9275e séance - après-midi
CS/15220

Armes chimiques en Syrie: le Conseil de sécurité frustré par le manque de coopération de l’autorité syrienne avec l’OIAC

Le Conseil de sécurité s’est penché de nouveau, cet après-midi, sur la question des armes chimiques en Syrie, une séance marquée une fois encore par la frustration de la majorité de ses membres devant le peu de coopération des autorités syriennes avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), tandis que Fédération de Russie et Chine demeuraient silencieuses. 

Cette frustration des membres permanents occidentaux était d’autant plus forte que le Conseil avait entendu, le mois dernier, le Directeur de l’OIAC présenter un rapport -qualifié d’accablant par la France- démontrant comment l’armée de l’air syrienne avait « délibérément » largué, en avril 2018, deux barils de chlore sur des bâtiments résidentiels de Douma, provoquant la mort de 43 personnes.  Le représentant américain a ajouté que, ce jour-là, « la Russie a contrôlé l’espace aérien » de la zone.  « Chacun le sait, nous sommes ici réunis car le régime syrien a utilisé des armes de destruction massive contre sa propre population.  Des enquêtes indépendantes des Nations Unies et de l’OIAC l’ont démontré à neuf reprises », a renchéri la France, qui a en outre exhorté le régime syrien à faire « enfin la lumière sur ses stocks, car nous savons qu’ils n’ont pas tous été détruits ». 

Sur ce point également la séance a été source de frustration.  La Haute-Représentante aux affaires de désarmement a en effet reconnu que les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’OIAC pour clarifier les 20 questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la République arabe syrienne « n’ont pas progressé depuis la dernière réunion du Conseil sur cette question ». 

« Les efforts du Secrétariat technique de l’OIAC pour organiser la prochaine série de consultations entre l’Équipe d’évaluation et l’autorité nationale syrienne continuent aussi d’être vains », a encore constaté Mme Izumi Nakamitsu.  Elle a annoncé que, dans ce contexte difficile, les équipes d’inspecteurs de l’OIAC continuent d’être déployées dans le pays, signe que le Secrétariat technique de l’OIAC demeure résolu à vérifier la pleine mise en œuvre par la Syrie de toutes ses exigences en matière de déclaration et à l’aider à s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques, des décisions des organes directeurs de l’OIAC et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité.  Elle a cependant rappelé que la pleine coopération de la République arabe syrienne avec le Secrétariat est essentielle pour régler toutes les questions en suspens. 

Fait devenu rarissime, ni la Chine ni la Fédération de Russie n’ont pris la parole lors d’une séance qui avait pourtant pour objet l’état de mise en œuvre de la résolution 2118 (2013) relative, notamment, aux progrès accomplis dans l’élimination du programme d’armes chimiques syrien. 

C’est sur ce point que le représentant syrien a tenté de donner des gages, tout en accusant l’OIAC de s’être laissée politiser par les Occidentaux aux seules fins de dénigrement de son pays.  Répétant que la Syrie a détruit la totalité de son stock chimique ainsi que ses installations de production en 2014, « cela dans le cadre d’une coopération constructive avec l’OIAC, il a indiqué à ce propos que l’autorité nationale syrienne avait présenté à ce jour 111 rapports sur ce processus de démantèlement aux inspecteurs et experts de l’Organisation. 

« À son secrétariat technique, nous avons fourni des photos du site de Douma, lequel a été détruit par les forces israéliennes, ce que celles-ci ont reconnu », a aussi affirmé le représentant, qui a exhorté le Conseil à condamner cette agression.  Le représentant syrien a ensuite jugé que les travaux de l’OIAC sont aujourd’hui à ce point politisés que ses rapports ne respectent même plus les méthodes d’élaboration de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, « ce qui permet aux Occidentaux de nous prendre répétitivement pour cible ». 

La France et le Royaume-Uni ont, à l’opposé, salué le travail « indépendant, impartial et professionnel de l’OIAC ».  Pour le représentant français, le Directeur général a fourni une présentation détaillée et convaincante le mois dernier et « aucune campagne de désinformation ne saura cacher la culpabilité du régime ».  Son homologue britannique a estimé que les conclusions de l’OIAC avaient à maintes reprises mis en évidence les tentatives répétées de la Russie de discréditer et de saper son autorité, dans l’unique but « d’ôter toute responsabilité au régime d’Assad ».  La désignation des Casques blancs comme boucs émissaires vise à détourner l’attention, a ajouté la représentante britannique, « alors que le travail des Casques blancs pour sauver des vies a été démontré à maintes reprises, notamment lors du récent tremblement de terre ».

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT - S/2023/158

Déclarations

Mme IZUMI NAKAMITSU, Haute-Représentante du Secrétaire général pour les affaires de désarmement, a reconnu que les efforts déployés par l’Équipe d’évaluation des déclarations de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) pour clarifier les 20 questions en suspens concernant la déclaration initiale et les déclarations ultérieures de la République arabe syrienne n’ont pas progressé depuis la dernière réunion du Conseil sur cette question.  Elle a précisé que les efforts déployés par le Secrétariat technique de l’OIAC pour organiser la prochaine série de consultations entre l’Équipe d’évaluation et l’autorité nationale syrienne continuent aussi d’être vains. 

Mme Nakamitsu a indiqué, qu’à ce jour, le Secrétariat n’a pas encore reçu la déclaration complète des activités du Centre d’études et de recherches scientifiques et celle relative aux quantités d’agents neurotoxiques produites dans une installation de fabrication d’armes chimiques déclarée par la Syrie comme n’ayant jamais été utilisée pour fabriquer des armes chimiques.  Dans ce contexte, a expliqué la Haute-Représentante, une équipe réduite composée de certains membres de l’Équipe a été déployée dans le pays pour y mener des activités limitées du 17 au 22 janvier 2023.  « Ces activités ne prévoyaient pas de consultation technique avec l’autorité nationale syrienne, et le résultat de cette mission sera inclus dans le prochain rapport de l’Équipe d’évaluation », a-t-elle aussi indiqué. 

Mme Nakamitsu a ensuite assuré que le Secrétariat technique de l’OIAC demeure résolu à vérifier la pleine mise en œuvre par la République arabe syrienne de toutes ses exigences en matière de déclaration et à l’aider à s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques, des décisions des organes directeurs de l’OIAC et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité.  Toutefois, a-t-elle insisté, comme cela a été souligné précédemment devant ce Conseil, la pleine coopération de la République arabe syrienne avec le Secrétariat est essentielle pour régler toutes les questions en suspens. 

À cet égard, elle a expliqué que Secrétariat avait demandé à la Syrie de fournir, entre autres, toutes les informations pertinentes concernant le mouvement non autorisé des deux cylindres de chlore employés dans l’incident relatif à des armes chimiques survenu à le 7 avril 2018 à Douma.  À la date du présent rapport, le Secrétariat n’a pas reçu de réponse à cette demande, a-t-elle dit, demandant à nouveau à la République arabe syrienne de répondre de toute urgence à toutes les demandes du Secrétariat technique de l’OIAC. 

Par ailleurs, la Haute-Représentante a noté que le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS) continue de fournir un appui à la Mission de l’OIAC en République arabe syrienne, « conformément à l’Accord tripartite conclu entre l’OIAC, l’UNOPS et la Syrie », cet accord visant à faciliter les activités qui incombent au Secrétariat en Syrie concernant l’élimination complète du programme d’armes chimiques syrien.  La prorogation en vigueur de l’Accord tripartite reste valable jusqu’au 30 juin 2023 inclus, a-t-elle indiqué. 

La Mission d’établissement des faits menée par l’OIAC en Syrie prépare un nouveau déploiement dans le pays, a déclaré Mme Nakamitsu, ajoutant que l’Équipe d’enquête et d’identification du Secrétariat poursuit également ses enquêtes sur les incidents au cours desquels la Mission a déterminé que des armes chimiques ont été utilisées ou ont été probablement utilisées en République arabe syrienne. 

Mme Nakamitsu a rappelé que, le 2 février dernier, le Directeur général de l’OIAC et le Coordonnateur de l’Équipe d’enquête et d’identification avaient présenté leurs conclusions à La Haye, dans lesquelles l’Équipe concluait que l’armée de l’air arabe syrienne était responsable de l’utilisation d’armes chimiques dans l’incident survenu à Douma le 7 avril 2018 et ayant provoqué la mort d’au moins 43 personnes.  Le 7 février dernier, les membres du Conseil ont été informés de ces mêmes éléments, a-t-elle dit. 

En conclusion, la Haute-Représentante a réitéré la position du Secrétaire général de l’ONU, à savoir que toute utilisation d’armes chimiques constitue une violation du droit international et qu’il est impératif que les responsables de telles attaques soient identifiés et tenus pour responsables.  « Ce n’est pas seulement ce que nous devons aux victimes de telles attaques: il est essentiel pour la paix et la sécurité internationales d’assurer le respect continu des normes contre les armes chimiques », a-t-elle souligné, en souhaitant que les membres du Conseil de sécurité puissent s’unir sur cette question pour démontrer qu’une utilisation impunie des armes chimiques ne peut pas être tolérée.

M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) a déclaré que le Conseil devait donner suite aux conclusions de l’enquête sur l’attaque meurtrière perpétrée à Douma en 2018 et prendre des mesures afin d’assurer la pleine mise en œuvre de sa résolution 2118.  Il doit également veiller à ce que des comptes soient rendus par le « régime d’Assad », a lancé le représentant, pour qui la voie est claire: le régime syrien doit respecter ses obligations et assurer la destruction vérifiable de son stock d’armes chimiques restant.  Il doit également permettre à l’équipe d’évaluation des déclarations de se rendre à nouveau dans le pays sans plus attendre, pour y faire la lumière sur les nombreuses incohérences et lacunes liées à la déclaration initiale de Damas. 

Le représentant a ensuite mis en cause la Fédération de Russie, assurant qu’elle contrôlait l’espace aérien syrien et était présente dans la base à partir de laquelle l’armée de l’air syrienne a lancé l’attaque à Douma, avant de rappeler que le régime avait utilisé des armes chimiques contre ses propres civils à neuf reprises au moins.  Pour leur part, les États-Unis imposent déjà des sanctions sous la forme de refus de visa à l’encontre de plus de 300 individus liés au programme d’armes chimiques syrien, a rappelé le représentant, en appelant d’autres pays à faire de même.  Il a également exhorté les États à s’abstenir de normaliser les relations avec le régime syrien jusqu’à que des réparations soient versées pour les graves atteintes portées à l’encontre du peuple syrien.  Nous continuerons, a-t-il dit, d’appuyer tout effort d’enquête entrepris dans le cadre du Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie. 

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a déclaré que tout incident impliquant l’utilisation d’armes chimiques devait être traité de manière transparente et, conformément à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC), faire l’objet d’enquêtes approfondies et impartiales.  Le représentant a insisté de nouveau pour que les autorités syriennes s’acquittent des responsabilités qui leur incombent, et qu’elles entreprennent une coopération efficace, sans entrave, avec l’OIAC.  Il a aussi regretté que, malgré les efforts déployés depuis 2019 par l’Équipe d’évaluation des déclarations pour clarifier toutes les questions en suspens, des incohérences demeurent.  Dès lors, les déclarations de la Syrie ne peuvent être considérées comme exactes et complètes.  La République arabe syrienne devrait pourtant répondre rapidement et avec diligence à toutes les questions en suspens, a-t-il martelé.  Réitérant son soutien à la mission, M. Perez a ajouté que les conclusions du troisième rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification établissaient des motifs suffisants pour désigner l’armée de l’air syrienne comme l’auteure de l’attaque à l’arme chimique dans la ville de Douma, le 7 avril 2018.  « L’impunité ne peut avoir cours pour les responsables de tels actes », a-t-il conclu.  

Mme ALICE JACOBS (Royaume-Uni) a vu dans le dernier rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification une nouvelle confirmation du « mépris » de la Syrie pour ses obligations en vertu du droit international.  Saluant les conclusions du rapport, la représentante a estimé qu’elles mettaient en évidence les tentatives répétées de la Russie de discréditer et de saper l’OIAC, afin d’ôter toute responsabilité au régime de Bashar Al-Assad.  La désignation des Casques blancs comme boucs émissaires vise à détourner l’attention alors que le travail desdits Casques blancs pour sauver des vies a été démontré à maintes reprises, notamment lors du récent tremblement de terre. 

La représentante a rappelé qu’il y a cinq ans aujourd’hui, « deux agents du GRU russe » avaient perpétré une attaque aux armes chimiques au Royaume-Uni, tuant un citoyen britannique et en blessant d’autres.  Ce n’est donc peut-être pas seulement le régime Assad que la Russie tente de protéger, a-t-elle insinué. 

La tragédie de Douma représente le neuvième cas attribué d’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, a rappelé la représentante.  Compte tenu de ce comportement constant et en l’absence de progrès sur l’une ou l’autre des questions en suspens concernant la déclaration de la Syrie, il n’est pas à exclure que le régime utilise à nouveau des armes chimiques, a-t-elle estimé.  Alors que la Syrie continue de ne pas respecter ses obligations au titre de la Convention, son programme d’armes chimiques représente une menace permanente pour la paix et la sécurité internationales.  Il incombe au Conseil de continuer à débattre de cette question et de faire pression sur la Syrie pour qu’elle coopère avec l’OIAC, a conclu la représentante du Royaume-Uni.

M. LUÍS GUILHERME PARGA CINTRA (Brésil) a tout d’abord annoncé que son pays avait fait don de purificateurs d’eau et de sept tonnes d’aliments nutritifs déshydratés au Gouvernement syrien, dans le cadre des efforts visant à répondre aux besoins immédiats des populations touchées par le tremblement de terre.  Le Brésil condamne l’utilisation de toute arme chimique, n’importe où, par n’importe qui et en toutes circonstances, a-t-il poursuivi, ajoutant que l’emploi de telles armes représente une menace pour la paix et la sécurité internationales et une violation directe de la Convention sur les armes chimiques.  Le Brésil considère également l’utilisation ou la menace d’utilisation de toute arme de destruction massive comme incompatible avec le droit international humanitaire.  Concernant le rapport à l’examen, et compte tenu de ses conclusions préoccupantes, le représentant a réitéré la nécessité d’une coopération étroite entre l’OIAC et l’ONU, en particulier le Conseil de sécurité.  Pour le Brésil, les autorités syriennes et l’OIAC doivent s’engager dans une coopération efficace, afin que toute la lumière soit faite quant aux cas d’utilisation d’armes chimiques et pour répondre aux questions en suspens relatives à l’arsenal chimique déclaré de la Syrie et à son processus de destruction.  Cette coopération est essentielle pour clore enfin le « dossier chimique syrien », a conclu le représentant.

M. ADRIAN DOMINIK HAURI (Suisse), notant que cela fait presque 10 ans que la Syrie, sous l’impulsion unanime du Conseil, a soumis à l’OIAC sa déclaration initiale en tant qu’État partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, a déploré, qu’à ce jour, 20 points de cette déclaration demeurent en suspens.  La Suisse réitère sa demande que la Syrie fournisse les réponses nécessaires au Secrétariat technique de l’OIAC, conforme aux décisions des organes politiques de l’OIAC, a-t-il ajouté.  Après avoir rappelé que l’OIAC avait indiqué au Conseil, le mois passé, que l’Équipe d’enquête et d’identification sur l’attaque survenue à Douma en avril 2018 avait conclu qu’il « existe des motifs raisonnables de croire que les auteurs de cette attaque faisaient partie de l’armée de l’air de la République arabe syrienne au moment des faits », il a souligné que la sécurité collective dont le Conseil de sécurité est le garant suprême « se base sur une ferme opposition à tout emploi et toute prolifération d’armes de destruction massive, dont les armes chimiques ».  C’est pourquoi la Suisse demande que les auteurs des attaques chimiques en Syrie répondent de leurs crimes. 

Le représentant a en outre salué la coopération formelle entre l’OIAC et le Mécanisme international, impartial et indépendant pour la Syrie, qui constitue selon lui un rouage important vers l’application de la résolution 2118 du Conseil et du droit international.  « Je tiens à réaffirmer ici notre objectif commun: empêcher l’utilisation des armes chimiques par qui que ce soit, à n’importe quel moment et dans n’importe quelles circonstances », a-t-il conclu.

Mme MAYSOUN HASSAN SALIM ALDAH ALMATROOSHI (Émirats arabes unis) a catégoriquement condamné l’emploi d’armes chimiques.  Pour avancer sur le dossier, elle a appelé à un « dialogue constructif » entre l’OIAC et la Syrie, avant d’insister sur l’importance de respecter les principes techniques sous-tendant la création de l’OIAC, y compris ceux du consensus et de la non-politisation.  Elle a espéré la venue rapide de consultations entre les parties, disant ne pas voir pourquoi elles ne pourraient avoir lieu. 

La représentante a ajouté qu’elle aurait espéré que le rapport comprenne plus de détails au sujet de la visite d’une équipe restreinte à Damas et des résultats de cette visite.  Elle a aussi jugé essentiel de se pencher sur l’usage par les groupes terroristes d’armes chimiques.  Elle a jugé déplorable que les menaces posées par Daech à la stabilité de la Syrie perdurent, citant pour preuve une récente attaque par Daech ayant fait 53 victimes à l’est de Homs.  Elle a conclu en insistant sur l’importance de faire avancer ce dossier pour régler la crise syrienne.

M. ARIAN SPASSE (Albanie) a déclaré: « Neuf fois.  Le régime syrien a utilisé neuf fois des armes chimiques contre son propre peuple, faisant des centaines de victimes, dont des enfants. »  Le rapport le plus récent de l’Équipe d’évaluation des déclarations, a-t-il rappelé, a conclu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le 7 avril 2018, l’armée de l’air syrienne a mené une attaque aux armes chimiques à Douma, tuant 43 personnes et en blessant des dizaines d’autres.  Tout silence face à ces crimes abominables peut être confondu avec une incitation à réutiliser ces armes, a mis en garde le représentant.  Il a par ailleurs exprimé sa préoccupation quant aux lacunes et divergences persistantes dans la déclaration initiale de la Syrie, qui doit faire preuve de coopération sur les 20 questions actuellement en suspens.  Il a dit attendre avec impatience les résultats de la neuvième série d’inspections, en septembre 2022, dans les installations de Barzah et de Jamrayah.

M. DARREN CAMILLERI (Malte) a regretté que les autorités syriennes n’aient toujours pas autorisé l’accès aux sites de l’incident de Douma, malgré les obligations de la Syrie au titre de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118.  Il y a vu une situation qui s’inscrit dans le cadre d’un comportement malheureux de la Syrie sur ce dossier.  Le représentant a dit attendre avec impatience la publication du rapport de l’Équipe d’évaluation des déclarations dans les prochaines semaines, à la suite de l’initiative du Secrétariat technique d’envoyer une équipe réduite de l’Équipe d’évaluation des déclarations en Syrie pour mener des activités limitées dans le pays. 

Pour Malte, la seule façon de garantir au monde que le programme d’armes chimiques de la Syrie a bien été éliminé de manière complète et vérifiable est que ce pays coopère de manière significative avec l’OIAC et fournisse les assurances nécessaires, conformément à la Convention sur les armes chimiques.  Le Conseil de sécurité doit respecter ses propres décisions et faire en sorte que la Syrie respecte les obligations qui lui incombent en vertu de la résolution 2118 et de la Convention sur les armes chimiques, a conclu le représentant.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a déclaré que, « comme chacun le sait, nous sommes ici réunis car le régime syrien a utilisé des armes de destruction massive contre sa propre population ».  Des enquêtes indépendantes des Nations Unies et de l’OIAC l’ont démontré à neuf reprises, a-t-il ajouté, rappelant qu’il y quelques semaines, l’OIAC avait publié un rapport « accablant » démontrant comment l’armée de l’air syrienne a délibérément largué deux barils de chlore sur des bâtiments résidentiels, provoquant la mort de 43 personnes.  C’est pourquoi, a-t-il dit, la France exhorte une nouvelle fois le régime syrien à se conformer immédiatement à ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques. 

Pour le représentant, le régime doit enfin faire la lumière sur ses stocks, « car nous savons qu’ils n’ont pas tous été détruits ».  Déplorant ensuite le fait que la Syrie n’a cessé d’entraver le travail de l’OIAC, « avec une mauvaise foi évidente », M. de Rivière a déclaré que si l’absence de progrès est frustrante, « la responsabilité en incombe intégralement au régime syrien ».  Dans ce contexte, il a souhaité saluer le travail indépendant, impartial et professionnel de l’OIAC, ajoutant qu’aucune campagne de désinformation ne saura cacher la culpabilité du régime syrien.  En effet, « exposer la vérité est essentiel afin de mettre les auteurs de ces attaques face à leurs responsabilités » et, pour la France, « il ne doit y avoir aucune impunité pour les criminels de guerre ».  En conclusion, le représentant a insisté sur le fait que la lutte contre l’impunité est le fondement de l’efficacité et de la crédibilité du régime d’interdiction des armes de destruction massive.

M. HAMAMOTO YUKIYA (Japon) a qualifié le troisième rapport de l’Équipe d’enquête et d’identification de « contribution essentielle » à la découverte de la vérité sur la tragédie survenue à Douma en 2018.  Ce document juge raisonnable de croire que l’armée de l’air syrienne y a perpétré les attaques à l’arme chimique.  Le Japon qui, une fois de plus, a condamné l’utilisation d’armes chimiques par le Gouvernement syrien, a jugé regrettable le manque de progrès concrets sur ce dossier. 

Déplorant l’absence de progrès dans l’organisation d’une réunion de haut niveau entre le Directeur général de l’OIAC et le Ministre syrien des affaires étrangères, ainsi que dans la prochaine série de consultations entre l’Équipe d’évaluation de la déclaration et l’autorité nationale, le représentant a cependant salué la récente visite d’un groupe de membres de ladite équipe en Syrie comme le signe d’un premier pas.  Cependant, a-t-il tempéré, la visite d’un tel groupe, de taille réduite, sans aucune consultation technique avec l’autorité nationale, demeure très insuffisante.  Le représentant a réitéré son appel à la Syrie pour qu’elle garantisse un accès complet et sans entrave au personnel de la mission.  Il a aussi exhorté la Syrie à s’engager de bonne foi avec le Secrétariat technique de l’OIAC et à fournir tous les documents requis pour résoudre les questions en suspens liées aux déclarations initiales et ultérieures soumises par la Syrie. 

Le Conseil de sécurité ne peut rester coi quant au fait que la Syrie ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention et de la résolution 2118 (2013), a conclu M. Hamamoto, pour qui aucun membre du Conseil ne peut tolérer d’excuses pour cet obstructionnisme entêté. 

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), qui s’exprimait au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a appelé toutes les parties directement impliquées dans les enquêtes en cours à assumer leurs responsabilités, en coopérant avec l’Équipe d’investigation et d’identification pour établir les responsabilités.  Il s’est félicité de la coopération fournie entre l’OIAC et les autorités syriennes lors de la dernière mission du groupe restreint d’experts de l’OIAC, considérant qu’il s’agit là d’un pas supplémentaire vers la mise en œuvre complète du programme d’élimination des armes chimiques de Damas.  Pour leur part, en tant que parties à la Convention sur les armes chimiques et de l’OIAC, les A3 défendent le principe du désarmement général et universel de tous les États et préconisent un plus grand engagement et davantage de partenariats entre les États sur les questions liées au désarmement en vue de réaliser la paix et la sécurité internationales.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a souligné combien son pays s’oppose en toute chose à l’utilisation d’armes de destruction massive, demandant à cet égard au Conseil de sécurité de se souvenir du largage des bombes atomiques américaines sur les villes de Nagasaki et Hiroshima.  La Syrie est profondément attachée au désarmement et à la non-prolifération, comme l’atteste, entre autres engagements, son adhésion à la Convention sur les armes chimiques en 2013, a ajouté le représentant.  Il a répété que la Syrie avait détruit la totalité de son stock chimique ainsi que ses installations de production en 2014, cela dans le cadre d’une coopération constructive avec l’OIAC.  Il a rappelé que l’autorité nationale syrienne avait présenté à ce jour 111 rapports sur ce processus de démantèlement aux inspecteurs et experts de l’Organisation.  À son secrétariat technique, nous avons fourni des photos du site de Douma, lequel a été détruit par les forces israéliennes, ce que celles-ci ont reconnu, a aussi affirmé le représentant, qui a exhorté le Conseil à condamner cette agression et à demander que des comptes soient rendus.  C’est, a-t-il lancé, la mission même du Conseil de sécurité que de demander cela. 

Le représentant a ensuite regretté que certains pays continuent à lancer des campagnes pour dénigrer la déclaration initiale de son pays et faire croire que la Syrie ne respecte pas ses engagements et obligations internationaux.  Tout ceci, a-t-il accusé, montre combien les travaux de l’OIAC sont aujourd’hui politisés.  Il en a voulu pour preuve que, désormais, ses rapports ne respectent plus les méthodes de la Convention sur les armes chimiques, « ce qui permet aux Occidentaux de nous prendre répétitivement pour cible ».  Pendant ce temps, a poursuivi le représentant, les Casques blancs, qui ne sont rien d’autre qu’une filiale des terroristes d’el-Nosra, continuent de transmettre des informations mensongères et à préparer la fabrication d’armes de destruction massive, notamment dans la province d’Edleb.  Il faut condamner ces faits, afin d’empêcher que des armes de destruction massive ne tombent entre les mains de groupes terroristes, a-t-il demandé. 

Pour le représentant, le Conseil de sécurité est entré dans un cercle vicieux coûteux en temps et ressources, ce qui l’empêche d’obtenir de vrais résultats.  Enfin, il a appelé le Secrétariat de l’OIAC à communiquer en toute bonne foi, de manière neutre et impartiale, seul moyen selon lui pour que les expertises techniques et scientifique soumises par l’autorité nationale syrienne puissent aboutir à la clôture définitive du dossier syrien.

M. AMIR SAEID IRAVANI (République islamique d’Iran) a condamné tout emploi d’armes chimiques, quel qu’en soit le lieu ou les circonstances.  C’est pourquoi il a condamné les pays occidentaux pour avoir appuyé le régime iraquien lorsqu’il utilisait des armes chimiques contre le peuple iranien.  Saluant le comportement exemplaire de son pays s’agissant de ses obligations envers la Convention sur les armes chimiques, le représentant a déploré une « exploitation politique » de ladite convention.  Quant au dernier rapport de l’OIAC, fondé sur des sources non autorisées, il fait fi des observations présentées par le Gouvernement syrien, a dénoncé le représentant, qui a appelé à remédier à ces lacunes pour assurer l’intégrité des futurs rapports.  Il a aussi réclamé un dialogue entre l’OIAC et les autorités syriennes, selon un « calendrier spécifique », de manière à répondre aux questions en suspens et de clore enfin le dossier, au lieu de politiser sans cesse la question et d’utiliser le principe du « deux poids, deux mesures ».  Enfin, il a jugé tout à fait contre-productives ces réunions mensuelles du Conseil en l’absence de fait nouveau et au cours desquelles les membres répètent leurs doléances.  Elles sont un gaspillage de temps et de ressources pour le Conseil de sécurité, a-t-il conclu.  

Mme CEREN HANDE ÖZGÜR (Türkiye) a rappelé que les questions en suspens liées à la déclaration initiale de la Syrie demeurent et que le Secrétariat technique de l’OIAC attend toujours d’obtenir des réponses aux demandes envoyées au « régime » concernant ses centres de production d’armes chimiques et le mouvement non autorisé de cylindres utilisés lors de l’attaque de Douma en 2018.  La représentante a appelé la Syrie à respecter toutes ses obligations en vertu de la Convention sur les armes chimiques.  Dans son dernier rapport en date, a-t-elle souligné, l’Équipe d’enquête et d’identification indique que le régime syrien est coupable de l’attaque aux armes chimiques commises à Douma en 2018.  L’emploi de ces armes est inacceptable, quelles qu’en soient les circonstances, et la Türkiye continuera d’appuyer les efforts de l’ONU et de l’OIAC visant à assurer la reddition de comptes en Syrie.

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