En cours au Siège de l'ONU

9238e séance – matin
CS/15169

Le Conseil de sécurité se penche sur les moyens de remédier au terrorisme et aux changements anticonstitutionnels de gouvernement qui accablent le Sahel

La Cheffe par intérim du Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et au Sahel (UNOWAS), Mme Giovanie Biha, et le Président de la Commission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), M. Omar Alieu Touray, ont dressé, ce matin devant le Conseil de sécurité, un constat alarmant de la situation au Sahel, qui subit un « double fléau »: le terrorisme et une « cascade » de changements anticonstitutionnels de gouvernement.  Les délégations ont souligné l’urgence d’y remédier, tout en saluant le travail de l’UNOWAS.

Première intervenante à s’exprimer, Mme Biha, qui est également Représentante spéciale adjointe, a d’emblée indiqué que l’insécurité s’est encore aggravée dans la région, malgré les efforts déployés par les forces nationales de sécurité et les partenaires internationaux.  En raison de cette situation, plus de 10 000 écoles ont dû fermer leurs portes à travers tout le Sahel, privant d’éducation des millions d’enfants, a-t-elle dit, en déplorant également la fermeture de quelque 7 000 centres de soins de santé.

Elle a précisé que ces groupes non étatiques se battent entre eux pour établir leur supériorité et mettre la main sur les ressources, marginalisant les États et poussant des millions de personnes dans une misère abjecte.  « Le centre du Sahel fait face à des défis sécuritaires et humanitaires et à une instabilité sociopolitique sans précédent, aggravés par les effets des changements climatiques et l’insécurité alimentaire que la guerre en Ukraine est venue accentuer. »

Comme nombre d’intervenants, elle a appuyé le travail du groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement dans la région du Sahel, présidé par M. Mahamadou Issoufou, l’ancien Président du Niger.  Elle a par ailleurs indiqué que le Bureau s’attache à promouvoir le consensus politique en vue des élections prévues cette année.  Plus globalement, elle a estimé que le système des Nations Unies devra poursuivre le soutien aux pays concernés en le concentrant sur la réponse aux griefs qui sont à l’origine des coups d’État.

L’instabilité politique a été au cœur de l’intervention de M. Touray , qui a évoqué les récents coups d’État militaires au Mali, au Tchad, en Guinée et au Burkina Faso ainsi que les tentatives ratées en Gambie, au Niger et en Guinée-Bissau.  Certains présidents démocratiquement élus ont été également accusés de manipuler les processus constitutionnels et électoraux et d’instrumentaliser les agences sécuritaires et paramilitaires contre leurs opposants, dans le seul but d’étendre leur pouvoir, a-t-il expliqué.

« Ce phénomène constitue un revers majeur aux acquis de la consolidation démocratique depuis les années 1990 », a concédé le haut fonctionnaire.  Il a indiqué que la CEDEAO appuiera les pays concernés jusqu’à ce que les transitions donnent lieu au rétablissement de l’ordre constitutionnel d’ici à 2024 et à la tenue d’élections libres, ouvertes et transparentes.  Les processus de transition au Mali, en Guinée et au Burkina Faso se poursuivent, a notamment assuré le Président de la CEDEAO.

Les membres du Conseil ont décerné un satisfecit à l’UNOWAS et à la CEDEAO pour leurs efforts de consolidation de la règle démocratique dans la région.  Malte a notamment salué la CEDEAO pour avoir immédiatement condamné le coup d’État en Gambie en décembre dernier.  Les États-Unis ont également salué le travail de l’UNOWAS et se sont prononcés en faveur du renouvellement de son mandat à la fin de ce mois.  La France a aussi appuyé la recommandation du Secrétaire général de renouveler le mandat d’UNOWAS pour trois ans. 

Sur le plan sécuritaire, le délégué du Ghana, qui s’exprimait au nom des A3, a, face à « l’insécurité généralisée au Sahel » et à son potentiel de contagion aux pays du littoral, soutenu les initiatives régionales telles que l’Initiative d’Accra, la Force conjointe du G5 Sahel et la Force multinationale mixte.  Il a appelé les partenaires à accroître leurs contributions afin d’améliorer la mise en œuvre de ces arrangements régionaux, notamment le plan d’action 2020-2024 de la CEDEAO pour lutter contre le terrorisme. 

Il a dit attendre avec impatience le prochain rapport dudit groupe de haut niveau.  « Ce rapport devrait fournir des recommandations réalistes tirant parti des meilleurs éléments des initiatives régionales existantes et d’une force régionale unifiée renforcée. »  Enfin, appuyé notamment par la France, le Président de la CEDEAO a réitéré l’importance d’un financement prévisible et durable des initiatives sécuritaires régionales qui répondent aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.

Enfin, certaines délégations, à l’instar du Royaume-Uni, de la France et des États-Unis, ont tenu à souligner le rôle déstabilisateur que joue le groupe Wagner dans la région.  « Ce groupe fait partie du problème, et non de la solution », a tranché la délégation britannique, tandis que les États-Unis l’ont accusé de priver les États africains de leurs ressources.  Son homologue de la France a dénoncé le « bilan dramatique » du modèle proposé par le groupe de mercenaires Wagner, qui a démontré son « inefficacité totale » pour lutter contre le terrorisme.

« La Russie soutient tous ceux qui luttent contre le terrorisme dans la région », a rétorqué la délégation russe, avant d’aborder la situation au Mali, où l’armée a engrangé des résultats face aux terroristes.  Elle a précisé que Moscou apporte à Bamako une aide considérable dans ce domaine, réfutant les accusations selon lesquelles son pays « chercherait à piller les ressources naturelles des pays africains ».  Il s’agit d’affronts au bon sens et au droit des États africains de prendre des décisions souveraines, notamment sur le plan bilatéral, a-t-elle tranché.

CONSOLIDATION DE LA PAIX EN AFRIQUE DE L’OUEST

Déclarations

Mme GIOVANIE BIHA, Représentante spéciale adjointe en charge du Bureau des Nations Unies en Afrique de l’Ouest et au Sahel (UNOWAS), a indiqué que l’insécurité s’est encore aggravée dans la région, malgré les efforts des forces nationales de sécurité et des partenaires internationaux.  En raison de cette situation, plus de 10 000 écoles ont dû fermer leurs portes dans tout le Sahel, privant d’éducation des millions d’enfants.  Il s’agit là d’une violation manifeste de la résolution 2601 (2021), qui condamne toute attaque contre les écoles et exhorte les parties à préserver le droit à une éducation, a-t-elle déploré.  Près de 7 000 centres de soins de santé ont également dû fermer en raison des activités des groupes armés, des extrémistes violents et des réseaux criminels.  Elle a précisé que ces groupes non étatiques se battent entre eux pour établir leur supériorité et mettre la main sur les ressources, marginalisant les États et poussant des millions de personnes dans une misère abjecte.  « Le centre du Sahel fait face à des défis sécuritaires et humanitaires et à une instabilité sociopolitique sans précédent, aggravés par les effets des changements climatiques et l’insécurité alimentaire que la guerre en Ukraine est venue accentuer », a mis en garde la Représentante spéciale.  Le Bureau appuie le Groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement dans la région du Sahel, présidé par M. Mahamadou Issoufou, l’ancien Président du Niger. 

Mme Biha a indiqué que son bureau s’attache à promouvoir le consensus politique et l’égalité électorale en vue des élections prévues cette année.  Grâce aux efforts conjugués des acteurs nationaux, des institutions régionales et internationales, des accords ont été conclus sur la durée des transitions au Burkina Faso et en Guinée, a continué la haute fonctionnaire.  « L’UNOWAS restera activement engagé dans le mécanisme de suivi et d’évaluation convenu entre le Burkina Faso et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), et dans l’opérationnalisation du calendrier de transition en Guinée. »  Elle a estimé que le système des Nations Unies devra poursuivre le soutien aux pays concernés en le concentrant sur la réponse aux griefs qui sont à l’origine des coups d’État.  « Au nombre de ces défis urgents, la lutte contre l’insécurité et l’intensification de l’assistance humanitaire pour contribuer à faire face de manière adéquate aux besoins fondamentaux des communautés sont d’une importance capitale, dans un contexte où des millions de civils innocents demeurent aux prises d’attaques interminables, notamment au Mali et au Burkina Faso. »

Mme Biha a salué la détermination des autorités, de la société civile et des citoyens gambiens à poursuivre la mise en œuvre des recommandations formulées par la Commission Vérité, réconciliation et réparations de la Gambie.  Elle a appelé les partenaires à soutenir ce processus, notamment la conférence internationale qui se tiendra à Banjul dans quelques mois.  Plusieurs pays de la région ont adopté une nouvelle législation nationale en faveur de la parité en matière de participation dans la prise de décision politique, après des années de plaidoyer soutenu.  « Dans cette optique, nous espérons que les législateurs et autres acteurs au Nigéria et en Gambie trouveront un consensus par le dialogue et relanceront le processus législatif sur cette question importante. »

L’UNOWAS poursuivra sa collaboration avec le Groupe de travail sur les femmes, les jeunes, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest et au Sahel, pour évaluer l’efficacité des approches actuelles et trouver des voies nouvelles pour s’assurer que la moitié de la population de la région fait entendre sa voix dans les assemblées où les décisions sont prises et les budgets approuvés, a affirmé Mme Biha.  En conclusion, elle a salué le processus en cours pour l’établissement du Forum des ministres de la justice des pays de la CEDEAO, qui peut être un outil déterminant face aux allégations récurrentes d’instrumentalisation du système judiciaire dans la région.

M. OMAR ALIEU TOURAY, Président de la Commission de la CEDEAO, a identifié les objectifs stratégiques pour son mandat de quatre ans à la tête de la Commission: développement inclusif et pérenne, bonne gouvernance, paix et sécurité, et partenariats robustes.  Il a souligné que l’Afrique de l’Ouest et le Sahel sont victimes d’une récession mondiale imminente en raison des crises alimentaire, énergétique et financière, a-t-il poursuivi.  Dans ce contexte, la région subit depuis plusieurs années un double fléau: le terrorisme et l’extrémisme violent, et une cascade de changements anticonstitutionnels de gouvernement.  Depuis 2009 et particulièrement après 2012, le bassin du lac Tchad et le Sahel central sont devenus les épicentres et les incubateurs du terrorisme et de l’extrémisme violent, d’abord locaux dans le cas de Boko Haram au Nigéria, mais progressivement intégrés aux deux franchises terroristes internationales – Al-Qaeda et l’État islamique.  Les attaques terroristes au Sahel central ont d’ores et déjà « arraché » 60 à 70% du territoire national du Burkina Faso et du Mali au contrôle de l’État et se sont progressivement propagées aux États du littoral, avec au moins 30 attentats terroristes en Côte d’Ivoire, Bénin et Togo depuis 2016.  M. Touray a constaté que ces attaques se sont multipliées au fil des ans et que le nombre de mort est passé à 6 492 en 2022, déplorant également la montée du nombre d’enlèvements.  Tout ceci a affecté la situation humanitaire dans certaines communautés de la CEDEAO, a-t-il fait valoir, en évoquant notamment les déplacements forcés au Burkina Faso et la fermeture de plus de 5 000 écoles.

Le haut fonctionnaire est ensuite passé aux récents coups d’État militaires qui ont été perpétrés au Mali, au Tchad, en Guinée et au Burkina Faso ainsi qu’aux tentatives ratées en Gambie, Niger et Guinée-Bissau.  Entre-temps, certains présidents démocratiquement élus en exercice ont été accusés de manipuler les processus constitutionnels et électoraux, tout en militarisant le système judiciaire et en instrumentalisant les agences sécuritaires et paramilitaires contre les opposants et les forces prodémocratie, dans le seul but d’étendre leur pouvoir au-delà des limites de mandats constitutionnellement prescrites.  Ce phénomène constitue un revers majeur aux acquis de la consolidation démocratique depuis les années 1990, a concédé M. Touray.  Ces coups d’État ont toutefois lancé le dialogue et poussé les dirigeants des trois États Membres en transition à réagir.  La CEDEAO va les appuyer jusqu’à ce que les transitions donnent lieu au rétablissement de l’ordre constitutionnel d’ici à 2024 et à la tenue d’élections libres, ouvertes et transparentes.  Les processus de transition au Mali, en Guinée et au Burkina Faso se poursuivent, a-t-il assuré.

Passant aux partenariats « équitables », M. Touray a insisté sur l’importance pour les partenaires de la CEDEAO de rester présents dans la région, et au Sahel en particulier surtout en termes d’aide humanitaire.  Il a salué l’excellente relation qui existe entre la CEDEAO et l’ONU par le truchement du UNOWAS, en citant notamment les missions communes dans différents pays et les évaluations conjointes de la situation au Burkina Faso et en Guinée-Bissau pour veiller à ce que les cycles électoraux en cours dans la région puissent donner lieu à des résultats crédibles.

Au nom des A3 (Gabon, Ghana, Mozambique), M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) a dit attendre avec impatience la nomination du Chef de l’UNOWAS.  Il a dit être préoccupé par l’insécurité, l’érosion des pratiques démocratiques dans certains pays et la situation humanitaire difficile de plusieurs communautés qui rendent impératif un effort concerté de l’ONU dans la poursuite d’actions équilibrées pour une région résiliente.  Favorable au renouvellement du mandat de l’UNOWAS, le représentant a salué la remis en liberté des 46 militaires ivoiriens détenus au Mali.  Il a ensuite rappelé que 10 pays de la région s’apprêtent à organiser des élections, en se réjouissant de la consolidation démocratique de la Côte d’Ivoire et de Cabo Verde.  M. Agyeman a condamné toutes les tentatives de coups d’État perpétrées dans les pays en transition, encourageant à s’en tenir aux calendriers électoraux agréés pour assurer un retour définitif à l’ordre constitutionnel, dans le respect de l’inclusivité, de la tolérance et du pluralisme politique. 

S’agissant de la situation sécuritaire, les A3 restent préoccupés par l’insécurité généralisée au Sahel et son potentiel de contagion aux pays du littoral, a alerté le représentant, en notant l’impact négatif des attaques terroristes sur les populations civiles et le recours croissant aux engins explosifs improvisés qui visent les soldats de la paix et les forces de sécurité nationales.  Les A3 soutiennent en outre les initiatives régionales telles que l’Initiative d’Accra, la Force conjointe du G5 Sahel et la Force multinationale mixte, appelant les partenaires à accroître leurs contributions afin d’améliorer la mise en œuvre de ces arrangements régionaux, notamment le plan d’action 2020-2024 de la CEDEAO pour lutter contre le terrorisme, a amplifié M. Agyeman.  Il a dit attendre avec impatience le prochain rapport du groupe de haut niveau dirigé par l’ancien Président Issoufou du Niger, qui devrait fournir des recommandations réalistes tirant parti des meilleurs éléments des initiatives régionales existantes et d’une force régionale unifiée renforcée.  Le délégué a réitéré l’importance d’un financement prévisible et durable des initiatives sécuritaires régionales qui répondent aux menaces à la paix et à la sécurité internationales.  Il a attiré l’attention sur l’effet de la crise libyenne sur le Sahel, et la menace que le retour des combattants terroristes étrangers et la prolifération des armes légères et de petit calibre font peser sur la stabilité régionale.

Pour ce qui est de la situation humanitaire préoccupante au Sahel, le représentant a exhorté à soutenir l’aide humanitaire et les filières d’autonomisation des moyens de subsistance qui s’appuient sur des initiatives locales et régionales telles que l’initiative climate responses to sustaining peace lancée lors de la COP27 ainsi que l’appel à l’action de Dakar sur les changements climatiques.  Il faut accorder la priorité aux investissements pour s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité dans la région, notamment en vue de remédier aux déficits de gouvernance et de développement, en adoptant des mesures visant à donner aux jeunes et aux femmes les moyens de participer de manière significative aux processus de gouvernance.  Le représentant a salué à cet égard l’intégration des préoccupations de sécurité humaine des femmes et des jeunes dans le plan stratégique d’alerte précoce et de réponse rapide 2022-2026 de la CEDEAO, avant de demander un soutien à la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. 

Mme PASCALE CHRISTINE BAERISWYL (Suisse) a rappelé que 40 millions d’enfants ne fréquentent pas l’école au Sahel.  De ce fait, l’avenir de ces enfants, en particulier celui des filles, est en jeu.  Elle a évoqué trois pistes concrètes pour apporter des perspectives à ces populations, en particulier à la jeunesse, afin de développer leur potentiel et celui de leur région.  D’abord, il est essentiel de répondre de façon holistique aux causes profondes de l’extrémisme violent et des conflits, a-t-elle estimé, tout en insistant sur le fait que les mesures de lutte contre le terrorisme doivent être conformes au droit international.  Elle a indiqué que le respect des droits humains dans la lutte contre le terrorisme a été souligné à maintes reprises lors des conversations régionales que l’UNOWAS et la Suisse organisent depuis 2016, et dont la prochaine édition est prévue fin février à Dakar. 

Sur le plan politique, a-t-elle poursuivi, l’accompagnement des États en transition, notamment le Mali, le Burkina Faso et la Guinée, doit rester une priorité dans la collaboration avec la CEDEAO.  Elle a souligné l’importance du dialogue inclusif dans ces contextes et appelé tous les acteurs à respecter l’ordre constitutionnel et à se conformer à l’état de droit.  La représentante a salué les progrès dans certains pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et la Gambie, avant de regretter les faibles progrès en matière de représentation et de participation des femmes aux processus politiques et décisionnels dans la région. 

Aider les communautés à s’adapter aux effets des changements climatiques et à en atténuer l’impact doit faire partie intégrante des réponses aux défis de la région, a enchaîné la déléguée.  Afin de créer des perspectives économiques locales, la Suisse réalise des investissements qui visent à renforcer la résilience des pays concernés et préserver leurs ressources naturelles.  Elle a ensuite annoncé des négociations pour une déclaration présidentielle « que nous souhaitons soumettre prochainement à l’attention du Conseil ».

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a appuyé le renouvellement du mandat de l’UNOWAS, avant de déplorer les nombreuses crises sécuritaires et humanitaires qui secouent la région.  Il a mentionné certains facteurs explicatifs de ces crises tels que l’affaiblissement des autorités de l’État ou les incidences des changements climatiques, avant de dénoncer les activités du groupe Wagner qui se livre à des violations des droits humains et prive certains États africains de leurs ressources.  Il a salué le travail de l’UNOWAS afin de restaurer et de préserver la règle démocratique.  Nous continuerons de travailler avec les autorités de transition du Burkina Faso en vue de protéger la démocratie, a-t-il affirmé, avant de déplorer le départ de ce pays de l’Ambassadeur de France et du Coordonnateur résident des Nations.  Enfin, le délégué des États-Unis a plaidé pour un « nouvel élan » de l’action internationale au Mali.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a attiré l’attention sur l’instabilité politique croissante en Afrique de l’Ouest et au Sahel.  Au cours des deux dernières années, les changements anticonstitutionnels de gouvernement sont devenus une tendance alarmante, a-t-elle indiqué, en exhortant les gouvernements de la région à se concentrer sur le règlement des crises de gouvernance et à renforcer leurs institutions démocratiques.  Notant que cette année est cruciale pour l’Afrique de l’Ouest et les États du Sahel où se préparent plusieurs élections importantes, elle a encouragé les acteurs politiques à poursuivre un dialogue inclusif et à parvenir à un consensus sur les désaccords en suspens, afin d’assurer le déroulement pacifique des scrutins.  L’UNOWAS a un rôle crucial à jouer pour soutenir ces pays par ses bons offices à l’approche des élections, a ajouté la représentante, avant d’encourager le Secrétaire général à nommer rapidement un nouveau représentant spécial. 

Préoccupée par la détérioration continue de la situation sécuritaire dans de vastes régions du Sahel, de même que par la propagation de la menace terroriste vers le sud et les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, la représentante a salué les mécanismes régionaux de lutte contre les groupes terroristes, y compris l’Initiative d’Accra, ainsi que la décision de créer une force multinationale mixte forte de 10 000 personnes.  La présence du groupe Wagner constitue également une menace importante pour les droits humains et le droit international humanitaire, a-t-elle fait valoir avant d’exhorter les gouvernements à « tenir compte des risques à long terme liés à leur partenariat ».

Mme ISIS JARAUD-DARNAULT (France) a regretté le fait que trois pays de la région n’ont toujours pas renoué avec l’ordre constitutionnel, saluant les efforts de la CEDEAO pour obtenir un engagement clair des autorités du Burkina Faso, de la Guinée et du Mali sur la durée de la transition et l’organisation d’élections crédibles et transparentes.  Elle a espéré que la nomination d’un nouveau représentant spécial pourra intervenir sans tarder, soulignant que l’UNOWAS et l’ensemble des équipes des Nations Unies jouent un rôle plus important que jamais pour accompagner les transitions politiques en lien avec la CEDEAO, entre autres.  Elle a aussi appuyé la recommandation du Secrétaire général de renouveler le mandat d’UNOWAS pour trois ans. 

S’agissant de la sécurité, la déléguée a dénoncé le bilan dramatique du modèle proposé par le groupe de mercenaires Wagner, qui, a-t-elle affirmé, a démontré son inefficacité totale pour lutter contre le terrorisme.  Ce groupe s’est déjà rendu coupable de nombreuses violations des droits de l’homme, a accusé la représentante rappelant ce qui s’est passé à Moura, au Mali, avec plus de 300 victimes civiles, de même que le pillage des ressources naturelles dans les pays où ce groupe est déployé.  Il est clair que la sécurité est un enjeu majeur pour la région, mais nous ne pourrons y répondre par des réponses brutales, crapuleuses, ou partielles, a-t-elle ajouté, précisant que la France continuera d’apporter son aide aux pays de la région qui en font la demande, dans un cadre respectueux du droit international.  Elle a également rappelé le soutien de la France à la demande de l’Union africaine de bénéficier d’un financement prévisible et durable pour ses opérations de paix, y compris sur contributions obligatoires des Nations Unies. 

M. ANDRÉS MONTALVO (Équateur) a salué la tenue de processus électoraux au Sénégal en juillet dernier, et au Bénin, dimanche dernier.  Il a également salué les progrès réalisés pour améliorer la coexistence civique au Cabo Verde, en Côte d’Ivoire, en Mauritanie et au Niger.  Il a dit espérer que le Burkina Faso, la Guinée et le Mali reviennent au régime constitutionnel dans les plus brefs délais, et il a dit apprécier les efforts déployés par la CEDEAO à cette fin.

Le délégué a condamné la violence qui a affecté ces derniers mois la région, principalement le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Bénin et le Nigéria, avant d’exprimer sa solidarité aux familles des victimes.  Il a appelé les pays de la zone à intensifier leur coopération pour lutter, par une action coordonnée, contre le terrorisme sous toutes ses formes, tout en respectant, en tout temps, les droits humains et le droit international humanitaire, ainsi que la nécessité de responsabilité.  Le représentant a ensuite salué la diminution des actes de piraterie dans le golfe de Guinée et le renforcement de l’architecture de Yaoundé pour la sécurité maritime.  Tout aussi encourageant est l’avancement des travaux de la Commission mixte Cameroun-Nigéria, a-t-il ajouté.  Il a enfin relevé qu’une plus grande participation des femmes aux processus politiques favorise la cohésion sociale, le développement, la prévention de la violence et, par conséquent, la consolidation de la paix.

Mme FRANCESCA GATT (Malte) a dit sa préoccupation devant les coups d’État successifs perpétrés dans la région.  Elle a appuyé les efforts du UNOWAS et de la CEDEAO afin de faire respecter les processus démocratiques.  Elle a notamment salué la Communauté pour avoir immédiatement condamné le coup d’État en Gambie en décembre dernier.  Elle a déploré la menace accrue posée par les groupes terroristes et armés, notamment au Burkina Faso et au Mali, avant d’y dénoncer la présence de mercenaires.  La déléguée a plaidé pour des efforts internationaux, régionaux et locaux accrus afin de remédier à la violence et traiter des causes profondes des activités terroristes.  Elle a insisté sur les enjeux sécuritaires posés par les changements climatiques et salué le travail abattu par l’UNOWAS à ce sujet.  Enfin, elle a résolument appuyé le groupe indépendant de haut niveau sur la sécurité et le développement dans la région du Sahel présidé par M. Mahamadou Issoufou, l’ancien Président du Niger.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a souscrit aux préoccupations relatives aux sous-régions de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel, qui se heurtent à une multiplication des défis terroristes et des conflits interethniques et intercommunautaires, entre autres.  Elle a expliqué que la Russie soutient tous ceux qui luttent contre le terrorisme dans la région, s’inquiétant du fait que des groupes dissidents tentent de gagner des pays du golfe de Guinée.  Passant au Mali, la représentante a rappelé que depuis le retrait de l’opération Barkhane et des forces européennes de Takouba, l’armée malienne a dû endosser toute la responsabilité de la lutte antiterroriste, et engrangé des résultats.  La Russie, dans le cadre d’accords bilatéraux, apporte aux Mali une aide considérable dans ce domaine, a-t-elle expliqué, en réfutant toutefois les accusations portées à l’encontre de la Russie qui « chercherait à piller les ressources naturelles des pays africains ».  Il s’agit à ses yeux d’affronts au bon sens et au droit des États africains de prendre des décisions souveraines, notamment s’agissant de savoir avec qui ils coopèrent.  La déléguée a ensuite salué les efforts de la CEDEAO en matière de médiation politique dans la région.

Préoccupée par les tentatives de certains pays occidentaux de fissurer l’unité africaine, elle a estimé que les États africains doivent jouer un rôle de premier plan dans le maintien de la paix et de la sécurité régionales, et la communauté internationale leur apporter une aide.  À cette fin, elle a encouragé à mobiliser 1 milliard de dollars pour mettre en œuvre le plan d’action de la CEDEAO pour la lutte contre le terrorisme.

Revenant à l’UNOWAS, elle s’est dite consciente des défis de taille à relever par le Bureau, et a estimé que l’efficacité de ses activités dépendra de la qualité de la coopération entre le Bureau et l’Union africaine, la CEDEAO et la Commission du bassin du lac Tchad.  La déléguée a tenu à rappeler que depuis la fermeture du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau en 2022, le suivi de la situation dans le pays relève de la responsabilité de l’UNOWAS.  Le maintien des sanctions dans ce contexte est absurde, a-t-elle argué, en appelant à leur levée progressive.  La représentante a indiqué que sa délégation est prête à discuter de manière constructive de la prolongation de trois ans du mandat de l’UNOWAS.

M. DAI BING (Chine) a demandé à la communauté internationale et au Conseil de sécurité d’apporter un appui aux initiatives régionales de paix et de sécurité comme l’Initiative d’Accra, de même qu’aux luttes contre le terroriste et le trafic d’armes et de stupéfiants.  Il a appelé à renforcer la coopération militaire et sécuritaire entre les pays de la région afin de promouvoir la stabilité et appuyer la lutte commune contre le terrorisme, insistant en outre sur l’importance du partage d’information et de renseignements.  Le représentant a ensuite prié les pays de la région concernés à mettre en œuvre leur processus électoral, tout en exhortant la communauté internationale à y apporter un appui constructif.  Il a également appelé à préserver le consensus sur la transition politique au Mali et au Burkina Faso.  Soulignant que la sécurité et le développement sont indissociables de la lutte contre le terrorisme, il a appelé les pays développés à respecter leurs engagements en matière d’aide publique au développement de même que leurs engagements climatiques.  Le délégué a ensuite fait part de son appui à la prorogation du mandat de l’UNOWAS. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a évoqué un fil conducteur qui imprègne bon nombre de conflits dans la région, c’est-à-dire le lien entre les crises humanitaire, politique et sécuritaire.  On voit souvent que les situations humanitaires difficiles sont un terrain fertile pour l’instabilité politique, souvent exprimée par des moyens violents, a-t-il relevé.  La violence et l’insécurité, à leur tour, aggravent la situation humanitaire.  Le bon fonctionnement des institutions démocratiques est essentiel pour briser ce cycle ou l’empêcher de se perpétuer, a—t-il suggéré. 

En Guinée-Bissau, pays avec lequel le Brésil a des liens linguistiques et historiques étroits, le Président Umaro Sissoco Embaló a fixé la date des élections au 4 juin 2023.  Nous espérons que le report de la date initialement proposée permettra l’achèvement du processus dans l’ordre et de manière pacifique, a souhaité le délégué.  Selon lui, c’est au Sahel que le lien entre instabilité politique et crise sécuritaire et humanitaire est le plus clair.  Il a exhorté le nouveau Président de la transition au Burkina Faso à respecter le calendrier de transition approuvé par la conférence tenue en octobre.

C’est avec une grande inquiétude que nous notons l’expansion d’activités terroristes du Sahel central vers les pays côtiers comme le Bénin et le Togo, a—t-il poursuivi.  Le représentant s’est dit encouragé par l’intensification des efforts régionaux pour lutter contre ce fléau, que ce soit par des accords bilatéraux que par le biais de l’Initiative d’Accra.  Le Brésil est également encouragé par l’amélioration de la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, a ajouté son délégué.  Pour lui, c’est une réalisation, avant tout, des pays de la région qui ont uni leurs efforts dans le cadre de l’architecture de Yaoundé.  En tant que membre du Groupe des Amis du golfe de Guinée, le Brésil a coopéré et pris part à des opérations navales telles que l’opération Guinex, Obangame Express et Grand African Nemo.

M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni) s’est dit préoccupé par le recul démocratique et le rétrécissement de l’espace civique que la région a connus en 2022.  Il a appelé à des progrès vers la réinstallation de gouvernements constitutionnels au Mali, au Burkina Faso et en Guinée dans les délais convenus, avant de saluer les efforts déployés en ce sens par la CEDEAO et l’Union africaine.  2023 sera une année importante pour la démocratie en Afrique de l’Ouest avec des élections présidentielles au Nigéria, en Sierra Leone et au Libéria, a-t-il relevé, et l’UNOWAS a un rôle important à jouer, notamment par le biais de ses bons offices.  Constatant la nette détérioration de la situation sécuritaire dans la région, notamment au Mali, au Burkina Faso, au Nigéria et dans le bassin du lac Tchad, le représentant a partagé les inquiétudes exprimées quant au risque de propagation de l’instabilité aux États côtiers.  Nous ne pouvons ignorer le rôle déstabilisateur que joue le groupe Wagner dans la région, a-t-il insisté, arguant qu’il fait partie du problème, et non de la solution. 

Relever les défis sécuritaires de la région nécessite une réponse holistique.  Cela comprend la nécessité de reconnaître l’impact sur la sécurité des changements climatiques, qui multiplie les menaces auxquelles sont confrontées les populations vulnérables, a poursuivi le délégué.  Il a salué les efforts de l’UNOWAS pour renforcer la cohérence et la coordination, notamment en soutenant la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et l’Initiative d’Accra.  L’UNOWAS doit utiliser son nouveau mandat pour se concentrer sur la lutte contre les causes profondes des conflits, a estimé le représentant.  Pour sa part, le Royaume-Uni a renforcé sa coopération bilatérale par le biais de dialogues avec le Ghana et le Nigéria sur les questions d’ordre sécuritaire, a-t-il indiqué, et il renforce sa coopération multilatérale par le truchement de la Facilité de stabilisation régionale du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).  Il a conclu en assurant le soutien du Royaume-Uni à l’assistance humanitaire au Sahel.

Mme GHASAQ YOUSIF ABDALLA SHAHEEN (Émirats arabes unis) a déclaré que la région dispose d’un immense potentiel pour assurer son développement, insistant sur l’importance du dialogue et des échanges dans la région afin d’éviter qu’elle ne sombre dans l’instabilité.  À cet égard, elle a appelé à soutenir les efforts diplomatiques déployés par les pays de la région et à poursuivre les réformes de la gouvernance entamées par certains États.  Elle a souligné la nécessité pour les organisations régionales de renforcer les capacités des États en matière de gouvernance politique et de partenariats.  La représentante a adoubé la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel et le plan d’appui des Nations Unies au Sahel.  Sur la question sécuritaire, elle a appelé à soutenir les pays de la région dans leur lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent et à renforcer les dispositifs régionaux de paix et de sécurité.  Le Conseil de sécurité doit renforcer le rôle de l’UNOWAS à aider les États face aux changements climatiques, et encourager la participation des jeunes pour apporter des solutions novatrices face aux changements climatiques. 

M. ISHIKANE KIMIHIRO (Japon) a indiqué que la tentative de coup d’État du mois dernier en Gambie, perpétrée environ un an après la conclusion de l’élection présidentielle et des législatives, rappelle que la stabilité politique régionale doit être renforcée.  Il a appelé à la préparation en temps voulu d’élections libres et équitables au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, afin d’assurer leur retour à l’ordre constitutionnel.  Étant donné que plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest se préparent à organiser des élections en 2023, le Japon, dans le cadre de la Nouvelle approche pour la paix et la stabilité en Afrique (NAPSA), continuera de soutenir les efforts visant à renforcer les institutions démocratiques et la gouvernance, a promis le délégué.

Selon M. Kimihiro, le développement socioéconomique est vital pour le maintien de la paix et de la stabilité dans la région.  Il a également mentionné les effets néfastes des changements climatiques pour la sécurité humaine.  Il a plaidé pour la mise en place de systèmes d’alerte précoce en rapport avec les effets des changements climatiques et la dégradation de l’environnement, ainsi qu’avec le maintien et la consolidation de la paix.  Le représentant s’est dit fermement convaincu que la protection, l’autonomisation et l’inclusion et la solidarité avec les populations vulnérables, y compris les femmes, les jeunes et les minorités, doivent rester au centre des efforts pour ramener la paix et la stabilité dans la région.  Les défis auxquels la région est confrontée sont divers mais interconnectés.  Par conséquent, le délégué a demandé de favoriser une approche intégrée et holistique pour y répondre. 

 

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