9270e séance - matin
CS/15212

Libye: le Représentant spécial annonce créer un groupe de haut niveau rassemblant tous les acteurs libyens pour mettre le pays sur la voie des élections

Les Libyens exigent la paix, la stabilité et la prospérité, a rappelé ce matin le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye au Conseil de sécurité, qui examinait la situation dans ce pays au moment du douzième anniversaire de la Révolution de 2011.  M. Abdoulaye Bathily, qui est Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a fait part de ses efforts pour préparer la tenue d’élections en 2023, notamment la mise sur pied d’un groupe de haut niveau rassemblant toutes les parties prenantes libyennes pour élaborer un cadre juridique et une feuille de route limitée dans le temps.  Les membres du Conseil ont presque unanimement salué cette initiative à l’exception de la Fédération de Russie pour qui les tentatives de créer des mécanismes distincts visant à régler le dossier libyen ne seront pas productives. 

En Libye, le processus politique est enlisé, a regretté le Chef de la MANUL dénonçant un processus qui ne répond pas aux aspirations du peuple.  Il a souligné que les Libyens, impatients d’élire leurs dirigeants, remettent en question la volonté et le souhait des acteurs politiques intérimaires actuels de tenir des élections inclusives et transparentes en 2023.  En vue de la sortie de l’impasse actuelle, il a indiqué avoir reçu un grand nombre de propositions orales ou écrites, depuis le 17 décembre 2022, et ce, grâce à des consultations tous azimuts avec les Libyens comme avec les partenaires internationaux et régionaux.

Mais pour l’instant la classe politique libyenne souffre d’une grande crise de la légitimité, a fait remarquer le Représentant spécial en conseillant à celle-ci de convenir d’un socle constitutionnel consensuel pour la tenue des élections présidentielle et législatives, en prévoyant la participation d’un large éventail de parties prenantes.  C’est dans cet esprit qu’il a annoncé sa volonté de mettre sur pied un groupe de haut niveau qui rassemblera des représentants des institutions politiques, de grands acteurs politiques, les chefs tribaux, la société civile, les représentants des femmes et des jeunes, notamment.  Ce groupe abordera par exemple la question de la sécurité des élections et préparera le code de conduite des candidats. 

Ce mécanisme a été soutenu notamment par le Royaume-Uni, qui a suggéré de parvenir à un compromis entre les parties prenantes libyennes en y associant même les fauteurs de troubles potentiels.  Le but est de garantir le respect des résultats des élections, a-t-il expliqué.  La Suisse a également salué ce mécanisme alternatif pour conduire le pays à des élections libres et équitables tout en encourageant les candidatures en grand nombre de femmes. 

Les Émirats arabes unis ont vivement souhaité le succès des efforts du Représentant spécial en espérant des élections parlementaires et présidentielle cette année.  « Aussi rapidement que possible », a renchéri la Chine en appelant à promouvoir des solutions menées par les Libyens.  Il faut éviter toute solution imposée de l’extérieur qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour le pays, a insisté la délégation chinoise.  Pour le Mozambique, qui s’exprimait également au nom du Gabon et du Ghana (les A3), les élections ne sont pas une fin en soi, mais elles peuvent être un catalyseur vers une paix et une sécurité durables en Libye. 

Moins pressée, la Fédération de Russie a mis en garde contre toute précipitation dans l’organisation d’élections.  Un scrutin national mal organisé ne serait probablement pas une panacée pour régler tous les problèmes de la Libye, a argué le représentant en craignant même que cela soit contre-productif si l’on fait fi des progrès réalisés précédemment par la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État.  De plus, il n’a pas jugé productif de créer des mécanismes distincts en vue de régler le dossier libyen.  « Nous ne devrions pas nous nourrir d’illusions quant à la valeur ajoutée de ces formats. » 

Si les conditions permettant la tenue sans heurts d’élections parlementaires et présidentielle sont réunies, il sera possible de mettre fin à la période de transition et de ne pas répéter les erreurs du passé, a reconnu le représentant de la Libye estimant que tout nouveau mécanisme doit se concentrer en priorité et exclusivement sur le délai à respecter pour parvenir à une constitution et permettre l’organisation des scrutins d’ici à la fin de l’année.

La situation économique du pays a aussi été abordée, plusieurs membres du Conseil appelant à une gestion transparente et responsable des ressources naturelles du pays.  En effet, a informé le Représentant spécial, les Libyens demandent une distribution équitable des ressources nationales pour laquelle il faut d’urgence créer un mécanisme mené par les Libyens qui rassemble les parties libyennes.  Celles-ci doivent pouvoir ainsi convenir des priorités en termes d’allocation des ressources et veiller à la gestion transparente et équitable des recettes du pétrole et du gaz. 

La discussion sur la réforme du secteur de la sécurité, autre sujet majeur dans le dossier libyen, a mis en avant l’importance du travail de la Commission militaire conjointe 5+5, y compris de la sous-commission technique conjointe pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR) entérinée en janvier dernier.  La France a promis d’allouer 100 000 dollars au financement des efforts du Représentant spécial à cet égard.  La France a aussi plaidé pour le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye.  Ce retrait a été demandé par les autres membres du Conseil, comme la Fédération de Russie qui l’a voulu « synchronisé et progressif ».  Le représentant de la Libye a appelé à mettre en place un plan pour reconstruire les institutions militaires et de sécurité de son pays, de façon professionnelle et sans les politiser. 

Les membres du Conseil se sont également montrés favorables à la conférence de réconciliation nationale convoquée par l’Union africaine (UA) et le Conseil présidentiel libyen à Tripoli.  Il s’agit d’un processus inclusif centré sur les victimes et qui fait fond sur les principes de justice transitionnelle.  Les délégués ont encouragé les Libyens à mettre en œuvre, avec le concours de l’UA, les mesures nécessaires pour la tenue d’une telle conférence. 

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

M. ABDOULAIE BATHILY, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et Chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), a rappelé que la Libye vient de célébrer le douzième anniversaire de la Révolution de 2011 en exprimant sa détermination à façonner un avenir meilleur: les Libyens ont réitéré leurs exigences en faveur de la paix, la stabilité à long terme et la prospérité.  Le processus politique demeure néanmoins enlisé, a noté le Représentant spécial en faisant remarquer que ce processus ne répond pas pleinement aux aspirations du peuple libyen qui entend élire ses propres dirigeants et revitaliser ses institutions politiques.  Il a fait part de l’impatience des Libyens qui remettent en question la volonté et le souhait des acteurs politiques intérimaires actuels de tenir des élections inclusives et transparentes en 2023.  Il a indiqué de son côté avoir poursuivi, depuis le 17 décembre 2022, ses consultations tous azimuts avec les Libyens ainsi qu’avec les partenaires internationaux et régionaux pour identifier les voies et moyens de sortir de l’impasse politique actuelle.  Il a dit avoir reçu un grand nombre de propositions orales ou par écrit quant aux manières d’en sortir. 

À tous ses interlocuteurs, le Chef de la MANUL a demandé avec insistance de ne plus répéter les modalités de transition qui ne font que servir les intérêts des défenseurs du statu quo.  Il leur a demandé de parler d’une même voix, leur rappelant que leurs intérêts respectifs ne pouvaient être assurés que par le biais d’une issue pacifique stable et prospère.  Tous les partenaires régionaux et internationaux conviennent pleinement de la nécessité de tenir des élections inclusives et transparentes en 2023, a rapporté le Représentant spécial.  S’agissant de l’adoption par la Chambre des députés du treizième amendement à la Constitution, il a dit que son adoption devait encore être entériné par le Haut Conseil d’État.  Cet amendement divise la classe politique libyenne et la population au sens large, alors qu’il ne porte pas sur des questions litigieuses fondamentales, a-t-il expliqué. 

Par ailleurs, le Représentant spécial a noté que la classe politique libyenne souffre d’une grande crise de la légitimité, et ce depuis des années.  Pour surmonter cette crise, il a estimé que la classe politique doit convenir d’un socle constitutionnel consensuel pour la tenue des élections présidentielle et législatives, en prévoyant la participation et l’implication d’un large éventail de parties prenantes.  Il a annoncé à cet égard vouloir mettre sur pied un groupe de haut niveau pour la Libye qui rassemblera toutes les parties prenantes libyennes pertinentes y compris des représentants des institutions politiques, de grands acteurs politiques, les chefs tribaux, les organisations de la société civile, des femmes et des jeunes, en vue d’adopter un cadre juridique et une feuille de route limitée dans le temps pour la tenue des élections en 2023.  Ce groupe fournira également une plateforme pour trouver un consensus au sujet de questions connexes telles que la sécurité des élections et l’adoption d’un code de conduite pour tous les candidats. 

S’agissant de la conférence de réconciliation nationale convoquée par l’Union africaine et le Conseil présidentiel libyen à Tripoli, le Chef de la MANUL a insisté sur le fait qu’il s’agit d’un processus inclusif centré sur les victimes et qui fait fond sur les principes de justice transitionnelle.  Il a encouragé les Libyens à mettre en œuvre, avec le concours de l’UA, les mesures nécessaires pour la tenue d’une telle conférence. 

Pour ce qui est du travail de la Commission militaire conjointe 5+5, le cessez-le-feu continue d’être respecté, a informé le Représentant spécial en précisant qu’aucune violation n’a été enregistrée depuis décembre.  Toutefois la situation sécuritaire demeure fragile, a-t-il mis en garde avant de signaler que la Commission militaire conjointe 5+5 a entériné en janvier le mandat du sous-comité technique conjoint pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (DDR).  La Commission a également décidé d’entamer un dialogue avec les représentants des groupes armés afin de discuter des manières de garantir un environnement propice à la tenue des élections.  M. Bathily a aussi indiqué que les comités de liaison avec la Libye, le Soudan et le Niger, avec l’appui des conseillers de la MANUL, ont élaboré et approuvé un mécanisme intégré pour la coordination et l’échange d’informations entre les trois pays de sorte à faciliter le processus de retrait des mercenaires et des combattants étrangers.  Il a ensuite annoncé son prochain déplacement au Tchad afin d’encourager les autorités de ce pays à appuyer plus avant la mise en œuvre du plan d’action pour le retrait des combattants étrangers et des mercenaires. 

Sur le volet économique, le Représentant spécial a déclaré que la gestion des ressources économiques du pays demeure une vive de source préoccupation pour tous les Libyens, dénonçant le fait que les dépenses allouées aux services de base continuent de manquer.  « Ils demandent la reddition de comptes et la satisfaction de leurs aspirations en faveur d’une distribution équitable des ressources. »  Il faut, a conseillé M. Bathily, aborder cette question de manière urgente et créer un mécanisme mené par les Libyens qui rassemble les parties libyennes pour qu’elles puissent convenir des priorités en termes d’allocation des ressources et veiller à ce que les recettes du pétrole et du gaz soient gérées de manière transparente et équitable.  Il a également appelé à la réunification de la Banque centrale afin d’assurer la reddition de comptes et promouvoir la prospérité économique du pays.  Il a annoncé que le groupe de travail économique du Comité international de suivi de Berlin continue de travailler avec les institutions libyennes de sortent à poursuivre la discussion au sujet d’un accord pour un mécanisme temporaire de contrôle des dépenses. 

Le Représentant spécial a enfin dénoncé le rétrécissement de l’espace civique en Libye appelant les autorités libyennes à cesser toute répression à l’encontre de la société civile, à protéger et promouvoir l’espace civique, et à ne pas interférer dans les travaux des organisations de la société civile.  En outre, les femmes libyennes doivent être représentées de manière effective dans tous les processus politiques et processus de réconciliation., a-t-il conseillé.  Il a salué le projet de loi sur la lutte contre la violence à l’encontre des femmes, qui a officiellement été soumis à la Chambre des députés.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré qu’en vue d’organiser des élections parlementaires et présidentielle, les parties prenantes libyennes doivent faire des compromis et se mettre d’accord sur les conditions des élections.  Les fauteurs de troubles potentiels doivent également être associés à un accord, afin de garantir le respect des résultats des élections, a plaidé la représentante, qui a remercié l’Égypte pour ses efforts visant à soutenir les discussions entre la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État.  Elle a appelé à élargir la négociation politique afin de réaliser des progrès durables vers les élections, et à jeter les bases d’une stabilité à long terme, y compris pour finaliser une constitution, facilitée par le gouvernement élu, et un cycle continu d’élections futures respectant la durée des mandats. 

Pour la déléguée, il est par ailleurs nécessaire de mettre en place des processus économiques et des institutions publiques transparents et responsables, au service de l’ensemble de la population libyenne, par le biais d’une distribution équitable des ressources, de la fourniture de services publics et d’investissements dans ces derniers.  Elle a également indiqué qu’en tant que coprésident du groupe de travail sur la sécurité en Libye, le Royaume-Uni continuera à soutenir les efforts visant à faire travailler ensemble et à unifier à terme les armées libyennes en une seule armée d’État, responsable devant un gouvernement élu et capable de relever tous les défis de la Libye en matière sécuritaire. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que la Suisse avait, en décembre dernier, soutenu le Représentant spécial lors d’un dialogue numérique sur les droits de l’homme avec plus de 300 participants venus de toute la Libye.  Par le passé, nous avons également accueilli plusieurs rencontres organisées par l’ONU sur la Libye et restons à disposition comme pays hôte, a-t-elle assuré.  Plus d’un an après le report des élections, elle a jugé primordial de renouveler la légitimité des institutions libyennes.  À cet égard, elle a salué la présentation du mécanisme alternatif du Représentant spécial pour conduire le pays à des élections libres et équitables.  La représentante a demandé que tout soit fait pour assurer un environnement propice, dans lequel la société libyenne puisse exercer pleinement, et dans toute sa diversité, ses droits politiques et civils, lors des futures élections.  Les candidatures d’un plus grand nombre de femmes à des postes politiques constituent un facteur important, a-t-elle dit.  Elle a d’ailleurs fait part de sa préoccupation devant les actes des violence commis contre les femmes qui participent à la vie publique et aux processus politiques.  Elle s’est aussi dite inquiète face aux restrictions imposées à la société civile, notamment des restrictions bureaucratiques.  Elle a cité en particulier les informations concernant de récentes arrestations en application de la nouvelle loi sur la cybercriminalité.

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a insisté sur l’unité du Conseil de sécurité pour sortir de l’impasse politique en Libye.  Le Conseil ne devrait pas permettre aux acteurs politiques de perdre du temps à leur profit, a-t-il indiqué, avant d’encourager les dirigeants politiques libyens à s’accorder rapidement sur des arrangements définitifs et limités dans le temps pour la tenue d’élections dans le pays en 2023.  Il a salué les évolutions positives récentes sur la voie de la sécurité, y compris la reprise des activités de la Commission militaire conjointe 5+5.  Le délégué a également encouragé les Libyens et la communauté internationale à continuer de travailler ensemble pour poursuivre la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu, afin d’apporter la stabilité au pays.  Il a appelé à accorder une attention soutenue au retrait des mercenaires, des forces étrangères et des combattants étrangers, ainsi qu’au désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) et à la réforme du secteur de la sécurité.  Des efforts continus pour unifier les principales institutions de gouvernance en Libye, y compris la Banque centrale, sont également critiques.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a estimé que le Conseil de sécurité reste l’instance appropriée pour discuter des modifications du mandat de la MANUL et fournir des orientations au Représentant spécial sur sa mise en œuvre.  Ce mandat, tel qu’énoncé dans la résolution 2542 (2020), prévoit une médiation entre les parties libyennes et la fourniture à ces dernières des bons offices de la Mission en vue de garantir une transition politique dirigée et prise en charge par les Libyens, a fait valoir le représentant.  Selon lui, la feuille de route proposée par le Représentant spécial devrait contribuer à un environnement où les acteurs libyens, sans ingérence étrangère, peuvent mettre de côté leurs divergences et se diriger vers des élections.  À cet égard, le délégué a salué l’idée du Représentant spécial visant à favoriser un nouveau dialogue entre toutes les parties prenantes libyennes, dans le but de sortir de l’impasse politique entre le Haut Conseil d’État et la Chambre des députés. 

Évoquant ensuite le régime de sanctions appliqué à la Libye, le représentant a exhorté les États Membres à respecter leur obligation d’empêcher la fourniture, la vente ou le transfert direct ou indirect d’armes et de matériel connexe à ce pays.  Les violations répétées de l’embargo sur les armes enhardissent les adversaires politiques en Libye, a-t-il averti, avant de demander aux autorités libyennes de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de fournir au Comité des sanctions des informations actualisées et détaillées sur l’organisation de leurs institutions de sécurité.  Il a également appelé à tenir pour responsables les acteurs privés ou publics qui se rendent coupables de violations des droits humains et du droit international humanitaire.  Enfin, après avoir réitéré la nécessité du retrait immédiat de toutes les forces étrangères et mercenaires de Libye, ainsi que des stratégies de désarmement, de démobilisation et de réintégration des milices armées locales, il a jugé que la Commission de consolidation de la paix peut aider à promouvoir en Libye une approche intégrée, stratégique et cohérente de la réforme du secteur de la sécurité et, plus largement, du renforcement des institutions, tout en canalisant le soutien d’autres pays. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a dénoncé les divergences de la classe politique libyenne en demandant à celles-ci de tirer les enseignements du passé, d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire du pays et de faire passer les intérêts nationaux avant toute autre considération.  Regrettant le report des élections, il a affirmé que le processus politique actuel ne sert en rien les intérêts nationaux du peuple libyen.  Les parties libyennes devraient se rassembler derrière les efforts du Représentant spécial et permettre un accord qui déboucherait sur l’organisation d’élections parlementaires et présidentielle cette année et sur la création d’un Gouvernement unifié, a-t-il lancé.  Il a plaidé pour une participation réelle et égale des femmes libyennes dans tous les aspects du processus politique, notamment le processus électoral, demandant la protection des femmes et des filles face aux risques de violence.  Il a également jugé fondamental d’impliquer la jeunesse dans le processus politique, arguant qu’elle jouera un rôle capital dans la pérennisation de la paix. 

Le représentant a vivement souhaité le succès des efforts du Chef de la MANUL pour mettre en place un processus permettant de sortir de la période de transition et de garantir une paix pérenne en Libye.  Il a dit que sa délégation appuie l’organisation du forum préparatoire pour la conférence nationale de réconciliation et la mise en œuvre de la stratégie de réconciliation nationale avec la participation de toutes les parties libyennes.  Le délégué a aussi insisté sur l’importance de respecter l’accord de cessez-le-feu afin préserver la stabilité sur tout le territoire libyen, avant de demander des mesures pour unifier les institutions militaires et créer une force militaire conjointe.  Il a réitéré l’importance d’un retrait graduel et équilibré des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires en Libye, appelant en outre à poursuivre la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent.  S’agissant des mesures adoptées par le Conseil, il a souhaité qu’elles n’entravent pas les efforts déployés par les forces libyennes pour réagir aux menaces qui pèsent sur la sécurité dans le pays, notamment dans le sud.  Il a aussi dit de miser sur la stabilité dans toute la région y compris dans le domaine de l’immigration.  Le représentant a, enfin, demandé aux autorités libyennes d’améliorer la transparence et la gouvernance en matière de dépenses publiques, de garantir une redistribution équitable des ressources, de préserver les institutions vitales et de protéger la richesse du pays et sa population. 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a jugé grand temps pour la Libye de tourner la page des jeux politiques à somme nulle, affirmant que l’impasse n’est plus une solution.  Le peuple libyen veut un changement, qui doit commencer par des élections pour rendre leur légitimité aux institutions libyennes, mais il souhaite également le respect des droits humains, la prospérité et la démocratie, a affirmé le représentant.  C’est la raison pour laquelle il est fondamental que le Conseil et la communauté internationale s’expriment à l’unisson avec les 11 interlocuteurs libyens et toutes les parties prenantes en Libye sur le plan sécuritaire, a-t-il estimé.  Le délégué s’est ensuite félicité de la reprise des réunions de la Commission militaire conjointe 5+5, avec la participation des pays de la région, avant de réitérer son appui à l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020.  Il a indiqué qu’il demeure toutefois profondément préoccupé par les atteintes aux droits humains et le rétrécissement qui se poursuit de l’espace civique.  Il a aussi déploré que la Mission indépendante d’établissement des faits chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme en Libye n’ait pas accès à tous les acteurs et à tous les éléments qu’elles souhaitent consulter dans le pays.

M. PEDRO COMISSÁRIO AFONSO (Mozambique), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Mozambique), a exhorté les différents segments de la société libyenne à s’engager dans des pourparlers de bonne foi, et d’œuvrer à l’établissement de la constitution du pays et d’un cadre électoral nécessaire à la tenue rapide d’élections.  Il a salué les efforts du Représentant spécial, tout en précisant qu’il ne peut réussir sa mission si les acteurs politiques libyens ne placent pas les intérêts des Libyens au-dessus de toute autre considération.  Les élections ne sont pas une fin en soi, mais elles peuvent être un catalyseur vers une paix et une sécurité durables en Libye, a-t-il estimé. 

Le représentant a invité les intérêts étrangers en Libye à considérer d’abord les intérêts des Libyens en arrêtant leur soutien aux diverses factions dans ce conflit.  La Libye est un pays africain, et les populations du continent sont les plus affectées par son instabilité, a-t-il rappelé, jugeant légitime pour l’Union africaine de s’engager pleinement à toutes les étapes de la résolution de la crise libyenne, y compris en ce qui concerne la réconciliation, l’organisation du scrutin électoral et le processus politique.  Il a salué la tenue récente de réunions de la Commission militaire conjointe 5+5, avant de condamner la présence de forces étrangères sur le sol libyen.  Leur départ, a-t-il souligné, est essentiel pour un environnement favorable et propice à l’avancement du processus politique en cours, conduisant à la tenue d’élections en 2023. 

Notant que le processus de paix en Libye est inextricablement lié à la stabilité de la région, le représentant des A3 a estimé que des consultations avec les États voisins et la région sont indispensables.  De même, le soutien international devrait être étendu à la coopération transfrontalière dans la lutte contre le trafic d’armes, le terrorisme, la contrebande et la traite des personnes, entre autres.  Après avoir dénoncé les violations continues de l’embargo sur les armes, le représentant a noté que la situation humanitaire en Libye est un sujet de préoccupation profonde.  Il a exhorté à ce que tous les migrants, réfugiés et demandeurs d’asile soient traités avec dignité partout dans le pays, en particulier au large des côtes libyennes.  Il a également demandé des enquêtes approfondies sur les mauvais traitements de ces migrants et réfugiés, et que les responsables de ces traitements inhumains soient identifiés, jugés et condamnés.  Au sujet des mesures concernant les avoirs gelés de la Libye, le délégué a appelé à prendre des mesures en consultations avec les autorités libyennes afin de veiller à leur préservation, en vue de leur restitution au peuple libyen.

M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a regretté que plus d’un an se soit écoulé depuis le report de la tenue des élections présidentielle et législatives en Libye.  Il a cependant salué la reprise, le 5 janvier, des pourparlers entre les Présidents de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, imputant ce rapprochement au travail accompli par le Représentant spécial depuis sa nomination.  Il est prioritaire que les parties s’accordent, dans les meilleurs délais, sur les bases constitutionnelles de la tenue d’élections nationales, transparentes et inclusives, a-t-il plaidé, avant s’étendre sur les conditions de sécurité.  Réaffirmant le soutien de son pays aux travaux de la Commission militaire conjointe 5+5, notamment en ce qui concerne le maintien de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2020, le représentant a estimé que l’élimination de la présence militaire étrangère en Libye doit être une priorité.  Il a salué à ce propos la mise en place d’un mécanisme intégré de coordination et de partage de données par la Commission militaire conjointe 5+5 et les comités de liaison de la Libye, du Soudan et du Niger, en vue de faciliter le retrait complet des mercenaires et des combattants étrangers du pays. 

Après s’être alarmé de la détérioration de l’espace civique en Libye, le délégué s’est également déclaré préoccupé par la situation humanitaire et des droits humains des migrants et des réfugiés dans ce pays.  Exhortant les autorités libyennes à démanteler les réseaux criminels et de traite des êtres humains, il a jugé impératif de veiller à ce que les auteurs de violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme soient traduits en justice.  Il a par ailleurs regretté que l’accord entre l’ONU et le Ministère libyen de la femme, qui prévoyait la mise en œuvre de la résolution 1325 (2000), ait été dissous et a appelé au renforcement de la participation des femmes dans le domaine politique et le processus de paix.  En matière judiciaire, il a salué l’élaboration d’une loi sur la justice transitionnelle et la réconciliation nationale, avant d’appeler le Gouvernement libyen à se conformer à son obligation de coopérer avec la Cour pénale internationale et le Bureau du Procureur.  Cette coopération, a-t-il insisté, est essentielle pour permettre que soient jugés les responsables de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis sur le territoire libyen depuis février 2011. 

M. DAI BING (Chine) a exhorté les parties libyennes à appuyer l’élan imprimé en vue de créer un environnement politique propice à la reconstruction et au développement.  La priorité absolue est selon lui de trouver rapidement un accord sur les questions qui créent des divergences et faire en sorte que les élections puissent avoir lieu aussi rapidement que possible.  Le représentant a souligné l’importance de promouvoir des solutions menées et dirigées par les Libyens, qui devraient être appuyées par le Conseil de sécurité.  Promouvoir un règlement politique en Libye, c’est préserver sa souveraineté et son intégrité territoriale, a plaidé le délégué invitant à prendre en compte les préoccupations de toutes les parties.  Qui plus est, il faut éviter toute solution imposée de l’extérieur qui pourrait avoir des conséquences néfastes pour le pays, a prévenu le représentant. 

Le délégué a en outre appelé à soutenir le processus de réconciliation nationale en Libye et la décision de l’Union africaine d’appuyer ce processus.  Cela permettra d’imprimer un nouvel élan pour la transition, la stabilité, la reconstruction et le développement du pays, a-t-il ajouté.  L’Union africaine doit jouer un rôle plus appuyé sur ce dossier, a encore insisté le représentant de la Chine qui a demandé que les armes se taisent en Libye.  Toutes les parties devraient continuer de travailler au sein de la Commission militaire conjointe 5+5 afin de régler tout différend et éviter tout acte qui pourrait nourrir l’escalade.

M. ROBERT A.  WOOD (États-Unis) a déclaré que la seule voie pérenne pour la Libye est de permettre à son peuple de choisir ses propres dirigeants lors d’élections nationales.  Il a remercié le Gouvernement égyptien de ses efforts en faveur de la tenue d’élections présidentielle et législatives dans ce pays.  Pour le représentant, il faut faire fond sur ces réalisations et poursuivre les efforts facilités par l’ONU visant à galvaniser un vaste consensus et garantir la tenue d’élections couronnées de succès en Libye.  De leur côté, les dirigeants libyens doivent faire montre de la volonté nécessaire pour la tenue de ces scrutins, a-t-il lancé.  Les États-Unis, quant à eux, continueront d’appuyer le travail impartial de la Haute Commission électorale, a dit le représentant, qui s’est félicité de l’assistance technique apportée par la MANUL à cet organe. 

Le délégué a aussi souhaité que les progrès dans le domaine politique s’accompagnent d’avancées dans les domaines sécuritaire et économique.  L’élaboration d’un mécanisme de gestion des recettes serait susceptible de soutenir ces progrès, de même que la réunification de la Banque centrale libyenne, a-t-il fait valoir, arguant que cela permettrait au peuple libyen de voir comment les richesses du pays sont redistribuées.  Enfin, après avoir demandé aux combattants étrangers et aux mercenaires de quitter le territoire libyen, le représentant a déploré le sort réservé aux migrants en Libye et le traitement inhumain qui leur est réservé dans des centres illégaux de détention. 

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que la Libye et son peuple méritent mieux que l’insoutenable impasse à laquelle leur classe politique les condamne.  Les Libyens méritent mieux qu’un pays où forces étrangères, mercenaires et milices enracinent leur présence et resserrent leur emprise au mépris de la souveraineté, de l’intégrité, de la stabilité et de l’unité libyennes, a—t-elle ajouté.  Douze ans après la révolution de février 2011, ils méritent mieux qu’une société où l’espace démocratique et les libertés fondamentales sont menacés, s’est impatientée la déléguée qui a rappelé le besoin de redistribution équitable et transparente des revenus du pétrole au profit de toutes les régions libyennes.  Elle a de ce fait appelé à la relance du processus électoral, expliquant qu’un gouvernement libyen unifié est nécessaire pour organiser ces élections sur l’ensemble du territoire, contrôler ses frontières et y gouverner partout et pour tous.  Elle a insisté sur l’importance de garantir l’égalité des chances entre les candidats. 

La représentante a appelé à soutenir la Commission militaire conjointe 5+5, rassemblant acteurs sécuritaires de l’est et de l’ouest, notamment en faveur d’une armée libyenne unifiée et du processus de démantèlement et de réintégration des milices.  C’est pourquoi la France a décidé d’allouer 100 000 dollars au financement des efforts que mène le Représentant spécial en appui des travaux de la Commission.  Enfin, a-t-elle déclaré, la France continuera également à exiger le respect de l’embargo sur les armes et le retrait de l’ensemble des forces étrangères, des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen, en coopération avec les pays voisins de la Libye.

M. DMITRY A.  POLYANSKIY (Fédération de Russie) a regretté l’échec des initiatives visant à rétablir pleinement l’État libyen, le report des élections et l’expiration de la feuille de route du Forum de dialogue politique interlibyen.  Exprimant son soutien de principe aux efforts du Représentant spécial, le délégué a mis en garde contre toute précipitation dans l’organisation des élections.  Un scrutin national mal organisé ne serait probablement pas une panacée pour tous les problèmes de la Libye, selon lui, ce serait même contre-productif de faire fi des progrès réalisés précédemment par la Chambre des députés et le Haut Conseil d’État.  Il a dit soutenir les efforts en cours de réconciliation nationale de l’Union africaine.  Pour avancer sur la voie de la paix, a poursuivi le représentant, il faudra des efforts coordonnés de la part de tous les acteurs régionaux et internationaux impliqués compte tenu notamment du fait que le schisme au sein de la Libye maintient l’impasse actuelle.  Manipuler les parties libyennes et influencer de manière unilatérale la situation sur le terrain ne contribueront pas à la recherche d’une solution politique et ne feront qu’exacerber le schisme dans le pays, a prévenu le représentant russe. 

Pour lui, les tentatives de créer des mécanismes distincts visant à régler le dossier libyen ne seront pas productives.  « Nous ne devrions pas nous nourrir d’illusions quant à la valeur ajoutée de ces formats. »  Le représentant a mis en garde que le règlement politique n’est que le prélude d’un travail difficile qui attend les Libyens.  Il a dénoncé l’hypocrisie de certains pays occidentaux qui ne défendent que leurs propres intérêts géopolitiques et commerciaux.  Washington demeure profondément impliqué dans le dossier libyen, a constaté le représentant, se disant étonné des nombreuses déclarations publiques et des visites dans le pays de hauts dignitaires américains.  Leur objectif réel est selon lui de maintenir le statu quo en faisant de la Libye un exportateur stable de pétrole sur les marchés internationaux.  Le délégué a fait appel à la sagesse du peuple libyen pour qu’il ne tombe dans ce piège.  La Russie, a-t-il dit en concluant son intervention, est favorable à un retrait synchronisé et progressif de tous les groupes armés et des contingents militaires non libyens, sans exception.

Mme VANESSA FRAZIER (Malte) s’est déclarée inquiète de « l’impasse politique stagnante » en Libye ainsi que de la polarisation du pays.  Elle a toutefois salué les consultations menées par le Représentant spécial avec un large éventail d’acteurs libyens et a noté avec satisfaction qu’il existe parmi ces derniers une convergence croissante d’opinions favorables à la tenue d’élections cette année.  Réaffirmant que le peuple libyen a le droit de choisir ses propres dirigeants par le biais d’élections libres, équitables et inclusives, elle a appelé toutes les parties à dialoguer avec le Représentant spécial de manière constructive et de bonne foi afin de surmonter leurs divisions politiques et institutionnelles.  Par ailleurs, tout en relevant le rôle crucial que joue la Commission militaire conjointe 5+5 pour maintenir le cessez-le-feu, la représentante a exhorté les acteurs libyens à s’abstenir de toute escalade et à donner la priorité à la protection des civils.  Elle a également jugé que le retrait des combattants étrangers et des mercenaires du territoire libyen devrait être une priorité dans tout processus politique, se félicitant à cet égard de la mise en place d’un mécanisme de coordination conjoint entre la Libye, le Soudan et le Niger.  Il s’agit, selon elle, d’une étape supplémentaire importante vers la stabilité et la promotion d’un climat favorable au processus politique.  Pour l’appuyer, a-t-elle indiqué, il convient d’appliquer pleinement l’embargo sur les armes, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.

M. TAHER M. T.  ELSONNI (Libye) a commencé par blâmer les interventions négatives pratiquées par certains pays dans le sien, les accusant d’avoir exploité les rêves de changement de son peuple.  Il a plaidé pour une approche plus positive, se félicitant des tentatives, engagées aux niveaux régional et international, pour trouver des solutions, de la part de parties qui étaient autrefois des adversaires.  Le représentant a également salué les initiatives qui visent à permettre à la Libye de s’engager sur la voie de la démocratie et de tenir des élections le plus rapidement possible.  Si les conditions permettant la tenue sans heurts d’élections parlementaires et présidentielle sont réunies, il sera possible selon lui de mettre fin à la période de transition et de ne pas répéter les erreurs du passé.  L’heure étant venue de changer de cap, tout nouveau mécanisme doit donc se concentrer en priorité et exclusivement sur le délai à respecter pour parvenir à une constitution et permettre l’organisation des scrutins d’ici à la fin de l’année, a insisté le représentant. 

Il a ensuite appelé tout un chacun à prêter un appui à la Commission militaire conjointe 5+5, qui est à pied d’œuvre pour réunifier l’armée, avant de rejeter la présence de forces étrangères sur le territoire libyen.  Il faut donc mettre en place un plan pour reconstruire les institutions militaires et de sécurité, de façon professionnelle et sans les politiser, a-t-il dit.  Le délégué a ensuite demandé que soit révisé le régime de sanctions, vieux de 12 ans, demandant en particulier que soient dégelés les avoirs dont la Libye a besoin.  Il a constaté que certains acteurs souhaitent faire main basse sur les richesses libyennes.  Enfin, le délégué a demandé de radier de la liste des sanctions certains individus qui y figurent pour des raisons injustifiées ou pour des raisons qui ont perdu leur pertinence au fil des années.

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