Journée pour l’élimination de la discrimination raciale: à l’Assemblée, le Secrétaire général demande aux États Membres des plans d’action nationaux d'ici à fin 2023
L’Assemblée générale a, ce matin, commémoré la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale, à l’occasion de laquelle le Secrétaire général de l’ONU, M. António Guterres, a appelé chaque gouvernement à adopter, d’ici à décembre au plus tard, un plan d’action national complet assorti d’un calendrier pour lutter contre ce fléau.
Cette journée est observée chaque année le 21 mars pour commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville, en Afrique du Sud, la police a tué 69 participants à une manifestation pacifique contre l’apartheid. En proclamant la Journée internationale en 1966, l’Assemblée avait engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale.
Cette année, elle coïncide avec les 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pourtant, nous sommes encore loin de réaliser l’égalité en dignité et en droits pour tous, a constaté M. Guterres, qui a donc vu dans ces plans d’action nationaux et leurs échéanciers un moyen d’accélérer la cadence, en tablant sur des législations et des politiques antidiscriminatoires élaborées à partir de données vérifiables.
Le Chef de l’Organisation a également appelé tous les États à ratifier la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et à mettre en œuvre leurs obligations et engagements sans délai, tandis que le Luxembourg, au nom du Groupe des États d’Europe occidentale et autres États, a encouragé à la mise en œuvre de cet instrument juridiquement contraignant. Convaincu que la société civile et le secteur privé ont un rôle à jouer, le Secrétaire général a appelé les entreprises à prendre des mesures urgentes pour éliminer la discrimination raciale dans les produits et services, et sur les lieux de travail.
Selon le haut fonctionnaire, le racisme n’est pas inné, mais une fois appris, il peut acquérir un pouvoir destructeur sur les individus et les sociétés. Et une fois instrumentalisé à des fins politiques, il peut ouvrir la voie aux génocides, a-t-il mis en garde.
Au sein du système des Nations Unies, a poursuivi M. Guterres, la mise en œuvre d’un plan d’action stratégique pour l’éradication du racisme progresse, tandis que le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a défini cinq priorités: adopter et mettre en œuvre des lois et politiques nationales complètes; établir et renforcer les institutions nationales indépendantes des droits humains et les organismes de promotion de l’égalité; collecter et publier des données ventilées par race, nationalité, ethnicité, sexe, genre, âge, ou encore statut migratoire; assurer la participation effective des groupes raciaux et ethniques aux processus de prise de décisions; et envisager des réparations pour les séquelles de la discrimination raciale.
La Sierra Leone, qui s’est exprimée au nom du Groupe des États d’Afrique, a d’ailleurs estimé que la justice réparatrice est cruciale vis-à-vis des torts historiques que sont l’esclavage, l’apartheid et le colonialisme, une analyse partagée par la Barbade, qui a pris la parole au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), groupe régional pour lequel cette justice participe aussi au développement durable des pays concernés. Les pays africains, a dit le Cameroun, continuent d’attendre que les responsables de la traite transatlantique et de la colonisation assument leurs responsabilités.
Le Président de l’Assemblée générale, M. Csaba Kőrösi, a pour sa part observé que sur Internet, le racisme prend des formes toujours aussi néfastes, les réseaux sociaux pouvant être vecteurs de violence raciale et même de génocide, avant d’appeler gouvernements et entreprises à se mobiliser, en prenant appui sur le Programme d’action de Durban. En l’absence d’une gouvernance internationale du cyberespace, les réseaux sociaux sont devenus un terreau de propagation de discours de la haine, a confirmé la Tunisie, qui a rappelé qu’elle a été l’un des pionniers de l’abolition de l’esclavage, dès 1846.
Les États-Unis ont rendu hommage à ces héros anonymes qui se battent contre la discrimination raciale, comme le cousin de la représentante américaine, Vince, qui a défendu le droit de vote des Noirs dans les années 50. Elle a reconnu que son pays a un lourd bilan en matière de discrimination raciale, dont elle-même fut la victime. Pourtant, a déclaré Mme Thomas-Greenfield, « je suis fière de mon pays et des progrès accomplis, y compris par l’Administration Biden, qui s’est engagée à démanteler les racismes systémique et structurel ».
Sentiment de fierté repris à son compte par le maire de New York, M. Eric Adams, qui a indiqué que sa ville figure en tête de la lutte contre la discrimination raciale dans le pays. Rappelant qu’il n’est que le second maire afro-américain de New York, il a salué le fait que rien que cette année, les crimes de haine ont reculé de près de 70% à New York.
La montée en puissance des discours racistes, parfois tenus par des personnalités publiques et politiques, entravent les efforts pour bâtir des sociétés fondées sur la dignité et la tolérance, a déploré de son côté la Présidente du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Mme Verene Albertha Shepherd a constaté que de nombreux groupes sont toujours confrontés à des inégalités durables, legs du colonialisme et de la traite transatlantique, qui exigent des réparations. La Présidente a donc encouragé les États qui ne l’ont pas encore fait à suivre l’exemple d’acteurs non étatiques, en s’engageant dans une conversation sur la justice réparatrice avec les descendants des peuples colonisés et des victimes de la traite transatlantique.
Le Brésil a indiqué avoir pris des mesures pour lutter contre la discrimination raciale et protéger les droits des personnes d’ascendance africaine. Depuis 1988, la Constitution fédérale stipule que le racisme est un crime sans prescription possible. C’est parce qu’il nécrose le tissu social que l’Équateur a invité les États à redoubler d’efforts pour parvenir à des sociétés plus justes. Au nom du Groupe des pays d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), les Bahamas ont salué la création de l’Instance permanente pour les personnes d’ascendance africaine, appelant à la proclamation d’une deuxième Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, alors que la première prendra fin en décembre 2024.
L’Union européenne (UE) a expliqué que d’importants efforts avaient été faits par ses États membres pour lutter contre la discrimination raciale, et que la recherche de consensus doit prévaloir au sein de l’ONU dans ce combat. Les Îles Salomon, qui ont pris la parole au nom du Groupe des États d’Asie et du Pacifique, ont recommandé quant à elles de mettre l’accent sur la lutte contre les stéréotypes.