Mali: le Conseil de sécurité se penche sur l’avenir de la Mission de l’ONU à la lumière de la situation sur le terrain et des propositions du Secrétaire général
Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, le compte rendu de la situation au Mali, fait par le Représentant spécial du Secrétaire général au Mali et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). M. El-Ghassim Wane a également évoqué, comme tous les orateurs, le rapport sur l’examen interne de la MINUSMA dans lequel le Secrétaire général avertit que « le contexte actuel au Mali montre que le statu quo n’est pas une solution ».
Dans ce rapport, le Secrétaire général relève qu’après une dizaine d’années, l’examen de la Mission a montré que les priorités stratégiques et les tâches correspondantes demeuraient pertinentes, en particulier jusqu’à la fin de la transition en mars 2024. Il fait notamment trois propositions majeures. Premièrement, il suggère d’augmenter les capacités de manière à permettre à la Mission d’exécuter son mandat dans son intégralité dans tous les secteurs où elle est déployée. Ensuite, il suggère de continuer de se concentrer sur les priorités stratégiques avec une présence consolidée. Enfin, il propose de retirer les unités en tenue et transformer la Mission en mission politique spéciale.
En outre, le Secrétaire général souligne que la capacité de la MINUSMA de s’acquitter efficacement de son mandat et de contribuer à l’amélioration de la situation politique et des conditions de sécurité dépendra de quatre paramètres clefs: l’avancement de la transition politique, conformément au chronogramme électoral publié par les autorités de transition; les progrès accomplis dans l’application de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali; la liberté de circulation, y compris pour les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance essentiels à la sûreté et à la sécurité des soldats de la paix; et la capacité d’exécuter l’intégralité du mandat que lui a confié le Conseil de sécurité, y compris les dispositions relatives aux droits humains. Ces paramètres seraient le fondement d’une relation stable et prévisible entre la Mission et les autorités maliennes, dans le cadre de l’accord sur le statut des forces, a pronostiqué M. Guterres
Les quatre paramètres identifiés pourraient constituer la base d’une relation stable et prévisible entre la Mission et son pays hôte, ont relevé des délégations, dont celle de la Suisse, tandis que le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali a regretté que « les propositions contenues dans ce rapport ne prennent pas en compte les attentes légitimes du peuple malien qui sont avant tout d’ordre sécuritaire ». M. Abdoulaye Diop a considéré que les propositions du Secrétaire général se limitent, pour l’essentiel, à des variations du nombre de personnel de la MINUSMA ou sa transformation en une mission politique spéciale. Or, « le principal défi auquel la Mission est confrontée est celui de l’adaptation de son mandat à l’environnement sécuritaire dans lequel elle est déployée et qui requiert un changement de doctrine, de règles d’engagement et surtout une volonté politique véritable d’aider le pays hôte à sortir de la crise ».
Cette posture a d’ailleurs été soutenue par la Chine qui a estimé qu’« à l’heure de reconfigurer la Mission, le Conseil de sécurité devrait tenir compte du point de vue exprimé par le Gouvernement malien, de sorte à créer un environnement propice à l’exécution de son mandat ». Même son de cloche pour les A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), qui ont encouragé les efforts conjoints régionaux pour entreprendre les opérations antiterroristes requises jusqu’à ce que le personnel de sécurité malien soit en mesure de prendre pleinement en charge la situation sécuritaire dans le pays. Au-delà de la présence de la MINUSMA au Mali, le représentant a d’ailleurs souligné le rôle joué par les mécanismes régionaux pour aider à assurer la sécurité régionale, notamment la Force conjointe du G5 Sahel, l’Initiative d’Accra et la Force multinationale mixte (FMM).
« Sans engagements clairs et sans gestes concrets, il ne sera pas possible de renouer la confiance et de rétablir une dynamique de partenariat », a averti la France pour qui les prochains mois seront décisifs pour le futur de la MINUSMA. Toutes les options sur la table devront être discutées avec l’ensemble des parties prenantes.
Le Représentant spécial a noté que le Mali débute une année critique sur la voie du retour à l’ordre constitutionnel, avec plusieurs scrutins prévus à partir de mars. Sur le plan sécuritaire, il a évoqué une situation qui demeure complexe, en particulier dans le centre et dans la zone des frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Il s’est dit encouragé de constater que des moyens aériens supplémentaires provenant de l’Inde et du Bangladesh devraient être déployés à Tombouctou et à Gao respectivement, dans les mois à venir, tandis que l’unité d’hélicoptères pakistanais actuellement basée à Tombouctou sera transférée à Mopti. M. Wane a appelé à renforcer la coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, conformément aux dispositions pertinentes du mandat de la Mission et au protocole d’accord de novembre 2017 entre la MINUSMA et le Mali, avant d’insister sur le respect de la liberté de mouvement, conformément à l’accord sur le statut des forces.
Après la libération des 46 soldats ivoiriens, le Brésil a espéré que les autorités de transition traiteront désormais la question de la rotation des contingents d’une manière plus rapide et compatible avec l’objectif commun de rendre le travail de la MINUSMA plus sûr et efficace. Selon les États-Unis, la violation de l’accord sur le statut des forces devrait contraindre le Conseil à réexaminer le soutien apporté à la MINUSMA dans sa forme actuelle. De même, le Royaume-Uni a jugé nécessaire d’examiner la relation entre la Mission et les forces maliennes, d’autant plus que le rapport à l’étude confirme la présence au Mali de personnel de sécurité étranger appartenant au groupe russe Wagner.
Plusieurs délégations ayant fait allusion à cette présence, la Fédération de Russie a dénoncé « les approches néocoloniales occidentales », qui, combinées à l’absence de résultats tangibles dans la stabilisation du Mali après de nombreuses années de présence militaire, expliquent le fait que les Maliens aient décidé de trouver de nouveaux partenaires.
S’exprimant en visioconférence, Mme Aminata Cheick Dicko de la société civile a déclaré porter la voix des « filles et fils du Mali ». Elle a notamment plaidé pour le respect des libertés publiques et de l’espace démocratique garantis par la Constitution afin de permettre aux Maliens de s’exprimer librement.
LA SITUATION AU MALI
Rapport du Secrétaire général (S/2023/21)
Examen interne de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (S/2023/36)
Déclarations
M. EL-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général au Mali et Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a rappelé que nous sommes à mi-chemin du cycle du mandat de la Mission tel que renouvelé en juin dernier, avec l’accent mis sur le soutien à la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le processus de transition et la stabilisation des régions du centre. Il a aussi noté que le Mali débute une année critique sur la voie du retour à l’ordre constitutionnel, avec plusieurs scrutins prévus à partir de mars. De plus, nous venons de conclure la revue stratégique de la Mission, tel que demandé par ce Conseil, avec des propositions sur la voie à suivre, a-t-il souligné.
Sur le plan sécuritaire, M. Wane a évoqué une situation qui demeure complexe, en particulier dans le centre et dans la zone des frontières entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger. En effet, les activités du Jama’a Nusrat ul-Islam wa al-Muslimin (JNIM) et de l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) continuent d’entretenir l’insécurité à Gao et Ménaka, tandis que les autres régions du nord sont gravement touchées par le déplacement des populations affectées. Il a mentionné des affrontements entre le JNIM et l’EIGS, comme cela a été observé en divers endroits en décembre et janvier, et la poursuite des attaques délibérées de ces deux groupes contre les civils. Dans le centre du Mali, les Forces armées maliennes ont intensifié leurs efforts, ce qui a permis une amélioration dans certaines localités et une diminution du nombre d’incidents de sécurité. Néanmoins, les groupes extrémistes conservent la capacité de mener des opérations coordonnées complexes, comme en témoignent les attaques revendiquées par le JNIM dans le cercle de Tenenkou, région de Mopti, et le cercle de Macina, région de Ségou, le 10 janvier. En 2022, Mopti est restée la région qui a connu le plus grand nombre d’incidents et la plus grande proportion de victimes, a-t-il relevé.
Du fait de la persistance des défis sécuritaires, le nombre de déplacés internes reste élevé, a précisé le Représentant spécial. Au mois de décembre 2022, il s’élevait à 412 387, tandis que 8,8 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, soit 17% de plus qu’au début de l’année 2022. Dans le même temps, 2 millions d’enfants de moins de 5 ans restent affectés par la malnutrition aiguë. La sécurité du personnel humanitaire reste une préoccupation majeure, puisqu’en 2022, 124 incidents ont touché le personnel humanitaire, dont cinq travailleurs humanitaires tués dans les régions de Kayes, Ménaka et Ségou. La nécessité de mobiliser des ressources supplémentaires est tout aussi importante. À ce jour, seuls 38% des 686 millions de dollars demandés dans le cadre du Plan de réponse humanitaire 2022 ont été obtenus.
Au cours du dernier trimestre, a expliqué M. Wane, la MINUSMA a continué à déployer des efforts soutenus pour protéger les civils malgré l’environnement difficile dans lequel elle opère et les lacunes importantes auxquelles la Mission est confrontée en termes de capacités. Dans la période à venir, la capacité de la MINUSMA à contribuer efficacement à l’amélioration de la situation sécuritaire en appui aux Forces de défense et de sécurité maliennes dépendra de plusieurs facteurs, a-t-il dit. Le premier facteur a trait à la mise à disposition des capacités requises et le remplacement en temps voulu des pays contributeurs sur le départ. Il est encourageant de constater que des moyens aériens supplémentaires provenant de l’Inde et du Bangladesh devraient être déployés à Tombouctou et à Gao respectivement, dans les mois à venir, tandis que l’unité d’hélicoptères pakistanais actuellement basée à Tombouctou sera transférée à Mopti. Nous travaillons également avec les autorités maliennes pour la mise à disposition d’un terrain à Tombouctou afin de permettre le déploiement de l’unité de renseignement, de surveillance et de reconnaissance promise depuis longtemps par la Chine, a noté le diplomate. Deuxièmement, a-t-il poursuivi, il est nécessaire de renforcer la coordination avec les Forces de défense et de sécurité maliennes, conformément aux dispositions pertinentes du mandat de la Mission et au protocole d’accord de novembre 2017 entre la MINUSMA et le Mali. L’utilisation judicieuse des ressources et des capacités existantes est primordiale, notamment pour la protection des civils. Il a insisté sur le respect de la liberté de mouvement, conformément à l’accord sur le statut des forces.
Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le Représentant spécial a estimé que la stratégie pour la stabilisation des régions du centre, adoptée par le Gouvernement en aout dernier, est « un pas important dans la bonne direction ». Le respect des droits humains et du droit international humanitaire dans la conduite des opérations militaires et l’obligation de rendre des comptes en cas de violations sont de la plus haute importance pour faire efficacement face au fléau du terrorisme et de l’extrémisme, a dit M. Wane. À cet égard, la Mission a maintenu le dialogue avec les autorités et a continué à fournir un soutien technique et en termes de renforcement des capacités. Dans le même ordre d’idées, il a mentionné la condamnation, le 24 janvier, par la Cour d’assises de Bamako, d’un individu pour une attaque terroriste en février 2019 qui a entraîné la mort de trois Casques bleus. La dernière évaluation de la situation des droits humains pour la période considérée a révélé que le nombre global de violations a légèrement diminué et que les groupes terroristes en étaient les principaux auteurs, a dit le Chef de la Mission, avant de promettre que cette dernière continuera d’enquêter sur les allégations de violations et d’abus des droits humains, comptant sur la pleine coopération des autorités maliennes.
M. Wane a rappelé que « le Mali est à moins de deux mois du référendum constitutionnel qui marquerait le premier d’une série de scrutins qui devraient culminer avec le rétablissement de l’ordre constitutionnel en mars 2024 ». Cependant, il a évoqué des défis sur la pleine opérationnalisation de l’Autorité indépendante de gestion des élections, ce qui nécessite la mise en place de bureaux locaux à travers le pays, ainsi que la finalisation du processus de révision constitutionnelle en cours. Sur ce dernier point, au vu des réactions des différentes parties prenantes, le Président de la transition a mis en place un comité de 51 membres pour finaliser le projet et assurer une adhésion suffisante au sein de la société malienne. Pour la suite du processus électoral, le Représentant spécial a dit que cela dépendra de la disponibilité des ressources financières et logistiques nécessaires. Or à ce jour, seulement 60% des ressources nécessaires au Fonds commun des Nations Unies pour l’appui électoral ont été mobilisées. En outre, « l’évolution de la situation sécuritaire affecte toutes les étapes du cycle électoral ». La MINUSMA apportera tout le soutien possible aux autorités maliennes dans leurs efforts pour sécuriser le processus électoral, a-t-il assuré.
Au sujet de l’Accord pour la paix et la réconciliation, M. Wane a relevé que malgré des avancées, au cours des deux derniers mois, de nouveaux défis sont apparus avec un désaccord sur le niveau de participation du Gouvernement aux sessions ordinaires du Comité de suivi de l’Accord. Cela a abouti à la décision des mouvements en décembre de suspendre leur participation au processus de paix. Des discussions de suivi ont eu lieu à Alger, avec la visite, les 14 et 15 janvier, du Ministre malien des affaires étrangères et du Ministre de la réconciliation nationale. Des consultations ont également eu lieu avec les mouvements signataires. « La transition en cours offre une occasion unique de faire avancer l’Accord qui ne peut et ne doit pas être gaspillée », a plaidé le Représentant spécial.
Après 10 années sur le terrain, la MINUSMA a beaucoup accompli, même si les objectifs qui avaient été fixés par le Conseil n’ont pas encore été pleinement atteints et que le contexte a connu d’importants changements. Alors que le Conseil examine la recommandation du Secrétaire général, il convient de garder à l’esprit que la stabilisation du Mali est essentielle non seulement pour le pays lui-même mais aussi pour toute la région, a conclu M. Wane.
S’exprimant en visioconférence, Mme AMINATA CHEICK DICKO, représentante de la société civile, a déclaré porter « la voix des sans voix », celle des « filles et fils du Mali ». Parmi les défis complexes auxquels est confronté son pays, elle a cité la menace des groupes terroristes, les attaques visant les Forces de défense et de sécurité, qui s’étendent de plus en plus dans le Sud, et d’autres actions armées contre les véhicules de transport en commun, les convois logistiques et humanitaires et même ceux des Casques bleus. Les groupes terroristes, a-t-elle dénoncé, enlèvent et exécutent des personnes, empêchent les paysans de mener leurs activités, incendient des récoltes et privent les communautés locales de leurs moyens de subsistance ou les obligent à quitter leurs villages. Citant les statistiques de la matrice de suivi des mouvements des populations au Mali, elle a fait état de 412 387 Maliens déplacés internes, soit près de 80 000 ménages, dont 54% de femmes. Cette situation est aggravée par l’insécurité alimentaire qui résulte à la fois des conflits, des changements climatiques et du retrait forcé de certains acteurs humanitaires, a ajouté Mme Cheick Dicko.
Évoquant ensuite les opérations menées par l’armée malienne pour lutter contre les terroristes, elle a souhaité qu’elles soient régulièrement réévaluées au regard des résultats mitigés en matière de droits humains. Selon la représentante, « la présence des partenaires militaires russes aux côtés des Forces armées maliennes est loin de faciliter les choses », ces acteurs étant impliqués dans la commission de violations graves des droits humains et du droit international humanitaire, comme le confirment des rapports du Secrétaire général et de la MINUSMA. Au cours d’opérations visant à s’attaquer aux sources de financement du terrorisme, ces acteurs s’en prennent systématiquement aux biens des populations civiles, aux objets de valeur et dépossèdent les communautés de leur bétail, a-t-elle accusé, avant d’inviter les autorités maliennes à « se désolidariser de ces actes qui pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Elle a aussi exhorté les autorités judiciaires à prendre des actions concrètes pour poursuivre les auteurs de ces crimes ainsi que les responsables de violences sexuelles.
S’agissant du processus préélectoral, Mme Cheick Dicko s’est réjouie de la volonté politique des autorités à respecter les échéances prévues. Elle a également plaidé pour le respect des libertés publiques et de l’espace démocratique garantis par la Constitution afin de permettre aux Maliens de s’exprimer librement. Elle a toutefois regretté que la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du Processus d’Alger n’ait pas connu d’avancée significative du fait d’une participation des femmes restée insignifiante. Malgré l’adoption de la loi sur les quotas de 30%, les attentes restent entières, a-t-elle relevé, assurant que les femmes maliennes souhaitent jouer un plus grand rôle dans tous les aspects de la mise en œuvre de l’accord de paix. Dans ce contexte, l’intervenante a exhorté la communauté internationale et tous les partenaires à accompagner le Mali dans les réformes déjà entamées mais surtout à explorer les opportunités de développement durable car, en l’absence d’un véritable développement au Sahel, « le terrorisme et l’insécurité demeureront le quotidien des Maliens ».
Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a estimé que l’examen stratégique de la MINUSMA est l’occasion pour la communauté internationale d’accorder toute l’attention nécessaire à la situation au Mali et plus largement au Sahel. La MINUSMA est le principal instrument déployé par la communauté internationale en soutien au Mali, a-t-elle rappelé, avec comme objectifs principaux la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, la protection des civils et l’appui à la transition. Mais, comme le rappelle le Secrétaire général, au Mali comme ailleurs, une opération de maintien de la paix ne peut être efficace sans perspective politique crédible et sans la coopération sincère de l’État hôte. Or, la mise en œuvre de l’Accord d’Alger est au point mort, les restrictions dans le champ politique sont très inquiétantes pour la poursuite de la transition, la situation sécuritaire est fortement dégradée et les entraves à la liberté d’action et au mandat de la MINUSMA se sont gravement multipliées, a constaté la représentante. Elle a aussi relevé la présence de mercenaires du groupe Wagner qui se traduit par des exactions régulières contre les populations civiles maliennes et des entraves croissantes à la MINUSMA. Cela n’est pas acceptable, a tranché Mme Broadhurst Estival. Elle a fait siennes les conclusions du Secrétaire général pour l’avenir, à commencer par les paramètres indispensables pour que la MINUSMA puisse poursuivre sa mission qui sont la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, qui reste le principal instrument pour une réconciliation durable; la poursuite de la transition politique, qui doit se dérouler selon le calendrier agréé avec la CEDEAO; la liberté de mouvement et d’action de l’ensemble des moyens de la MINUSMA; et, enfin, la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA dans toutes ses composantes, y compris le volet droits humains. « Ces paramètres doivent se traduire par des gestes concrets des autorités maliennes de transition », a-t-elle déclaré. « C’est d’autant plus urgent que plusieurs contributeurs de troupes importants ont déjà fait le choix de se retirer de la MINUSMA, qui risque d’être progressivement vidée de sa substance, à la fois de l’extérieur du fait des contraintes qui pèsent sur elle et de l’intérieur du fait de l’affaiblissement de certaines de ses capacités critiques. » Les prochains mois seront décisifs pour le futur de la MINUSMA, a affirmé la représentante pour laquelle le statu quo n’est pas une option. Toutes les options sur la table devront être discutées avec l’ensemble des parties prenantes: les acteurs maliens, l’Algérie en tant que chef de file de la médiation internationale, la CEDEAO et l’Union africaine, les pays voisins, les contributeurs de troupes et les contributeurs financiers. Quant au Conseil de sécurité, elle a estimé qu’il doit aborder cette discussion avec un esprit ouvert en rappelant que l’avenir du Mali et l’avenir de la MINUSMA dépendent des autorités maliennes de transition. « Sans engagements clairs et sans gestes concrets, il ne sera pas possible de renouer la confiance et de rétablir une dynamique de partenariat. »
Mme LANA ZAKI NUSSEIBEH (Émirats arabes unis) a estimé que l’examen stratégique de la MINUSMA, ainsi que le prochain rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement au Sahel et d’autres initiatives régionales, seront utiles au moment où le Conseil examine l’avenir et poursuit son soutien au peuple malien. Elle a encouragé toutes les parties maliennes à rester résolues et engagées dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. Alors que l’extrémisme continue de se propager, une réponse globale est nécessaire, a—t-elle recommandé, soulignant que les extrémistes exploitent les vulnérabilités existantes des communautés et se servent de la religion pour se radicaliser et recruter des adeptes. Ces défis politiques et sociaux sont inextricablement liés à la détérioration de la situation en matière de sécurité et doivent être traités en conséquence, a-t-elle plaidé. Pour être efficaces, les opérations antiterroristes doivent travailler parallèlement à l’extension de l’autorité de l’État et à la fourniture de services de base, a suggéré la déléguée. Selon elle, la présence croissante des autorités étatiques dans le nord et le centre du Mali peut, par exemple, contribuer à la mise en œuvre de politiques qui aideront à protéger la population, répondre à leurs besoins fondamentaux et créer un environnement où l’extrémisme ne peut prospérer. Elle a souhaité que cela soit une priorité stratégique pour la Mission, ajoutant qu’il incombe au Conseil de prendre des mesures pour compléter les efforts régionaux de lutte contre le terrorisme.
La représentante s’est aussi désolée de voir le tissu social malien se déchirer et son avenir être en péril. Elle a noté que plus de 587 000 enfants sont encore touchés par la fermeture de 1 950 écoles. Alors que nous nous concentrons sur les besoins les plus pressants, assurons-nous en outre de tenir compte du moyen et du long terme dans la planification, a—t-elle dit en vue de jeter les bases de la reconstruction d’une société plus résiliente. Au sujet de l’examen et de la future configuration de la MINUSMA, elle a souhaité que les décisions du Conseil ne soient pas simplement le plus petit dénominateur commun des positions respectives de ses membres, mais plutôt une avancée importante axée sur les résultats en faveur du peuple malien. Elle a souhaité pour cela que se poursuive l’engagement avec les parties prenantes africaines, étant donné leur rôle central pour relever les défis auxquels sont confrontés le Mali et la région.
Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a constaté que la crise socioéconomique s’est aggravée au Mali, tandis que les besoins humanitaires ont augmenté et l’espace civique s’est rétréci. Si les autorités ont fait quelques progrès dans le processus politique et sur le plan diplomatique, après la libération de soldats ivoiriens, la situation reste préoccupante, notamment pour les femmes et les enfants, a-t-elle observé. De l’avis de la représentante, la mise en œuvre du calendrier électoral, dans les délais convenus avec la CEDEAO, doit être une priorité pour faciliter une transition démocratique. À cette aune, elle a exhorté les autorités maliennes à se concentrer sur l’avancement des questions législatives en suspens et du processus constitutionnel, afin de jeter les bases d’élections crédibles en 2024. Elle s’est par ailleurs alarmée des vides sécuritaires que pourrait créer l’architecture de sécurité actuelle du Mali confrontée à la menace croissante de l’extrémisme violent et du terrorisme. À cet égard, elle a dit craindre que la présence du groupe Wagner ne constitue une menace importante pour la sécurité des soldats de la paix et des civils. Elle a rappelé que la MINUSMA a documenté de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire lors d’opérations militaires impliquant des agents de sécurité étrangers appartenant à Wagner. Condamnant ces actes, elle a exhorté les autorités maliennes à réévaluer leur partenariat et à publier les conclusions des enquêtes en cours.
La représentante a par ailleurs regretté la décision des mouvements signataires de suspendre leur participation au Comité de suivi de l’Accord. Après avoir appelé à un engagement et à une coordination renforcés entre les parties prenantes concernées pour mettre en œuvre l’Accord et parvenir à une paix à long terme, elle s’est dite préoccupée par les restrictions persistantes auxquelles la MINUSMA continue d’être confrontée, y compris les mouvements terrestres et aériens, en particulier dans les zones où des opérations antiterroristes sont menées. L’examen interne de la MINUSMA indique clairement que celle-ci ne peut pas continuer avec le statu quo, a-t-elle fait valoir, estimant que les autorités maliennes doivent travailler avec la Mission et lui permettre d’opérer en toute sécurité et librement.
Au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a salué la contribution positive de la MINUSMA à la stabilité au Mali, en appelant à consolider les acquis de ses 10 ans de présence sur le terrain. Il a dit comprendre les préoccupations sécuritaires persistantes du Mali et estimé qu’avec l’appui du Conseil et la coopération des autorités maliennes, la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA, qui reste d’actualité, aiderait le peuple malien à réaliser leur aspiration à une nation pacifique, stable et unie. Les A3 appellent le Secrétaire général et les autres membres du Conseil à réfléchir à la meilleure configuration pour la MINUSMA à la suite du présent examen et attendent avec intérêt l’étude conjointe sur les capacités militaires et policières qui sera menée au cours de ce trimestre par le Département des opérations de paix.
Sur le plan politique, le rétablissement de l’ordre constitutionnel reste un catalyseur essentiel pour la paix au Mali, a poursuivi le représentant qui a salué la présentation du projet de constitution ainsi que l’adoption de la loi électorale. Il a encouragé une plus grande sensibilisation des parties prenantes qui ont exprimé certaines préoccupations concernant les réformes en cours afin d’assurer l’inclusivité et l’appropriation nationale du processus, et demandé un soutien au travail de la commission créée pour surveiller le calendrier des réformes politiques et institutionnelles. Tous les signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation doivent rester engagés dans sa mise en œuvre, y compris le processus de désarmement, démobilisation et réintégration, a-t-il souhaité. Les A3 attendent un soutien international au processus national dans la réalisation du calendrier électoral du 4 mars 2024. Ils saluent l’amélioration des relations entre le Mali et ses voisins et apprécient les efforts diplomatiques qui ont conduit à la libération de 46 soldats ivoiriens, a indiqué le représentant. Préoccupé par les attaques incessantes de groupes terroristes contre des cibles militaires et civiles, il a fermement condamné toutes ces attaques et exprimé les condoléances des A3 aux familles des victimes du terrorisme dans la région. Il a également exprimé leur préoccupation face à la présence limitée de l’État au centre et au nord du Mali. Par ailleurs, les A3 encouragent les autorités maliennes à travailler avec la MINUSMA pour régler de toute urgence le problème de la mésinformation et de la désinformation qui menace la sécurité du personnel de la Mission et compromet son impact sur le terrain. Au-delà de la présence de la MINUSMA au Mali, le représentant a souligné le rôle utile joué par les mécanismes régionaux pour aider à assurer la sécurité régionale, notamment la Force conjointe du G5 Sahel, l’Initiative d’Accra et la Force multinationale mixte (FMM). Tout en notant l’augmentation des capacités de sécurité du Mali, il a encouragé les efforts conjoints régionaux pour entreprendre les opérations antiterroristes requises jusqu’à ce que le personnel de sécurité malien soit en mesure de prendre pleinement en charge la situation sécuritaire dans le pays.
Mme VANESSA FRAZIER (Malte) a indiqué que toute restriction externe de mouvements imposée aux opérations de la MINUSMA pourrait exposer le personnel et les civils à des risques mortels. Elle a souhaité que le rapport du Secrétaire général sur l’examen interne de la MINUSMA, qui fournit un point de départ solide et complet pour une réflexion critique sur l’avenir de la Mission, soit bien examiné à ce moment critique pour le pays. Il est vital, selon elle, de pleinement mettre en œuvre de l’accord de paix issu du processus de paix d’Alger. La représentante a dit attendre avec intérêt les efforts visant à relancer le processus de paix, avant d’appeler à un dialogue inclusif. Elle a salué la nomination de femmes au Conseil national de transition.
L’insécurité alimentaire liée aux conflits apparaît comme une menace majeure dans une région déjà fortement affectée par les problèmes liés au climat, a poursuivi la représentante en appelant tous les acteurs à respecter et à faciliter l’accès humanitaire au Mali. Elle a jugé préoccupante la multiplication de violences et atteintes aux droits humains commises contre des civils par des groupes armés terroristes, des acteurs non étatiques et des entreprises militaires privées comme le groupe Wagner. Elle a aussi déploré la violence sexuelle et sexiste contre les femmes et les filles ainsi que le nombre d’incidents graves commis contre des enfants. « Nous appelons les autorités maliennes à assurer la responsabilité et un environnement sûr dans lequel les populations sont protégées. »
M. RICHARD M. MILLS, JR. (États-Unis) s’est dit préoccupé par la violence très marquée au Mali et par les difficultés politiques et opérationnelles qui entravent l’action de la MINUSMA. Cette mission est à la croisée des chemins et opère dans un environnement extrêmement précaire, a-t-il constaté, si bien qu’il devient de plus en plus difficile de protéger les civils maliens et le personnel de la Mission. Le représentant a reproché au Gouvernement de transition d’avoir rejeté à 237 reprises les demandes de vol formulées par la MINUSMA pour enquêter notamment sur les allégations de violations des droits humains. Cette obstruction est un véritable problème, et les États-Unis exigent du Gouvernement de transition qu’il lève toutes les restrictions imposées à la Mission et lui permette de faire son travail, « car son succès en dépend ». La violation de l’accord sur le statut des forces devrait contraindre le Conseil de sécurité à réexaminer le soutien apporté à la MINUSMA dans sa forme actuelle, a en outre estimé le représentant. Appelant à lutter contre les exactions des groupes extrémistes violents, il a estimé que le Gouvernement malien devrait coopérer avec les groupes qui cherchent à faire la lumière sur les violations des droits humains. Le représentant s’est félicité des efforts faits pour remédier à « la menace posée par le groupe Wagner qui commet des exactions et des violations de droits humains au Mali et ailleurs ». Estimant que les rapports d’experts restent cruciaux pour avoir des informations sur le Mali, il a appelé tous les États Membres à faciliter leur travail, notamment en délivrant des visas dans les temps. Sur le plan politique, le représentant a salué les progrès réalisés dans la réforme électorale. Les États-Unis, a-t-il assuré, continueront d’appuyer la MINUSMA et tous ceux qui, au sein du Gouvernement de transition, cherchent à rétablir l’ordre constitutionnel, civil et la démocratie. Il a toutefois regretté les retards et la lenteur dans la mise en œuvre de l’Accord d’Alger et demandé aux groupes signataires de fournir des efforts pour que reprennent les travaux du Comité de suivi.
M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) a estimé que le peuple malien mérite le soutien de la communauté internationale pour relever les défis auxquels il est confronté depuis ces dernières années. Au sujet du rapport sur l’examen interne de la MINUSMA, le représentant a souscrit à la remarque du Secrétaire général selon laquelle que le statu quo n’est plus une option. La Mission ne peut pas continuer en l’état actuel, a-t-il dit, notamment avec des restrictions entravant les opérations et sans la pleine coopération du Gouvernement hôte. La sûreté et la sécurité des Casques bleus sont en jeu, ainsi que la réputation de l’ONU si elle ne peut pas remplir efficacement son mandat et respecter les principes onusiens notamment en matière de droits de l’homme. De plus, il a souligné que le respect des quatre paramètres énoncés dans ledit examen est essentiel pour la viabilité continue de la Mission. Le représentant a donc appelé à des progrès tangibles sur la transition politique et à un renouvellement de l’engagement en faveur du dialogue sur l’Accord pour la paix et la réconciliation, y compris un moyen pour faire avancer le processus de désarmement, de démobilisation et de réintégration. Il a exhorté les autorités maliennes à garantir la liberté de mouvement des Casques bleus. Il a aussi plaidé pour un meilleur accès pour la Mission afin qu’elle puisse enquêter sur les allégations de violations des droits humains. Le représentant a souhaité une réévaluation du soutien fourni par la MINUSMA aux Forces de défense et de sécurité maliennes, vu qu’un certain nombre d’opérations militaires ont été entachées de telles allégations. De plus, a-t-il noté, le rapport confirme la présence au Mali de l’armée soutenue par le Kremlin, le groupe Wagner. « Dans ce contexte, nous devons examiner attentivement la relation entre la Mission de l’ONU et les forces maliennes ».
M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a condamné les attentats terroristes qui ont touché la MINUSMA à Tombouctou, le 16 décembre. Il a dit soutenir les efforts de l’armée malienne pour combattre le terrorisme qui reste un défi majeur sur la voie de la restauration de l’autorité de l’État dans le centre et le nord du Mali. Relevant des incidents impliquant des protestations de la population locale contre la Mission, il a parlé de désinformation et invité la MINUSMA à développer le volet communication stratégique de son mandat. Il a en outre salué le règlement final conclu entre le Mali et la Côte d’Ivoire sur la libération des éléments des troupes ivoiriennes qui avaient été détenus sur le territoire malien pendant plusieurs mois. Il a dit espérer que les autorités de transition traiteront désormais la question de la rotation des contingents d’une manière plus rapide et compatible avec l’objectif commun de rendre le travail de la MINUSMA plus sûr et efficace. Dans le même ordre d’idées, le Brésil soutient pleinement la décision de la CEDEAO du mois dernier qui entend maintenir le dialogue avec les autorités maliennes pour élaborer et mettre en œuvre un plan de transition propice au rétablissement de l’ordre constitutionnel.
M. HERNÁN PÉREZ LOOSE (Équateur) a convenu que le bilan de la situation au Mali dépeint un environnement préoccupant. Rejetant les campagnes de désinformation qui visent la MINUSMA et compromettent la sécurité des personnels de la Mission, il s’est alarmé du nombre croissant d’incidents impliquant des engins explosifs et a appelé à l’intervention du Service de la lutte antimines de l’ONU. Le représentant a par ailleurs déploré les restrictions imposées à la liberté de circulation et de vol, dont souffre la Mission. Ces restrictions empêchent la MINUSMA de recueillir les renseignements requis et mettent en danger ses convois et la population civile, s’est-il indigné, avant d’exhorter les autorités maliennes à apporter le soutien le plus total à la Mission.
Le délégué a déploré les attentats terroristes qui ont fait des centaines de mort et de déplacés dans le nord du pays ainsi que le trafic d’armes de petit calibre qui alimente les groupes armés. À cet égard, il a salué l’important travail de prévention de l’extrémisme violent mené dans les prisons maliennes. Il a aussi insisté sur l’action du Ministère de la justice et des droits humains dans la stratégie de lutte contre le terrorisme et les délits internationaux, à laquelle la MINUSMA apporte son appui. Il s’est en outre félicité des efforts déployés par la Mission en faveur du processus de transition, tout en exprimant son inquiétude face à la décision de certains mouvements de suspendre leur participation au suivi de la mise en œuvre de l’Accord. Enfin, après avoir plaidé pour une participation pleine et significative des femmes dans les mécanismes créés par l’Accord et pour l’ouverture à la société civile du dialogue portant sur le projet de constitution, il a appelé toutes les parties prenantes à soutenir le processus électoral.
M. DAI BING (Chine) a salué les progrès dans la transition politique, le processus de paix et la lutte contre le terrorisme au Mali, qui n’auraient pas été possibles sans les efforts conjoints de la communauté internationale et du Gouvernement malien. Il a appelé à préserver la paix et la stabilité au Mali et à soutenir le pays dans la préparation de ses élections et de son processus constitutionnel. Une transition politique ne saurait être réalisée du jour au lendemain, a-t-il souligné, et il faut assurer une vaste participation en tenant compte des intérêts de toutes les parties. La communauté internationale devrait respecter la souveraineté et l’appropriation nationale du Mali et la CEDEAO continuer à jouer un rôle constructif. Le représentant a appelé la communauté internationale à renforcer les capacités maliennes en matière de lutte contre le terrorisme, notant que les menaces sécuritaires au Mali font tache d’huile dans les pays voisins. Les pays de la région devraient, selon lui, préserver l’élan imprimé en termes de coopération régionale dans la lutte antiterroriste et forger des synergies. Il a soutenu les recommandations du Secrétaire général, à la suite de l’examen interne de la MINUSMA, en vue de renforcer la structure de la Mission, focaliser ses ressources et rationnaliser son mandat, et de se concentrer sur les tâches les plus vitales en présentant un plan pratique et viable. « À l’heure de reconfigurer la Mission, le Conseil de sécurité devrait tenir compte du point de vue exprimé par le Gouvernement malien de sorte à créer un environnement propice à l’exécution de son mandat », a fait valoir le représentant. Il a également insisté sur l’importance de renforcer des capacités nationales en matière de développement durable.
Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a commencé par rappeler que son pays est engagé au Mali dans la lutte contre la pauvreté, le respect des droits humains et la paix durable. Reconnaissant que le chemin vers cette paix est encore long, la représentante a salué les mesures prises pour faire avancer la transition politique, notamment la promulgation d’une loi électorale, l’avant-projet de constitution et la mise à jour de la liste électorale. Pour continuer de progresser dans cette voie, elle a encouragé les autorités à collaborer étroitement avec la CEDEAO et l’Union africaine. Elle a misé sur l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali en appelant à un engagement continu des parties signataires pour relancer ce processus. Elle a dit avoir constaté des signes encourageants quant à la représentation et la participation active des femmes. D’autre part, face à l’insécurité persistante, y compris la menace terroriste, elle a exhorté les parties à respecter leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme afin d’assurer la protection de la population civile et de rétablir sa confiance dans les institutions.
La représentante a par ailleurs demandé à tous les acteurs de garantir et de protéger l’accès humanitaire, tout en appelant la communauté internationale à répondre aux besoins humanitaires urgents. Alors que ces besoins augmentent, l’insécurité et les changements climatiques contribuent à aggraver la crise alimentaire et les déplacements forcés, ce qui conduit à une situation sécuritaire encore plus précaire, a-t-elle noté. Elle s’est également alarmée du fait que 1 950 écoles restent fermées, affectant presque 590 000 enfants dans le centre et le nord du pays et mettant en jeu leur avenir, en particulier celui des filles. Dans ce contexte, elle a souhaité que la MINUSMA dispose des ressources nécessaires pour accomplir son mandat et soutenir efficacement les efforts maliens. De plus, a-t-elle ajouté, un rapport de confiance mutuelle entre le Mali et la MINUSMA doit être basé sur le respect des accords existants, notamment l’accord sur le statut des forces. À ses yeux, les quatre paramètres identifiés par l’examen interne pourraient constituer la base d’une relation stable et prévisible entre la Mission et son pays hôte.
M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) s’est dit convaincu que les autorités maliennes sont déterminées à tout mettre en œuvre pour relever les défis auxquels leur pays est confronté, notamment en matière de sécurité et de stabilité politique intérieure. Le représentant a salué le fait que les Maliens s’emploient à ramener le pays à l’ordre constitutionnel dans les délais convenus et à mettre pleinement en œuvre la feuille de route pour la période de transition. Il s’est également réjoui que les travaux se poursuivent sur le projet d’une nouvelle constitution. Avant cela, il importe que les dirigeants maliens s’engagent à mettre en œuvre l’Accord, a-t-il souligné, appelant les signataires à reprendre leur participation aux travaux de fond du Comité de suivi de l’Accord, interrompus pendant près d’un an. Sur le plan sécuritaire, le représentant a rappelé que le Mali « poursuit une lutte acharnée contre le terrorisme ». En raison du vide sécuritaire lié au retrait précipité des unités militaires françaises et européennes du territoire malien, les terroristes de l’État islamique dans le Grand Sahara et du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans sont devenus nettement plus actifs, a-t-il fait observer, ajoutant que ces groupes affiliés à Daech et à Al-Qaida continuent de mener des attaques régulières contre la population civile, les unités de l’armée malienne et les Casques bleus de l’ONU. Toutefois, en dépit des difficultés, les Forces armées maliennes ont démontré ces derniers mois qu’elles étaient capables d’obtenir des résultats, s’est-t-il félicité. Après avoir exprimé son soutien aux activités de la MINUSMA visant à aider les autorités et la population maliennes à surmonter les problèmes auxquels elles sont confrontées, le représentant s’est dit satisfait des progrès réalisés dans le dialogue et la coordination avec le Gouvernement de transition. Il a cependant regretté qu’un certain nombre de pays fournisseurs de contingents aient pris la décision de quitter ou de suspendre leur participation à la Mission. Il a par ailleurs estimé que la MINUSMA doit suivre strictement son mandat dans le domaine des droits humains, à savoir apporter un soutien aux autorités maliennes dans la conduite des enquêtes pertinentes, et ce, « sans politisation ». Dans le cadre de l’évaluation des modalités de travail de la Mission et de l’examen interne de ses activités, nous continuons d’examiner les options de reconfiguration de la présence des Nations Unies, a-t-il ajouté, souhaitant que ce processus restera axé sur les besoins du Mali et le soutien à ses efforts.
Pour le représentant, la bonne exécution par la Mission de son mandat, y compris dans le domaine de l’assistance au rétablissement de l’ordre constitutionnel et à la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation, est impossible sans la fourniture d’un soutien global aux Forces armées maliennes. Elles seules sont capables de mener les actions offensives nécessaires contre les terroristes, a-t-il fait valoir, avant de rappeler que la Russie fournit à l’armée malienne une assistance globale. Cette interaction, menée à la demande de Bamako et dans le strict respect du droit international applicable, « porte ses fruits », a assuré le délégué, selon lequel les Forces armées maliennes mènent avec succès des opérations antiterroristes dans le centre du pays, tout en poursuivant leurs efforts pour libérer les régions du nord et de l’est des militants. Selon lui, « les approches néocoloniales occidentales », combinées à l’absence de résultats tangibles dans la stabilisation du Mali après de nombreuses années de présence militaire, expliquent le fait que les Maliens aient décidé de trouver de nouveaux partenaires. Prenant note de l’annonce par Paris de l’arrêt du financement des programmes d’aide au développement au Mali, il a dit comprendre que le Gouvernement malien ait décidé, en novembre dernier, d’interdire les activités dans le pays des ONG qui reçoivent un soutien matériel ou technique de la France. Il est évident que la décision de Paris peut encore aggraver la situation humanitaire difficile au Mali, où, selon l’ONU, plus de 5,3 millions de personnes ont besoin d’assistance. Dans ce contexte, le représentant a assuré que son pays entend continuer à contribuer à la normalisation de la situation au Mali, tant au Conseil de sécurité de l’ONU, par la fourniture d’un soutien global, qu’à Bamako, sur une base bilatérale. Une assistance efficace aux autorités maliennes pour assurer la sécurité et poursuivre une politique équilibrée est dans notre intérêt commun, a-t-il plaidé, avertissant que, sans efforts collectifs, il sera très difficile de parvenir à une paix et une stabilité durables dans toute la région saharo-sahélienne, laquelle ne parvient toujours pas à surmonter les défis provoqués par l’intervention occidentale illégale de 2011 en Libye. À ses yeux, les États de la région devraient adopter une position véritablement indépendante sur la base du principe des « solutions africaines aux problèmes africains ».
M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a jugé qu’un retour à l’ordre constitutionnel, la consolidation de la démocratie et l’état de droit sont impératifs pour les Maliens afin qu’ils puissent décider eux-mêmes de leur avenir. Il a souligné l’importance d’une participation libre et constructive de toutes les parties prenantes, y compris les partis politiques, la société civile, les femmes et les jeunes, dans le processus de réforme transitoire. Il a aussi estimé que l’accord de paix de 2015 reste le seul cadre existant pour parvenir à une paix durable et assurer l’intégrité territoriale du Mali. Il a donc encouragé toutes les parties à poursuivre un dialogue productif et décisif pour la mise en œuvre de l’accord de paix. Le délégué s’est en outre dit profondément préoccupé par la détérioration de la situation sécuritaire au Mali, se disant troublé par les preuves de violations des droits humains qui auraient été commises par le personnel de sécurité malien et étranger. Il a promis que le Japon continuera à appuyer le renforcement des capacités des agents de sécurité en matière de lois humanitaires et des droits de l’homme et sur les questions de genre. Il a enfin salué la présentation de l’examen interne de la MINUSMA, laquelle donne une vision claire de l’état de la Mission et des paramètres sur lesquels la discussion des options la concernant devrait être fondée.
M. ABDOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, a salué la convergence de vues sur les avancées notables réalisées durant la période sous examen sur le plan politique. En effet, le Gouvernement poursuit la mise en œuvre des réformes politiques et institutionnelles dans le cadre d’un processus « transparent et inclusif », a-t-il assuré. À la suite de la remise du projet de la nouvelle constitution au Chef de l’État et Président de la transition, M. Assimi GOITA, la Commission de finalisation poursuit les concertations avec les forces vives de la nation, afin de parvenir à un texte fondamental de large consensus, qui sera soumis pour approbation aux Maliens par référendum en mars 2023. Le Gouvernement s’attèle aussi à la mise en œuvre d’autres actions prioritaires, notamment l’élection des conseillers des collectivités territoriales en juin 2023; l’élection des députés à l’Assemblée nationale en octobre et novembre 2023; et l’élection du Président de la République en février 2024, a précisé M. Diop. Le 10 janvier 2023, des membres de l’Autorité indépendante de gestion des élections ont été installés par le Président de la transition et la première réunion conjointe entre celle-ci et le Comité de pilotage du référendum et des élections générales s’est tenue le 23 janvier 2023. Par ailleurs, la tenue de la Conférence sociale, du 17 au 22 octobre 2O22, et l’adoption prochaine d’un pacte de stabilité sociale, avec l’implication des syndicats devrait contribuer à l’apaisement du climat social, a-t-il espéré.
Concernant l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger, M. Diop a réitéré l’engagement du Gouvernement à poursuivre sa mise en œuvre, en citant des progrès indéniables, notamment dans le cadre du processus de désarmement, démobilisation et réintégration. Le Gouvernement a également adopté la décision portant création de la Commission ad hoc chargée de résoudre les questions en suspens relatives à la chaîne de commandement au sein des Forces de défense et de sécurité nationales et à l’intégration des hauts fonctionnaires civils des mouvements signataires dans les institutions gouvernementales. Les aspects de l’Accord liés au développement ont également fait l’objet d’une attention soutenue du Gouvernement, qui œuvre à rehausser le développement des régions du Nord, a expliqué M. Diop. Malgré ces progrès indéniables, la période sous examen a aussi été marquée par la suspension de la participation des groupes signataires aux mécanismes du Comité de suivi de l’Accord. À ce sujet, le Gouvernement espère parvenir dans un proche délai à une compréhension commune avec « ses frères » des mouvements signataires.
Sur le plan sécuritaire, a poursuivi le Ministre, le Gouvernement malien regrette qu’une fois de plus, le rapport du Secrétaire général « passe sous silence les efforts et les actions menés par les Forces de défense et de sécurité maliennes dans le cadre de la sécurisation du territoire et de la protection des civils ». Or, les Forces restent déterminées à poursuivre les actions offensives lancées en décembre 2021 et visent à prévenir et à combattre les attaques indiscriminées ou de représailles des groupes extrémistes contre les populations civiles et leurs biens, a-t-il affirmé. De plus, dans le cadre de la nouvelle stratégie intégrée pour le centre, l’État renforce sa présence sur le territoire, contrairement aux chiffres fournis dans le rapport. Concernant les défis opérationnels de la MINUSMA, M. Diop a noté que le rapport du Secrétaire général reconnaît les acquis de la nouvelle procédure de demande de vols mise en place le 15 novembre 2022. Elle a permis d’augmenter le nombre de vols approuvés, à travers une coordination décentralisée et une clarification des responsabilités. Ces résultats encourageants sont malheureusement mitigés du fait du partage parfois partiel ou inexploitable des informations recueillies par les drones, a-t-il expliqué, en espérant que les attentes de la partie malienne seront prises en charge. Face aux besoins humanitaires du Mali qui ne sont financés qu’à hauteur de 34%, M. Diop a lancé un appel à l’ensemble de la communauté internationale « afin qu’elle accorde au Sahel le même intérêt manifesté à d’autres régions du monde en situation de crise ».
Le Ministre a ensuite fait des observations préliminaires sur l’examen interne de la MINUSMA, en regrettant, qu’à première vue, « les propositions contenues dans ce rapport ne prennent pas en compte les attentes légitimes du peuple malien qui sont avant tout d’ordre sécuritaire ». Il a considéré que les préconisations du Secrétaire général se limitent, pour l’essentiel, à des variations du nombre de personnel de la MINUSMA ou sa transformation en une mission politique spéciale. Or, « le principal défi auquel la MINUSMA est confrontée est celui de l’adaptation de son mandat à l’environnement sécuritaire dans lequel elle est déployée et qui requiert un changement de doctrine, de règles d’engagement et surtout une volonté politique véritable d’aider le pays hôte à sortir de la crise ». Il faut une volonté réelle de coopération et une complémentarité entre la MINUSMA et les Forces de défense et de sécurité maliennes sur le terrain, a martelé le Ministre, et c’est dans cette perspective que le Gouvernement du Mali a contribué positivement aux consultations dans le cadre de l’élaboration de ce rapport avec l’espoir qu’il répondrait aux aspirations profondes du peuple malien. « Tel n’est pas le cas », a-t-il tranché, ajoutant cependant que le Gouvernement du Mali reste ouvert au dialogue avec l’ONU sur cette question. Le Gouvernement du Mali reste disposé à coopérer avec l’ensemble de ses partenaires, a-t-il conclu, y compris les pays voisins, ceux de la région et les organisations régionales et internationales, « dans le strict respect de la souveraineté du Mali, des choix stratégiques et des choix de partenaires du Mali et des intérêts des Maliens ». Par ailleurs, M. Diop a indiqué qu’il doutait de la « représentativité » et de la « crédibilité » de l’intervenante de la société civile.