9230e séance - matin
CS/15158

Conseil de sécurité: en Syrie, le processus politique est dans l’impasse, sur fond de crise humanitaire plus aiguë que jamais, prévient l’Envoyé spécial

Alors que l’année 2022 touche à sa fin, l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie a déclaré, ce matin au Conseil de sécurité, que jamais les besoins de ses habitants n’ont été plus aigus depuis le début du conflit il y a presque 12 ans, dans un contexte d’effondrement économique, de violence continue et d’absence de progrès tangible du processus politique.  Raison de plus pour le Conseil de renouveler le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière qui expire le 10 janvier, a exhorté le haut fonctionnaire.

« Le tableau est sombre », a concédé M. Geir O. Pedersen, deux semaines après un déplacement à Damas où il a repris ses discussions avec le Gouvernement syrien sur la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015), qui appelle à un cessez-le-feu et à une résolution politique du conflit en Syrie.  Or, la situation sur le terrain prend « une tournure inquiétante », a constaté le haut fonctionnaire, le pays s’enfonçant dans une crise humanitaire et économique, précipitée par un contexte géopolitique mondial extrêmement défavorable.

Sur le plan militaire, a précisé l’Envoyé spécial, des frappes aériennes progouvernementales sporadiques ont pris pour cible le nord-ouest de la Syrie au cours du mois écoulé, de même que des frappes aériennes turques dans le nord et d’autres à Damas et dans le sud-ouest attribuées à Israël.  En outre, des bombardements, des tirs de roquettes et des affrontements intermittents sur les lignes de contact ont été perpétrés par l’ensemble des parties au conflit –le Gouvernement syrien, l’opposition armée, les Forces démocratiques syriennes (FDS) et le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham–, sans compter Daech.

Face à « cette dynamique inquiétante », la priorité est de consolider le « patchwork » d’accords et d’arrangements fragiles conclus bilatéralement ces dernières années entre certains acteurs clefs –Russie, Türkiye, États-Unis– pour en faire un cessez-le-feu à l’échelle nationale tout en privilégiant une approche coopérative de la lutte contre les groupes terroristes figurant sur la liste du Conseil de sécurité.  C’est à cette fin que M. Pedersen a indiqué avoir convoqué une réunion plénière du Groupe de travail sur le cessez-le-feu à Genève vendredi dernier.

Une autre priorité, c’est de garantir un accès humanitaire sans entrave à tous les Syriens dans le besoin dans l’ensemble du pays, et dans ce cadre, a-t-il souligné, l’aide transfrontière autorisée par le Conseil de sécurité reste indispensable.  « C’est le message essentiel que je vous adresse aujourd’hui: continuez à soutenir ce mécanisme; des millions de Syriens en dépendent », a plaidé M. Pedersen, rejoint par le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Martin Griffiths, et de nombreux membres du Conseil, du Mexique au Gabon, en passant par l’Albanie, la France et l’Irlande, pour qui ce mécanisme est une « bouée de sauvetage ».  Il n’existe tout simplement pas de substitut, ont insisté les États-Unis.

De « tristes records » ont été battus en 2022 en Syrie, a relevé M. Griffiths, qui est également le Coordonnateur des secours d’urgence.  Rien que dans le nord-ouest du pays, le nombre de nécessiteux a augmenté cette année pour atteindre les 14,6 millions de personnes, alors qu’il devrait se chiffrer à 15,3 millions en 2023.  À cela s’ajoute le fait que près de six millions de personnes ont besoin d’aide pour faire face aux températures glaciales de l’hiver, soit un bond de 33% par rapport à l’an dernier.  Or, le financement du plan de réponse humanitaire de l’ONU pour la Syrie en 2022 n’aura été financé qu’à hauteur de 43% à peine, s’est désolé le Secrétaire général adjoint, appuyé par plusieurs membres du Conseil.

Pour la Fédération de Russie, ses « collègues occidentaux » passent plus de temps à présenter le mécanisme transfrontière au lieu de s’assurer que l’aide est bien acheminée à tous les Syriens par-delà les lignes de front.  Affirmant que « ce mécanisme est tout sauf transparent », la délégation s’est notamment élevée contre le fait que le déploiement de projets de relèvement rapide soit marqué par des déséquilibres géographiques frappants, 35% seulement d’entre eux se déroulant dans les zones contrôlées par Damas, « là où pourtant les besoins sont les plus criants ».  Tant que l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie seront compromis par les Occidentaux, nous ne pourrons pas croire à leurs propositions au sujet du mécanisme transfrontière, a-t-il mis en garde.

La République arabe syrienne a d’ailleurs dénoncé la présence militaire illicite de forces étrangères des États-Unis et de la Türkiye, de même que les attaques israéliennes contre ses infrastructures vitales et l’imposition de sanctions unilatérales illicites.  Un « siège immoral et inhumain » qu’elle a imputé aux États-Unis et à l’Union européenne, qui paradoxalement demandent la prorogation d’un mécanisme « temporaire » par nature et « discriminatoire » dans les faits selon la délégation, puisqu’il ne profiterait qu’à une partie des Syriens « au détriment des autres ».

Sur le plan politique, l’Envoyé spécial a indiqué que le mois écoulé a été marqué une fois de plus par une absence de progrès des travaux de la Commission constitutionnelle, qui ne s’est pas réunie, en raison de l’opposition de la Fédération de Russie à le faire à Genève.  La délégation russe a justifié sa position en pointant l’absence de garanties sérieuses et appropriées pour les personnes qui devaient participer à ces travaux au nom du pays hôte.

Autre sujet contentieux dont dépend une reprise du processus politique: la question des détenus et des personnes disparues, plus de 130 000 selon les États-Unis, dont M. Pedersen a plaidé la cause lors de son déplacement à Damas.  Il a d’ailleurs émis l’espoir que 2023 verra la création d’une institution pour les personnes disparues mandatée par l’Assemblée générale, comme le recommande le Secrétaire général.

Pour le haut fonctionnaire, il faut également poursuivre le dialogue en vue d’identifier et de mettre en œuvre des mesures initiales de renforcement de la confiance, étape par étape.  L’Envoyé spécial a déclaré qu’il continuerait à s’appuyer sur les idées et les conseils du Conseil consultatif des femmes, le rôle de la société civile syrienne pour aider à reconstruire la cohésion sociale de son pays étant plus impératif que jamais. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR O. PEDERSEN, Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, a indiqué s’être rendu il y a deux semaines à Damas pour poursuivre ses discussions avec le Gouvernement syrien sur l’état d’avancement du processus politique visant à mettre en œuvre la résolution 2254 (2015), alors que la situation sur le terrain prend « une tournure inquiétante ».  En effet, les Syriens sont confrontés à une crise humanitaire et économique de plus en plus profonde, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, dans les zones contrôlées par le Gouvernement comme dans celles qui ne le sont pas, où la situation reste la plus grave, notamment dans les camps de personnes déplacées.  Cette situation est le fruit de plus d’une décennie de guerre et de conflit, de corruption et de mauvaise gestion, sans compter la crise financière que traverse le Liban voisin, la pandémie de COVID-19, les sanctions et les retombées de la guerre en Ukraine.  Dans un tel contexte, a-t-il signalé, même les Syriens qui n’auraient normalement pas besoin d’aide –les salariés, par exemple– sont en proie à des difficultés, étant donné la dépréciation de la devise syrienne, une situation qui ne fera que s’aggraver à mesure que l’hiver s’installe.

Le haut fonctionnaire a ensuite fait état d’informations selon lesquelles des frappes aériennes progouvernementales sporadiques ont pris pour cible le nord-ouest du pays au cours du mois écoulé, de même que des frappes aériennes turques dans le nord et des frappes à Damas et dans le sud-ouest attribuées à Israël.  Il a également signalé des bombardements, des tirs de roquettes et des affrontements intermittents sur les lignes de contact impliquant l’ensemble des parties au conflit –le Gouvernement syrien, l’opposition armée, les Forces démocratiques syriennes (FDS) et le groupe terroriste Hay’at Tahrir el-Cham–, ainsi que la poursuite des attaques de Daech.

Pour l’Envoyé spécial, cette dynamique inquiétante doit être infléchie en dégageant un certain nombre de priorités.  La première, c’est de rétablir un calme relatif sur le terrain, en s’inspirant du « patchwork » d’accords et d’arrangements conclus bilatéralement entre certains acteurs clefs, qui a permis une réduction relative de la violence au cours des dernières années - notamment entre la Russie et la Türkiye à Edleb en 2020, ainsi que la déconfliction entre la Russie et les États-Unis.  Mais de tels accords et arrangements, fragiles par nature, ne constituent pas un cessez-le-feu complet à l’échelle nationale.  Aussi avons-nous convoqué une réunion plénière du Groupe de travail sur le cessez-le-feu à Genève vendredi dernier afin de transmettre un message commun à tous les États Membres ayant une influence sur le terrain, a expliqué l’Envoyé spécial: faire preuve de retenue, protéger les civils, œuvrer à la consolidation de cet éventail d’accords et d’arrangements pour en faire un cessez-le-feu à l’échelle nationale, et privilégier une approche coopérative de la lutte contre les groupes terroristes figurant sur la liste du Conseil de sécurité.

Une autre priorité, c’est de garantir un accès humanitaire sans entrave à tous les Syriens dans le besoin dans l’ensemble du pays, et dans ce cadre, a-t-il souligné, l’aide transfrontière autorisée par le Conseil de sécurité reste indispensable.  « C’est le message essentiel que je vous adresse aujourd’hui: continuez à soutenir ce cadre; des millions de Syriens en dépendent », a plaidé M. Pedersen.  Il a appelé à la reprise des réunions de la Commission constitutionnelle à Genève et à les rendre plus substantielles, même si pour l’instant, la Fédération de Russie maintient sa position s’agissant de la tenue de ces réunions à Genève.

Autre priorité de l’Envoyé spécial, la question des détenus et des personnes disparues, dont il a plaidé la cause lors de son déplacement à Damas.  M. Pedersen a d’ailleurs émis l’espoir que 2023 verra la création d’une institution pour les personnes disparues mandatée par l’Assemblée générale, comme le recommande le Secrétaire général.  Il faut également poursuivre le dialogue en vue d’identifier et de mettre en œuvre des mesures initiales de renforcement de la confiance, étape par étape.  L’Envoyé spécial a enfin déclaré qu’il continuerait à s’appuyer sur les idées et les conseils du Conseil consultatif des femmes, en s’efforçant d’intégrer la dimension genre dans tous ses travaux et de garantir une participation élargie.  Le rôle de la société civile pour aider à reconstruire la cohésion sociale de la Syrie est plus impératif que jamais, a-t-il estimé.  Les femmes syriennes ont fait preuve d’une résilience admirable, notamment en tant que chefs de famille.  Leur autonomisation et leur inclusion sont essentielles ».

Alors que l’année 2022 touche à sa fin, le haut fonctionnaire a alerté que les besoins du peuple syrien ont atteint les pires niveaux depuis le début du conflit, dans un contexte d’effondrement économique supplémentaire et de violence continue.  Aucun progrès tangible n’a été réalisé pour faire avancer le processus politique.  Et la géopolitique mondiale a rendu une situation difficile encore plus compliquée.  « Le tableau est sombre », a concédé l’Envoyé spécial.  Mais une prise de conscience croissante à tous les niveaux est palpable, selon laquelle le statu quo ne peut se poursuivre.  C’est la raison pour laquelle M. Pedersen a appelé les membres du Conseil à soutenir ses priorités en faisant preuve d’unité, en particulier sur le front humanitaire.

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a indiqué que de tristes records ont été battus en 2022 en Syrie.  Dans le seul nord-ouest syrien, au moins 138 civils ont été tués entre janvier et novembre.  Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide a augmenté en 2022 pour atteindre les 14, 6 millions de personnes et devrait passer à 15,3 millions en 2023.  Nous n’avions pas vu de tels chiffres depuis le début de la crise en Syrie en 2011, a-t-il signalé.  Il a indiqué que les conditions socioéconomiques ne cessent de se détériorer, avec une inflation galopante et une insécurité alimentaire qui touche plus de 3 millions de personnes.  Cette dégradation économique est la plus grave depuis le début de la crise.  Néanmoins, a-t-il ajouté, 7,8 millions de personnes ont pu bénéficier chaque mois d’une aide humanitaire en Syrie.  M. Griffiths a indiqué que 2022 a aussi été l’année qui a vu la résurgence du choléra, 62 000 cas présumés ayant été recensés au 18 décembre et 100 personnes ayant succombé à la maladie.  « Nous avons urgemment besoin de ressources supplémentaires pour répondre à l’épidémie. »

Le Coordonnateur a ensuite évoqué le défi de l’hiver, près de 6 millions de personnes ayant besoin d’une aide pour faire face aux températures glaciales, soit une augmentation de 33% par rapport à l’année dernière.  Notre réponse face à ce défi n’est financée qu’à hauteur de 21%, a déploré M. Griffiths.  Plus globalement, il a indiqué que le plan de réponse humanitaire 2022 pour la Syrie n’est financé qu’à 43% alors que la fin de l’année est dans quelques jours seulement.  Ce faible niveau de financement est sans précédent, a-t-il déploré.  Il a aussi rappelé que la résolution autorisant l’acheminement de l’aide transfrontalière expire dans moins de trois semaines.  Le Coordonnateur a appelé à appuyer un tel acheminement qui est vital pour des millions de personnes dans le nord-ouest.  S’il a appelé à davantage de convois au travers des lignes de front, M. Griffiths a estimé que ceux-ci ne peuvent remplacer les opérations transfrontalières qui sont d’une toute autre échelle.  « Faisons en sorte que 2023 ne soit pas l’année de la fin de l’aide transfrontalière », a-t-il plaidé.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a rappelé que son pays a toujours plaidé pour un processus politique conduit par les Syriens et placé sous les auspices des Nations Unies.  Il a salué les efforts entrepris par M. Pedersen pour dépolitiser la Commission constitutionnelle en maintenant des contacts avec les Syriens.  Les modalités des discussions inter-syriennes doivent elles-aussi être adoptées par les Syriens, sans interventions extérieures, a-t-il ajouté.  Le représentant a ensuite condamné les frappes aériennes israéliennes visant l’est du pays et celles effectuées depuis la mer Méditerranée.  Il a souligné que la priorité demeure de rétablir la stabilité et la sécurité en Syrie tout en évitant que les présences étrangères transforment le pays en un théâtre de règlements de compte géopolitiques.

Le panier alimentaire en Syrie est très élevé en raison de l’inflation et du dévissage de la livre syrienne, a-t-il poursuivi, déplorant qu’en 2023 15 millions de personnes auront besoin d’aide humanitaire.  S’il a salué le fait que la moitié du stock mondial de vaccins contre le choléra sera envoyée en Syrie, ou encore que le plan d’aide humanitaire soit déjà financé à hauteur de 43%, le représentant russe a adressé plusieurs reproches aux Occidentaux relatifs au mécanisme transfrontière.  Nos collègues passent plus de temps à expliquer que ce mécanisme est indispensable qu’à s’assurer que l’aide est bien acheminée à tous les Syriens par-delà les ligne de front, a-t-il lancé.  La situation autour du mécanisme est loin d’être transparente, a-t-il affirmé, notant que le déploiement des projets de relèvement rapide est marqué par des déséquilibres géographiques frappants: « 35% seulement concernent les zones contrôlées par Damas, là où pourtant les besoins sont les plus criants », a-t-il affirmé.

Selon lui, les Occidentaux font fi des résolutions du Conseil de sécurité sur la situation humanitaire en Syrie, les populations dans le besoin ayant, en outre, le couteau sous la gorge en raison des sanctions visant le régime.  Le représentant a aussi accusé des pays d’empêcher les réfugiés syriens qui le souhaitent de rentrer chez eux, les Occidentaux estimant, selon lui, que ce retour massif profiterait au régime syrien en place.  « Tant que l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Syrie seront compromis par les Occidentaux, nous ne pourrons pas croire à leurs propositions au sujet du mécanisme transfrontière », a-t-il indiqué.

M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a noté que le renouvèlement du mécanisme d’aide transfrontière doit se faire avant le 10 janvier et a appelé le Conseil à le proroger.  Il a souligné l’importance de ce mécanisme alors que la situation humanitaire s’est dégradée en Syrie avec 15,3 millions de Syriens qui auront besoin d’aide en 2023, dont 2,4 millions dans nord-ouest du pays.   Il a qualifié l’opération transfrontière dans cette région « d’une des plus sécurisée et transparentes au monde », et pour laquelle il n’y a pas de substitut.

Le représentant a salué le fait que quatre convois d’aide humanitaire à travers les lignes de front avaient pu être organisés depuis le renouvellement du mécanisme en juillet 2022, soit près du double de ce qui avait pu être acheminé depuis la création de ces missions en août 2021.  Il a affirmé que les États-Unis ont fait leur part pour assurer la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022), notamment en finançant des projets de relèvement précoce dans les 14 gouvernorats de la Syrie et en encourageant la fourniture d’une aide à travers les lignes de front.

Poursuivant, le représentant a signalé que la présence de milliers de ressortissants étrangers dans les camps de déplacés et les centres de détention complique la situation humanitaire dans le pays.  Il s’est préoccupé de la prévalence de la violence dans les camps et du sort des milliers d’enfants qui y grandissent sans éducation, sans papiers et sans aucun service de base, appelant ensuite les États à rapatrier leurs citoyens.

Le délégué a par ailleurs fait savoir qu’hier, conformément à la résolution 2644 (2022), le Département du Trésor des États-Unis avait émis des autorisations facilitant les dérogations humanitaires dans le cadre des programmes de sanctions, y compris en Syrie.  Il a ensuite déploré le peu de progrès réalisé par la Commission constitutionnelle, accusant la Russie de bloquer le processus avec ses demandes arbitraires.  Il a appelé le « régime d’Assad » à coopérer avec l’Envoyé spécial pour réunir à nouveau ladite Commission, à accepter et mettre en œuvre un cessez-le-feu national complet et à libérer les plus de 130 000 personnes disparues et détenues arbitrairement.

M. FERGAL TOMAS MYTHEN (Irlande) s’est tout d’abord exprimé au nom de son pays et de la Norvège, en tant que co-porte-plume sur le dossier syrien, en constatant que la situation humanitaire continue de se détériorer dans ce pays où 15,3 millions de personnes auront besoin d’une protection et d’une assistance en 2023, contre 14,6 millions cette année.  Les souffrances résultant de ce conflit prolongé ont été exacerbées par l’insécurité alimentaire, la pandémie de COVID-19, une situation économique désastreuse, une crise de l’eau et une épidémie de choléra, a-t-il déploré, ajoutant que, du 1er janvier au 30 septembre de cette année, 450 civils, dont 123 enfants, ont été tués du fait des hostilités et de la violence.  Appelant les parties à épargner les personnes et les biens civils, le représentant a estimé que, dans ce contexte, « l’aide au relèvement rapide est vitale ».  Entre janvier et septembre, environ 10,8 millions de Syriens ont profité directement et indirectement des projets visant à accroître la résilience, s’est-il félicité, avant de souhaiter que cette avancée soutenue par la résolution 2642 (2022) se poursuive.  Il a également encouragé la poursuite des envois de convois d’aide à travers les lignes de front dans le nord-ouest de la Syrie, notant toutefois que, malgré des progrès notables, ces livraisons restent pour l’heure incapables de remplacer l’opération transfrontalière massive de l’ONU.  Ce mécanisme transfrontalier hautement surveillé continue d’être une « bouée de sauvetage » pour des millions de Syriens, a-t-il insisté.

À titre national, le représentant s’est dit préoccupé par l’escalade signalée dans le nord de la Syrie ces dernières semaines.  Dénonçant le fait que des zones résidentielles et des camps de personnes déplacées densément peuplées soient pris pour cibles, il a rappelé à toutes les parties au conflit qu’elles sont tenues de protéger les civils et les infrastructures civiles.  Il les a également appelées à faire preuve d’un maximum de retenue et a réitéré la nécessité d’un cessez-le-feu national, conformément à la résolution 2254 (2015).  Le représentant s’est aussi alarmé de la situation sécuritaire désastreuse dans le camp de Hol, avant d’enjoindre les autorités locales à respecter leurs obligations en vertu du droit international.  Il a par ailleurs dit son inquiétude quant au sort des personnes détenues et portées disparues en Syrie, demandant au Gouvernement syrien et aux groupes non étatiques de rendre compte du sort de ces personnes et de leur lieu de détention.  Enfin, il a réitéré son soutien aux efforts déployés par l’Envoyé spécial pour obtenir que la Commission constitutionnelle se réunisse à nouveau à Genève.  À ses yeux, la stabilité et la sécurité ne pourront se réaliser que par le dialogue et un accord sur une solution politique durable.

M. GENG SHUANG (Chine) s’est inquiété des atteintes à la souveraineté syrienne en citant des bombardements turcs dans le nord de la Syrie et la menace d’une opération terrestre par la Türkiye, alors qu’Israël vise régulièrement des cibles en Syrie.  « Toute opération militaire menée sur le territoire syrien sans l’aval du Gouvernement représente une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie » a estimé le représentant, avant d’exhorter Israël et la Türkiye à cesser toute attaque transfrontalière.  Il a aussi demandé que prenne fin la présence des troupes étrangères sur le territoire syrien.  Soulignant l’urgence d’une solution politique, il a espéré que la Commission constitutionnelle pourra se réunir à nouveau aussi vite que possible« Plus tôt nous trouverons un règlement politique, plus tôt la population cessera de souffrir. »

Notant que la résolution 2642  (2022) du Conseil expirera en janvier 2023, le représentant a rappelé que l’aide transfrontalière était un arrangement « provisoire » qui devrait maintenant évoluer vers une aide à travers les lignes de front.  C’est pourquoi il a espéré que la communauté internationale appuiera cette formule avec la même vigueur.  Par ailleurs, il a regretté le financement encore insuffisant des projets de relèvement rapide, avant de demander que des programmes de déminage y soient inclus.  Le représentant a appelé tous les donateurs à fournir un soutien financier sans conditions, avant de déclarer que les sanctions unilatérales et leur application excessive vont à l’encontre des efforts du Conseil et de la communauté internationale pour atténuer les souffrances du peuple syrien.

M. RONALDO COSTA FILHO (Brésil) a considéré qu’il faut « éviter de politiser la réponse humanitaire apportée en Syrie », affirmant que la livraison de l’aide humanitaire doit y être impartiale, non-discriminatoire, et parvenir à tous les nécessiteux, indépendamment de leurs affiliations politiques.  Pour l’heure, le mécanisme transfrontière, qui expire dans un mois, reste un composant vital de cette réponse.  Le représentant a pris note de certain progrès, bien que limités, dans la livraison de cette aide depuis l’adoption de la résolution 2642 (2022) en juillet dernier.  Dans le respect de la souveraineté nationale de la Syrie, nous devrions redoubler d’efforts pour lever les obstacles à un élargissement de l’assistance, a-t-il recommandé.  Selon lui, des projets de relèvement rapide seraient aussi de nature à atténuer la crise dans le pays.  Il a salué le fait que la résolution 2664 (2022), adoptée ce mois-ci pour permettre des exemptions humanitaires aux régimes de sanctions en vigueur, puisse se traduire par le renforcement de la capacité des acteurs humanitaires à livrer l’aide dans les zones qui échappent au contrôle du Gouvernement, dans lesquelles Daech et Al-Qaida sont actifs.  D’où l’importance de renforcer la surveillance pour éviter tout détournement, a mis en garde le représentant.

M. MICHEL XAVIER BIANG (Gabon), au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya), a déploré l’intensification des hostilités dans le nord de la Syrie, le recours à la force contre les manifestants dans le sud et la poursuite des frappes aériennes.  Il a fermement condamné les attaques contre les populations civiles, ainsi que les actes de terrorisme qui se poursuivent dans le pays.  « Nous appelons donc à des efforts concertés pour combattre les groupes terroristes inscrits sur la liste du Conseil de sécurité. »  Après une décennie de conflit, la Syrie connaît aujourd’hui une augmentation spectaculaire des besoins humanitaires et le nombre de personnes ayant besoin d’une aide internationale pour survivre continue d’augmenter chaque année, a constaté M. Biang.  Concernant la situation des femmes en Syrie, il a exhorté le Gouvernement syrien à élaborer des mesures législatives et politiques visant à éliminer les discriminations à l’égard des femmes et des filles dans toutes les sphères de la société.  Enfin, le délégué a estimé que le renouvellement du mécanisme d’aide transfrontalière est nécessaire et urgent, avant d’appeler à un cessez-le-feu facilité à l’échelle nationale, conformément à la résolution 2254 (2015).

Mme MONA JULL (Norvège) a réaffirmé qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien, un cessez-le-feu à l’échelle nationale devant être une priorité.  Nous continuerons d’appeler toutes les parties à faire preuve d’un maximum de retenue et à respecter leur obligation de protéger les civils et les infrastructures vitales, a-t-elle indiqué.  La représentante a réitéré l’appui de son pays à l’approche progressive de l’Envoyé spécial pour initier une nouvelle dynamique vers une solution en Syrie.  Elle a ainsi exhorté toutes les parties prenantes dans la Commission constitutionnelle à travailler de bonne foi avec l’Envoyé spécial à un rapprochement de leurs positions.  Par ailleurs, elle a souligné combien est essentielle la participation des femmes et de la société civile pour construire une paix et une stabilité durables.  Il est crucial de les impliquer véritablement dans les efforts visant à faire avancer le processus politique, a insisté la représentante.  Enfin, elle a appelé les autorités syriennes à accélérer la libération de prisonniers jetés en prison pour des faits présumés de terrorisme.

M. BARABARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déploré l’aggravation de la situation humanitaire en Syrie et souligné qu’environ 12 millions de personnes sont menacées par une insécurité alimentaire aiguë.  Elle a rappelé que l’ONU avait clairement expliqué que les opérations à travers les lignes de front complétaient, mais ne pouvaient se substituer au mécanisme transfrontière.  Face à un hiver qui s’annonce rigoureux, il est urgent de renouveler le mandat du mécanisme transfrontière en janvier, a estimé la représentante.  Elle a appelé à un règlement politique par la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité qui comprend un cessez-le-feu national, un retour sûr et volontaire des réfugiés, l’organisation d’élections libres et régulières conformément à la nouvelle constitution et la libération des milliers de victimes de détention arbitraire.  La représentante a souhaité la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle à Genève.  Notant que l’opposition était prête à se concentrer sur la transition politique de bonne foi, elle a appelé la Russie et le régime à lui emboîter le pas.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) s’est déclarée préoccupée par la sombre réalité de la situation syrienne et par le peu de progrès réalisés pour mettre fin au conflit.  Elle s’est néanmoins félicitée des efforts en cours pour faire progresser les travaux de la Commission constitutionnelle dans le cadre d’une approche progressive.  Il n’y a pas d’autre solution que cette voie constitutionnelle si l’on veut remettre la Syrie sur des rails, a-t-elle affirmé.  La représentante s’est par ailleurs prononcée pour le renouvellement du mécanisme d’aide transfrontière, qui se révèle « vital pour des millions de Syriens ».  À cet égard, a-t-elle ajouté, les rapports du Secrétaire général soulignent que les opérations par-delà les lignes de front, bien qu’importantes, ne sauraient se substituer au dispositif transfrontière, du fait de sa taille et de sa portée.  Selon elle, « le Conseil de sécurité perdra toute crédibilité aux yeux des Syriens et de la communauté internationale s’il ne répond pas à ses obligations humanitaires élémentaires ».  La représentante a estimé que le régime syrien a donné de « faux espoirs » au monde concernant le sort des personnes détenues arbitrairement et disparues.  Il faut que les autorités syriennes fournissent des informations sur ces personnes, a-t-elle plaidé, souhaitant également que les Syriens puissent bénéficier d’une aide en matière d’infrastructures afin de retrouver une vie tolérable.  Enfin, après avoir réitéré son appel à lutter contre l’impunité, elle a encouragé l’Envoyé spécial à continuer de travailler avec le Conseil consultatif des femmes syriennes, jugeant que la Syrie a besoin d’un processus politique inclusif, avec la pleine participation des femmes et de la société civile.

Mme NATHALIE BROADHURST ESTIVAL (France) a regretté que le régime syrien refuse de s’engager dans un processus politique tel que défini par la résolution 2254 (2015).  « Le comité constitutionnel ne se réunit plus.  Le régime refuse de travailler avec les Nations Unies sur le sort de plus de 100 000 personnes disparues. »  Le régime ne veut pas s’engager dans le cadre de l’approche step for step promue par l’Envoyé Spécial, a regretté la représentante avant de préciser que c’est sur la base des rapports onusiens et des témoignages de Syriens que l’Union européenne a adopté des sanctions ciblées qui visent les auteurs de crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Syrie.  Ces sanctions comportent de nombreuses exemptions humanitaires pour permettre une aide très largement financée par l’Union européenne et ses États membres qui ont mobilisé plus de 27,4 milliards de dollars depuis 2011.  C’est pourquoi, a informé la représentante, « les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeureront inchangées en l’absence de tout progrès sur le processus politique ».

Rappelant la responsabilité du régime dans le drame humanitaire qui se déroule en Syrie, la représentante a fustigé « la brutalité de la répression qui a causé le plus grand mouvement de déplacement de population du XXIe siècle, avec 12 millions de personnes déplacées ou réfugié ».  Elle a cité de nombreux cas de torture, de disparitions forcées et d’exécutions dans le contexte d’une « politique délibérée d’ingénierie démographique ».  Face à des perspectives humanitaires très préoccupantes pour 2023, la représentante a jugé essentiel le mécanisme transfrontalier, tant en termes de volumes d’aide déployés que pour le nombre de bénéficiaires.  Elle a déclaré que cette aide est le seul moyen de survie de plus de deux millions de Syriens.  « L’aide déployée à travers les lignes de front, en complément, est importante mais elle ne saurait se substituer à l’aide transfrontalière », a insisté Mme Broadhurst Estival.  « Renouveler le mécanisme est un impératif moral. »

M. ENRIQUE JAVIER OCHOA MARTÍNEZ (Mexique) a déclaré que toutes les modalités d’accès humanitaire en Syrie doivent être préservées, se félicitant des neuf livraisons de part et d’autre des lignes de front qui ont pu être récemment effectuées dans le nord-ouest du pays.  Il a appelé à redoubler d’efforts pour surmonter les problèmes sécuritaires et administratifs afin de poursuivre et d’accroître ces livraisons transfrontières, même si rien ne peut remplacer l’aide transitant par le passage humanitaire de Bab el-Haoua.  D’autre part, les projets de relèvement rapide sont essentiels pour la remise en état des infrastructures de base, de même que les efforts de déminage contribuent à la réhabilitation des terres arables, a encore relevé le représentant.  Il s’est dit consterné par la recrudescence des hostilités, en particulier à la frontière turco-syrienne, rappelant que le seul moyen de parvenir à une paix durable en Syrie est un processus politique inclusif, conformément à la résolution 2254 (2015).  Aussi est-il urgent que la communauté internationale encourage les parties à participer à la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle.  Le représentant a en outre demandé aux autorités syriennes de remettre en liberté les détenus et de clarifier le statut des personnes disparues, et d’autoriser les agences humanitaires à accéder aux centres de détention.  Après 12 ans de guerre, chaque jour qui passe voit notre dette envers le peuple syrien augmenter, s’est-il désolé.  « Le moins que l’on puisse faire pour atténuer cette tendance est de confirmer le renouvellement de l’autorisation de passage au poste frontière de Bab el-Haoua. »

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a souligné la dégradation sans précédent de la crise syrienne, les divisions ne faisant que se creuser, y compris au sein de ce Conseil.  Évoquant le mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière, il a appelé à ne pas politiser ce dossier, en jugeant un tel mécanisme d’une importance élémentaire.  Le délégué a donc apporté le soutien sans réserve de son pays au renouvellement dudit mécanisme qui bénéficie à l’ensemble des Syriens.  Toutes les parties doivent éviter toute ingérence dans les opérations humanitaires, a-t-il toutefois mis en garde.  Quant à l’aide au travers des lignes de front, elle doit, selon lui, être accrue.  Enfin, le délégué a souligné la nécessité de mettre l’accent sur les efforts politiques de règlement de la crise, puisque sans un tel règlement, la situation humanitaire ne pourra durablement s’améliorer.

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a insisté sur la nécessité d’ouvrir sans délai un processus politique piloté par les Syriens eux-mêmes.  Selon elle, avancer sur ce volet politique de manière décisive est urgent « si nous voulons soulager les souffrances du peuple syrien ».  La représentante a également salué les efforts consentis par l’Envoyé spécial pour permettre la tenue de discussions intrasyriennes, efforts qui ont reçu le concours diplomatique de pays voisins de la Syrie.  Après avoir condamné les violations de l’intégrité territoriale de ce pays, elle a appelé au retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le territoire afin que puisse être mis en place un cessez-le-feu.  La représentante s’est émue qu’en 2023, plus de 15 millions de personnes auront besoin d’une aide humanitaire pour vivre, déplorant en outre les difficultés auxquelles se heurtent les agences humanitaires pour acheminer cette aide et financer de façon pérenne leurs actions.  Toutefois, des progrès ont été réalisés dans le déploiement des projets de relèvement rapide, a-t-elle salué.  Mais, pour la représentante, le mécanisme transfrontalier intervenant au-delà de la ligne de front doit s’appuyer sur les besoins réels et ne pas être détourné à des fins politiques.  De même, la lutte contre le terrorisme en Syrie ne saurait être compromise par la poursuite d’intérêts politiques étroits, a-t-elle averti.  Enfin, Mme Kamboj a rappelé que son pays apporte depuis des années à la Syrie, « un pays ami », une aide humanitaire et en matière de développement par le biais de canaux unilatéraux et multilatéraux.

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a expliqué que son pays avait de sérieuses raisons de suspendre les réunions de l’organe restreint de la Commission constitutionnelle, pointant l’absence de garanties sérieuses et appropriées pour les personnes qui devaient participer à ces travaux au nom du pays hôte.  Il a appelé à ne pas exagérer la signification d’une telle pause dans les délibérations de la Commission, évoquant la longue stagnation du processus israélo-palestinien, en raison du blocage par Washington des travaux du Quatuor pour le Moyen-Orient et toutes les autres initiatives et plateformes internationales, y compris le Conseil.

M. BASSAM SABBAGH (République arabe syrienne) a rappelé les défis auxquels la Syrie était confrontée, notamment le terrorisme, la présence militaire illicite de forces étrangères de pays comme les États-Unis et la Türkiye, et l’augmentation des attaques israéliennes contre des infrastructures vitales.  Il a également cité l’aggravation de la crise humanitaire et l’imposition de sanctions unilatérales illicites qui constituent une forme de punition collective.  Il a appelé le Conseil de sécurité à condamner ces violations de la souveraineté syrienne et exigé qu’il y soit mis fin sans condition et immédiatement.  Il a affirmé que le Gouvernent syrien avait pu libérer de larges territoires de l’emprise des groupes terroristes et réalisé des avancées en matière de réconciliation nationale, évoquant notamment le décret d’amnistie de 2022.  Ces progrès ont permis le retour de nombreux Syriens chez eux, et ont renforcé l’unité nationale et la cohésion sociale, a-t-il estimé.

Le représentant a noté que depuis l’adoption de la résolution 2642 (2022), en juillet dernier, il y avait eu trois sessions du dialogue interactif informel au cours desquels la Syrie avait décrit les manquements dans la mise en œuvre de cette résolution, pointant notamment le non-respect des engagements humanitaires pris par certains membres du Conseil de sécurité.  Soulignant le caractère temporaire du mécanisme d’aide transfrontière, il a estimé que les circonstances particulières qui avaient entraîné sa création n’existaient plus.  Il a jugé que le mécanisme était discriminatoire, sélectionnant une partie des Syriens qui pouvaient en profiter au détriment des autres.  Selon lui, l’insistance des États-Unis et de l’Union européenne à proroger ce mécanisme humanitaire contredit le « siège immoral et inhumain » qu’ils imposent au peuple syrien.  Il a aussi affirmé que certains cherchent à empêcher tout progrès des opérations d’aide humanitaire à travers les lignes de front.

Déplorant le sous-financement du plan d’aide humanitaire pour la Syrie, le représentant a imputé cette situation au non-respect de leurs engagements par certains bailleurs de fonds occidentaux.  Il a aussi dénoncé le « pillage systématique » du pétrole, du gaz et du blé syrien du fait de la présence des troupes américaines et d’autres groupes, estimant le préjudice à plus de 100 milliards de dollars.  Accusant le « régime de la Türkiye » et ses affidés d’organiser des coupures d’eau systématiques, affectant notamment un million de Syriens dans la région de Hassaké, il a indiqué que cette pratique avait provoqué des épidémies, notamment celle de choléra, l’assimilant à un crime de guerre au regard du droit international.  Selon lui, la crise humanitaire ne pourra pas être réglée si le Conseil de sécurité demeure silencieux face à la politisation des dossiers de l’aide humanitaire et du retour des réfugiés.

M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (République islamique d’Iran) a estimé qu’après plus d’une décennie de conflit, seul un processus politique dirigé et pris en charge par les Syriens et facilité par l’ONU peut mettre fin à la crise en Syrie.  Saluant à cet égard les efforts de l’Envoyé spécial visant à sortir la Commission constitutionnelle de son impasse actuelle, il s’est réjoui de la récente visite de M. Pedersen à Damas.  Pour le représentant, les travaux de la Commission doivent être menés dans le strict respect de son mandat et de son règlement intérieur, sans ingérence ni pression extérieure et sans recours à des délais artificiels.  Dans ce cadre, le rôle de l’ONU devrait se limiter à la facilitation, a-t-il souligné, avant de se dire convaincu que la fin de l’occupation et le plein rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie sont des conditions préalables à tout règlement politique.  Il en va de même pour la paix et la sécurité, a-t-il ajouté, considérant que toute action militaire dans ce pays ne ferait qu’aggraver la situation humanitaire.  Après avoir condamné le pillage des ressources naturelles syriennes dans les zones occupées par les forces étrangères, il a averti que le terrorisme continue de représenter une grave menace pour la Syrie et toute la région.  Toutefois, la guerre contre ce fléau ne doit pas être utilisée pour saper la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il argué, demandant à ce que cesse immédiatement la présence illégale de forces étrangères, laquelle crée « des conditions idéales pour les activités terroristes ».

Le délégué a ensuite relevé que l’accès à l’électricité figure parmi les trois principaux besoins non satisfaits et a soutenu l’appel à multiplier les projets de relèvement rapide, y compris en matière d’électricité.  Ceux-ci sont essentiels pour rétablir l’accès aux services de base et ne doivent pas être entravés par des sanctions unilatérales, a-t-il souligné.  Selon lui, tout doit être fait pour mettre un terme aux mesures coercitives unilatérales qui restent l’une des principales causes de l’aggravation de la situation humanitaire en Syrie.  Reconnaissant l’importance du mécanisme d’acheminement de l’aide humanitaire transfrontière pour porter assistance aux populations, il a cependant estimé que ce dispositif n’est qu’un « arrangement temporaire » et que les préoccupations légitimes de la Syrie doivent être pleinement respectées.  Il a également jugé que l’absence de progrès significatifs dans les livraisons à travers les lignes de front, ainsi que la répartition inéquitable et discriminatoire de l’aide, sont des défis à relever de toute urgence.

Le représentant iranien a d’autre part dénoncé le « silence assourdissant » maintenu par le Conseil de sécurité sur les attaques terroristes continues du « régime israélien » contre la Syrie.  Israël a ainsi été encouragé à poursuivre ses violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie, ainsi que son ciblage systématique et intentionnel de civils et d’infrastructures civiles, en violation flagrante du droit international, du droit international humanitaire et de la Charte des Nations Unies, s’est-il indigné.  En conclusion, le délégué a réitéré le soutien de l’Iran à la position régionale de la Syrie et a assuré que son pays entend renforcer ses relations bilatérales avec Damas « plus que par le passé ».

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) s’est inquiété de l’ampleur de la crise humanitaire en notant que le nombre de personnes dans le besoin a atteint 15,3 millions, soit le nombre le plus élevé depuis le début du conflit en 2011.  Après s’être inquiété de l’impact de l’hiver sur les femmes, les enfants, les personnes âgées et autres groupes vulnérables, le représentant a estimé que l’aide humanitaire transfrontière est plus importante que jamais, précisant que celle-ci permet d’aider 2,7 millions de Syriens chaque mois dans le nord-ouest de la Syrie grâce à des opérations strictement contrôlées par les Nations Unies.  Il a averti que la suspension de cette aide menacerait la vie de millions de personnes, et a appelé les délégations à ne pas politiser cette situation, avant d’exhorter le Conseil de sécurité à continuer de soutenir ce mécanisme à partir de janvier 2023.  Le représentant s’est en outre inquiété de l’insuffisance du financement des programmes humanitaires destinés à la Syrie, notant que l’appel humanitaire pour 2022 n’a été financé qu’à 43%.

Par ailleurs, le représentant turc a fustigé les « crimes » du PKK/YPG (Parti des travailleurs du Kurdistan et Unités de protection du peuple kurde) qu’il a accusé d’être responsable de la mort de 500 Syriens dans le nord de la Syrie.  Il a ajouté que le soutien accordé à cette organisation terroriste au prétexte de la lutte contre Daech va à l’encontre de la résolution appelant à respecter la souveraineté de la Syrie.  « Soutenir le PKK/YPG constitue aussi une menace pour l’intégrité de la Türkiye » a-t-il aussi ajouté, avant de signaler qu’aucun pays ne peut donner à la Türkiye des leçons en matière de lutte contre le terrorisme.  Pour mettre fin au conflit syrien, il a jugé essentiel que le processus politique ne reste pas dans l’impasse et a espéré que la neuvième réunion de la Commission constitutionnelle aura lieu sans délai.

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