix du carburant, du gaz ou des produits de consommation, ces émeutes urbaines peuvent être des catalyseurs de mouvements déstabilisateurs susceptibles de dégénérer, a-t-elle averti.

Tous ces paramètres doivent être pris en compte dans les projections qui sont faites sur l’issue du conflit, a-t-elle dit, en soulignant le bilan global de la guerre, l’ampleur des pertes et le tribut déjà lourd payé par des populations innocentes.  Elle a appelé les parties à renouveler l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire et ce, pour la durée prévue par l’accord initial.  Cet accord, a-t-elle avoué, reste une lueur d’espoir et une ancre potentielle sur laquelle peuvent s’agréger des initiatives plus larges susceptibles de tracer un chemin vers la cessation des hostilités.  Pour conclure, elle a exhorté les parties à s’engager pour la paix, par un dialogue franc et direct, et à s’abstenir de recourir à des actions unilatérales susceptibles de rétrécir et d’éloigner encore plus la fenêtre des négociations.  Le Gabon est toujours convaincu qu’il n’existe aucune autre issue que l’issue politique et que la cohabitation pacifique est l’objectif ultime. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique) a déclaré que le soutien le plus efficace que le Conseil puisse apporter aux efforts humanitaires en Ukraine consiste à intensifier les efforts pour mettre fin à ce conflit.  Il a déploré que les plus de 22 réunions du Conseil consacrées à la seule Ukraine, depuis 2022, ainsi que les multiples avertissements et offres de médiation, n’ont jusqu’à présent insufflé aucun élan positif vers la paix.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour prendre des mesures concrètes et pragmatiques afin de mettre fin à ce conflit, exhortant à s’éloigner de la dynamique dominante qui assimile le compromis à la défaite et consacre une vision à somme nulle du règlement de ce conflit, avec des gagnants et des perdants.  Dans la recherche d’une solution négociée, les griefs et les préoccupations en matière de sécurité des deux parties devront être abordés, conformément aux principes de la Charte, a recommandé le représentant. 

Qualifiant par ailleurs l’Initiative sur les exportations céréalières par la mer Noire de rare lueur d’espoir de la diplomatie multilatérale, le délégué a appelé à en préserver l’intégrité et à assurer sa continuité. 

M. SERGIY KYSLYTSYA (Ukraine) a salué la décision du Conseil de ne pas permettre à une « citoyenne russe » de s’exprimer aujourd’hui.  Il a indiqué que l’ONU fournit une aide humanitaire vitale à son pays, avant de mentionner la récente visite du Secrétaire général en Ukraine.  Il a rappelé qu’une paix juste ne sera possible que dans le respect de l’intégrité territoriale du pays.  Il a déclaré que l’Ukraine a survécu à l’hiver le plus difficile de son histoire.  « La Russie n’a pas réussi à mettre l’Ukraine à genoux. »  L’ONU a dénoncé les « crimes inimaginables » commis par la Russie en Ukraine, a poursuivi le délégué, en faisant notamment état de viols répétés sur une même personne ou encore le viol d’une femme enceinte qui a fait, peu après, une fausse couche.  Il a dénoncé les déportations illégales d’enfants ukrainiens vers la Russie, avant de saluer les mandats d’arrêts délivrés par la CPI contre deux individus, dont le Président Putin.  Le processus d’établissement des responsabilités se poursuit et ira à son terme, s’est-il félicité.

Le délégué a ensuite rappelé que 40% de la population ukrainienne a besoin d’une aide humanitaire, avant d’insister sur le danger que représentent les mines posées par les soldats russes en Ukraine.  L’Ukraine est désormais l’un des pays les plus minés au monde, s’est-il inquiété.  Le délégué a indiqué que son pays s’est acquitté de ses obligations au titre de l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire, avant de dénoncer les agissements de la Russie en vue de retarder les inspections de navires.  Cette initiative devrait être prorogée et élargie au port ukrainien de Mykolaïv, a-t-il souhaité.  Enfin, le délégué a appelé à la pleine mise en œuvre de la résolution adoptée le 23 février dernier par l’Assemblée générale.

M. OLOF SKOOG, de l’Union européenne, a constaté que depuis un an, la Fédération de Russie peine à trouver une quelconque justification à sa guerre d’agression contre l’Ukraine.  Tandis que le monde souffre de la flambée des prix alimentaires, la « guerre de la Russie » continue d’entraver les efforts d’exportation des céréales ukrainiennes.  « Cela doit cesser », a dit le délégué.  Après que la guerre a perturbé la production agricole et fait grimper les prix mondiaux des denrées alimentaires et des engrais à des niveaux sans précédent, il est crucial que l’Initiative sur l’exportation de céréales par la mer Noire soit renouvelée pour éviter l’arrêt des expéditions de céréales vers les pays en développement. 

Hier, a poursuivi le délégué, la Commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine a conclu que la Fédération de Russie avait commis de nombreuses violations des droits humains et du droit international humanitaire en Ukraine, en plus de crimes de guerre.  Il a condamné dans les termes les plus forts les attaques systématiques et aveugles de la Fédération de Russie contre les populations civiles et les infrastructures essentielles.  « Le représentant de la Fédération de Russie vient de nous dire que seules des armes de précision sont utilisées; il semblerait qu’il vienne confirmer que ces destructions sont bien délibérées et intentionnelles », a-t-il relevé.  Le représentant a en outre noté que le 9 mars, la centrale nucléaire de Zaporijia a de nouveau été coupée du réseau électrique ukrainien pendant plusieurs heures, pour la sixième fois depuis le début de la guerre.  Il a exprimé son appui à l’action de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) visant à assurer la sécurité nucléaire et les garanties conformément aux obligations de l’Ukraine.  Il a aussi réaffirmé son appui au peuple ukrainien et à une approche globale, juste et équitable en faveur de la paix, conformément à la résolution adoptée par l’Assemblée générale le 23 février dernier. 

Au nom des pays nordiques, M. MARTIN BILLE HERMANN (Danemark) a, au regard du caractère humanitaire de la réunion d’aujourd’hui, tenu tout d’abord à présenter ses condoléances au Mozambique, au Malawi et à Madagascar, après les ravages causés par le cyclone Freddy.  Il a ensuite rappelé que, le mois dernier, une majorité écrasante d’États Membres de toutes les régions du monde a adopté une résolution en faveur de la paix en Ukraine, exigeant, une nouvelle fois, que la Russie se retire immédiatement, complètement et inconditionnellement du territoire ukrainien.

Le représentant a mis l’accent sur trois domaines de préoccupation, citant en premier lieu, les conséquences mondiales désastreuses de la guerre d’agression menée par la Russie et l’importance de maintenir l’Initiative sur l’exportation des céréales par la mer Noire, au nom de la sécurité alimentaire mondiale.

Il a exprimé la détermination des pays nordiques à atténuer les conséquences de la guerre dans le monde, en particulier en Afrique où l’insécurité alimentaire est aggravée par la baisse des exportations ukrainiennes.  Il a estimé, à cet égard, que l’Initiative a contribué à stabiliser le marché mondial des denrée alimentaires.  Il a donc demandé à la Russie de faire partie de la solution et d’approuver la prorogation de ladite Initiative pour une nouvelle période de 120 jours.  Pour finir, le représentant a voulu attirer l’attention sur les rapports alarmants faisant état de violence sexuelle et fondée sur le sexe en Ukraine, lesquelles sont perpétrées, pour la plupart d’entre elles, par des militaires russes sur des femmes, des filles, des hommes et des garçons ukrainiens.  Il a averti que nous sommes là devant une violation flagrante du droit international humanitaire qui pourrait constituer un crime de guerre et un crime contre l’humanité.

M. RYTIS PAULAUSKAS (Lituanie), qui s’exprimait au nom des pays baltes (Lituanie, Estonie et Lettonie), a constaté que le bilan humanitaire de la guerre non provoquée de la Russie contre l’Ukraine continue de s’alourdir, avec près de 18 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire, près de 6 millions de personnes déplacées, et 8 millions de réfugiés en Europe et ailleurs.  S’agissant du sort des enfants ukrainiens, le représentant a relevé que le rapport de la Commission internationale indépendante d’enquête sur l’Ukraine, publié le 15 mars 2023, reconnaît que « la déportation et l’adoption forcées d’enfants ukrainiens constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » et qu’il s’agit d’une violation flagrante de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.  À cet égard, il s’est félicité des mandats d’arrêt délivrés aujourd’hui par la CPI à l’encontre de M. Vladimir Putin et de Mme Maria Lvova-Belova.  Il a exigé que la Russie rende ces enfants à leurs parents et tuteurs, fournisse des listes d’enregistrement des enfants qu’elle a enlevés et permette à des observateurs indépendants d’accéder aux installations situées dans les zones d’Ukraine contrôlées ou occupées par la Russie. 

Le représentant a ensuite fait part de son appui à l’Initiative sur les exportations de céréales par la mer Noire, ainsi qu’aux corridors de solidarité de l’UE qui contribuent à réduire le coût mondial des denrées alimentaires et à en fournir aux populations les plus vulnérables.  La Russie doit autoriser la circulation sans restriction des céréales en provenance des ports ukrainiens et prolonger l’Initiative au-delà du 18 mars, a-t-il exigé. 

 

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