En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dix-huitième session,
26e séance plénière – matin
AG/12554

Assemblée générale: 187 États Membres demandent la levée du blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis

L’Assemblée générale a adopté, ce matin, « pour la trente et unième année consécutive », comme l’ont souligné les Philippines, sa résolution annuelle portant sur la « nécessité de lever le blocus économique, commercial et financier imposé à Cuba par les États-Unis d’Amérique ».  Si les États-Unis et Israël s’y sont opposés, et l’Ukraine s’est abstenue, le texte a été plébiscité (187 voix sur 193 États Membres), ce dont le Ministre des affaires étrangères de Cuba s’est félicité. M. Bruno Rodríguez Parrilla s’est dit encouragé de « pouvoir compter sur le soutien croissant de personnes de bonne volonté qui, partout dans le monde, demandent au Gouvernement américain de mettre fin au blocus ».

Comme à son habitude, l’Assemblée générale exprime dans ce texte ses préoccupations par le fait que des États Membres continuent d’adopter et d’appliquer des lois et règlements, tels que la loi américaine « Helms-Burton » de 1996, « dont les effets extraterritoriaux portent atteinte à la souveraineté d’autres États et aux intérêts légitimes d’entités ou de personnes relevant de leur juridiction ainsi qu’à la liberté du commerce et de la navigation ».

Après avoir émis 30 résolutions sur ce sujet, l’Assemblée exprime de nouveau ses préoccupations face à un blocus qui est toujours en vigueur.  Elle s’inquiète aussi de ses conséquences préjudiciables à la population cubaine et aux Cubains résidant dans d’autres pays.  L’Assemblée prend acte du rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution, qui compile dans ses 184 pages les réponses des gouvernements ainsi que des organes et organismes des Nations Unies à la demande d’information adressée par le Secrétaire général.

Par le texte adopté aujourd’hui, l’Assemblée « exhorte de nouveau tous les États » à s’abstenir d’adopter ou d’appliquer des lois et mesures du type visé dans le préambule de la présente résolution, comme leur en font obligation la Charte des Nations Unies et le droit international, qui consacrent notamment la liberté du commerce et de la navigation.  Elle demande « de nouveau instamment » aux États qui continuent d’appliquer des lois ou mesures de ce type de faire le nécessaire pour les abroger ou les annuler dès que possible, dans le respect de leur législation. 

Présentant le projet de résolution dont son pays est l’auteur, le Ministre cubain des affaires étrangères a expliqué la nécessité impérieuse de lever le blocus en s’attardant sur ses conséquences tant à long terme que sur le quotidien pour Cuba et sa population.  Il a d’abord avancé le chiffre de « 1,6 milliard de dollars de plus » que son gouvernement devra débourser cette année, à cause du blocus, pour soutenir le panier de la ménagère cubaine qui manque de quoi subvenir aux besoins de sa famille en matière de santé, d’éducation et de bien-être. 

Le manque à gagner du secteur énergétique et minier entre mars 2022 et février 2023 à cause du blocus dépasse les 491 millions de dollars, a-t-il aussi indiqué, tandis que les pertes en matière de production d’électricité s’élèvent à 239 millions de dollars et plongent les foyers et l’industrie dans l’obscurité et les délestages. 

Sur le plan sanitaire, le Ministre a fait valoir que si Cuba est capable de produire 60% des médicaments dont sa population a besoin, le blocus a eu pour conséquence de réduire la production locale d’insuline, d’antibiotiques, d’analgésiques et d’autres médicaments essentiels.  « Maria, 6 ans, qui aurait dû subir une ablation partielle d’une tumeur au cerveau », a dû faire à la place un traitement de chimiothérapie, parce le pays ne reçoit plus la Lomustine qui est le médicament adapté à son cas, a-t-il donné comme exemple.  Il s’est désolé que, pour elle, comme pour d’autres enfants cubains, le blocus continue de faire risquer des vies.

Si les Philippines ont vanté les liens culturels et économiques de son pays avec Cuba remontant au commerce par galion entre Manille et Acapulco au début du XVIe siècle, le Ministre cubain a déploré que même le domaine de la formation académique n’ait pas échappé aux effets de ce « blocus absurde ». Il a parlé d’« Evelio, 25 ans, étudiant en sciences de l’information », qui s’est vu refuser sa participation au Congrès mondial sur la recherche scientifique en avril 2023 à l’Université Warwick (Royaume-Uni), après que les organisateurs de l’événement l’ont informé que, compte tenu de l’inclusion de Cuba dans la liste des pays sous sanctions, le financement de sa participation en personne était retiré.

Evelio, a déclaré le Ministre, attend la fin du blocus car, comme c’est le cas pour des milliers de jeunes Cubains, cette politique l’exclut et l’empêche d’interagir, sur un pied d’égalité, dans les communautés académiques et scientifiques. Le Pakistan, au nombre des 16 dernières délégations qui se sont exprimées, ce matin, après le débat commencé hier, a fustigé cet impact inadmissible du blocus sur la vie des Cubains ordinaires. 

Poursuivant sa longue intervention, M. Parrilla a observé que le blocus restreint notamment les droits des Cubains résidant aux États-Unis: il entrave le regroupement familial et la délivrance de visas; il bloque les envois de fonds.  Dans le même temps, l’embargo nuit à la liberté des citoyens américains de se rendre à Cuba et étouffe leur liberté d’information et d’opinion.  Fait aggravant, a ajouté le Ministre, le blocus constitue une menace directe pour les citoyens d’États tiers qui bénéficient du système automatisé de visas « ESTA », par le simple fait d’avoir visité Cuba. 

Les délégations ont dénoncé cet impact extraterritorial du blocus à l’image de la République islamique d’Iran qui y a vu une violation des principes de la Charte des Nations Unies.  Le délégué iranien a accusé les États-Unis de continuer de menacer les autres États comme dans la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité (sanctions contre l’Iran).

Après avoir détaillé les autres conséquences du blocus, comme l’ont fait, hier et ce matin, la soixantaine de délégations qui se sont exprimées sur ce sujet, notamment sur les pertes économiques et financières (154 milliards de dollars en près de 60 ans), le Ministre a dénoncé la croisade médiatique menée sur le territoire américain à l’encontre de Cuba.  Celle-ci vise à encourager le mécontentement, à donner l’impression d’une crise politique intérieure, à discréditer les institutions gouvernementales et à minimiser les efforts du Gouvernement pour faire face au blocus. 

L’Administration américaine actuelle poursuit la « politique inhumaine » mise en place sous celle de l’ex-Président Donald Trump, s’est impatienté le Ministre. Le blocus, qui a été « renforcé à des niveaux extrêmes », continue d’être la colonne vertébrale de la politique des États-Unis à l’égard de Cuba, a-t-il noté.

Le Brésil, qui a voté cette année pour la levée du blocus alors qu’il s’était abstenu l’an passé, a insisté sur le principe selon lequel seules les sanctions adoptées par le Conseil de sécurité sont conformes aux principes de la Charte des Nations Unies. Le représentant a demandé aux États-Unis de normaliser ses relations avec Cuba en faisant remarquer que le rejet du blocus fait pratiquement consensus sur la scène internationale. Avec la dizaine de délégations qui ont parlé ce matin, il a également demandé de retirer Cuba de la liste américaine des pays sponsors du terrorisme.  L’intensification des relations économiques avec Cuba est une bonne voie à suivre pour tous les pays intéressés à soutenir le développement de l’île et l’amélioration des conditions de vie de millions de citoyens cubains, a-t-il argué.

« Nous sommes résolument au côté du peuple cubain », a déclaré le délégué des États-Unis, malgré la persistance du blocus et son vote contre la résolution. Il a expliqué que les sanctions sont des instruments mis en place afin d’amener Cuba sur la voie de la démocratie et des libertés fondamentales.  Il a dit reconnaître les défis que les Cubains doivent relever.  C’est pourquoi, a-t-il fait savoir, le Gouvernement américain a inclus des exemptions et autorisations qui ont trait à l’importation d’aliments et de médicaments ainsi que d’autres biens humanitaires.  Depuis 2002, les entreprises américaines ont exporté plus de 295 milliards de dollars en biens agricoles et médicaments pour répondre aux besoins des Cubains, a-t-il fait savoir. 

Le représentant américain a exhorté l’Assemblée générale à encourager le Gouvernement cubain à adhérer à ses obligations en matière des droits humains et à écouter les aspirations de son peuple, rappelant que près de 1 000 prisonniers politiques sont derrière les barreaux à Cuba, dont 700 sont des mineurs. Il a appelé à libérer tous ceux qui sont détenus de manière injuste.  Le délégué des États-Unis a aussi rappelé que Cuba, qui est membre du Conseil des droits de l’homme, a pourtant reporté sa réponse à différentes demandes qui lui ont été adressées par des experts indépendants, certaines datant de plus de 10 ans. 

L’Assemblée générale se réunira demain, vendredi 3 novembre, à 15 heures, pour achever son débat sur la Cour internationale de Justice.

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