9204e séance – matin
CS/15121

Syrie: face à la dynamique d’escalade militaire « en marche », l’Envoyé spécial présente au Conseil de sécurité des propositions de mesures concrètes

De retour du dix-neuvième cycle de la réunion internationale sur la Syrie en format Astana, tenu les 22 et 23 novembre 2022, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Geir Pedersen, a prévenu ce matin le Conseil de sécurité que la gravité de l’escalade militaire actuelle ne permet que de s’orienter vers des mesures concrètes à prendre dans les prochaines semaines.  Le Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, a exprimé un même sentiment d’urgence à propos de la situation humanitaire.

« La Syrie a besoin de moins d’activités militaires et de se concentrer davantage sur le processus politique » et sur la mise en œuvre de la résolution 2254 (2015) du Conseil de sécurité, a déclaré M. Pedersen, un message qu’il a transmis aux membres du Groupe de travail sur le cessez-le-feu à Genève et qu’il a apporté la semaine dernière à Astana, où il a rencontré de hauts représentants iraniens, russes et turcs, ainsi que des représentants syriens -du Gouvernement et de l’opposition- et des représentants de la Jordanie, de l’Iraq et du Liban. 

Sur l’escalade en cours, l’Envoyé spécial a fait part de la lente évolution des frappes mutuelles des derniers mois dans le nord de la Syrie entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), d’une part, et la Türkiye et les groupes opposants armés, de l’autre, ainsi que le débordement de la violence en territoire turc.  Il a également rappelé le « terrible attentat à la bombe » du 20 novembre à Istanbul, attribué par la Türkiye aux YPG/PKK, qui a poussé ce pays à lancer son opération aérienne « Claw Sword » contre des cibles YPG/PKK dans le nord de la Syrie et de l’Iraq. 

« La dynamique d’escalade est en marche », a-t-il mis en garde, en demandant à la Türkiye, à l’opposition armée et aux Forces démocratiques syriennes (FDS) de désamorcer « maintenant » la situation.  Il a aussi averti d’un potentiel scénario dans lequel des opérations militaires à grande échelle menées par un acteur auraient ensuite des répercussions sur tous les autres théâtres.  

Il a préconisé, comme principales mesures, de rétablir un calme relatif sur le terrain, de renouveler le cadre du Conseil de sécurité sur le front humanitaire et de rendre plus substantielles les réunions de Genève, tout en donnant la priorité au travail sur les détenus et les disparus.  Il a en outre recommandé d’identifier et de mettre en œuvre, par étapes, des mesures de renforcement de la confiance, sans oublier le rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.

S’agissant de la Commission constitutionnelle intersyrienne, paralysée depuis six mois, l’Envoyé spécial a estimé que plus elle reste dormante, plus il sera difficile de la relancer.  Il a indiqué avoir ainsi lancé, à Astana, un appel aux garants en Türkiye, Russie et Iran, en vue d’une réunion de la Commission constitutionnelle en janvier à Genève. 

« Le peuple syrien a besoin et mérite que ce Conseil regarde au-delà de l’opération humanitaire et s’attaque aux causes de ses souffrances.  Cela doit être l’objectif des mois à venir », a réclamé pour sa part le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Martin Griffiths, qui a dressé un panorama effroyable de la situation humanitaire des civils syriens.  Le Chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a énuméré les mauvaises conditions climatiques actuelles, qui continuent de priver des millions de personnes d’eau potable et de propager le choléra.  Il a aussi prédit que le nombre de personnes ayant besoin d’une assistance passera de 14,6 millions, cette année, à plus de 15 millions en 2023. 

Alors que l’autorisation d’assistance transfrontière expire dans six semaines, M. Griffiths a déclaré que les livraisons transfrontières représentent une aide essentielle pour la vie de plus de quatre millions de personnes du nord-ouest syrien, appuyé par plusieurs membres du Conseil, tels que l’Albanie, les États-Unis, la France, le Kenya ou encore le Royaume-Uni, désireux de la voir renouvelée.  Les coauteurs de la résolution humanitaire, l’Irlande et la Norvège, ont souligné qu’il s’agit d’une « bouée de sauvetage essentielle », tandis que la Türkiye y a vu un « impératif moral ».  L’Inde a cependant exprimé des réserves à ce sujet et les Émirats arabes unis ont appelé à ne pas « politiser » le renouvellement du mécanisme transfrontière.  L’Iran a demandé que les préoccupations légitimes de la Syrie soient traitées pour la période de prorogation ultérieure. 

Dans ce contexte, la Syrie a jugé utile de maintenir les réunions mensuelles du Conseil sur les volets politiques et humanitaires, même si certains membres du Conseil y voient une perte de temps et un gaspillage de ressources.  En même temps, la délégation syrienne a fait valoir que ces réunions resteront lettre morte tant que l’on ne veillera pas à véritablement combattre le terrorisme, à mettre fin à la présence militaire illégale de la Türkiye et des États-Unis sur le territoire syrien, et à lever les « sanctions coercitives unilatérales inhumaines et immorales ».  Elle a aussi condamné les prétextes avancés par le « régime turc » pour justifier ses frappes, alors même que celui-ci continue d’appuyer le Front el-Nosra, ainsi que le mutisme du Conseil face à la longue occupation israélienne du Golan.

La Türkiye n’en a pas moins justifié ses opérations militaires en affirmant que le PKK/YPG (Parti des travailleurs du Kurdistan et Unités de protection du peuple kurde) fait peser de graves menaces sur son pays et sur sa sécurité.  La délégation turque a d’ailleurs annoncé son intention de poursuivre ses opérations antiterroristes pour protéger sa population, dans le plein exercice de son droit à la légitime défense et conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies.  Le Mexique s’est cependant élevé contre un « abus » de l’invocation de l’Article 51 pour justifier la lutte contre le terrorisme.

Quant à la République islamique d’Iran, elle a appelé le Conseil à condamner « les attaques terroristes continues du régime israélien contre la Syrie » et dénoncé un ciblage systématique et intentionnel des infrastructures civiles, en particulier des aéroports commerciaux et des expéditions humanitaires. 

Une sortie de l’impasse politique reste la seule solution à la crise syrienne, ont estimé les membres du Conseil ce qui, de l’avis des Émirats arabes unis implique une intensification des efforts diplomatiques à tous les niveaux, et l’application de l’approche « pas à pas » de l’Envoyé spécial, a renchéri l’Inde. 

LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT

Déclarations

M. GEIR O. PEDERSEN, Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, a réitéré ses précédentes mises en garde quant au risque d’escalade militaire en Syrie après trois années d’accalmie relative, et affirmé qu’aujourd’hui encore, une telle « dynamique d’escalade est en marche ».  Il a décrit la lente évolution des frappes mutuelles des derniers mois dans le nord de la Syrie entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), d’une part, et la Türkiye et les groupes opposants armés, de l’autre, ainsi que le débordement de la violence en territoire turc.  M. Pedersen a ajouté, que le 20 novembre, soit une semaine après le « terrible attentat à la bombe » commis à Istanbul, attribué par la Türkiye aux Parti des travailleurs du Kurdistan et Unités de protection du peuple kurde (YPG/PKK), ce pays a lancé son opération aérienne « Claw Sword » contre des cibles YPG/PKK dans le nord de la Syrie et de l’Iraq.  Il a expliqué que les FDS et leurs affiliés ont affirmé que certaines de ces frappes ont touché des infrastructures civiles et ont fait des victimes civiles.  D’un autre côté, des frappes des Forces démocratiques syriennes ont également été signalées contre les forces turques et les zones contrôlées par l’opposition armée et à l’intérieur du territoire turc, certaines ayant touché des infrastructures civiles et fait des victimes civiles. 

Rappelant l’appel du Secrétaire général pour que toutes les parties fassent preuve de la plus grande retenue et évitent une escalade, que ce soit dans les airs ou au sol, M. Pedersen a estimé que la Türkiye, l’opposition armée et les Forces démocratiques syriennes doivent « maintenant » désamorcer la situation, non seulement dans cette région mais également à Edleb, qui a subi une série de frappes aériennes et terrestres progouvernementales.  Certaines de ces frappes ont atteint des camps de déplacés, tuant et blessant des civils, détruisant des tentes et déplaçant des centaines de familles, tandis que d’autres ont endommagé des infrastructures de santé, a-t-il déploré. 

En outre, Hay’at Tahrir el-Cham (HTS), groupe inscrit sur la liste de sanctions du Conseil de sécurité, aurait attaqué les forces gouvernementales et les zones contrôlées par le Gouvernement, faisant aussi des victimes civiles.  Quant aux frappes attribuées à Israël, elles ont touché Damas, Homs, Hama et Lattaquié, provoquant des tirs antiaériens du Gouvernement syrien en réponse.  Des frappes aériennes ont en outre été signalées à la frontière entre la Syrie et l’Iraq, tandis que les États-Unis ont déclaré que des roquettes avaient frappé les forces de la coalition à al-Shaddadi.  Parmi d’autres incidents, il a cité ceux de Deraa, ainsi que de nouveaux affrontements militaires entre les factions locales et les forces gouvernementales syriennes, dans le cadre d’une opération anti-Daech menée par d’anciens combattants de l’opposition, et encore des incidents de sécurité à la frontière, liés au trafic de drogue à Amman. 

Partant, l’Envoyé spécial a mis en garde le Conseil de sécurité contre le scénario dans lequel des opérations militaires à grande échelle menées par un acteur auraient ensuite des répercussions sur tous les autres théâtres.  Cela dénouerait l’impasse stratégique qui a apporté un certain calme relatif pendant près de trois ans, a-t-il prévenu, craignant notamment que les groupes terroristes profitent d’une nouvelle instabilité. 

M. Pedersen a donc appelé « haut et fort » tous les acteurs à la retenue et à s’engager dans des « efforts sérieux » pour rétablir le calme, progresser vers un cessez-le-feu à l’échelle nationale et une approche de coopération dans la lutte contre le terrorisme, conformément au droit international humanitaire.  Dans ce contexte, la protection des civils et des infrastructures civiles est absolument essentielle, a-t-il martelé.  « La Syrie a besoin de moins d’activités militaires et de se concentrer davantage sur le processus politique » et sur la mise en œuvre de la résolution 2254 du Conseil de sécurité, a affirmé l’Envoyé spécial, soulignant que c’est ce même message qu’il a transmis aux membres du Groupe de travail sur le cessez-le-feu à Genève, à Astana, la semaine dernière, où il a rencontré de hauts représentants de l’Iran, de la Russie et de la Türkiye, ainsi que des représentants du Gouvernement et de l’opposition syrienne et des représentants de la Jordanie, de l’Iraq et du Liban. 

Il a à nouveau attiré l’attention sur les « terribles souffrances » subies de multiples façons par les civils, au-delà des effets d’un conflit violent.  Il a ainsi dénombré 6,8 millions de personnes déplacées, 6,8 millions de réfugiés et 14,6 millions ayant besoin d’aide humanitaire.  Il a souligné que ces besoins ont augmenté ces dernières années en même temps que des conditions économiques catastrophiques, résultant de plus d’une décennie de guerre et de conflit, de corruption, de mauvaise gestion des ressources, de la crise financière libanaise, de la pandémie de COVID-19, des sanctions et de la guerre en Ukraine.  Il a demandé d’éviter ou d’atténuer les effets humanitaires potentiels des sanctions.

L’Envoyé spécial a dit avoir abordé avec tous les interlocuteurs clefs qu’il a rencontrés à Astana la question des détentions arbitraires, des disparitions forcées et des personnes disparues.  Il a plaidé pour la transparence, des données claires et des mécanismes de surveillance, appelant aussi à un dialogue plus fréquent et qualitatif sur ces questions.  Il a également fait part de ses réunions avec le Groupe de travail humanitaire à Genève, qui a lancé un appel en faveur d’un accès humanitaire accru et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin en Syrie, soulignant qu’il faudrait améliorer l’accès transfrontalier que permet la résolution 2642 (2022), de même que le relèvement rapide.  Il est important que le Conseil continue de soutenir ce cadre, d’autant plus que nous assistons à une crise du choléra, a-t-il dit.

M. Pedersen a mis l’accent sur sa rencontre récente à Genève avec les membres du Conseil consultatif des femmes syriennes qui sont inquiètes de l’impasse du processus politique.  Il a prôné l’instauration de la confiance entre tous les acteurs et la mise en œuvre de la résolution 225 (2015) du Conseil.  Il a identifié de nombreux domaines dans lesquels les parties prenantes pourraient prendre des mesures mutuelles, réciproques et vérifiables, pour commencer à répondre aux préoccupations légitimes et aux besoins des civils syriens, en allégeant les souffrances et en contribuant à l’instauration d’un environnement sûr, calme et neutre, un élément essentiel d’un processus politique. 

Il s’est toutefois inquiété que la Commission constitutionnelle ne se soit pas réunie depuis six mois alors même que c’est le seul processus dans lequel les Syriens, nommés par le Gouvernement et l’opposition et de la société civile, se rencontrent et discutent des aspects de leur avenir commun.  Plus elle reste dormante, plus il sera difficile de la relancer, selon lui.  Répondant aux questions soulevées par la Fédération de Russie au sujet du lieu des réunions de cette Commission, l’Envoyé spécial a assuré que des efforts ont été déployés pour répondre à ces préoccupations, et a remercié les autorités suisses pour « leur réceptivité ».  Il a rappelé avoir lancé un appel aux garants, à Astana, pour qu’ils soutiennent son appel en vue d’une réunion de la Commission constitutionnelle en janvier à Genève.  Il a conclu en appelant à travailler rapidement et continuellement pour produire des résultats, jugeant cela essentiel si l’on veut que le peuple syrien considère la Commission constitutionnelle comme un processus crédible. 

Face à la gravité réelle de l’escalade militaire sur le terrain, « nous sommes à la croisée des chemins », a-t-il aussi conclu avant de recommander une série de mesures à prendre dans les prochaines semaines: rétablir un calme relatif sur le terrain, renouveler le cadre du Conseil de sécurité sur le front humanitaire, et rendre plus substantielles les réunions de Genève, tout en donnant la priorité au travail sur les détenus et les disparus; à l’identification et la mise en œuvre, par étapes, de mesures de renforcement de la confiance, et au rétablissement de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie. 

M. MARTIN GRIFFITHS, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, a estimé que la tendance en Syrie est claire: de plus en plus de personnes ont besoin d’un soutien humanitaire chaque année pour survivre.  « La petite lueur d’espoir de 2017, lorsque le nombre de personnes dans le besoin a commencé à diminuer, s’est rapidement effacée depuis 2020 » et l’on s’attend à une augmentation du nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire qui devrait passer de 14,6 millions cette année à plus de 15 millions en 2023.  En d’autres termes, a résumé M. Griffiths, « près de 12 ans après le début du conflit, 80 % de la population dépend d’une aide humanitaire, qui continue, année après année de faire défaut ». 

Or, les communautés en Syrie sont prises en étau, dans un cataclysme de bombardements, de frappes aériennes et d’affrontements, notamment dans les environs de la ville d’Edleb.  Le mois dernier, a informé le Secrétaire général adjoint, les maisons de centaines de familles ont été détruites, les obligeant à se déplacer dans trois camps soutenus par des organisations humanitaires.  La semaine dernière, des frappes aériennes ont touché des cibles situées près de l’hôpital de Bab el-Haoua, causant des dégâts et entraînant l’évacuation d’au moins 90 patients, travailleurs humanitaires et de la santé et autres civils.  Les récentes hostilités dans le nord-ouest et le nord-est de la Syrie ont fait fuir des civils dans les gouvernorats d’Alep et d’Hassaké.  Certains services humanitaires ont dû être temporairement suspendus. 

De plus, a continué M. Griffiths, des précipitations insuffisantes, de graves conditions de sécheresse, associées à de faibles niveaux d’eau dans l’Euphrate et à des infrastructures hydrauliques endommagées, continuent de priver des millions de personnes d’eau potable.  « La propagation rapide du choléra, une maladie d’origine hydrique, ne devrait donc surprendre personne, pas plus que sa propagation au Liban voisin. »  À cela s’ajoute la flambée des prix des denrées alimentaires.  Le prix du panier alimentaire de base du Programme alimentaire mondiale (PAM) a été multiplié par quatre au cours des deux dernières années et les prix de la plupart des produits de base ont grimpé de pas moins de 40 % seulement cette année, a-t-il précisé. 

S’agissant de l’autorisation d’assistance transfrontière qui expire dans six semaines, M. Griffiths a estimé que les livraisons transfrontalières sont un complément important de l’aide humanitaire et essentielles pour la vie de plus de quatre millions de personnes dans le nord-ouest.  J’espère, a-t-il dit, que nous pourrons braquer les projecteurs sur ce qui compte le plus pour le peuple syrien: la dignité et la paix. 

En tant qu’humanitaires, nous continuerons à jouer notre rôle, a assuré le Coordonnateur des secours d’urgence, mais nous avons besoin de financement et d’accès pour le faire.  Mais soyons clairs, a-t-il conclu, nos efforts ne s’attaquent qu’aux symptômes, et non à la cause du cauchemar syrien de la dernière décennie.  « Le peuple syrien a besoin et mérite que ce Conseil lève son regard au-delà de l’opération humanitaire et s’attaque aux causes de ses souffrances.  Cela doit être l’objectif des mois à venir. »

Mme MONA JUUL (Norvège), parlant également au nom de l’Irlande sur le volet humanitaire, s’est dite particulièrement préoccupée par le danger et le désespoir que vivent les enfants dans les camps et les centres de détention en Syrie.  Une aide et une protection vitales doivent continuer à être fournies car, à l’approche de l’hiver, les gens ont besoin de nourriture, d’eau, de médicaments et d’un abri chaleureux, sûr et digne, a-t-elle prié, soulignant l’importance de poursuivre le renforcement de la résilience des civils par le biais de projets humanitaires de relèvement précoce prévoyant la fourniture d’électricité et le rétablissement de l’accès aux services de base.  Par ailleurs, pour la Norvège et l’Irlande, il est urgent que la Syrie, qui a enregistré ces dernières années le plus grand nombre de victimes de mines terrestres au monde, soit débarrassée de ces armes et autres restes explosifs de guerre, a-t-elle dit.  Elle a fait valoir que le déminage ramène les enfants à l’école, permet d’augmenter la production alimentaire et les moyens de subsistance, et est essentiel pour l’accès humanitaire.  La représentante a rappelé que l’Irlande et la Norvège, en tant que coauteurs des résolutions humanitaires du Conseil de sécurité sur la Syrie, notamment la résolution 2642 (2022), soulignent que le mécanisme humanitaire transfrontalier reste la bouée de sauvetage essentielle pour s’assurer que l’aide humanitaire atteigne le nord du pays.  Y voyant « une question de vie ou de mort pour des millions de personnes », elle a conclu en affirmant que le Conseil a le devoir de ne pas oublier les civils et de leur redonner l’espoir d’un avenir meilleur. 

Mme RUCHIRA KAMBOJ (Inde) a souligné l’importance du maintien du cessez-le-feu de mars 2020 et du respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  Préoccupée par l’impact de l’augmentation des hostilités sur les civils, notamment dans les camps de déplacées à Edleb, elle a rappelé qu’ils devaient être protégés conformément au droit international.  De tels actes de violence de la part des États voisins font reculer la perspective d’un cessez-le-feu à l’échelle nationale, comme l’exige la résolution 2254 (2015).  L’Inde, a affirmé la représentante, continue à soutenir l’approche « pas à pas » de l’Envoyé spécial.  Sur le plan humanitaire, elle s’est inquiétée de l’épidémie de choléra alors que la Syrie s’apprête à passer un hiver long et difficile, et a demandé un plus grand soutien des donateurs.  Elle a également appelé à ne pas « politiser » l’aide humanitaire.  Exprimant des réserves sur le mécanisme d’aide transfrontière, elle a demandé au Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) et aux autres agences de l’ONU de poursuivre un engagement constructif avec Damas pour assurer une plus grande efficacité des opérations.  En tant que Présidente du Comité de lutte contre le terrorisme, Mme Kamboj s’est dite préoccupée par les rapports sur la résurgence de l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) dans la région et a appelé toutes les parties à s’attaquer à la menace du terrorisme avec le plus grand sérieux.  Par ailleurs, elle a salué la visite réussie du Ministre syrien des affaires étrangères en Inde, évoquant des discussions sur la reconstruction du pays, notamment par le renforcement des capacités de la jeunesse syrienne et la collaboration dans des secteurs tels que les énergies renouvelables, l’informatique et les produits pharmaceutiques.  L’Inde a ainsi créé un centre de nouvelle génération pour les technologies de l’information à Damas en octobre dernier et accordé plus de 1 500 bourses individuelles, dont environ 200 cette année, à des étudiants syriens pour qu’ils poursuivent leurs études en Inde.  De plus, a ajouté la représentante, son pays a récemment organisé des camps d’appareillage de membres artificiels à Damas et offert des lignes de crédit d’une valeur de 280 millions de dollars pour la construction d’une centrale électrique et d’une aciérie.

M. VASSILY A. NEBENZIA (Fédération de Russie) a fait remarquer que la persistance des menaces terroristes sur le terrain s’accompagne de la poursuite de la présence militaire étrangère illégale dans le nord, le nord-est et le sud de la Syrie, sur fond d’une situation humanitaire et socioéconomique en détérioration.  Il a pointé l’impact négatif des sanctions unilatérales « étouffantes », dont l’effet est aggravé par le pillage des ressources naturelles du pays et l’absence d’assistance internationale, principalement dans le domaine du relèvement rapide.  Il a signalé, dans le contexte d’une autre escalade militaire à la frontière nord, une activation des cellules de l’État islamique, principalement dans la région d’Afrin.  L’activité des terroristes reste également élevée dans le sud du pays, les terroristes utilisant la couverture de la « zone de sécurité » près d’Al-Tanf, arbitrairement établie par Washington, selon le représentant russe.

Au sujet du volet politique du règlement syrien, il a rappelé que la Russie n’avait cessé de préconiser la promotion d’un processus politique, dirigé et mené par les Syriens eux-mêmes avec l’aide des Nations Unies dans le cadre établi par la résolution 2254 (2015) du Conseil.  Il a noté les efforts déployés par l’Envoyé spécial en vue de dépolitiser la plateforme de Genève pour la reprise des travaux de la Commission constitutionnelle, insistant pour que les décisions fondamentales sur les modalités de la tenue de nouveaux cycles de dialogue intrasyrien dans le cadre de ladite Commission soient prises par les Syriens eux-mêmes, sans ingérence extérieure.  À cet égard, il a dit entretenir des contacts entre l’Envoyé spécial et Damas et trois représentants de l’opposition, ce qui est son mandat direct, contrairement à « l’initiative étape par étape », qui n’a ni modalité claire ni « valeur ajoutée » spécifique, a commenté le représentant.  Il a ensuite attiré l’attention sur la dix-neuvième réunion internationale sur la Syrie, qui s’est déroulée les 22 et 23 novembre à Astana avec les partenaires du processus Astana, l’Iran et la Türkiye, à la suite de laquelle une déclaration commune a été adoptée, qui a noté d’ailleurs que les camps de réfugiés de Roukban et de Hol continuent d’engendrer l’extrémisme et les activités illégales.  Il a renvoyé à cet égard au récent incident de décapitation de deux filles, « un choc flagrant », a-t-il commenté, attribuant l’entière responsabilité de tout ce qui se passe dans ces camps aux Américains qui occupent l’Euphrate et Al-Tanf.

Le représentant a donc exhorté Washington à prendre des mesures concrètes pour faire respecter les normes du droit international humanitaire par les forces d’occupation américaines en Syrie.  L’instauration d’une paix et d’une sécurité durables et à long terme « sur le terrain » n’est possible que par le rétablissement complet de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie avec l’élimination des foyers terroristes de Hay’at Tahrir el-Cham à Edleb et de Daech dans l’Euphrate, a-t-il affirmé.  Il a également souligné la pénurie aigüe d’eau, principalement due à la restriction du drainage de l’Euphrate et à la destruction des infrastructures d’approvisionnement en eau et en électricité, qui est la raison de l’épidémie de choléra à grande échelle se propageant à toutes les provinces du pays, à laquelle s’ajoute l’hépatite.

Le représentant a souligné que le rapport spécial du Secrétaire général de décembre omet des références au problème des sanctions et aux moyens de le résoudre.  Il a demandé en conséquence au nouveau Coordonnateur résident des Nations Unies à Damas, M. El-Mostafa Benlamlih, d’accélérer la préparation d’une étude de cas distincte pertinente, « dont nous entendons parler depuis un an ».  Après la publication de ce rapport, il a annoncé qu’il prévoit de tenir une dernière série du dialogue interactif informel pour discuter à fond des résultats semestriels des travaux sur le volet humanitaire syrien.  Il a aussi requis des informations pour une décision éclairée sur le sort de la résolution 2642 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Mme LINDA THOMAS-GREENFIELD (États-Unis) a déclaré que, conformément à la résolution 2254 (2025), l’heure est venue de trouver une solution politique au conflit qui n’a que trop duré.  Mais alors que les États-Unis attendaient une avancée sur ce sujet, ils voient la Fédération de Russie bloquer le processus, avec pour seul objectif de protéger le « régime Assad » qui y trouve un intérêt, a dit la représentante.  Elle a également exprimé des préoccupations quant aux opérations militaires dans le nord de la Syrie menées par la Türkiye, qui, selon elle, mettent en danger l’objectif commun de la lutte contre le terrorisme en plus de menacer la vie et la sécurité d’Américains présents dans la région.

S’agissant de la crise humanitaire, la représentante a dit que l’aide transfrontière s’impose, à l’heure de renouveler les autorisations.  Il s’agit d’une question morale, a lancé la représentante, citant en cela le Secrétaire général.  Par ailleurs, a-t-elle tancé, ceux qui attribuent le manque de fonds de la réponse humanitaire en Syrie aux sanctions ne cherchent rien d’autre qu’à détourner l’attention sur les questions de fond.  Aucune action humanitaire n’est affectée par ces sanctions, a-t-elle assuré.

M. MARTIN KIMANI (Kenya), au nom du Ghana, du Gabon et du Kenya (A3), a appelé toutes les parties au conflit, acteurs étatiques et non étatiques, à faire preuve d’un maximum de retenue, à éviter toute escalade des tensions et à honorer leurs obligations au titre des accords en vigueur, notamment de cessez-le-feu.  Les parties doivent garder à l’esprit que les actions militaires ne seront jamais des solutions durables; elles doivent par conséquent éviter de menacer la paix et la sécurité régionales tout en protégeant la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, a-t-il déclaré.  M. Kimani a ajouté que l’escalade de la violence en Syrie nécessite plus que jamais que soit trouvée une solution politique au conflit, toutes les parties étant tenues, dans ce contexte, de s’engager résolument dans les processus politiques en cours, notamment en coopérant ensemble au sein de la Commission constitutionnelle pilotée par les Syriens et soutenue par l’ONU.  En outre, la résolution 2254 (2015) reste la principale feuille de route pour parvenir à une solution politique durable prenant en compte le plus large éventail possible de Syriens, y compris les femmes et la société civile, a poursuivi le représentant.  Concernant la situation humanitaire, il a indiqué qu’alors qu’approche l’expiration de la résolution 2642 (2022), son pays, le Gabon et le Ghana exhortent tous les membres du Conseil à s’engager de manière constructive en vue d’assurer le renouvellement du mécanisme humanitaire transfrontière pour « garantir une assistance vitale aux millions de Syriens dans le besoin ». 

M. FERIT HOXHA (Albanie) a estimé que la situation en Syrie ne cessait d’empirer, notamment sur le plan humanitaire, et déploré l’impasse politique malgré les efforts de l’Envoyé spécial.  Il a dénoncé les frappes aériennes et les bombardements qui ont fait 75 blessés à Edleb et l’usage potentiel d’armes à sous-munitions.  Il s’est inquiété de la situation dans les camps de déplacés de Roukban et el-Hol, notamment à l’approche de l’hiver.  Le représentant a souhaité le renouvellement de la résolution 2642 (2022), soulignant l’importance de la prolongation du mécanisme d’aide transfrontière en janvier prochain et dénonçant toute tentative de politisation en vue d’obtenir des gains politiques.  Il a dénoncé une « catastrophe anthropique », accusant le régime syrien de bloquer toute transition politique et d’infliger des souffrances à sa population qu’il ne représente pas.  Il a salué la proposition visant à la création d’un mécanisme pour faire face au problème des personnes disparues et réitéré son appel pour que leur sort puisse être déterminé et que les responsables soient traduits en justice.

Mme BARBARA WOODWARD (Royaume-Uni) a déclaré que la clef de la cessation du conflit réside dans une mise en œuvre pleine et entière de la résolution 2254, et dans la reprise à Genève des réunions de la Commission constitutionnelle.  Elle a fait état d’allégations de torture et de meurtres dans les centres de détention dans toute la Syrie, en particulier à la prison Sednaya, rappelant que les États Membres de l’ONU ont été clairs en condamnant les violations systématiques des droits humains et en adoptant, au cours de ce mois, une résolution sur ces droits en Syrie.  Elle a, à nouveau, condamné ces violations et appelé à la remise en liberté des détenus.  La représentante a ensuite mis l’accent sur la situation humanitaire, qui ne fait que se détériorer, avec une énorme augmentation des nombres de personnes ayant désespérément besoin d’aide humanitaire, « surtout depuis la fermeture inutile de trois points de passage transfrontaliers depuis 2020”. Rien ne pourra remplacer l’ampleur de l’assistance humanitaire transfrontière, a-t-elle insisté, par référence au mécanisme transfrontalier, y voyant la seule possibilité de survie pour les civils. Elle s’est félicité des efforts d’acheminement de l’assistance, tout en regrettant son ralentissement en raison de l’insistance du Gouvernement syrien à vérifier tous les convois, mais aussi de la reprise des hostilités.

M. BRUNO RÍOS SÁNCHEZ (Mexique) a souligné la nécessité de reprendre les travaux de la Commission constitutionnelle qui ne s’est pas réunie depuis six mois.  De plus, la reconstruction économique, le retour sûr et volontaire des réfugiés ou la lutte contre le terrorisme sont des questions complexes qui ne peuvent être résolues qu’avec la volonté politique des parties.  À cet égard, le représentant a dit son inquiétude face à « l’abus des invocations de l’Article 51 de la Charte des Nations Unies pour justifier la lutte contre le terrorisme ».  Nous appelons, a-t-il dit, au plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie.  S’agissant de la situation humanitaire, il a jugé urgent de mettre fin aux hostilités qui aggravent la situation, alors que la population civile, dans les différentes régions du pays, continue de ne pas avoir accès aux services de base et vit dans des conditions précaires.  Compte tenu de la crise alimentaire, de l’épidémie de choléra et des besoins hivernaux, il est clair que l’on ne peut se passer d’aucun canal pour la distribution de l’aide humanitaire.  Il est donc vital, a conclu le représentant, que le Conseil renouvelle l’autorisation du mécanisme transfrontière à Bab el-Haoua. 

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) s’est inquiété de l’escalade récente au nord de la Syrie et des annonces relatives à une éventuelle intervention terrestre de la Türkiye dans le nord-est syrien.  Il a appelé à la retenue et à éviter toute initiative qui menacerait la stabilité de la région et la sécurité de ses habitants, au moment où la menace portée par Daech reste prégnante.  Rappelant que le statu quo n’est dans l’intérêt de personne, il a regretté que le « régime » refuse systématiquement toute négociation politique dans le cadre de la feuille de route que constitue la résolution 2254, avec les travaux du comité constitutionnel au point mort et le refus du « régime » de s’engager dans le cadre de l’approche « étape par étape » promue par l’Envoyé Spécial.  Il a précisé que, la France soutient cette approche.  M. de Rivière a rappelé que plus de 100 000 Syriens sont toujours portés disparus et que, à ce propos, tous les rapports des Nations Unies rendent compte de façon détaillée des crimes commis par le « régime ».  La France continuera sans relâche le combat en faveur de la lutte contre l’impunité dont bénéficie encore aujourd’hui le « régime », a-t-il lancé, avant de dénoncer la brutalité de celui-ci qui porte « l’entière responsabilité de cette situation ».  Il lui a attribué la responsabilité de la destruction du pays et de ses infrastructures en dénonçant les bombardements du « régime », qui n’a pas hésité à recourir à des armes chimiques, appuyé par la Russie et l’Iran.  C’est ce comportement qui a permis à Daesh et autres groupes terroristes de prospérer, a-t-il fait valoir.

M. de Rivière a averti qu’en l’absence de tout progrès sur le processus politique en Syrie, les positions françaises, comme européennes, sur la levée des sanctions, la normalisation et la reconstruction demeureront inchangées.  Il a ajouté que, contrairement aux accusations fallacieuses de la Russie et du « régime syrien », ces sanctions sont ciblées et visent à limiter les marges de manœuvre des responsables de ces crimes de guerre et crimes contre l’humanité. 

Concernant la situation humanitaire, il a jugé que si les progrès se poursuivent en matière d’accès à travers les lignes de front, ils ne peuvent remplacer les opérations transfrontalières, celles-ci restant indispensables pour pouvoir venir en aide aux 6 millions de personnes qui auront besoin d’une assistance humanitaire au nord-ouest, « soit 30% de personnes en plus qu’en 2021 selon les Nations Unies ».  Par ailleurs, l’absence de respect, par le « régime », du droit international humanitaire et des droits humains empêche les réfugiés syriens, accueillis par les pays voisins, de pouvoir rentrer dans leur pays en toute sécurité, a-t-il encore dit sur ce volet.  En conclusion, M. de Rivière a affirmé qu’aucune solution durable ne pourra être trouvée sans engagement du « régime syrien ».

M. GENG SHUANG (Chine) a appelé à défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie, dénonçant de récentes attaques transfrontières de la Türkiye et d’Israël qui les violent.  Il a appelé à faire cesser la présence illicite de forces étrangères en Syrie.  Il s’est inquiété de l’activité des groupes terroristes en Syrie, notamment l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et Hay’at Tahrir el-Cham.  Le délégué a exprimé son appui à un processus politique contrôlé et dirigé par les Syriens et souhaité que la Commission constitutionnelle puisse à nouveau se réunir, notamment grâce aux efforts de l’Envoyé spécial et du processus d’Astana.  Il s’est félicité du communiqué de la trente et unième réunion de la Ligue des États arabes en vue du retour de la Syrie au sein de la communauté internationale.  Il a appelé à l’application des dispositions de la résolution 2642, y compris pour ce qui concerne le mécanisme de fourniture d’aide humanitaire transfrontière et la fourniture à travers les lignes de front.  Le représentant s’est inquiété de la situation humanitaire, notamment l’absence d’électricité, de carburant et d’eau, se disant aussi préoccupé par l’épidémie de choléra qui se propage dans les pays voisins.  Il a appelé tous les pays concernés à lever les sanctions unilatérales contre la Syrie qui aggravent selon lui la crise humanitaire que connaît le pays. 

M. FERGAL MYTHEN (Irlande) a exprimé sa préoccupation face à la poursuite et à l’escalade des hostilités sur le terrain en Syrie, notamment dans le nord et le nord-ouest.  Il a condamné la série de frappes conduites par les forces progouvernementales au début de ce mois à Edleb et dans ses environs, qui ont touché plusieurs zones civiles ainsi que des camps de personnes déplacées.  Ces attaques ont fait au moins 10 morts, dont des enfants, et 27 blessés, et elles ont de nouveau déplacé 400 familles.  Jugeant ces frappes inacceptables et interdites au regard du droit international, le représentant a demandé que des enquêtes soient conduites sans délai, et réitéré la nécessité d’un cessez-le-feu national, conformément à la résolution 2254 (2015).  Le représentant a également condamné le meurtre « d’une barbarie et d’une cruauté extrêmes » de deux jeunes filles dans le camp el-Hol, révélateur du calvaire enduré par leurs habitants.  Il a appuyé la recommandation du Secrétaire général en vue de créer un mécanisme de l’ONU sur la question des disparus.  Seule une solution politique sera susceptible de rétablir la paix et la stabilité en Syrie, a-t-il conclu, encourageant la participation des femmes à ce processus. 

M. MOHAMED ISSA ABUSHAHAB (Émirats arabes unis) a déclaré que la communauté internationale doit donner la priorité au peuple syrien et ne pas « politiser » le renouvellement du mécanisme transfrontière.  Il a rejeté l’intervention étrangère et appelé à sauvegarder la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la Syrie.  Sortir de l’impasse politique reste la seule solution à la crise, ce qui implique d’intensifier les efforts diplomatiques à tous les niveaux.  À cet égard, le représentant a salué les efforts de l’Envoyé spécial et réaffirmé le rôle de la Commission constitutionnelle en tant que plateforme pour un dialogue national constructif entre, par et pour les Syriens, sans ingérence extérieure et « à l’écart des complications géopolitiques ».  Sur le plan humanitaire, le représentant a plaidé pour des projets de relèvement rapide afin de reconstruire les sociétés et les infrastructures syriennes, y compris l’accès à l’électricité.  Il a également souligné l’importance de fournir une aide humanitaire à toutes les régions syriennes, à la fois au-delà des frontières et à travers les lignes de conflit, dans le but d’augmenter les livraisons à travers ces lignes.  Le niveau accru de violence dans les camps syriens exige en outre de redoubler d’efforts pour assurer la protection de milliers de femmes et d’enfants. 

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) s’est dit très préoccupé par l’apparition d’épidémies de choléra et de leishmaniose dans les camps syriens, espérant que les actions de relèvement rapide, ainsi que le travail inlassable effectué par OCHA, l’OMS et d’autres agences des Nations Unies sur le terrain, pourront aider à atténuer les souffrances des personnes touchées.  À mesure que les défis et les crises s’accumulent, les fonds humanitaires se raréfient, a-t-il déploré, ajoutant que l’arrivée de l’hiver rend la situation encore plus précaire pour quelque six millions de personnes.  Un financement de l’aide humanitaire insuffisant exacerbe les problèmes de sécurité, a averti le délégué.  Par sa contribution continue à l’effort humanitaire et grâce au maintien d’une présence diplomatique à Damas, y compris pendant les phases les plus aiguës du conflit, le Brésil honore ses responsabilités et continuera de le faire jusqu’à ce que la Syrie devienne un pays démocratique, a-t-il assuré.  Le délégué a espéré que le Conseil de sécurité saura trouver bientôt un terrain d’entente autour d’un processus « le plus fluide possible ».  Il a conclu en indiquant que le Brésil, sur la base des rapports du Secrétaire général de l’ONU, se tient prêt à travailler à l’atténuation des sanctions au profit du peuple syrien.

M. ALHAKAM DANDY (République arabe syrienne) a noté que l’examen, quatre fois en l’espace d’un mois, des volets politique et humanitaire, et d’autres défis actuels en Syrie, fait dire à certains membres du Conseil qu’il s’agit d’une perte de temps et d’un gaspillage de ressources.  Or, a-t-il relevé, ce sont ces mêmes pays qui, parallèlement, refusent de contribuer à relever les principaux défis posés à la Syrie par la présence terroriste et les atteintes à sa souveraineté nationale ainsi que par les effets catastrophiques des sanctions coercitives unilatérales qui occasionnent tant de souffrances à la population.  Il a dénoncé les frappes récentes par la Türkiye et les mercenaires des groupes terroristes, qui viennent de lancer plusieurs attaques militaires contre le nord de la Syrie, causant de graves dégâts et des pertes civiles.  Il a condamné, dans les termes les plus vigoureux, les prétextes avancés par le « régime turc », lequel continue d’appuyer le Front el-Nosra.  Il a aussi rejeté la présence militaire américaine sur son territoire, qui représente une violation de l’intégrité territoriale syrienne, avant de dénoncer le fait que le Conseil demeure muet face à la longue occupation israélienne du Golan. 

Faisant part des efforts gouvernementaux syriens, le représentant a rappelé le décret présidentiel, très large, qui visait à un retour à la normale, ainsi que le lancement, en mai, d’un processus de dialogue intersyrien.  Il a appelé les pays occidentaux au respect des principes directeurs de l’assistance humanitaire et leur a demandé d’honorer leurs engagements financiers alors qu’à peine la moitié des fonds promis ont été versés jusqu’à présent.  Il a ensuite mis l’accent sur les activités de déminage, ainsi que sur leur financement, qui peuvent faciliter le retour des Syriens dans leurs villages et lieux de vie. 

Le délégué syrien a ensuite dénoncé l’opposition des pays occidentaux à la participation de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme en Syrie au dialogue interactif début novembre.  Celle-ci avait en effet confirmé que les sanctions unilatérales causent une pénurie de médicaments et de matériel médical, entravent l’accès à l’eau, au transport et à d’autres services de base, raisons pour lesquelles elle avait exhorté à la levée immédiate de telles sanctions.  Le représentant a de plus fustigé l’utilisation de l’eau comme arme de guerre.  Il a condamné les États occidentaux, comme la France et les Pays-Bas, dont des délégations sont entrées illégalement sur le territoire syrien.  Il a estimé, en conclusion, que les réunions du Conseil de sécurité resteront lettre morte tant que l’on ne veillera pas à véritablement combattre le terrorisme, à cesser de l’appuyer et à tarir ses sources de financement, à mettre fin à la présence militaires illégale de la Türkiye et des États-Unis sur le territoire syrien, et à lever les « sanctions coercitives unilatérales inhumaines et immorales ».

M. AMIR SAEID JALIL IRAVANI (Iran) a déploré la situation humanitaire désastreuse et les difficultés économiques persistantes de la Syrie, s’inquiétant de la flambée des cas de choléra.  Il a salué les efforts déployés par l’ONU et ses agences pour apporter une aide humanitaire à ceux qui en ont besoin, ainsi que leur coopération dans la mise en œuvre de la résolution 2642 (2022).  Dénonçant les mesures coercitives unilatérales imposées par les pays occidentaux, le représentant a estimé qu’elles aggravaient la situation, affectant la santé publique et la sécurité alimentaire en Syrie.  Il a déploré que les pays donateurs hésitent à apporter le financement nécessaire au plan de réponse humanitaire pour la Syrie, qui n’est financé qu’à 42%.  Il a également regretté l’absence de progrès visibles dans la distribution transversale d’aide humanitaire, dénonçant la répartition « inéquitable et discriminatoire » des projets de relèvement rapide.  Soulignant l’importance du mécanisme d’aide transfrontière, il a affirmé que ses lacunes et les préoccupations légitimes de la Syrie devaient être traitées pour la période de prorogation ultérieure.  D’après le représentant, la convocation de la prochaine réunion de la Commission constitutionnelle est essentielle pour parvenir à une solution politique.  La cessation de l’occupation ainsi que le plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie sont des conditions préalables à toute solution politique, a-t-il affirmé.  Lors de la dernière réunion du processus d’Astana, les 22 et 23 novembre dernier, les participants ont souligné la nécessité de lever les obstacles à l’aide humanitaire et d’augmenter son volume pour qu’elle parvienne à tous les Syriens, sans discrimination ni conditions préalables.  Le représentant a en outre estimé que toute opération militaire dans le nord de la Syrie ne ferait qu’aggraver une situation humanitaire déjà difficile.  Il a condamné le « pillage » des ressources naturelles, en particulier les produits pétroliers, dans les zones occupées par les forces étrangères, dénonçant une violation évidente de la Charte des Nations Unies.  Il a enfin appelé le Conseil de sécurité à condamner « les attaques terroristes continues du régime israélien contre la Syrie », dénonçant un ciblage systématique et intentionnel des infrastructures civiles, en particulier des aéroports commerciaux et des expéditions humanitaires. 

M. FERIDUN HADI SINIRLIOĞLU (Türkiye) a estimé que l’aide transfrontière est un impératif moral, qui de ce fait ne doit pas être ponctuelle, mais pérenne.  En ce qui concerne son renouvellement, il a déclaré qu’il ne revient pas au Conseil de sécurité de décider qui doit recevoir une aide humanitaire ou non.  Il doit uniquement mettre en place le mécanisme qui permet de la distribuer, et ce sans politisation, a-t-il argué.  S’agissant du processus politique, il a souhaité la reprise des réunions de la Commission constitutionnelle, qui est à l’arrêt depuis plusieurs mois.  Il a fait valoir que l’opposition syrienne a fait montre de son ouverture et regretté que le processus reste bloqué, par l’intransigeance du Gouvernement syrien. 

S’exprimant sur les opérations militaires conduites par son pays au nord de la Syrie, le représentant a expliqué que les YPG/PKK font peser de graves menaces sur son pays et sur sa sécurité.  « Cette organisation » revendique sur les réseaux sociaux des attaques terroristes menées contre la Türkiye, qui ont fait des morts à Istanbul et à Gaziantep, en plus d’appeler à la vengeance contre la Türkiye, a-t-il dénoncé.  De son avis, aucun pays ne peut tolérer que des activités terroristes se déroulent à ses frontières et le Conseil de sécurité ne le devrait pas non plus.  La Türkiye continuera ses opérations antiterroristes pour protéger sa population, dans le plein exercice de son droit à la légitime défense et conformément à l’Article 51 de la Charte des Nations Unies, a-t-il déclaré.

S’adressant directement aux délégations qui ont émis des préoccupations quant aux risques que font courir ces opérations sur la lutte contre le terrorisme, le représentant a dit avoir plusieurs fois mis en garde contre la tentative de sous-traiter la lutte contre Al-Qaeda et Daech à des groupes armés.  « Vous pouvez les soutenir, les renommer en Forces démocratiques syriennes, les qualifier de démocratiques -ce qui est une insulte à la démocratie-, vous ne changerez pas la nature terroriste de ces groupes », a affirmé le représentant, réitérant que son pays continuera de lutter contre les YPG/PKK.  Il a également dit ne pas vouloir répondre au représentant de la Syrie. 

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